Survivre! - Dougal Robertson
Allez, un dernier pour la route (du Rhum?), une non-fiction pour le Book trip en mer de Fanja. Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) chronique encore un livre qui sommeillait dans ma pochothèque depuis quelques décennies (plus très loin d'un demi-siècle!). Survivre! m'avait été offert pour Noël 1975. Le livre datait en anglais de 1973, mon édition française de 1974, et l'histoire vraie qu'il relatait s'est déroulée en 1972.
Dougal Robertson, Survivre!, l'extraordinaire odyssée de la famille Robertson,
J'ai Lu N° D52 **, DL 4e trim. 1974 (copyright 1973 sous le titre Survivre The Savage Sea,
trad. française par Serge Ouvaroff pour éd. Albin Michel, 1973), 287 pages
L'Anglais Dougal et son épouse Lyn, leur fille Anne (18 ans) et leur fils ainé Douglas (17), et leurs deux jeunes jumeaux Neil et Sandy (11 ans), partent de Falmouth (Cornouaille) en janvier 1971 faire le tour du monde à bord d'un voilier en bois de 13,10 m acheté d'occasion à Malte (elle avait l'âge du capitaine), la Lucette. Dougal Robertson a passé son brevet de capitaine au long cours de la marine marchande britannique (il totalisait 12 ans d'embarquement, y compris durant la seconde Guerre Mondiale jusqu'en 1942) cependant que Lyn est infirmière. En février 1972, Anne quitte sa famille pour vivre sa vie à Nassau (Bahamas). Un étudiant américain de 22 ans, Robin, embarque à Panama à destination de la Nouvelle-Zélande. Le 15 juin, alors qu'ils ont quitté les Galapagos depuis deux jours et alors que Dougal vient de faire le point et de noter l'heure (09h 54' 45") et s'apprête à calculer leur position, l'imprévu se produit.
La coque crevée en deux endroits par une attaque d'épaulards (orques), la Lucette coule en une douzaine de minutes (p.23). Les naufragés disposent d'un dinghy (une "annexe" en fibre de verre) baptisée Ednamair et d'un radeau de sauvetage avec une tente, à boudins gonflables. Ils sont en plein Pacifique, à l'écart des routes de circulation des navires marchands. Compte tenu des courants et des vents, les Galapagos (à 200 milles) sont inatteignables, et le capitaine Dougal décide de viser la côte de l'Amérique centrale (vers le Nord-Est, à un millier de milles). Ils ont des avirons, une voile, une quinzaine d'oranges et citrons et de maigres vivres sauvés de la cambuse (un sac d'oignons, une livre de biscuits, des bonbons), quelques récipients, 10 litres d'eau douce, le "matériel de sauvetage" règlementaire, un couteau de cuisine, le panier à couture de Lyn... et leur savoir-être. Une voile est installée à bord de l'Ednamair qui prend en remorque le radeau. L'eau est rationnée dès le début à 1 litre par jour (au total!). Et puis la pêche (poissons volants, dorades et autres, bien humides), la chasse aux tortues (dont tous n'acceptent pas de boire le sang), la pluie après un certain temps... Le radeau gonflable les lâche le 16e jour (caoutchouc usé par la remorque), et ils doivent désormais s'entasser à bord de l'Ednamair. Nous avons un passionnant récit de toutes les péripéties au jour le jour. Le livre a été rédigé à partir des "journaux de bord" tenus par les uns ou les autres.
Le 38e jour (p.223), ils aperçoivent un navire (ce n'est pas le premier), et celui-ci, enfin, les repère et les repêche. Finalement, leur navigation à l'estime (750 milles effectués sans sextant, sans compas et sans carte) les amenaient sur la bonne route (il restait 290 milles vers le Costa-Rica), et ils pouvaient encore vivre quelque temps de leur pêche et de la pluie... mais ont été ravis d'être recueillis à bord du navire de pêche japonais Toka Maru II, après 38 jours de "navigation" dans les conditions décrites (ce devait être le 23 juillet, si je calcule bien). Trente-huit jours à se supporter (dans tous les sens du terme), entassés les uns sur les autres... Brrrr! Je ne m'y suis jamais trop vu, personnellement.
Le livre contient une quarantaine d'illustrations (plutôt nombreuses pour une édition en "poche), des dessins signés Pam Littlewood (1). J'ai choisi de citer des exemples "pratiques" éclairants (en laissant de côté notamment les nombreux animaux qu'ils ont vus et/ou mangés).
Le couteau de cuisine s'avèrera plus utile que le couteau "de survie" conçu pour ne pas crever le radeau gonflable... (p.125)
L'Ednamair trace la route toutes voiles dehors (p.133).
A bord du radeau de sauvetage, les 16 premiers jours (p.39).
Entassés à bord de l'Ednamair, ensuite (p.135)
Poissons et viande de tortue séchés (p.179), dont l'odeur incommodera fort les marins japonais...
Une aventure de l'époque où il n'y avait pas de balise Argos... De mes lectures et relectures successives (une fois par décennie?), je crois que je retenais à chaque fois (avant d'oublier...) que, sur un (petit?) bateau, le pire peut survenir à l'improviste à tout moment, et que les récipients contenant provisions ou boisson doivent avoir une flottabilité suffisante pour ne pas couler si on les jette par-dessus bord dans la précipitation du naufrage, afin de pouvoir être récupérés par la suite à bord de l'embarcation de sauvetage. Penser à prendre le maximum d'objets pouvant être utile à la survie (donc avoir anticipé): on n'aura pas de seconde chance une fois le navire sombré.
Je n'avais encore jamais eu la curiosité de chercher davantage d'informations sur cette aventure depuis qu'existe internet. C'est en regardant ce jour (30/11/2024) sur Wikipedia en anglais que j'ai appris que Dougal Robertson, qui aurait eu 100 ans cette année, est décédé en 1992 d'un cancer. Il avait en 1975 rédigé un "manuel de survie" (Sea Survival: A Manual) dont la lecture d'un exemplaire a, apparemment, contribué à permettre à un autre naufragé de survivre 76 jours en mer. Un téléfilm de 1992 a été tiré de l'aventure de la famille Robertson (par Kevin James Dobson, en reprenant le titre Survivre The Savage Sea, mais en changeant les prénoms et noms des naufragés). Enfin, le fils ainé, Douglas, a écrit en 2005 son propre livre, titré The Last Voyage of the Lucette (non traduit en français). Je regrette de ne pouvoir le lire: peut-être que, 30 ans plus tard et après la mort du père, sa vision des événements est différente de celle de celui-ci?
(1) et non "des dessins de l'auteur" comme je l'avais écrit à tort initialement [edit du 01/12/2024].