Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Dasola
Le blog de Dasola
Derniers commentaires
Archives
Challenges terminés

Pour les challenges de l'année en cours, 
voir colonne de droite

30 novembre 2024

Survivre! - Dougal Robertson

Allez, un dernier pour la route (du Rhum?), une non-fiction pour le Book trip en mer de Fanja. Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) chronique encore un livre qui sommeillait dans ma pochothèque depuis quelques décennies (plus très loin d'un demi-siècle!). Survivre! m'avait été offert pour Noël 1975. Le livre datait en anglais de 1973, mon édition française de 1974, et l'histoire vraie qu'il relatait s'est déroulée en 1972. 

Dougal Robertson, Survivre!, l'extraordinaire odyssée de la famille Robertson,
J'ai Lu N° D52 **, DL 4e trim. 1974 (copyright 1973 sous le titre Survivre The Savage Sea,
trad. française par Serge Ouvaroff pour éd. Albin Michel, 1973), 287 pages

 

L'Anglais Dougal et son épouse Lyn, leur fille Anne (18 ans) et leur fils ainé Douglas (17), et leurs deux jeunes jumeaux Neil et Sandy (11 ans), partent de Falmouth (Cornouaille) en janvier 1971 faire le tour du monde à bord d'un voilier en bois de 13,10 m acheté d'occasion à Malte (elle avait l'âge du capitaine), la Lucette. Dougal Robertson a passé son brevet de capitaine au long cours de la marine marchande  britannique (il totalisait 12 ans d'embarquement, y compris durant la seconde Guerre Mondiale jusqu'en 1942) cependant que Lyn est infirmière. En février 1972, Anne quitte sa famille pour vivre sa vie à Nassau (Bahamas). Un étudiant américain de 22 ans, Robin, embarque à Panama à destination de la Nouvelle-Zélande. Le 15 juin, alors qu'ils ont quitté les Galapagos depuis deux jours et alors que Dougal vient de faire le point et de noter l'heure (09h 54' 45") et s'apprête à calculer leur position, l'imprévu se produit. 

 

La coque crevée en deux endroits par une attaque d'épaulards (orques), la Lucette coule en une douzaine de minutes (p.23). Les naufragés disposent d'un dinghy (une "annexe" en fibre de verre) baptisée Ednamair et d'un radeau de sauvetage avec une tente, à boudins gonflables. Ils sont en plein Pacifique, à l'écart des routes de circulation des navires marchands. Compte tenu des courants et des vents, les Galapagos (à 200 milles) sont inatteignables, et le capitaine Dougal décide de viser la côte de l'Amérique centrale (vers le Nord-Est, à un millier de milles). Ils ont des avirons, une voile, une quinzaine d'oranges et citrons et de maigres vivres sauvés de la cambuse (un sac d'oignons, une livre de biscuits, des bonbons), quelques récipients, 10 litres d'eau douce, le "matériel de sauvetage" règlementaire, un couteau de cuisine, le panier à couture de Lyn... et leur savoir-être. Une voile est installée à bord de l'Ednamair qui prend en remorque le radeau. L'eau est rationnée dès le début à 1 litre par jour (au total!). Et puis la pêche (poissons volants, dorades et autres, bien humides), la chasse aux tortues (dont tous n'acceptent pas de boire le sang), la pluie après un certain temps... Le radeau gonflable les lâche le 16e jour (caoutchouc usé par la remorque), et ils doivent désormais s'entasser à bord de l'Ednamair. Nous avons un passionnant récit de toutes les péripéties au jour le jour. Le livre a été rédigé à partir des "journaux de bord" tenus par les uns ou les autres. 

