Les contemplées - Pauline Hillier
C'est en visitant une des librairies que je fréquente que je suis tombée sur ce roman autobiographique de Pauline Hillier qui doit se passer dans les années 2010 (en 2013, très exactement). Dans Les contemplées (177 pages captivantes), la narratrice vient d'être arrêtée à Tunis après une manifestation pour avoir défendu une Tunisienne emprisonnée. Elle passera un mois dans la prison pour femmes de La Manouba, "la mangeuse de femmes, p. 21", dans un pavillon (le D) où s'entassent vingt-huit détenues dont elle. Ce pavillon fait 30 m2... Pendant plus de 160 pages, on est happé par la description des conditions de survie dans la prison où les conditions d'hygiène, de promiscuité sont déplorables. Elle, la Française qui ne parle pas l'arabe, va tout de même communiquer avec ses camarades d'infortune, jeunes et vieilles, condamnées de manière expéditives, la plupart du temps pour crimes plus ou moins graves: vol, adultère mais aussi meurtres pas forcément prémédités. Ces femmes sont solidaires entre elles. Le récit alterne entre la vie quotidienne dans la prison et les récits de quelques-unes des prisonnières, qui payent le prix fort pour leur crime parce qu'elles sont des femmes. Certaines n'ont même pas été jugées. Les détenues se lèvent tôt pour ne rien faire de leur journée. Les promenades durent un quart d'heure, et pas tous les jours. C'est comme prendre une douche. La nourriture est assez immonde. Il y a des fouilles au corps assez musclées. Et puis il y a les cafards et les rats. Le titre du roman renvoie certainement au fait que parmi les objets personnels que la narratrice a pu garder avec elle, il y avait un exemplaire des Contemplations de Victor Hugo. Dans le dernier chapitre, elle rend hommage à ces Contemplées de la Manouba. Au final, la narratrice décrit des faits, sans aucun pathos. Cela rend le roman très prenant. Je le conseille absolument.
Lire les billets de Keisha, Matatoune, Belette2911, Au fil des livres, Delphine-Olympe.
Jeanne du Barry - MaÏwenn
Après Marie-Antoinette de Sofia Coppola en 2006, une version plutôt “rock and roll” de l'histoire de France, voici Jeanne du Barry de Maïwenn, le film qui a fait l'ouverture hors compétition du Festival de Cannes 2023. Je n'avais vu aucune bande-annonce mais je me suis fiée aux bonnes critiques sur les blogs. Je les en remercie car j'ai passé en effet un bon moment en compagnie de Jeanne Becu devenue Jeanne, Comtesse du Barry par son mariage. Cette fille “de rien” est devenue la dernière maîtresse de Louis XV pendant six ans, à partir de 1768 jusqu'à la mort du roi en 1774. Une grande partie du film a été tournée au Château de Versailles et c'est un plaisir de le contempler de loin et de près et en le survolant. Pour que Jeanne puisse être présentée au roi à Versailles, il fallait qu'elle se marie avec un noble. Le comte du Barry, avant d'être l'amant et le mari de Jeanne, aaussi été son proxénète. C'est vrai qu'entre le couvent et la galanterie, Jeanne dit bien qu'elle préfère la galanterie. Remarquée par le roi, Jeanne va devenir sa maîtresse après avoir été examinée de manière très intime par des médecins qui la déclarent apte à partager la couche du roi. Pour en venir à Johnny Depp dans le rôle de Louis XV, je trouve qu'il s'en tire bien. Il a plus de dialogues que je ne le pensais. Le couple qu'il forme avec Maïwenn est souvent touchant. C'est avant tout une jolie histoire d'amour. Il n'y a aucune scène osée, ou alors elle se déroule hors champ, comme celle entre le duc de Richelieu (Pierre Richard) et Jeanne. C'est un film relativement sage. En revanche, j'ai trouvé intéressant le traitement des personnages secondaires comme les filles de Louis XV. Ce sont de véritables pestes. La vie à la cour ne devait pas être de tout repos et Jeanne était haïe par beaucoup, car elle n'avait pas beaucoup de respect pour l'étiquette et puis c'était une roturière. Et il faut noter que l'on nous montre comment on ne tournait pas le dos au roi quand on quittait une pièce. On sortait à reculons à petits pas. Précipitez-vous vers ce film!
Lire les billets de Pascale, Henri Golant, Princecranoir.
Umami - Slony Sow
Bien que j'aie lu et entendu de très mauvaises critiques sur Umami de Slony Sow, et quoique, par ailleurs, Gérard Depardieu soit accusé d'agressions sexuelles à l'encontre de plusieurs jeunes femmes, je suis allée voir Umami avec mon ami Ta d loi du cine avant qu'il ne soit trop tard. Et en effet le film, sorti dans peu de salles, ne se donne presque plus désormais. J'ai lu que le film était indigeste, inintéressant et caricatural. Je trouve cette critique injuste. Comme l'a écrit Henri Golant, c'est un film revigorant. Gabriel Carvin (Gérard Depardieu) est un chef étoilé dans la région de Saumur. Il est le père de deux fils dont l'un est cuisinier. Cependant, Gabriel n'a plus goût à cuisiner et il décide de partir au Japon, sans prévenir personne sur sa destination. Il compte revoir un cuisinier japonais qui l'avait battu lors d'un concours de cuisine, 42 ans auparavant. A l'occasion de ce voyage, il va goûter l'umami, la cinquième saveur très en vogue au Japon. Tout le monde connaît le salé, le sucré, l'acide et l'amer; il y a donc aussi l'umami [glutamate monosodique]. Débarquant au Japon sans parler un mot de japonais, Gabriel retrouve assez vite Tetsuichi Morita, aujourd'hui à la tête d'un petit restaurant qui ne paye pas de mine. Ce dernier a une fille très sympathique et une petite-fille qui parle le français et lit Les Misérables en VF. Ce film permet de découvrir les hôtels “capsules”. On voit Depardieu en kimono faire du tricycle dans la neige. J'avoue avoir été agréablement surprise par ce film sans prétention. Il donne envie d'aller découvrir le Japon enneigé et de goûter la cuisine niponne.
La trilogie "La Dame de Reykjavik" - Ragnar Jonasson
J'ai emprunté les trois romans de Ragnar Jonasson ci-dessus en bibliothèque. Pour l'anecdote, les romans sont classés au prénom de Rag (pour Ragnar) et non Jon (pour Jonasson). J'en ai demandé la raison. Les responsables de la biblothèque ont respecté la norme internationale pour les noms islandais de classer les livres sous le prénom comme pour Ava Audur Olafsdottir (les romans sont classés au nom d'Ava). Toujours est-il que dans d'autres bibliothèques parisiennes, les romans de Ragnar Jonasson sont bien classés à Jonasson.
