Trois livres sur des bateaux
Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) continue mes "mises à flot" dans le cadre du challenge Book trip en mer de Fanja. Cette fois-ci, j'attaque la catégorie "livres de jeunesse", avec des romans d'aventures (tous trois anglo-saxons) plutôt orientés "jeunesse" (éditions illustrées) qui rentrent aussi dans le cadre du challenge 2024 sera classique aussi de Nathalie (ces oeuvres étaient déjà bien vieilles quand j'étais moi-même jeune...). Pour la petite histoire, j'ai déjà raconté que je passe régulièrement devant la "bibliothèque partagée" du hall de dasola qu'elle vous avait présentée naguère. Il m'arrive d'y "injecter" des livres que je connais comme m'ayant plu quand je les avais lus autrefois, il y a en général plusieurs décennies (et aujourd'hui livres le plus souvent spécialement chinés à prix ultra doux quand je suis tombé dessus par hasard). Ayant remarqué que deux de ceux que j'avais déposés y étaient revenus (après s'en être absentés), je me suis dit que, finalement, j'en ferais bien un billet. Quant au troisième, je l'ai acheté chez un bouquiniste. J'ai tâché d'organiser leurs tranches en un "podium" qui reflète mes préférences.
1/ Daniel Defoe, Les pirateries du capitaine Singleton, 1720 (1ère édition en anglais),
trad. Maurice Dekobra, Société nouvelle des éditions G.P., 1964, 251 pages
2/ Fenimore Cooper, Le corsaire rouge, 1827 (1ère édition en anglais),
adapt. Gisèle Vallery, ancienne librairie Fernand Nathan, 1942, 189 pages
3/ Jerome K. Jerome, Trois hommes dans un bateau, 1889 (1ère édition en anglais), "spécialement adapté" pour la Bibliothèque Rouge & Or, Editions GP, 1953, 191 pages
Je propulse en première place Les pirateries du capitaine Singleton, une oeuvre de Daniel Defoe beaucoup moins connue ou attendue qu'une autre... (meuh non, je ne songeais pas au Journal de l'année de la peste ni à Moll Flanders!). N'en ayant même jamais entendu parler jusqu'à maintenant, je remercie d'autant plus Fanja de m'avoir fourni le prétexte de la découverte (acheté à 2,50 euros lundi dernier)! Présenté comme des souvenirs (une autobiographie), ces pages narrent "en toute candeur" les aventures d'un Anglais "enfant volé" (à deux ans!) devenu gamin ballotté ici ou là, puis mousse, capturé brièvement par des Barbaresques, puis formé comme jeune marin portugais sans foi ni loi dans l'Océan Indien avant de tourner mutin et abandonné avec une vingtaine d'autres (matelots, charpentier, forgeron...) sur une côte de Madagascar (p.18). S'ensuivent, après avoir pu construire une embarcation grâce à une épave hollandaise et pu toucher la côte Est de l'Afrique, une traversée fort aventurée, à pied et en troupe, de tout le continent jusqu'à la côte Ouest, confrontés aux indigènes mais accumulant un fabuleux butin en cours de route (orpaillage...). Retour en Angleterre, fortune largement faite... mais il la mange en deux ans et n'a plus rien en l'an 1696 (p.147 - moins de 25 ans avant la parution du livre...). Il s'embarque alors pour Cadix à bord du Croiseur. p.148, avec quelques "camarades", il rejoint un autre navire (non nommé), dont l'équipage s'est mutiné, dans le but avoué de devenir pirate (sous les ordres d'un matelot, devenu le Capitaine Wilmot), vers les Indes occidentales (le continent américain...). "Quinze mois" puis "deux" ans passent en quelques lignes... D'autres navires sont capturés, "Bob" monte en grade et en commande un... puis, p.152, il rencontre un ex-médecin avec lequel il restera indéfectiblement lié jusqu'à la fin de ses aventures. Des