Alors que cela va bientôt faire cinq ans que le massacre de Charlie Hebdo a eu lieu, je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) présente aujourd'hui un livre-témoignage d'une proche d'une des victimes.
Paru aux éditions du Seuil en janvier 2016 puis réédité en novembre 2016 en « poche » dans l’édition que je possède (coll. Points N°P4462, 137 p.), ce livre raconte l'avant, le pendant et l'après "attentat à Charlie Hebdo" tels que vécus par Maryse Wolinski, seconde épouse du dessinateur.
En ce début 2015, Maryse est la muse de Georges Wolinski (sa "petite fille blonde"...) depuis 47 ans. Elle évoque dans cet ouvrage la situation à Charlie Hebdo telle qu'elle la vivait, indirectement et à travers le prisme que pouvait constituer Wolinski. Le titre cite les derniers mots que lui a adressés Georges, à 9h du matin, le 7 janvier 2015. Dans Charlie, Maryse ne lisait, dit-elle, que les chroniques de Laurent Léger ou Philippe Lançon. Selon elle, Wolinski n'assistait plus à toutes les conférences de rédaction (pas plus que Cabu ou Bernard Maris - selon ce qu'elle en savait -), mais Charb avait demandé à tous les collaborateurs du journal qui le pouvaient de venir partager la galette des rois (sans doute pour annoncer que le roi était à peu près nu désormais, d'un point de vue financier). Très vite, une journée ordinaire avec juste quelques soucis surmontables (un déménagement qui s'annonçait pour le couple, et pour lequel une visite d'appartement était prévue l'après-midi, les soucis professionnels de Wolinski ayant cessé un mois plus tôt sa collaboration avec Le Journal du dimanche, la situation de Charlie Hebdo plus que précaire...) va virer au cauchemar. On assiste à l'annonce à Maryse (dans un taxi), avec avalanche de messages téléphoniques de plus ou moins proches. Son gendre Arnaud, qui s'est précipité sur les lieux de l'attentat, lui conseille de retourner chez elle... et d'attendre. Temps de sidération, choc, avant qu'Arnaud, encore, confirme la mort de Georges Wolinski. Entretemps, dans le livre, plusieurs dizaines de pages ont été consacrées à la reconstitution de l'intrusion des assassins sur les lieux. Au total 11 appels ont été passés à Police Secours (au 17) par des voisins du journal, le premier à 11 h 18, un quart d'heure avant que les deux meurtiers se fassent ouvrir l'unique accès (porte blindée) à la rédaction de Charlie Hebdo. Ils ne mettront que deux minutes à y tirer 34 balles qui feront 10 morts et 4 blessés. On sent que Maryse a passé des mois à s'acharner à savoir, à interroger, à chercher à comprendre, afin de pouvoir faire son deuil (mais "qu'est-ce que faire son deuil?" - p.130). Elle publie dans ce livre que des témoins ont vu un troisième homme en noir (le chauffeur?), qui n'a pas suivi les assassins chez Charlie. Elle pose la question de savoir qui a pris, quelques semaines avant l'attentat, la décision d'alléger le dispositif de protection dont le journal satirique bénéficiait. Elle relève qu'un syndicat de policiers se plaignait régulièrement du fait que les "protections statiques" (dont celle de Charlie Hebdo, journal qui "crachait" sur tout un chacun, à commencer par les policiers) mobilisaient trop d'effectifs. Ces points seront-ils évoquées lors du procès des attentats de janvier 2015, qui devrait se tenir du 4 mai au 10 juillet 2020?
Et il y a l'"après", la vie sans Georges, avec l'afflux soudain d'argent au journal, malaisé à gérer. Concernant les réactions au massacre telles qu'elle les a vécues, deux pages (p.67-79) seraient presque à citer intégralement. J'en extrais juste trois phrases: "(...) la France, soudée face aux terroristes, s'est mobilisée. Mais quelle France? Les points de vue divergent." Et la question fondamentale, p.70: "pourquoi le mal? D'où vient-il sinon des hommes eux-mêmes, des fanatiques convaincus de détenir la vérité? La bonne vie ne consiste-t-elle pas à se tenir sur le chemin de la vérité sans jamais prétendre la posséder?". Pour finir, Maryse raconte comment elle a décidé, 6 mois après, et pour éviter que l'ensemble soit dispersé lors de son déménagement, de faire don de l'ensemble du contenu de l’atelier de Georges au Centre international de la caricature, du dessin de presse et de l'humour de Saint-Just le Martel (p.111-112). On est touché par le périple de la planche à dessin, ramenée un beau jour des Etats-Unis par Georges (arrivant à l'aéroport tout heureux avec sa planche sous le bras...) et repartant vers sa destination finale sous l'oeil d'une caméra.
J'ai trouvé plusieurs mentions de ce livre sur internet. Je commence bien entendu par citer le site de Maryse Wolinski. Parmi les blogs, je citerai comme en ayant parlé à un moment ou une autre (liste non exhaustive): Camille et ses livres, Le boudoir de Vesper, Les livres de Joëlle, Les deux bouquineuses, Elsa du blog Nuages-de-mots, le blog [de] Nath Litteranath, Sanguine et ses lectures, Les lectures de_Steph, Underground Quadra, La page ouverte [un blog québécois qui parle de "roman" plutôt que de "récit"]. Et enfin une interview de l'auteure sur le blog BD de Nice Matin et du Var matin en novembre 2017.
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Pour le mois prochain, je vais compiler un petit récapitulatif de tous les billets en rapport avec Charlie Hebdo déjà publiés sur le présent blog. Je précise que la matière pour de futures chroniques n'est pas près de me manquer, tant dans une pile d'ouvrages déjà acquis et même déjà parcourus pour certains mais sur lesquels il faut que je rédige, que dans mes "PAL" ou "LAL" ou encore "listes à acheter"...
*** Je suis Charlie ***