Comme j'avais les trois romans en même temps, j'ai choisi de commencer par le roman publié le plus récemment, La dernière tempête, qui se passe 25 ans (en 1987-88) avant La dame de Reykjavik. J'ai continué par L'île au secret qui se déroule 15 ans (en 1997) avant La dame de Reykjavik et j'ai terminé par ce dernier roman situé vers 2012. J'ai mis trois jours entiers à lire les trois romans, dont le personnage central est l'inspectrice Hulda Hermansdottir.
Dans Après la tempête (La Martinière Noir, 281 pages), Hulda a 40 ans, une fille, Dimma (13 ans), et un mari, Jon. Les relations avec sa fille sont tendues. C'est une gamine qui a des problèmes sans que l'on sache lesquels. Et d'ailleurs, elle se suicide. Les relations d'Hulda avec sa hiérarchie et ses collègues ne sont pas simples non plus. Hulda va être chargée d'enquêter dans les fjords de l'est. Einar et Erla, un couple qui vivait dans une maison isolée battue par les vents et la neige, attendaient leur fille Anna pour Noël. Einar et Erla sont retrouvés assassinés deux mois après. Un troisième cadavre est découvert pas loin de la maison. C'était un homme qui recherchait sa fille disparue et qui avait été hébergé par le couple. Hulda, par déduction, va trouver assez vite les raisons de ces morts tragiques auxquelles il faut en ajouter une quatrième. J'ai trouvé que Jonasson avait imaginé une histoire très noire. Lire les billets d'Anthony et Lewerentz.
Cela ne s'améliore pas avec L'île au secret (La Martinière Noir, 333 pages). Hulda qui a atteint la cinquantaine, vit désormais seule car son mari Jon est décédé deux ans après leur fille Dimma (Obscurité). Dans ce volume, Hulda, qui n'a jamais été proche de sa mère, va partir à la recherche de son père américain. Il était militaire dans les années 40 et avait été basé en Islande dans une base militaire américaine près de Reykjavik. A Savannah, en Georgie, elle fait la connaissance de Robert, qui nie être son père. Hulda va souffrir toute sa vie d'être une fille sans père. Côté enquête, l'île Ellidaey est le théâtre d'un crime. Quatre jeunes gens, deux filles et deux garçons qui se connaissent depuis dix ans mais qui s'étaient perdus de vue, décident de passer un week-end sur une île habitée que par des moutons. On se rend compte que les relations entre Klara, Alexandra, Benedict et Dagur sont tendues. Après une chute, le corps de Klara va être retrouvé en bas d'une falaise. Qui est le ou la coupable et pourquoi. Quels sont les liens relient les protagonistes? On le saura à la toute fin du roman qui comporte pas mal de reboudissements. Encore une histoire assez tordue. Lire les billets de Lewerentz et Richard.
Avec La Dame de Reykjavik (La Martinière Noir, 260 pages), les choses ne s'arrangent pas pour Hulda qui est poussée vers la retraite sans ménagement. C'est une femme au bout du rouleau qui aspire à un peu de bonheur en compagnie de Petur, un randonneur comme elle, médecin à la retraite. Il reste trois jours à Hulda pour résoudre un "cold case". Elena, une jeune femme russe, a été retrouvée morte sur un rivage. La thèse du suicide a été privilégiée alors qu'Elena venait d'être régularisée. Hulda se rend compte que l'enquête a été bâclée. Elle doit aussi affronter Magnus, son supérieur hiérarchique pas tendre avec elle. En trois jours, elle arrive à comprendre ce qui s'est passé. Sans rien vous dire de plus, je dirais que le roman se termine de manière tragique. Lire les billets d'Eva, Hélène, Lewerentz, Richard et Violette.
L'homme debout - Florence Vignon
J'avais lu il y a quelques années le roman Ils désertent de Thierry Beinstingel qui m'avait beaucoup plu. L'homme debout de Florence Vignon avec Jacques Gamblin (trop rare sur nos écrans) et Zita Henrot est une adaptation du roman. Clémence Alpharo (Zita Henrot), d'origine chilienne par son père, a quitté sa province pour prendre ailleurs un poste (en CDD) de responsable d'équipe commerciale dans une petite société de papier peint. Le patron de Clémence, qui veut rajeunir les effectifs, demande surtout à ce qu'elle pousse un certain Giffard vers la sortie. Or, Henri Giffard a pratiquement créé la boîte. Il a tous ses trimestres, il pourrait avoir une retraite tranquille et heureuse mais s'accroche à son travail de VRP, sa raison de vivre. J'ai trouvé le personnage de Giffard très émouvant. C'est un passionné pour beaucoup de choses et il s'y connaît en vin. Face à lui, Clémence, contrainte et forcée si elle veut décrocher un CDI, pratique le harcèlement moral en obligeant Giffard à faire des missions de plus en plus éloignées de chez lui. Leurs situations familiales à tous les deux sont compliquées. J'ai aimé ce film pour l'histoire et pour les acteurs. Un "petit" film sympathique.
Mémoires / Vivre et laisser mourir, le livre d'un film - Roger Moore
Il y a quelques semaines, lors d'une recherche physique, est remonté à la surface le contenu d'une des PAL de dasola. J'ai (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) alors été "happé" par ce livre, que j'avais moi-même acheté il y a des années, "en solde", au hasard d'une halte dans une station d'autoroute (je sais, c'est pas bien). Et j'ai décidé d'en faire un billet, en y rajoutant un autre titre "du même auteur" que j'avais chiné en 2020, pour ce sixième anniversaire du décès de Roger Moore.
Mémoires (avec Gareth Owen), trad. Marie-Céline Mouraux, First Editions, 2015, 19,95 euros (édition originale publiée sous le titre Last Man Standing: Tales from Tinseltown, 2014)
Vivre et laisser mourir : Le Film d'un film, Plon, 1973 (trad. par France-Marie Watkins)
Ecrit avec l'aide de Gareth Owen (sur lequel la seule chose que l'on apprend [p.271], c'est qu'une fois de plus il a "donné corps aux velléités d'écrivain" de Roger Moore), ce livre se présente (dans l'introduction de RM) comme la suite de James Bond par Roger Moore : 50 ans d'aventures au cinéma (publié en 2012 pour l'édition française), à laquelle il est parfois fait allusion dans le texte par "j'ai déjà raconté ailleurs...". Dans ces Mémoires, RM rebalaie ici une carrière étendue sur plus de soixante ans, où il raconte des anecdotes qui sont arivées à lui-même, mais aussi à d'autres en sa présence, ou bien que d'autres célébrités lui ont racontées leur être arrivées, ou encore d'autres "de notoriété publique" (?) sans qu'il cite sa source... Il a croisé sur son chemin bien du beau monde, c'est certain (l'Index comporte pas moins de huit pages en petits caractères sur deux colonnes)! L'ouvrage est bien écrit, enlevé, et l'édition contient des photos de Roger Moore à tous âges, dans des spectacles et films pour certaines, ou lors d'événements pour les plus récentes... Une lecture distrayante, et qui peut nécessiter de fréquentes consultations d'internet pour resituer les personnes ou les films dont il parle! Le livre, organisé à ce qu'il semble de prime abord en 8 chapitres, saute souvent du coq à l'âne, sans vraiment de fil conducteur, en tout cas pas toujours de manière chronologique. Je dirai, à titre d'anecdote, que Tony Curtis, partenaire dans la série mythique Amicalement vôtre (The Persuaders! en VO), excellent compagnon au demeurant, en prend pour son grade (près de ses sous, réticent à refaire des prises, encore davantage à post-synchroniser ses répliques...). Il était déjà décédé quand le livre est sorti...
