Terra formars - Tachibana Kenichi & Sasuga Yû
Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) vais (comme souvent) enfoncer une porte ouverte en remarquant que "la presse" nous abreuve, en ces temps de performances, des récits de l'étude menée sous l'égide de la NASA ayant consisté à faire vivre quatre personnes durant 378 jours, dans un environnement et des conditions de vie similaires à celui d'une expédition martienne (espace restreint, caractères devant s'accommoder d'une durable promiscuité, communications avec les proches soumise à délai...). D'autre part, IRL ("dans la vraie vie", et non dans la fiction), nous ne sommes peut-être plus qu'à quelques années d'un retour humain sur la lune, présenté comme un préalable indispensable à la fameuse expédition martienne pour laquelle on ne nous donne pas vraiment de date. Je n'ai pas réussi à retrouver l'information de ce qui nous était "communiqué" début 2007, il y a 17 ans et demi, au moment de la création du présent blog... mais en tout cas, en 2004-2005 (Georges W. Bush étant Président des E-U), un retour sur la lune était prévu pour 2019-2020, prélude (déjà) à un futur voyage humain vers Mars. Aujourd'hui (2024), la mission Artemis III vers la lune est prévue pour 2026.
Après cette longue introduction, place à l'oeuvre "de fiction" que je chronique aujourd'hui, inscrite à mon challenge marsien, au 12e Challenge de l'imaginaire proposé cette année par Tornade, et au XVe Summer Star Wars du RSF blog (Lhisbei).
L’argument initial du manga Terra Formars (Tachibana Kenichi [dessin] & Sasuga Yû [scénario], 22 tomes parus en France chez Cryunchyroll) a tout pour prendre place dans mon « challenge marsien » : à la toute fin du XXVIe siècle [en 2599…], les humains de la terre s’apprêtent à explorer Mars, dont la « terraformation » a été entamée cinq siècles plus tôt, par l’envoi d’un lichen et d’un insecte. Leur vie en symbiose était censée engendrer suffisamment de rétroactions positives pour changer, à long terme, le biotope de la planète rouge, effectivement devenue verte. Mais l’accueil de ces premiers (?) « marsonautes » humains est plutôt réfrigérant!
Ayant trouvé (d'occasion) à acheter les deux premiers de la série (T.1 sorti au Japon en 2011 et en France en 2013), avec ce "Pitch" qui n'était pas inintéressant, j'ai emprunté les 20 suivants en bibliothèque (le T.23 vient tout juste de paraître au Japon). Je viens de finir de les lire. Alors... comment dire? Ce n'était pas une série pour moi (telle que je les aime). Qui sont donc les fameux "terraformars"? Aucune des couvertures ci-dessus n'en montre un. En voici un échantillon ci-dessous (T.1, p.28-29)!
En voilà des cafards! À peine un demi-millénaire sur Mars, et les voilà devenus humanoïdes d'apparence. La massue que l'un d'eux porte donne une indication du "climat général". Le mot "climax" (permanent) est tout autant approprié. Le tome 1 voyait le retour piteux sur terre de deux survivants terriens sur 15 (oui, je spoile... mais si peu!). Le T. 17 voit la fin de la seconde partie... avant de rebooter.
Je dois me rendre à l'évidence: ici, l'existence de la planète Mars n'est guère que l'argument de départ, un prétexte pourrait-on dire. L'histoire pourrait se dérouler sur n'importe quelle planète, réelle ou imaginaire. C'est l'affrontement "à mort" de deux civilisations (?) que tout oppose, les Terriens versus... (on a lu cela cent fois en SF). Mais tout au long de ces dizaines de tomes, c'est la "baston" qui prime. Des images de "bagarres" somptueuses, qui raviront les amateurs du genre.
Les techniques de "terraformation" ayant donné le "la", tout l'argument du manga repose sur les biotechnologies, les possibilités de greffes, sur des humains déjà pré-sélectionnés, de caractères animaux (insectes essentiellement mais non exclusivement) voire végétaux (dans une moindre mesure). Ces caractéristiques leur servent dans un seul but: en faire de meilleurs combattants, plus forts, plus efficaces, plus résilients (capables de régénérer tout ou partie de leurs membres ou organes, voire même de ...survivre à leur mort), les transformant (temporairement, après piqure) en des sortes de "super-héros". Il y a de temps en temps des pages très érudites qui vont insister sur le caractère animal et l'aptitude acquise (vitesse, filature de soie, force en proportion de la taille, etc.) à partir d'animaux dont, je crois, fort peu seraient imaginaires (est-ce même le cas?). Cela, c'est pour les terriens. Et les antagonistes?