 

Le 38e jour (p.223), ils aperçoivent un navire (ce n'est pas le premier), et celui-ci, enfin, les repère et les repêche. Finalement, leur navigation à l'estime (750 milles effectués sans sextant, sans compas et sans carte) les amenaient  sur la bonne route (il restait 290 milles vers le Costa-Rica), et ils pouvaient encore vivre quelque temps de leur pêche et de la pluie... mais ont été ravis d'être recueillis à bord du navire de pêche japonais Toka Maru II, après 38 jours de "navigation" dans les conditions décrites (ce devait être le 23 juillet, si je calcule bien). Trente-huit jours à se supporter (dans tous les sens du terme), entassés les uns sur les autres... Brrrr! Je ne m'y suis jamais trop vu, personnellement.

Le livre contient une quarantaine d'illustrations (plutôt nombreuses pour une édition en "poche), des dessins signés Pam Littlewood (1). J'ai choisi de citer des exemples "pratiques" éclairants (en laissant de côté notamment les nombreux animaux qu'ils ont vus et/ou mangés). 

Le couteau de cuisine s'avèrera plus utile que le couteau "de survie" conçu pour ne pas crever le radeau gonflable... (p.125)

L'Ednamair trace la route toutes voiles dehors (p.133).

  A bord du radeau de sauvetage, les 16 premiers jours (p.39). 

Entassés à bord de l'Ednamair, ensuite (p.135)

Poissons et viande de tortue séchés (p.179), dont l'odeur incommodera fort les marins japonais...

 

Une aventure de l'époque où il n'y avait pas de balise Argos... De mes lectures et relectures successives (une fois par décennie?), je crois que je retenais à chaque fois (avant d'oublier...) que, sur un (petit?) bateau, le pire peut survenir à l'improviste à tout moment, et que les récipients contenant provisions ou boisson doivent avoir une flottabilité suffisante pour ne pas couler si on les jette par-dessus bord dans la précipitation du naufrage, afin de pouvoir être récupérés par la suite à bord de l'embarcation de sauvetage. Penser à prendre le maximum d'objets pouvant être utile à la survie (donc avoir anticipé): on n'aura pas de seconde chance une fois le navire sombré. 

 

Je n'avais encore jamais eu la curiosité de chercher davantage d'informations sur cette aventure depuis qu'existe internet. C'est en regardant ce jour (30/11/2024) sur Wikipedia en anglais que j'ai appris que Dougal Robertson, qui aurait eu 100 ans cette année, est décédé en 1992 d'un cancer. Il avait en 1975 rédigé un "manuel de survie" (Sea Survival: A Manual) dont la lecture d'un exemplaire a, apparemment, contribué à permettre à un autre naufragé de survivre 76 jours en mer. Un téléfilm de 1992 a été tiré de l'aventure de la famille Robertson (par Kevin James Dobson, en reprenant le titre Survivre The Savage Sea, mais en changeant les prénoms et noms des naufragés). Enfin, le fils ainé, Douglas, a écrit en 2005 son propre livre, titré The Last Voyage of the Lucette (non traduit en français). Je regrette de ne pouvoir le lire: peut-être que, 30 ans plus tard et après la mort du père, sa vision des événements est différente de celle de celui-ci? 

 

(1) et non "des dessins de l'auteur" comme je l'avais écrit à tort initialement [edit du 01/12/2024].

29 novembre 2024

Une part manquante - Guillaume Senez

Voici un film dont j'ai trouvé l'histoire déchirante. Jérôme (Jay) vit au Japon depuis longtemps et cela fait 9 ans qu'il recherche sa fille Lily, qu'il a eu avec une Japonaise appelée Keiko qui l'a quitté (en emmenant Lily) sans qu'il ait eu son mot à dire. La garde alternée n'existe pas. Et c'est pourquoi Il est encore marié, car sinon il perdrait son droit parental, et il paye quand même une pension alimentaire. La famille de Keiko empêche Jérôme de voir sa fille. Ils ont tourné une page. Ils considèrent que Lily a oublié son père. Après avoir été cuistot, Jay est devenu chauffeur de taxi, il parle japonais couramment et il connaît les rues de Tokyo comme sa poche. Cela lui a permis de chercher partout dans la mégapole, jusqu'au jour où il emmène une jeune fille en taxi jusqu'à son collège. Il est sûr que c'est sa fille Lily. Romain Duris est exceptionnel dans le rôle de Jay. Quand il a l'occasion de côtoyer Lily même brièvement, Jay est enfin heureux après si longtemps. Il renonce même temporairement au projet de revenir en France où son père aimant l'attend. La fin est bouleversante mais on perçoit de l'espoir avec le lien créé. Un film qui est à l'affiche depuis deux semaines dans peu de salles, et qui ne se donne malheureusement presque plus. Lire le billet de Pascale