Si vous êtes curieux d'histoires de télévision, de cinéma et d'acteurs anglais amusantes à lire, je vous conseille cette lecture intéressante.
En 1973, la couverture de l'autre livre présenté joue sur l'ambiguïté, la tranche encore plus. Sur celle-là, on lit seulement James Bond - Roger Moore. Sur la couverture, où il y a davantage de place, on lit ensuite, en caractères un peu plus petits: Le livre d'un film / Vivre et laisser mourir. Ce n'est qu'en page de garde que l'on peut découvrir la véritable identité du livre: titre principal Le film d'un livre, en-dessous (en plus petit) Vivre et laisser mourir (Live and Let Die). Le livre a été traduit en français en 1973, l'année même de sa sortie en anglais, par France-Marie Watkins, traductrice bien connue pour la catégorie "roman populaire" (je dois posséder quelques livres de feue la collection Western-Le Masque, Librairie des Champs Elysées). Rappelons qu'il s'agissait du premier film où Roger Moore prenait la suite de Sean Connery (ce dernier ayant joué auparavant six fois le rôle de James Bond): un bon plan marketing...
Et le livre commence à 100 à l'heure, précisément au moment où Roger Moore répète sans caméra la course en hors-bord... et se prend une petite gamelle. Il cadre ensuite l'histoire du tournage qu'il fait commencer au départ de Londres le dimanche 8 octobre 1972. [je suppose que tout le monde connaît le film par coeur, est est donc capable de visualiser les scènes auxquelles je peux faire allusion. Non? Bah je vais faire comme si: z'avez qu'à le (re)voir!].
Tout au long du film, RM nous livre ses impressions sous forme de chronique au jour le jour, en interaction avec ses partenaires (réalisateur, producteur, acteurs, cascadeurs, journalistes, collègues en visite...), parsemé de quelques anecdote (j'ai perdu le nombre de mariages célébrés, mais il y en a eu plus d'un!). La vie, sur le tournage, c'est un travail répétitif et prenant, parfois émaillé d'incidents plus ou moins graves survenus sur le tournage. Mais tout au long, il n'oublie pas de manger, boire, revoir de vieilles connaissances déjà croisées sur un autre tournage TV ou cinéma, jouer aux cartes avec le producteur... et les corvées que sont les photos ou les interviews de presse, elles aussi répétitives: "En quoi votre Bond diffère-t-il de celui de Sean Connery?", quand ce n'est pas "Combien êtes-vous payé?" (réponse: "je ne parle jamais d'argent, sauf avec mon banquier, mon impresario et mon percepteur!" [p.91]). Et pour modestie garder, il cite son gamin de 6 ans, Geoffrey, qui lui demande à peu près: "tu peux battre n'importe qui, même un voleur? - Bien sûr. - Et si James Bond arrivait? - James Bond, c'est moi. - Non. Je veux dire le vrai James Bond: Sean Connery" (p.49). Plus généralement, d'une jolie plume, il nous dévoile les dangers véritables courus par les acteurs et l'équipe pour un résultat spectaculaire à l'écran. La magie du cinéma, tu parles. Il nous révèle encore les dessous de la post-synchronisation, sans perdre son humour: "quand j'y pense, il m'est arrivé de voir à l'étranger des films de moi, doublés par d'autres acteurs dans des langues étrangères et j'ai souvent eu l'impression que la traduction était meilleure" (p.216).
Ce livre semble ne jamais avoir été réédité: si vous le croisez dans une bouquinerie, n'hésitez pas!
Et je finis ce billet en répondant à la question que vous vous posez tous, maintenant: non, l'autobiographie de Sean Connery, publiée en 2008 sous le titre Being a Scot (écrite avec Murray Grigir, traduisible par "Etre Ecossais"), ne semble pas avoir été traduite en français...?
L'Evangile de la colère - Ghislain Gilberti / Les filles de Caïn - Colin Dexter
Avec L'Evangile de la colère de Ghislain Gilberti (Editions J'ai Lu, 537 pages), on assiste à une suite de meurtres dans la banlieue de Paris. Seth Kohl, qui est le chef du groupe chargé de l'enquête, fait partie de la Brigade criminelle du SRPJ de Versailles. Il est entouré d'une équipe solide. Assez vite, les policiers se rendent compte que le meurtrier suit un modus operandi qui sort de l'ordinaire. Il s'inspire des Danses macabres d'Holbein le jeune dessinées au XVIème siècle en commençant par la fin si je puis dire, puisque c'est un enfant et un agriculteur qui sont les première victimes. 100 pages avant la fin, le meurtrier est neutralisé mais un autre prend sa place. Je vous laisse découvrir toutes les péripéties de ce roman qui se lit bien.
Après avoir évoqué Les enquêtes de Morse comme série télévisuelle, voici l'inspecteur Morse vieillissant, dans un des treize romans traduits en français et écrits par Colin Dexter (1930-2017). Ces romans parus aux Editions 10/18 à la fin des années 90 ne sont plus disponibles, sauf deux réédités aux éditions Archipoche. Je me suis procuré d'occasion Les filles de Caïn (Edition 10/18, 384 pages) dans une librairie spécialisée. J'ai beaucoup aimé ce roman dans lequel Morse et le sergent Lewis enquêtent sur la mort de deux hommes (dont un professeur d'université) qui ont été poignardés (pas par le même couteau). Il y a trois suspectes dont l'une tombe amoureuse de Morse. L'enquête comporte des rebondissements. Le personnage de Morse n'est pas forcément très sympathique car il est colérique, mais on s'habitue à lui comme le sergent Lewis, souvent un peu à la traîne. Et Morse est toujours un accro à la nicotine, à la bière et au whisky. Il est radin sauf exception et c'est un admirateur de la tétralogie de Richard Wagner. Si vous avez l'opportunité de trouver un des romans de Colin Dexter, n'hésitez pas à le lire.
