Deux livres pour la jeunesse
J’ai (ta d loi du cine, « squatter » chez dasola) encore extrait quelques pépites de mes « sources » habituelles (bouquinistes, bibliothèques partagées, boites à livres) !
Les deux que je chronique aujourd’hui me permettent quelques participations à différents challenges. Il y en a qui vont croire que j’achète uniquement des bouquins susceptibles de challenger? C’est faux, je m’en procure aussi que je puisse mettre en circulation dans différents réseaux de «prêt de livres» auxquels je participe… Mais c’est sûr que l’offre 2024 de nouvelles parutions des éditeurs n’y est pas majoritaire !
Je présente donc aujourd’hui deux livres « pour la jeunesse » (bibliothèque rose & bibliothèque verte) achetés il y a trois jours.
Si j’avais un château par Jeanne de Recqueville,
Nouvelle bibliothèque rose (Hachette) N°40, 191 pages
Deux pièces sous-louées à Paris, où s’entassent quatre jeunes enfants (7 à 10 ans), forcément bruyants, et leur grand-mère… Quand arrive une lettre informant qu’une grand-tante de la grand-mère (lui) lègue un château, pas d’hésitation, on donne congé (ça tombe bien, c’est les vacances et l’été !). Mais ce n’est pas si simple qu’il n’y paraît.
En dévorant en deux heures à peine Si j’avais un château écrit par Jeanne de Recqueville, je me suis fait la réflexion qu’après tout, cette littérature « jeunesse » n’était peut-être pas si différente des livres de « fantasy » qui ont un tel succès aujourd’hui. Déjà, il y est question de château, de princesse, de pays lointains (l’Indochine !), de croisière (où sont partis la fille et le gendre du notaire), de merveilleux « métiers » que sont journalistes, photographes, mannequins, enfants-acteurs, moyens de gagner de l’argent rapidement, tout comme le serait un jeu télévisé…
Ce livre « copyright 1959 » (mais dont mon exemplaire est marqué « dépôt légal 2e trim. 1960 ») est situé en 1957. Il est amusant de constater qu’il y est mention d’une somme de 8 millions de francs (la « clé » de la survie du fameux château)… qui correspondront donc à 80 000 nouveaux francs après la réforme du plan Piney-Rueff impulsée par de Gaulle, à compter du 1er janvier 1960. Quant à la chanson de Claude François Si j'avais un marteau, elle ne date que de 1963...
Peut-être l’ouvrage contient-il quelques sous-entendus qui passaient au-dessus de la tête des jeunes lecteurs/trices de 1959 ? Les deux jeunes et jolies journalistes « de mode » (mais aussi bien « envoyée spéciale ») semblent être des amies proches. Le vieux notaire veuf est bien sympathique, et peut-être pas indifférent à une jeune grand-mère désargentée de 52 ans, elle-même veuve de longue date semble-t-il… mais sans aller jusque-là, tout est bien qui finit bien !
Les renseignements disponibles sur l’auteure (1910-2000) sont succincts (sur wikipedia consulté ce 5 juillet 2024). Elle semble avoir écrit seulement quatre romans pour enfants, entre 1953 et 1959, dont celui-ci est le dernier, puis avoir mené une carrière de traductrice jusqu’en 1989 (une dizaine d’ouvrages sont listés).
Les illustrations (dont 5 en couleurs) sont dues à Paul Durand (1925-1977). Je me permets de vous mettre ma préférée (p.160) dans ce livre.
En regardant la page wikipedia qui lui est consacrée, je me rends compte que je dois connaître pas mal des couvertures de livres qu’il a pu réaliser (pour J’ai Lu, diverses collections pour la jeunesse…).
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4 romans de Jules Verne en 1 volume : ce « bibliothèque verte » au format « pavé » (oui : 511 pages !), volume double imprimé en 1964, annonce la couleur. Une courte préface signée Marc Soriano donne des précisions intéressantes (et peut-être désuètes aujourd’hui, même partant d’une bonne intention ?) : « on accorde aux conservateurs de musées l’autorisation de soigner les bois sculptés et de rafraîchir les couleurs des tableaux. En partant d’un raisonnement du même genre, je me suis efforcé, à la faveur de cette édition conçue pour réunir quatre œuvres condensées, d’éliminer les « longueurs » qui pourraient rebuter les jeunes lecteurs de notre époque. (…) J’ai donc pratiqué d’importantes coupures qui ont entraîné des regroupements de chapitres. À noter toutefois que je me suis interdit toute intervention rédactionnelle et que le texte présenté est tout entier de Verne.
Je n’ignore pas que la version intégrale intéresse l’historien et mérite toujours de garder des lecteurs. Notre but, dans cette édition « allégée », c’est de rendre aux jeunes quatre beaux livres qu’ils n’avaient plus l’occasion de lire ».
Je vais commencer par dire quelques mots des deux titres que je connaissais déjà, puis je présenterai ceux que je viens de lire pour la première fois de ma vie. Deux se déroulent essentiellement sur la terre ferme, les deux autres pourraient compter comme des aventures maritimes en tout ou en partie.
Le Docteur Ox clôt le volume [p.450-511]. Vérification faite, dans mon édition «Livre de Poche» du même titre, la nouvelle titrée Une fantaisie du Docteur Ox (écrite en 1871) n’est qu’une des cinq que compte le recueil portant le même nom, publié en 1874. C’est de la nouvelle dont il s’agit ici.