Antilles à l'Océan indien, s'ensuivent des années de vie maritime entre capture de navire, traite des nègres (trouvés par hasard dans un navire à la dérive... dit-il), et opérations commerciales plus ou moins louches. Les équipages des navires attaqués ne sont pas tués systématiquement mais seulement si indispensables (éviter de trop provoquer l'Angleterre, fort capable d'armer un navire en guerre pour aller chercher, traquer, capturer et pendre de trop célèbres pirates). Le butin consiste parfois en or et argent monnayé ou "au poids", mais souvent en marchandises de plus ou moins de valeur (jusqu'à des perles, soiries, épices, ...) qu'il faut vendre (dont il faut "trafiquer") en s'adressant à des marchands parfaitement informés de l'origine "pas très catholique" des marchandises. Tout le monde y trouve son compte, à condition de ne pas se tromper de ports ni de nationalité des acheteurs. Defoe semble s'être bien documenté. Il n'a sans doute pas lui-même vécu certaines de ces aventures, peut-être a-t-il "confessé" quelques véritables aventuriers (comme l'a fait London au Klondike)? Même si ce roman a été écrit en 1720, lorsqu'il y était question de recherche d'or (en Afrique), j'ai cru y retrouver les techniques d'orpaillage alluvionnaire si bien décrites par London quelque 180 ans plus tard pour le Klondike (neige et glace en moins chez Defoe). Bref, fortune (de pirate) faite, il ne reste plus qu'à fausser compagnie au navire pirate (à Bassora, dans le Golfe!) sans éveiller les soupçons, puis, après quelques détours par Alexandrie puis Venise, à réussir à se faire oublier en Angleterre, en y épousant une charmante veuve déjà pourvue de 4 enfants (et soeur de William) dans les 10 dernières lignes du livre.
Les femmes sont fort peu présentes dans cet ouvrage, à part au début (celles qui se passent de main en main l'enfant), ou quand sont évoquées les femmes indigènes" avec qui, régulièrement, fricotent un peu trop les matelots, ce qui a le don d'énerver les "sauvages" (je ne suis pas certain qu'il soit question de consentement...). Les illustrations sont de Jacques Pecnard.
Menon l'a plus survolé que lu (en version intégrale).
De Fenimore Cooper, on connaît surtout Le dernier des Mohicans, et éventuellement les autres titres de l'histoire de Bas-de-cuir (l'un des surnoms du héros, Nathanaël Bumppo, qui apparaît dans au total cinq livres publiés entre 1823 et 1841). On ne sait pas forcément que l'auteur, né en 1789, avait été marin dans sa jeunesse (de 1806 à 1811).
Le livre débute en octobre 1759 à Newport (Rhode-Island, Nouvelle-Angleterre). Le héros principal est le jeune Wilder, officier de marine compétent, cependant que "Le corsaire rouge" ne se dévoile pas tout de suite. Dans ce roman sans temps mort, on navigue beaucoup (la jeune passagère Gertrude n'est pas indifférente à Wilder), à bord de différents navires qui se fuient, affrontent une tempête, s'y perdent, coulent... Il y est question de corsaires sinon de pirates (il n'est pas dit que le fameux "corsaire" soit nanti d'une "lettre de course"), d'infiltration chez l'adversaire sous fausse identité, de faux pavillon et même de travestissement. Mais on y trouve aussi en trame de fond des histoires de famille quelque peu embrouillées (je n'ai pas trop réussi à dresser un arbre généalogique, et je ne jurerais pas que le dénouement final n'implique pas une certaine part de consanguinité!). Le livre s'achève dans les années 1780, au seuil de l'indépendance américaine, pour laquelle Le corsaire rouge s'est racheté en luttant contre les Anglais...