Le Principal - Chad Chenouga
Dans Le Principal, on a le plaisir de retrouver Roshdy Zem, devenu un acteur incontournable dans le cinéma français (et c'est mérité). Il interprète avec conviction Sabri Lahlali, principal adjoint d'un collège de l'Est de la France. C'est un homme qui a certainement dû beaucoup travailler pour en arriver à ce poste. Il n'a que de bonnes appréciations et d'ailleurs, une promotion l'attend. Il partage la garde de son fils Naël avec Noémie (Marina Hands, lumineuse), son ex-compagne et professeur dans le même collège. Il s'entend très bien avec Estelle (Yolande Moreau, toujours très bien), la Principale du collège, une férue de lecture. Sabri s'occupe aussi de son frère Saïd, un marginal qui a beaucoup de problèmes. Sabri met la pression sur Naël pour que ce dernier, qui est en troisième, réussisse le brevet des collèges. Naël semble relâcher ses efforts, au grand désespoir de son père, qui va commettre un acte répréhensible pouvant remettre en cause son avenir. Le film est court, moins d'une heure trente. Il démarre un peu lentement mais le réalisateur ne lâche jamais Sabri qui est de tous les plans. C'est un film que je conseille, tout comme Pascale.
La révole nature - Aline Geller
Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) n'ai pas réussi à emmener avec moi la "maîtresse de blog" découvrir dimanche dernier La révole nature, le film documentaire objet du présent billet, au cinéma L'Entrepôt (75014). C'est dommage, car la documentariste était présente, ce que j'ignorais lorsque j'ai décidé d'aller le voir.
Ce documentaire a pour sujet le vin naturel, c'est-à-dire plus que "Bio": comme il est dit dans le documentaire, le jour où il sera obligatoire d'afficher sur l'étiquette d'une bouteille tous les produits utilisés pour le raisin d'abord, la vinification ensuite (ce qui semble prévu pour fin 2023?), le consommateur sera peut-être quelque peu désabusé par ce produit-phare en France, dont une bonne part de la production française est exportée. Les producteurs de "vin naturel", minoritaires voire marginaux, revendiquent de ne mettre dans leurs bouteilles que du raisin fermenté. Certains s'autorisent du sulfite (?) pour la conservation. L'association des vins SAINS (Sans Aucun Intrant Ni Sulfite), qui compte peut-être une quinzaine de producteurs, se veut encore plus intransigeante. Lors du film, nous assistons aux rencontres avec plusieurs paysans-vignerons, viti-viniculteurs, organisateurs ou -trices de salon professionnels, gérants de bar à vin... Chacun avec leurs personnalités et leurs parcours: beaucoup de barbus (baba cools) d'âge certain, mais aussi de jeunes "chefs d'entreprises" qui ont repris les vignes familiales pour les conduire et vinifier d'une manière différente des pratiques de leurs parents (ce qui n'est pas toujours simple). Tel ne touche pratiquement pas la terre ni les ceps, d'autres pratiquent le labour à traction chevaline, un autre rajoute du compost. La vinification se fait ici "en amphore" (cuve enterrée à côté des vignes), là en cuve de béton... Certains s'interdisent de vinifier d'autres raisins que ceux de leurs propres vignes, d'autres relèvent le "challenge" de chercher à faire quelque chose avec une "matière première" qui ne vient pas de leurs propres terres... ("négoce"). On assiste à plusieurs vendanges (événements festifs compris), à des dégustations (recrachées au seau!). Les producteurs peuvent être écoeurés de voir une bouteille qu'ils ont vendue 20 euros (oui, le vin naturel est plus cher que le "conventionnel" qu'on trouve en Grande Distribution!) revendue à 600 euros sur internet et devenue objet de spéculation au lieu d'être dégustée. La production est parfois confidentielle: 300 bouteilles pour une cuvée. Crève-coeur de refuser un carton de 6 bouteilles à un amateur qui s'est déplacé... Parfois, c'est plus de 75% de la production qui part à l'étranger. Chez certains revendeurs qui ont fait le choix de l'achat en fût et de la revente "à la tireuse", une bouteille peut par contre être vendue à moins de 10 euros aux amateurs peu fortunés. On peut en fin de film percevoir la crainte que cette notion de "vin naturel" finisse par être "récupérée", pour des raisons marketing, par des "marques" qui en feront une niche dans leurs ventes (comme cela s'est produit pour le commerce équitable ou pour le bio).
A l'issue de la projection, la petite trentaine de personnes (dont quelques professionnels!) s'est dirigée vers l'espace "restauration" de L'Entrepôt et a eu la possibilité de déguster telle ou telle production. C'est là que j'ai pu entendre la documentariste parler avec telle ou telle personne, et échanger moi-même durant quelques minutes avec elle. Elle appréciait ces toutes premières projections sur grand écran, dans une vraie salle de cinéma. Au départ, c'est une série qui était prévue, et il a fallu resserrer. Apparemment, par rapport à un montage précédent que certains avaient eu l'occasion de voir, 7 minutes avaient été retirées. Le film a été tourné en équipe très légère (2 ou 3 personnes), sauf pour les événements (salons ou vendanges) pour lesquels il fallait être en place avant, pendant et après, pour être sûr de capter tous imprévus. Je lui ai demandé si le documentaire passerait à la télé, si un DVD était prévu, si un livre serait publié en complément... Elle aimerait bien, mais dans l'immédiat, le film doit "vivre": sortir dans d'autres salles à Paris, puis tourner en province.
Le film devrait encore être visible cette semaine à L'Entrepôt. D'ici quelques semaines, si tout va bien, il devrait sortir dans quelques salles UGC (sauf s'il s'agissait d'une plaisanterie que je n'aurais pas comprise!) et dans quelques salles indépendantes, par exemple le Saint-André des Arts.
Pour ma part, j'apprécie de voir des documentaires et de pouvoir discuter avec l'équipe, même si cela ne donne pas toujours lieu à un billet: Bricks, Des bobines et des hommes (vus avec dasola). Il m'est aussi arrivé de me rendre à des projections-débats "militantes" organisées par telle ou telle association ou AMAP locale (voire d'y être "missionné" au titre d'intervenant...), pour Traits de vie, Les petits gars de la campagne, La part des autres, ...
Je vais rajouter quelques éléments bibliographique "pour en savoir plus":
Plaidoyer pour le vin naturel, Eric Morain, éd. Nouriturfu, 2019 (que j'avais versé après lecture au système de prêt de livres de l'AMAP dont je fais partie).
Deux livres de Christophe Beau, dans la collection "Pratiques utopiques" des éditions REPAS: La danse des ceps (1ère éd. 2003) et Pour quelques hectares en plus (2011).