Dans un paisible village (fictif) de Belgique du nom de Quinquendone, un généreux mécène, arrivé cinq mois plus tôt, s’est proposé d’éclairer les rues avec un éclairage au gaz oxy-hydrique, en prenant tous les frais à sa charge. Comment les braves et placides notables du conseil municipal, capables de laisser brûler un incendie ici, s’aggraver une fuite d’eau là, et ne pas faire de travaux dans une tour menaçant de s’effondrer, auraient-ils pu résister à une telle proposition ? Mais peu à peu, les esprits de nos Belges si tranquilles d’ordinaire s’échauffent… jusqu’à l’explosion finale.
Face au drapeau : rédigé en 1894, publié en 1896, ce titre occupe les pages 319 à 447. Je le possède dans ma pochothèque (en édition intégrale) depuis plusieurs décennies. Ici, il est bien question de navigation, que ce soit sous la mer ou au-dessus de la surface. En 1894, les tout premiers sous-marins militaires français étaient déjà construits sinon pleinement opérationnels (le livre cite d'ailleurs les historiques Goubet, Gymnote et Gustave Zédé). Mais ils n'auraient sans doute pas été capables des exploits que leur prête Jules Verne: remorquer une goélette (navire naviguant à la voile... en principe). L'argument du roman? Un (savant) fou, Français mais enfermé à l'asile aux Etats-Unis, est enlevé par ce qu'on appellerait aujourd'hui un groupe terroriste (des pirates, en fait) intéressé par son invention: le "fulgurateur", une sorte de missile explosif surpuissant (imparable à l'époque, bien entendu), qu'il a essayé en vain de vendre à différents gouvernements (il exigeait des millions avant toute démonstration). C'est à bord d'un sous-marin que lui et son gardien (le narrateur, à partir de ce moment-là) gagnent la base secrète (située dans un îlot des Bermudes) où l'inventeur aura tout loisir de mettre son engin au point... Une "bouteille à la mer" alerte l'Angleterre, et une flotte européenne vient chercher à déloger les pirates, peu inquiets puisque le terrible engin leur permet de les couler à distance. Je pense que le titre aurait été plus approprié s'il avait été "face au pavillon"... mais il aurait été moins compréhensible pour le grand public je suppose. Un ingénieur d'origine française, un navire de guerre français à portée d'être détruit, mais... le titre permet d'imaginer la suite (et fin)!
Je n'avais encore jamais lu César Cascabel (pourtant réédité en 10/18 dans les années 1970) qui ouvre le volume (p.8 à p.164). Pour dire deux mots de ce voyage par terre, il s'agit du "retour en France" d'un couple de saltimbanques français partis faire fortune (et fonder famille) aux Etats-Unis. Se faisant voler leurs économies au moment de s'embarquer à New York pour le bateau qui devait les ramener en France, ils ne trouvent d'autre choix que de reprendre la route à bord de leur roulote pour remonter vers l'Alaska (en reprenant leurs représentations pour gagnant leur pain quotidien lors de ce trajet), traverser le Détroit de Behring sur la glace, et poursuivre ensuite leur voyage depuis la Sibérie jusqu'en France... Non sans quelques aventures et rencontres sur le chemin! Mais pas le moindre navire ici (le court épisode de navigation maritime a lieu sur un mini-iceberg!).
Je n'avais jamais lu non plus Bourses de voyage (p.165-318). Dans ce roman tardif et méconnu (rédigé en 1899 et publié en 1903), les fameuses bourses ont été offertes par une généreuse mécène (décidément!) à dix pensionnaires d'un collège londonien (accompagnés d'un adulte), afin de leur payer durant les trois mois d'été un voyage vers les diverses îles des Antilles dont ils sont originaires. Je précise pour les jeunes lecteurs du XXIe siècle que 1903 est précisément l'année où les frères Wright ont effectué le premier vol contrôlé et motorisé de l'aviation motorisée (même si Verne avait anticipé des engins aérien bien des années auparavant) - ceci pour dire que le voyage des "collégiens" n'a pas lieu en avion mais bien en bateau. Bateau qui se fait "pirater" par des forbans, qui n'épargnent leurs jeunes passagers qu'en vue de capter les 700 livres par personne que vaudront leurs 11 passagers au départ de La Barbade. Le voilier Alert sombrera au cours de la croisière avec son équipage malfaisant, mais - que l'on se rassure! - les sympathiques passagers seront sauvés.
L'illustration ci-dessus (p.300-301, pour Bourses de voyage) montre bien en tout cas que l"'encombrement du texte" (densité et nombre de caractères par page) est tout de même nettement plus important que pour le "bibliothèque rose" ci-dessus (au moins le double). Les dessins de ce volume sont dus à François Batet (pseudonyme de l'Espagnol Francisco Batet Pellejero, 1921-2015), dont j'ai déjà vu des illustrations dans bien d'autres "bibliothèques vertes" ou collections jeunesse.
Je vais soumettre ce "bibliothèque verte" de 511 pages pour le challenge Pavé de l'été 2024 chez Sibylline.
Ces deux volumes seraient-ils appréciés de jeunes lecteur en 2024, lors d'un voyage par exemple? Je les ai inscrits pour "2024 sera classique aussi" organisé par Nathalie. En tout cas, le second volume, en particulier, m'a donné une idée pour une "étude thématique"... (à suivre chez Fanja!)