Ce livre a été édité en 1942, à un moment où les Nathan père et fils avaient dû renoncer à la direction de leur Maison sous la pression de Vichy puis des Allemands (les éditeurs français qui avaient accepté d'assurer la direction de l'entreprise la rendent aux Nathan le jour de la libération de Paris). Je ne sais pas quel est l'illustrateur anonyme dans cette édition de 1942 (peut-être Joseph Kuhn-Régnier, mort en 1940, qui a illustré plusieurs dizaines de titres des Contes et légendes chez Nathan?). En page 2 figurent 35 autres titres de cette collection "oeuvres célèbres pour la jeunesse", notamment Le dernier des Mohicans, mais aussi (par exemple...) L'île au trésor (Stevenson), Voyages de Gulliver (Swift), Robinson Crusoé (Defoe) et Robinson suisse (Wyss).
C'est le seul de mes trois livres du jour dans lequel il est un peu plus question de la seconde moitié de l'humanité (ou de la première, voire de la meilleure - je ne veux vexer personne!).
Isabelle (Ribambelle d'histoires) l'avait chroniqué l'an dernier.
Un livre des années 1950 sans sa jaquette, c'est tout de suite moins "sexy" (c'est elle qui portait titre et illustration). J'ai donc photographié aussi les pages intérieures correspondantes. Maintenant, comme chacun sait (comme savent tous ceux qui ont lu Trois hommes dans un bateau de Jerome K. Jerome), cet ouvrage ne porte pas sur la navigation en mer. Entre trois amis, il n'est question de voyage en mer (p.10) que pour s'y opposer: remontons plutôt la Tamise (fleuve), et à nous le canotage, ses plaisirs et ses joies. Jerome K. Jerome enfile (comme des perles) déroulement de l'épopée fluviale (avec diverses étapes, campements, pluie...), anecdotes et digression (accrochage d'un tableau, transport d'un fromage de Liverpool à Londres, [més]aventures anciennes et diverses remémorées au fil de l'eau...). Il y avait un certain temps que je n'avais plus lu Trois hommes dans un bateau (et jamais dans cette édition), et j'ai eu une impression de traduction (non signée, mais "spécialement adaptée...") un peu fade par rapport à celle que j'imagine avoir lue antérieurement dans les tréfonds de ma mémoire. Voici celle d'un des morceaux de bravoure: la lutte désespérée, en pique-nique, pour ouvrir une boite d'ananas au sirop en conserve sans ouvre-boite:
"(...) Alors nous perdîmes la tête. Nous portâmes cette boite sur la berge. Harris alla chercher une grosse pierre, je retournai au canot dont je rapportai le mât, et George tint la boite et Harris posa sur le couvercle l'extrémité aiguë de sa pierre, et je pris le mât que je levai et, rassemblant toutes mes forces, je l'abattis.
Ce fut le chapeau de paille de George qui lui sauva la vie, ce jour-là."
J'avais en tête quelque chose d'un peu plus vif comme: "(...) quant à moi je brandis le mât, je visai, et pan!, je frappai. Ce fut le chapeau de George qui, ce jour-là, lui sauva la vie."
Mais peut-être s'agit-il d'un "faux souvenir"?
Quoi qu'il en soit, on comprend avec l'humour pince-sans-rire de l'auteur que l'aventure a été moins reposante que prévu, et le retour au foyer est quelque peu honteux. Après un bon repas, le mot de la fin est: "Je bois à la santé des trois copains délivrés du canot" (sans compter le chien).
Je n'ai lu, à ce jour, aucune des autres aventures des "Trois hommes" disponibles en français (... en Allemagne / en balade / sur un vélo), il est vrai beaucoup moins connues (si j'ai bien compris, il s'agirait de différentes traductions d'un seul et même ouvrage, Three Men on the Bummel?). Un prochain objectif?
Dasola m'a en tout cas bien expliqué qu'elle ne connaissait pas cette littérature et qu'il s'agissait de livres "pour les garçons".
Je savais que différentes éditions "poche" de Trois hommes dans un bateau existaient, mais je pensais les deux autres titres peu accessibles. J'ai eu le plaisir de découvrir que l'on trouve désormais Le corsaire rouge en Folio classique et Daniel Defoe dans la Pléiade (le tome 2 contient notamment Vie du capitaine Singleton).