Aline Geller m'a cité Valentin Morel, je pense qu'il s'agit de l'auteur du livre Un autre vin (Flammarion, 2023). Je ne l'ai pas (encore) lu.
Le coeur de l'hiver - Craig Johnson
Cela faisait un moment que je n'avais pas lu de roman de Craig Johnson. Après une visite dans une des nombreuses bibliothèques parisiennes que je fréquente, j'ai emprunté Le coeur de l'hiver (Edition Gallmeister, 377 pages), le plus récent roman de Craig Johnson paru en français. Dans ce roman, on retrouve le shérif Walt Longmire loin de ses terres du Wyoming. Il est au Mexique afin de délivrer sa fille Cady des griffes d'un dangereux narcotraficant, Tomas Bidarte. Pour information, Le coeur de l'hiver est la suite de The Western Star que je n'ai pas lu. Dans Le coeur de l'hiver, Walt Longmire pour sauver sa fille doit surmonter quelques obstacles administratifs car tant le FBI que les autorités mexicaines voient la venue de notre shérif sur le territoire mexicain d'un très mauvais oeil. Heureusement, il trouve de l'aide grâce à différents personnages: un homme nommé Voyant qui est aveugle, son neveu Alonzo ; Adan, un médecin, et sa soeur Bianca, ainsi qu'un jeune Apache qui a eu la langue coupée par un homme du Cartel mais qui est un tireur hors-pair. Le rythme du récit est trépidant, les cadavres nombreux. Je ne vous dirais rien de la fin que vous pouvez deviner. Un roman qui se laisse lire.
A nous la terre ! - Collectif
Un billet express pour un petit recueil de nouvelles que j'ai (ta d loi du cine, "squatter "chez dasola) lu très rapidement!
A nous la terre, 9 auteurs, 2021, Folio n°7003, 136 pages, 5 euros
J'ai trouvé cet opuscule dans un bac de bouquinerie pour 20 centimes d'euros. le sous-titre "Les écrivains s'engagent pour demain", et certains des noms sur la couverture, m'ont fait m'en saisir. Je ne le regrette pas, même si (c'est le jeu de la diversité!) certaines nouvelles m'ont davantage "parlé", intéressé ou plu, que d'autres.
* Le côté gauche de la plage - Catherine Cusset (10 pages): souvenirs de baignade - nue, de l'enfance à l'âge mûr. Cela ne m'a pas trop parlé.
* J'ai été nature - Eric De Luca: deux pages, quasi-mystiques. Bof.
* Des coeurs battants - Jean-Baptiste Del Amo (10 pages). Je n'avais jamais entendu parler de l'auteur. j'ai bien apprécié cette nouvelle, qui retrace les évolutions écologiques sur quelques décennies.
* Instinct - Sonja Delzongle (10 pages). Souvenirs éthologiques (fiction ou réalité?), qui ont fait joliment écho, pour moi, au livre de Jane Goodall chroniqué il y a quelques semaines. Bien.
* L'ordre des pierres - Luc Lang (14 pages): dans les Pyrénées, une randonneurs solitaire, en autonomie sac au dos, savoure sa balade.
* Le sansonnet - Carole Martinez: 11 pages trop "poétiques" pour moi, où, entre les lignes, on sent l'emprise toxique et la déchéance d'un couple et de ses composantes...
* Kephart - Ron Rash (17 pages - la nouvelle la plus longue): j'ignorais tout d'Horace Kephart, vu que la page wikipedia en anglais qui le concerne reste à traduire en français (consultée le 5 mai 2023)... Ron Rash tire de la vie de ce "naturaliste" américain une nouvelle intéressante. Un paragraphe m'a fait songer à Serena.
* Mont-Blanc, la mort lente - Jean-Christophe Ruffin (8 pages): j'y ai appris que des voies d'escalades ouvertes au XXe siècle dans les Massif des Drus, dans les Alpes, n'existent plus aujourd'hui, suite à des milliers de mètres cubes d'éboulements au XXIe, sans doute en lien avec l'accélération du réchauffement climatique d'origine humaine... On ne peut donc plus que rêver sur Premier de cordée (Roger Frison-Roche), qui nous parle d'un temps et d'escalades révolus.
* La pieuvre - Monica Sabolo (11 pages): de jolis souvenirs d'enfance, une initiation au "monde du silence" pour une fillette...
Le livre est bien en vente sur le site de Folio (mise en avant des versions ".pdf" et ebook), mais l'opération ne semble pas avoir été renouvelée en 2022 ni 2023. Une recherche sur le site de Folio avec "WWF" ne ramène rien. Plus largement, via [moteur de recherche], une recherche sur les mots-clés "Partenariat Foliio et WWF" ramène surtout une foule d'entreprises dont on peine spontanément à imaginer le caractère "écologique", qui se seront offert ("à bon compte"?) un certificat de "greenwashing" grâce au WWF...
Les moteurs de recherche m'ont seulement ramené un billet sur le blog Au fil des pages.
Misanthrope - Damián Szifrón
Quel titre français étrange pour désigner un film policier! Quand on nous présente enfin le tueur de masse dans la dernière partie du film, on comprend mieux le choix du titre. Misanthrope de Damián Szifrón (un réalisateur argentin) se passe à Baltimore au moment des fêtes de fin d'année. Tout à coup, dans un immeuble de la ville, on entend des coups de feu qui font mouche à tous les coups. Les victimes sont très nombreuses. Le FBI est sur le coup ainsi qu'Eleanor, une jeune enquêtrice de la police de la ville. Eleanor est une femme perturbée et addict aux médicaments. Cela n'empêche pas qu'elle est choisie pour son profil par Lammark, un agent fédéral en charge de l'enquête pour être agent de liaison. L'enquête se révèle difficile car le tueur est insaisissable et imprévisible et il continue à tuer. C'est Eleanor qui va le débusquer. On pourra trouver la fin un peu grandiloquente mais cela ne m'a pas gênée. J'ai trouvé que les motivations du tueur sortaient des sentiers battus et on s'attache aux personnage de Lammark et Eleanor. Le film semble avoir trouvé son public.