28 novembre 2024

Ecrivains de Marine, peintres de la Marine et Académie de Marine

Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) m'apprête à clore ma participation au challenge Book trip en mer organisé par Fanja avec un article apportant des éclaircissements et précisions sur trois institutions "culturelles" liées à la Marine nationale: les écrivains de Marine, les peintres officiels de la Marine et l'Académie de Marine.

 

L'association loi 1901  "Les écrivains de Marine" a été fondée en 2003 par l’écrivain et académicien Jean-François Deniau (1928-2007, élu à l'Académie française en 1992). Ses statuts limitent à 20 le nombre de ses membres, cooptés par l'association mais aussi soumis à l'agrément du Chef d'état-major de la Marine (ils doivent être écrivains et reconnus comme ayant une légitimité maritime). Chacun peut s'engager dans la "réserve citoyenne" et y devenir capitaine de frégate réserviste. Ils ont aussi la possibilité d'embarquer sur les navires de la Marine nationale (avec laquelle l'association est liée par une convention). Ils peuvent signer leurs livres en accolant leur nom à une petite ancre de marine. Parmi les femmes, Katell Faria y côtoie Isabelle Autissier, Anne Quéméré, Emmelene Landon ou encore la vice-présidente Andréa Marcolongo. Le président est actuellement l'aventurier Patrice Franceschi. 

Les Écrivains de marine organisent un prix littéraire annuel, doté de 10.000 euros, dont la première édition a eu lieu en 2023 et qui récompense un ouvrage d'imagination s'attachant à dévoiler un pan de la condition humaine (livre édité par une Maison d'édition dans le cadre de la rentrée littéraire, à l'exclusion donc de l'auto-édition). 

 

Prix à ne surtout pas confondre avec le prix Encre Marine, qui, créé en 1991 par le préfet maritime de la Méditerranée, se revendique comme l’unique prix littéraire décerné par la Marine nationale. Le prix 2024 a récompensé Arnaud de La Grange, qui remporte le prix pour La Promesse du large paru aux éditions Gallimard. 

Précisons encore que, depuis quatre ans, le ministère des Armées organise le prix "Les Galons de la BD" (pour récompenser une bande dessinée, des créations récentes et originales, au motif que le regard des auteurs de BD souligne la place importante qu’occupe le fait militaire dans notre Histoire et dans nos représentations collectives. Pour moi, les différents prix soutenus par l'Armée contribuent à ce que nos dirigeants appellent "réarmer le moral de la nation": nous préparer, psychologiquement et collectivement, aux guerres à venir...

Côté civil, la Fédération nationale du Mérite maritime et de la médaille d'honneur des marins délivre également des prix littéraires (prix Ecume de mer, prix Jean Loreau). Le Mérite maritime est un ordre ministériel (comme les Palmes académiques, les Arts et lettres ou le Mérite agricole). Aux vents des mers australes figure parmi les sept livres de la première sélection 2025.

On peut trouver sur Wikipedia (consulté le 28 novembre 2024) quelques autres prix littéraires maritimes français (prix Eric Tabarly, prix Marine Bravo Zulu, ...).