Quid de l'apparition et du développement des fameux "terraformars"? Ils apparaissent de plus en plus forts au fil de leurs contacts successifs avec des terriens. Quelqu'un les a-t-il créés ou les manipule-t-il? Distillées au fil des tomes, on a droit à quelques explications "comment?" souvent très pointues, mais les explications "pourquoi?" de leurs actions sont elliptiques, voire cryptiques. Des hypothèses sont émises, mais les terraformars eux-mêmes ne les ont (encore) aucunement validées. Il faut préciser que tout ce qu'ils disent, c'est "sgouich, sgouich"!
Le scénario du manga est un joyeux (?) patchwork de baston (mais je préfère les bagarreurs de rue de Holyland), de géopolitique (ma préférence va aux politiciens et décideurs de différentes nations de Sanctuary), de stratégie (alliance et contre-alliances [les ennemis d'hier sont les alliés de demain - ou le contraire - ou inversement - c'est ça!]), mais j'aime mieux ce que je connais de Heat et de ses clans mafieux... Les "grandes puissances" du XXVIIe siècle (le Japon, les États-Unis d'Amérique, la Chine, l'Allemagne dans une moindre mesure...) coopèrent par-devant et se font des entourloupes par-derrière, pour chacune tirer la couverture à elle (trahisons, mensonges... et anticipation). Les intrigues deviennent de plus en plus complexes et tordues au fur et à mesure que la saga avance, avec en permanence des "bagarres" qui vont crescendo, des trahisons, retournements, surenchères continuelles, en une trajectoire partant du réalisme pour aller vers l'incroyable... voire le tout et n'importe quoi. À partir d'un certain moment, à chaque fois que deux super-combattants s'affrontent, leur combat est porteur d'enjeux planétaires... (ah oui, je vous l'avais pas dit? Dans la troisième partie, ils ont débarqué sur terre, les "terraformars..."). Bon, je reconnais qu'à la douzième fois, sans que rien n'avance, ça commence à devenir lassant (pour moi), la baston pour la baston... On ne sait toujours pas comment cela va finir (si cela va finir?). J'avoue que, pour ma part, j'aime bien la SF ayant un commencement, un milieu et une fin (pas forcément heureuse, hein).
Je me demande en tout cas si le scénariste a lu les Chroniques martiennes pour s'inspirer de leur "crescendo" initial? D'autre part, si l'on regarde les choses avec superficialité, les "100" membres" de la 3ème expédition (le gros du manga actuellement paru, jusqu'au tome 17) peuvent faire songer aux "Cent premiers" de la Trilogie martienne de Kim Robinson (eux aussi hors du commun, sélectionnés pour leurs compétences et aptitudes...).
Tome 21 p.: Mars attaque... sur terre! En pleine poignée de mains, que l'on pourrait espérer enfin "pacifique", entre "dirigeants"...
J'ai trouvé quelques avis dans des blogs (liste non exhaustive, je ne m'interdis pas d'en rajouter d'autres par la suite). Glob (blog Le critique, dernier billet en 2020) avait chroniqué le T.1 en 2016. Broyax est quelque peu déçu par la série. Constantin avait présenté les six premiers tomes en 2016. Anvil (du Gaffoblog) a rédigé un bel article sur les 20 premiers fin 2017. Java (blog Une poule sur un mur) a chroniqué le tome 1 d'un "spin of".
En ce qui concerne les fictions spatiales, je préfère de beaucoup Space Brothers, sans rapport (à ce jour) avec Mars, mais sur lequel j’aurai certainement l’occasion de rédiger un billet, une année ou l’autre, lorsque la publication de la série sera achevée en France…
Et pour finir avec un peu plus d'humour: je n'ai pu m'empêcher de sourire lorsque j'ai découvert dans le dernier Charlie Hebdo le dessin ci-dessous, à cause de la coïncidence avec ma lecture du moment...
Dessin de Foolz paru dans Charlie Hebdo N°1671 du 31 juillet 2024 (p.6).
Je me suis demandé si c'était une allusion au manga?