Les enquêtes de Morse - 9ème saison
Pour une fois, je vais parler d'une série télé dont je suis fan depuis la première saison. Cette série est la préquelle de la série Inspecteur Morse qui a débuté il y a 35 ans. Les enquêtes de Morse se déroulent fin des années 60, début des années 70. Après des études universitaires et avoir fait l'armée, Endeavour (Effort) Morse est devenu sergent dans un commissariat à Oxford. Son mentor et supérieur hiérarchique est l'inspecteur Frederik Thursday. D'autres policiers font partie du commissariat, dont le superintendant Bright et le sergent Strange. Ce que j'aime dans cette série, ce sont les intrigues policières et le fait que les policiers sont des hommes avant tout, avec leur vie de famille, leurs fêlures, leur problèmes quotidiens. Pour en venir à Morse, il est célibataire, aime les mots croisés et il boit trop, mais c'est un homme brillant, intelligent, intuitif et qui souvent résoud les crimes tout seul. A la fin de la saison 8, j'étais convaincue que la série était terminée, et puis, oh joie!, dimanche 7 mai, je vois qu'une neuvième saison débutait sur France 3. Elle est composée de trois épisodes. Le premier épisode de cette ultime saison (semble-t-il) a été réalisé par l'acteur principal Shaun Evans. Prélude est le titre de ce premier épisode, où une violoniste meurt d'un choc anaphylactique. Et dans cet épisode, on retrouve quelques personnages, comme le fils de l'inspecteur Thursday et Joan, la fille du même inspecteur, qui vient de se fiancer. Je recommande cette série parue en DVD (sauf la 9ème saison). Et il faut voir les épisodes de préférence dans l'ordre, selon moi.
Et vous, connaissez-vous et regardez-vous cette série?
Pas complètement BÊTE... mais pas encore MÉCHANT (période bleue) - Cabu
Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) vous présente, pour mon billet-hommage du jour, un album exhumé de ma PAC (pile à chroniquer). Je m'étais acheté dès février 2015 (quelques semaines après le massacre de Charlie Hebdo) ce recueil des dessins de jeunesse de Cabu, qu'il publiait alors dans une presse qui n'était pas encore très "contestataire", entre 1957 et 1960.
Cabu, pas complètement BÊTE... mais pas encore MÉCHANT,
période bleue, Editions du Layeur, 2008, 162 pages
La préface de Cavanna, dans ses trois paragraphes percutants, évoque expressément Peynet et ses amoureux, pour vanter immédiatement le mouvement qu'a su insuffler Cabu à ses vignettes.
Les près de 160 dessins de cet ouvrage mettent en scène de grands dadais dont certains ressemblent à Duduche, des jeunes filles timides évoquant Catherine... mais bien loin de Catherine saute au paf! et encore plus de Camille-le camé. On peut admirer dans ces pages force filles espiègles au sourire mutin et au regard en-dessous, avec parfois une petite fleur au coin des lèvres (laquelle n'a sans doute pas la même signification que le brin de paille de Lucky Luke?): pas encore de cigarette à remplacer? Parfois, ce sont les adultes qui sont tournés en dérision, parfois la jeunesse elle-même, innocente ou délurée, entreprenante ou trop timide... Fille affriolante ou garçon boutonneux, suis-moi, je te fuis / fuis-moi, je te suis! Et j'enfoncerai une porte ouverte en disant que cela reste très "fleur bleue" (comme le sous-titre le sous-entend).
L'ouvrage est subdivisé (plus ou moins arbitrairement?) en chapitres: l'ingénue (p.7), le flirt (p.33 - deux acteurs présents à l'image - sauf exception!), le lycée (p.75), le troufion (p.105), les autres (p.127), Châlons (p.153). Je vous en propose une courte sélection.
p.30: la couv' légendée, c'est mieux!
p.64 (c'est pas gentil, mais je rigole à chaque fois... CLAC!).
p.102 (ça me parle, ça... Je porte toujours le même depuis 2016!)
p.134: le temps passe si vite...
Dans le dernier chapitre, intitulé "Châlons", il est expliqué que le jeune Jean Cabut a envoyé à partir de 1953 des dessins à l'édition locale de L'Union de Reims, avec une collaboration épisodique qui se maintiendra jusqu'en 1958 et son appel sous les drapeaux, direction l'Algérie.
p.158. Dom Pérignon, dessiné par "K-bu" alors âgé de 17 ans: carrément de la préhistoire (1955)!
Outre L'Union de Reims, la plupart des dessins du recueil sont paru dans Ici-Paris, Paris Flirt ou Paris-Match.
Le livre est sorti l'année des 70 ans de Cabu, dans une collection où deux ouvrages, l'un de Lefred-Thouron et l'autre de Willem (qui ont aussi dessiné pour Charlie), avaient été publiés avant le sien. Trois autres recueils de dessins de Cabu étaient aussi mentionnés chez le même éditeur. Aujourd'hui, le site des éditions du Layeur semble ignorer tous ces ouvrages (sans doute sont-ils épuisés de longue date?).
Pour finir, de même que j'avais annoncé l'an dernier que je finirai par traiter cet ouvrage de Cabu, de même je peux à toutes fins utiles signaler que j'en ai encore bon nombre déjà en ma possession et à évoquer un mois ou l'autre!
*** Je suis Charlie ***
La dernière reine - Damien Ounouri et Adila Bendimerad
Quel beau film que voilà! Ceci grâce à l'actrice prinicipale Adila Bendimerad, qui est aussi co-scénariste, co-productrices et co-réalisatrice de La dernière reine. J'ai trouvé ce film algérien somptueux, tant pour l'image que pour les décors et les costumes. Je n'avais jamais entendu parler de l'histoire qui nous est racontée. Nous sommes transportés en 1516 à Alger. La reine Zaphira (Adila Bendimerad) est la première épouse de l'émir d'Alger Salim Toumi. Elle a encore son fils Yahia auprès d'elle, mais plus pour longtemps. Il doit avoir une dizaine d'années. Yahia est l'amour de sa vie. Elle est prête à tuer pour lui. C'est un gamin très remuant qui n'obéit pas beaucoup. Sur ces entrefaites, un corsaire, Aroudj Barberousse, et ses hommes, aident Salim Toumi à liberer Alger du joug espagnol. Malheureusement, peu de temps après, Salim est retrouvé étranglé dans son palais. A partir de là, Zaphira va tenir tête à tous les hommes qui se dressent contre elle, en particulier ses frères et son père. Face à elle, Aroudj commence à éprouver des sentiments. Il souhaite même se marier avec elle. Tout se termine en 1617 d'une manière que je vous laisse découvrir. Mais pour revenir au film dans son ensemble où des scènes intimes alternent avec des scènes groupes ou de combat. C'est vraiment du bel ouvrage. Il semble que le film rencontre son public et c'est mérité. Lire les billets de Selenie, Trillian et Pascale.
Drame de pique - Sophie Henaff
J'ai eu grand plaisr de retrouver la brigade parisienne des Poulets grillés. Après Restés groupés et Art et décès, les voici dans Drame de pique (Albin Michel, 379 pages distrayantes). La commissaire Anne Capestan et tous les inspecteurs sont toujours là : Eva Rosière et son chien Pilou, Merlot, Lewitz, Torrez et sa poisse légendaire, Dax et Evrard. Dans ce roman, ils vont être chargés de trouver qui pique des femmes près de lieux touristiques parisiens. Certaines de ces piqûres sont mortelles. On apprend que le poison a un antidote qu'il faut injecter très vite. La brigade se met assez vite sur la piste d'un ancien "serial killer" surnommé "La main de Dieu" et qui vient de sortir de prison. Ce qui fait le sel du roman, c'est l'écriture de Sophie Henaff et la camaraderie de bon aloi entre tous les membres de brigade qui sont tellement différents les uns des autres et qui se complètent bien. On aimerait bien être un des leurs. Un roman qui se lit très agréablement.