 

L'appellation de "peintre officiel de la Marine" (POM) remonte à 1830 (pour mémoire, le procédé de captation d'images inventé par Charles Daguerre, ancêtre de nos photographies, est présenté à l'Académie des Sciences en 1839 puis acquis par le gouvernement français, avant d'être libéralement diffusé dans le monde entier). Bien entendu, dès avant 1830, le pouvoir royal en France pouvait passer commande à des peintres et artistes de vues de ports de mer ou de décorations à bord de navires de guerre. 

Aujourd'hui, le statut de peintre des Armées est régi par le décret du 2 avril 1981 relatif au titre de peintre des armées (signé par le Premier ministre Raymond Barre et le ministre de La Défense Robert Galley) et ses modifications successives. Le nombre de POM est fixé à 20, on commence par être "agréé" pour une durée de trois ans, puis après trois agréments successifs on peut être "titularisé" (toujours par arrêté du ministre des Armées - qui peut également retirer le titre en cas de faute ou de production insuffisante). Dans l'ordre de préséance, le titre de peintre agréé est assimilé au grade de lieutenant de vaisseau (capitaine pour les autres armes) et le titre de peintre titulaire au grade de capitaine de corvette (commandant). "En cas d'opérations militaires et pendant la durée de leurs missions, les peintres des armées bénéficient du statut de correspondant de guerre et sont astreints au port de l'uniforme". 

Depuis bien longtemps, l'appellation a commencé à englober d'autres artistes: sculpteurs, photographes, et dernièrement bédéistes (Emmanuel Lepage a été le premier dessinateur de BD "Peintre officiel de la Marine", nommé le 30 septembre 2021). 

Par contre (comme je l'avais déjà souligné), le très connu Jean-Yves Delitte est, lui, belge et non français, et comme tel porte le titre de POM fri belge, dont l'historique est lisible ici

Je signalerai enfin un livre paru l'an dernier, Les peintres officiels de la Marine, qui associe POM d'hier et POM d'aujourd'hui, et dont les textes sont signés de l'amiral François Bellec, de l'Académie de Marine (mais également POM et écrivain de Marine), qui a aussi été directeur du Musée national de la Marine de 1980 à 1997.

 

L'Académie de Marine, refondée en 1921 sous le statut d'association loi 1901 et aujourd'hui Etablissement public à caractère administratif, se revendique l'héritière d'une première Académie de Marine créée en 1752 et supprimée en 1793 (comme toutes les académies royales) par la Révolution française (sans être rétablie ensuite lors de la création de l'institut de France en 1795, ni lorsque Napoléon a réorganisé celui-ci en cinq classes en 1803). Elle est organisée en six sections (Marine militaire ; Marine marchande, pêche et plaisance ; Sciences et techniques ; Navigation et océanologie ; Histoire, lettres et arts ; Droit et économie). Chaque section compte 13 membres titulaires.

L'Académie n'omet jamais de rappeler que la France possède le deuxième plus vaste espace maritime mondial (après celui des Etats-Unis). Elle conduit, à son initiative ou à la demande des pouvoirs publics, des travaux et des recherches portant sur les sujets majeurs du fait maritime. Notons par exemple la rédaction récente d'un numéro spécial de la revue Etudes marines, téléchargeable ici. On y relèvera entre autres choses intéressantes que les Français ont fait preuve d'un savoir-faire mondialement reconnu pour descendre explorer la Lune!

Comme il faut donc travailler, produire des rapports, des avis, etc., on n'est pas membre de l'Académie de Marine "à vie". La tradition veut que l'on en démissionne lorsqu'on n'en est plus capable (lorsque le cerveau ne suit plus?). Parmi les membres, on compte davantage d'amiraux en 2e section et d'anciens cadres de haut rang que d'officiers mariniers ou d'anciens patrons pêcheurs et matelots. Les huit femmes au total y sont aujourd'hui... minoritaires. Dans la section Histoire, lettres et arts, on peut trouver aussi bien des POM que des Ecrivains de Marine. 