Burning Days - Emin Alper
Dans Burning Days d'Emin Alper, Emre, un jeune procureur turc scrupuleux, vient d'être nommé dans une ville reculée d'Anatolie. Dès les premières scènes, on sent que tout ne va pas bien dans cette ville. De nombreux sangliers sont régulièrement pris en chasse en pleine ville. On les tire comme des lapins et pour l'un d'entre eux, il est traîné à l'arrière d'une voiture. Une traînée de sang en témoigne. Plus tard, deux notables de la ville, un avocat (et accessoirement le fils du maire) et un dentiste sont reçus dans le bureau du procureur. Avec leurs airs patelins, ils font tout pour amadouer le procureur à propos de ces chasses sauvages. Il faut noter qu'Emre est l'un des nombreux procureurs qui essaye d'exercer dans cette ville gangrénée par la corruption. Le manque d'eau est un problème majeur dans la ville. Les terre asséchées provoquent des gouffres. La maison qu'occupe Emre est envahie par les rats, d'où la nécessité de mettre de la mort-aux-rats dans tous les coins. C'est pendant une soirée arrosée au raki que le destin d'Emre bascule. Un drame survient. C'est pour lui le début d'une descente aux enfers. Emre n'a qu'un seul allié en la personne de Murat, un journaliste. Une relation trouble s'installe entre les deux. La juge d'instruction essaye aussi de faire quelque chose pour lui. Elle le met en garde mais rien n'y fait. La dernière partie, qui est une immense chasse à l'homme, constitue un grand moment du film qui reste dans les mémoires. J'ai trouvé ce film oppressant très bien fait et très bien joué. Il y a un travail intéresant sur la lumière, sur la musique. Je le conseille.
Tromelin, ses naufragés, ses esclaves abandonnés - quatre livres
Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) vous présente aujourd'hui quatre ouvrages différents (mais tous bleus!) autour d'un même thème.
Comme tout le monde, j'avais entendu parler de Tromelin il y a déjà quelques années, lorsqu'ont été médiatisés les résultats des fouilles archéologiques sur le campement des esclaves qui y ont survévu abandonnés durant plusieurs années. En croisant de temps en temps sur des blogs les chroniques de tel ou tel livre sur le sujet, j'ai fini par avoir envie de les lire! Grâce aux différentes bibliothèques de la Ville de Paris, c'est chose faite.
On connaît l'histoire: le 31 juillet 1761, de nuit, le vaisseau L'Utile (flûte!) fait naufrage sur les récifs d'un ilôt localisé trop approximativement sur les différentes cartes de l'époque. Il transporte quelque 142 marins et officiers, et quelque 160 esclaves embarqués clandestinement à Madagascar à destination de l'Ile Maurice (alors nommée Ile de France). Sous la conduite du lieutenant Barthelemy Castellan du Vernet, les survivants construiront un nouveau navire à partir des bois de L'Utile. Mais il ne peut les transporter tous. Devinez qui sera, le 27 septembre (au bout de deux mois d'efforts communs), abandonné sur l'île, avec promesse solennelle de revenir les chercher? Les derniers des esclaves vont survivre 15 ans. Quand le quatrième des vaisseaux envoyés parvient à les évacuer par pirogue vers le navire, le 29 novembre 1776, seules survivent sur l'ilôt sept femmes et un bébé.
J'ai donc lu trois oeuvres de fiction et un rapport archéologique. Les trois font preuve d'imagination à partir des mêmes éléments connus.
Les Robinsons de l'île Tromelin. L'histoire vraie de Tsimiavo - Alexandrine Civard-Racinais, illustrations d'Aline Bureau (Belin jeunesse, 2016).
Alexandrine Civard-Racinais est journaliste, auteure, vulgarisatrice de contenus scientifiques, Aline Bureau s'est spécialisée en illustration jeunesse. Ce livre de fiction se présente comme un témoignage, écrit à la première personne au jour le jour, celui de la maman du bébé (dont la mère figurait également parmi les rescapées). Très "identificatoire", cet ouvrage paraît destiné à un public jeunesse. Il compte une trentaine d'illustrations, en couleur ou en noir et blanc, au format allant du cul-de-lampe à l'illustration couleur pleine page sans texte. Détail: j'ai cru voir qu'il respecte la réalité historique avec certains esclaves aux cheveux crépus et d'autres aux cheveux lisses, témoignant du brassage réalisé par les trafiquants de "bois d'ébène". La fin du livre comporte quelques vignettes explicatives très pédagogiques.
p.64-65
p.36-37
p.38-39
Le blog de la dessinatrice Aline Bureau n'est plus alimenté depuis mars 2018. Le site internet de l'autrice Alexandrine Civard-Racinais annonce ses dates de conférences.
Le pays des mots (4 billets!) l'avait chroniqué en 2017.
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Les naufragés de l'île Tromelin - Irène Frain (Michel Lafon, 2009 / J'ai lu n°9221, 2010).
Ce livre est classé comme un roman. Irène Frain a eu accès à la documentation rassemblée par l'archéologue Max Guérout et a elle-même séjourné sur l'île. Pour ma part, je lui reconnais surtout le mérite d'avoir fortement médiatisé cette histoire peu connue auparavant. Les naufragés de l'Île Tromelin est écrit "de l'extérieur" par une narratrice omnisciente (qui sait aussi ce que pensent les personnages), au présent de narration ou au passé composé, avec des phrases courtes et simples.
Toutes proportions gardées, son livre me fait songer à certains de ceux que j'ai pu lire jadis sur l'histoire du Bounty (par exemple celui de Sir John Barrow, classique paru en 1831, qui expose à la fois l'histoire de la mutinerie, puis tant la navigation du capitaine Blight que le sort ultérieur des mutins).
Je n'ai pas l'impression que le "site officiel" "www.lesnaufragesdeliletromelin" indiqué en fin d'ouvrage soit toujours actif (si aucun ayant-droit n'a pris la peine de renouveler le nom de domaine, il a dû être racheté...)? Par contre, le site personnel d'Irène Frain est accessible et donne notamment des dates de rencontres avec les lecteurs.
Les blogs suivants (liste non exhaustive!) ont chroniqué le livre (parfois au moment de sa sortie, en 2009... à partir d'envois en service de presse ou en "partenariat"?): Grominou, Zofia, Fumet de lectures, BettyBook22, l'ancien blog d'Antigone, l'ancien blog de Lucie, Gangoueus, Keisha (qui recense plusieurs autres liens), Laël, Leiloona, Lou, Stephie, Hérisson (sur le blog délivrer des livres), Alicia, Géraldine (qui avait aussi publié un entretien avec Irène Frain). Cathulu n'a pas aimé, Gambadou non plus...
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Les esclaves oubliés de Tromelin - Sylvain Savoia (Dupuis, coll. Aire libre, 2015).
Cette BD entrelace les passages d'époque, en présentation classique, avec des dialogues forcément fictifs, et les pages d'une sorte de "making off" de l'histoire du projet, dont j'ai trouvé la lecture nettement plus exigeante (pas de cases, beaucoup de texte à la première personne...).
Lorsque je suis rentré dedans dans un second temps, j'ai personnellement été captivé par "l'histoire de l'histoire" (ou plutôt la description de la vie de l'équipe d'archéologues là-bas, dans des conditions précaires). Il faut tout amener sur place, matériel et vivres, tout bien prévoir car les liaisons avion sont rares (il est bien sûr possible d'effectuer une évacuation médicale si indispensable)... et les équipements sont à la peine (éolienne qui ne marche plus, ordinateur qui tombe en panne, groupe électrogène principal aussi, tracteur...). Peut-on excuser l'erreur classique (p.47 et ailleurs): en archéologie, on ne met pas "à jour" des vestiges, on les met "au jour"? Les archéologues adorent le mot "perturber" (lorsque des vestiges en place ont été détruits par des constructions postérieures - ici p.82). Par contre, j'ai guetté en vain un "sol rubéfié" (témoignage d'incendie), ici remplacé par les "sols sablonneux" résultant d'épisodes cycloniques!
p.20-21, le jour du naufrage.
p.82-83, les vestiges des cases de pierre mis au jour
Blog qui en ont parlé: Moka, JeanJacques, Krol.
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Tromelin. L'île aux esclaves oubliés - Max Guérout & Thomas Romon (CNRS éditions / INRAP, 2010)
Max Guérout, ancien officier de la Marine nationale, a mené quatre expéditions qui s'étalent entre 2006 et 2013 (cette dernière non couverte, donc, par le présent livre, mais bien par la BD précédente). Il consacre de nombreuses pages (fruit de sa recherche documentaire dans les archives) à resituer le contexte historique, maritime, commercial, en métropole comme dans l'Océan Indien, de l'époque du naufrage. Ce livre apparaît comme extrèmement complet, et s'appuie sur des faits documentés.
Je n'ai pas trouvé de chronique le concernant, mais Docbird cite un autre ouvrage de Max Guérout, Esclaves et négriers, qui contient un DVD Les esclaves oubliés de Tromelin.
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Au final, j'ai classé dans cet article les quatre ouvrages dans l'ordre croissant de mon intérêt personnel: ce que j'ai le plus apprécié est bien ce qui raconte la démarche historique et archéologique basée sur des faits. Je pense que les différents profils de lectrices ou lecteurs peuvent être plus ou moins attirés par l'un ou l'autre...
Le prix du passage - Thierry Binisti
Sur les conseils de Miriam, je suis allée voir Le prix du passage de Thierry Binisti sorti le 12 avril dernier. Nous sommes le 27 avril et le film n'est pratiquement plus projeté en première exclusivité. C'est vraiment dommage car j'ai trouvé ce film très bon avec un suspense haletant jusqu'au bout. Natacha (Alice Isaaz, excellente) est une mère célibataire qui n'arrive plus à joindre les deux bouts. Son petit garçon Enzo, qui a 7 ou 8 ans, est tout pour elle. Elle gère sa vie autour de lui. Le prénom Enzo vient du fait que Natacha est une fan de l'Italie même si elle n'y a jamais été. La mère de Natacha l'aide en gardant Enzo quand c'est nécessaire. Natacha vit du côté de Calais dans une résidence vétuste, elle a deux mois de retard pour son loyer. Par ailleurs, sa chaudière vient de rendre l'âme et elle se fait renvoyer de son travail dans un café (elle piquait dans la caisse). C'est en manquant de renverser Walid, un migrant irakien, que Natacha apprend les sommes astronomiques que les migrants doivent verser pour passer en Angleterre. Natacha ne désire que 2000 euros pour changer sa chaudière. Avec Walid, elle commence à organiser des voyages vers l'Angleterre. Walid trouve les passagers et Natacha les transporte dans le coffre de sa voiture en faisant la traversée en Ferry. On se demande si Natacha va se faire prendre. Et puis Walid de son côté doit craindre les passeurs à la mine patibulaire qui rackettent les migrants. Un film qui m'a agréablement surprise, avec une fin que je vous laisse découvrir.
Lire le billet de Pascale.
Les sources - Marie-Hélène Lafon
Après Histoire du fils, j'ai eu le grand plaisir de retrouver la belle écriture de Marie-Hélène Lafon dans Les sources (Editions Buchet-Chastel, 117 pages). Jusqu'à la page 80, la narratrice du récit est la mère, 30 ans, mariée avec trois enfants, deux filles et un garçon. Isabelle, Claire et Gilles (7, 5 et 4 ans). Cela se passe le week-end des 10 et 11 juin 1967 (au moment de la guerre des Six Jours). La famille vit dans une grande et belle ferme isolée où l'on fabrique le Saint-Nectaire, entre Soulages et Fridières, dans le Cantal. Assez vite, on comprend que le couple marié depuis presque huit ans, le 30 décembre 1959, ne va pas bien. Le mari bat sa femme qui n'en peut plus. Et malgré de l'aide, elle n'arrive plus à faire face aux travaux ménagers. Les trois grossesses l'ont physiquement enlaidie. Les enfants sont témoins et ils semblent apeurés. Sept ans plus tard, 19 mai 1974, le jour de l'élection de Valéry Giscard d'Estaing, le mari vit désormais seul. C'est lui, le narrateur, qui dit pis que pendre sur son ex-femme. Il n'a aucun remords sur ce qu'il lui a fait subir. Il a surtout la nostalgie de ce qu'il a vécu quant il était au Maroc pendant son service militaire, juste avant son mariage. Il compte qu'au moins une de ses filles reprendra un jour la direction de la ferme. Le 28 octobre 2021, tout est terminé. On ne sait pas ce qui se sera passé pendant 47 ans. Le récit est bref mais plus de 60 ans se seront passés. Mme Lafon a l'art de l'élipse mais elle dit beaucoup de choses en peu de mots. Un très beau roman.
Lire les billets d'Athalie, Baz'art, Ritournelle, Matatoune et Shangols.