L’Académie décerne chaque année un Grand Prix et divers prix littéraires (prix Beau Livre, prix Album, prix Bande dessinée, médailles et mentions en plus du Grand Prix), des prix de fondation (huit prix différents provenant de legs ou de dons), des prix particuliers (deux prix: droit ou économie d'une part, stratégie maritime générale d'autre part), deux prix de thèse (sciences humaines et/ou sociales; sciences exactes et/ou expérimentales) et une bourse d'étude... 

 

Voilà qui pourrait bien pour moi conclure mon périple pour le Book trip en mer. Moi qui suis loin d'être un "fana mili", je suis content d'avoir commencé par mettre en avant un reportage de Charlie Hebdo pour terminer par l'Académie de marine, tout en ayant rédigé entretemps des articles sur des livres relativement diversifiés!

26 novembre 2024

Deux filles nues - Luz

Ayant entendu et lu beaucoup de bien de ce roman graphique dessiné par Luz (186 pages, Edition Albin Michel), je viens de le lire et je ne le regrette pas. Pour résumer, il s'agit des pérégrinations d'un tableau, "Deux filles nues", peint en 1919 par Otto Mueller, un artiste allemand. Toute l'histoire, qui se déroule sur plus d'un demi-siècle, est racontée du point de vue du tableau lui-même. Otto Mueller était né d'une mère tzigane (ce qui n'était pas mieux que d'être Juif pendant le nazisme). Pour ce tableau, Deux filles nues, Mueller a pris comme modèle sa première femme Maschka Meyerhofer avec qui il restera lié après leur divorce. Mueller est mort de tuberculose en 1930 à 55 ans. Ce tableau considéré par les Nazis comme pornographique et appartenant à l'Art dégénéré ira d'un propriétaire à l'autre, sera exposé en 1937 dans plusieurs villes d'Allemagne lors de l'exposition itinérante "L'art dégénéré" puis sera sauvé de la destruction pendant la guerre. Désormais, après avoir été restitué à la famille en 1999, il est visible depuis 2000, au musée Ludwig à Cologne. J'ai énormément aimé ce roman graphique, les couleurs et les dessins de Luz qui montre à la toute fin ce tableau vu par lui. Un beau cadeau à faire pour cette fin d'année. 

 

 

 

25 novembre 2024

Carole & Tuesday - Morito Yamataka

Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) vais un peu "tricher" par rapport à mon challenge marsien en présentant une oeuvre certes "d'anticipation", mais dont le volet martien m'a semblé (contrairement à mes attentes) aussi ténu que peut l'être l'atmosphère actuelle de la planète (même si celle-ci peut permettre à un "mini-hélicoptère" drone de parcourir des centaines de mètres). Il y est par contre question d'une place prédominante de l'IA (intelligence artificielle) dans certains secteurs, alors Mars et cet aspect "SF" suffisent pour l'inscrire aussi au 12e challenge de l'imaginaire proposé par Tornade... 

Yamataka Morito (oeuvre originale: studio Bones / Wattanabe Shinichiro),
Carole & Tuesday (3 tomes),
nobi nobi!, 2020-2021 en France (2019-2020 au Japon)

 

Sur Mars terraformée, deux jeunes filles, l'une (Carole) orpheline qui enchaîne les petits boulots pour survivre et l'autre (Tuesday) fugueuse de bonne famille, se croisent à Alba (capitale, au moins culturelle, de Mars) et se découvrent une sensibilité musicale commune. Elles vont être amenées à "percer" dans la musique (chanson) grâce à divers soutiens, et nous allons suivre tant leur cheminement que celle de la "concurrence" qu'elles rencontrent, alors que la création musicale est désormais un "monopole de fait" de l'IA. 

Avec ma "focalisation" particulière (Mars...), je ressens un peu le même genre de frustration que lors de ma lecture de Running Girl: tout ce qui nous est donné est intéressant, mais on en aurait attendu bien davantage sur le "cadre" martien, notamment. Or, seules quelques citations et allusions témoignent que l'on est bien sur la planète Mars (terraformée?), mais l'on pourrait aussi bien être n'importe où (dans le futur), et cela n'intervient nullement dans l'histoire.

Je dois tout de même préciser que cette "mini-série manga" a été créée d'après la saison 1 d'un "anime" (dessin animé japonais) que les lecteurs sont donc peut-être censés déjà connaître et avoir vu (oeuvre originale: studio Bones / Shinichiro Watanabe), ...ce qui n'est pas mon cas. Je ne peux donc me référer qu'à cette version "papier". 

Bien évidemment, le manga est muet: contrairement à l'anime, on n'a pas la musique ni les chansons! Seuls les dialogues et quelques dessins magnifiques (en noir et blanc, fréquemment rehaussés de différents gris tramés) peuvent témoigner de l'harmonie entre nos héroïnes. Les gamines s'entendent bien dans le domaine musical (sensibilité commune) et cohabitent cahin-caha (caractères et "vécus" différents...). Est-ce que leur intimité va plus loin? Nous n'avons droit -hors champ- qu'à un ambigu "dis, Tuesday, et si on sortait, toutes les deux?" (p.120 - peut-être s'agit-il juste d'aller arroser une bonne nouvelle dans un bar...). 

 

Le gros des pages que j'ai choisi de citer pour leur valeur esthétique ou explicative provient du tome 1.

Première page du 1er tome: nous sommes à Herschel (?) et quelques heures (et pages) plus tard, Tuesday est arrivée à Alba (ci-dessous).

Et quelques pages plus loin, alors que Carole est en train de jouer du clavier en pleine rue...

...pp.26-27 & 30-31, la rencontre et le coup de foudre (... entre musiciennes)

p.56-57, le plaisir de la composition en commun, sur la même longueur d'onde, entre notes et mots...

p.65, une image magnifique (sous les feux de la rampe?)... 

Afin de trouver un vrai piano à queue, les filles se faufilent "au culot" dans le "Hall commémoratif des  immigrants martiens", et chantent... (sans s'apercevoir que leur "prestation improvisée" bénéficie (?) d'une "captation sauvage"... qui va créer le "buzz"). 

p.84-85: c'est autre chose que de la musique créée par "intelligence artificielle"... (commentaire ci-dessous p.106).

Encore une jolie image, avec nos deux jeunes filles qui se protègent sous une coquille, une sorte de corne d'abondance constituée de notes entrelacées... (p.139).

Après leur premier spectacle (à l'insu de leur plein gré), elles ont été approchées par un auto-proclamé "impresario", qui va les amener à "s'incruster" au "Festival Cydonia" (il paraît qu'il connaît l'organisateur).

p.162-163: en pleine prestation...

p.172, dialogue entre deux vedettes installées que la sincérité des jeunes musiciennes a touché... 

Dans le tome 2, nos héroïnes vont se présenter à un télécrochet, le Mars Brightest (200 000 concurrents!), et on les verra se confronter à d'autres musiciens et musiciennes.

p.32-33: l'intelligence artificielle nous est présentée au service de l'une d'elles, Angela...

Dans le tome 3, p.91, voici Carole interrogée sur son passé... 

Le troisième et dernier tome se termine en apothéose et aussi un peu en queue de poisson, alors que nos duettistes s'apprêtent à faire officiellement la "première partie" de la vainqueur du télécrochet, "six mois plus tard", au Festival Cydonia... 

Il n'y a pas eu (à ce jour) d'adaptation manga de la seconde partie (saison) de l'anime.

 

Je le répète, pour moi, l'intéressant dans ce manga est bien la sincérité des jeunes artistes qui composent elles-mêmes les paroles et la musique, à une époque (plus si lointaine?) où celle-ci est réalisée par des IA... dont la présence est sous-jacente, non seulement pour la composition musicale, mais sans doute dans de multiples autres pans de la société...
J'ai donc compris surtout que cette facette de l'IA était déjà prévisible bien avant fin novembre 2022 et la soudaine révélation au grand public (en France, ou partout dans le monde?) de ChatGPT (et, très vite, d'autres...). Or, sauf si le malheureux neurone (humain!) qui me reste s'apprête vraiment à me lâcher faute de copains avec qui se connecter, il me semble me souvenir que l'IA a vraiment commencé à être connue du grand public, en France, lorsque les média ont annoncé la "mise à disposition" de ChatGPT, en novembre 2022 (alors que ce manga est bien antérieur): la France, toujours en retard? 

 

Pour finir, voici quelques blogs qui ont parlé de l'un ou l'autre tome voire de la série entière: Calypso, blog d'une "profdoc" de collège (T.1), le blog de l'apprenti otaku, les voyages de LySophia du blog Lire en bulles, Les lectures de Caro (dernier billet en 2023), Artemissia du blog Songe d'une nuit d'été (liste sans doute non exhaustive). 

24 novembre 2024

Trois amies - Emmanuel Mouret / Louise Violet - Eric Besnard

J'ai vu ces deux films dans la même journée. 

Trois amies d'Emmanuel Mouret est un film plein de délicatesse sur les amours de trois amies, professeures toutes les trois. L'histoire se passe dans la ville de Lyon, très bien filmée. Joan (India Haïr), professeur d'anglais, se rend compte qu'elle n'est plus amoureuse de son mari Victor (Vincent Macaigne, très émouvant). Ils ont une petite fille ensemble. Victor, qui est le narrateur de l'histoire, disparaît tragiquement et Joan est inconsolable. Ses amies Alice et Rebecca essayent de la consoler mais rien n'y fait. Alice n'éprouve aucune passion pour son compagnon Eric, mais elle est quand même heureuse, sans savoir qu'Eric a une liaison avec Rebecca. On suit l'histoire de ces trois femmes avec leurs mensonges, les non-dits. Cela pourrait faire penser à du Alfred de Musset ou du Marivaux. C'est bien écrit et bien joué. Il y a de la belle musique classique. Personnellement, à part Vincent Macaigne, je n'ai pas été touchée par ce film. Je suis restée en dehors. Dommage pour moi. Lire le billet de Pascale qui a mis 4*.

Je passe à Louise Violet d'Eric Besnard qui raconte l'histoire d'une jeune institutrice en 1889, venue de Paris et mutée dans un village français reculé où les enfants travaillent aux champs avec leurs parents. Et pourtant, depuis 1882, l'école est devenue laïque et obligatoire pour les enfants de 6 ans jusqu'à 14 ans. Louise (Alexandra Lamy, convaincante dans son rôle), dont on va apprendre le lourd passé tragique, a beaucoup de difficultés à se faire accepter malgré l'aide du maire (Grégory Gadebois, toujours très bien) du le postier (Jérôme Kircher), qui lit les lettres qu'on lui confie. Grâce à un accouchement pour lequel elle apporte son aide, Louise apprivoise les villageois et elle se retrouve avec une dizaine d'élèves, garçons et filles, même s'il y a quelques réfractaires parmi les parents. Un film qui m'a plu grâce à une histoire sans vraiment de surprises mais qui tient la route. Dommage que, deux semaines après sa sortie, il ne se donne presque plus en salle à région parisienne. Lire le billet de Selenie

22 novembre 2024

Aux vents des mers australes / Les aventurières du ciel - Katell Faria

Parmi les deux livres que je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) souhaite chroniquer aujourd'hui, seul le premier a toute sa place dans le challenge Book trip en mer de Fanja. Ils sont tous deux dûs à une écrivaine trentenaire, elle-même jeune "aventurière" sur laquelle on ne trouve guère d'autres renseignements sur internet que ce qui figure sur les sites des éditeurs ou ce qu'elle glisse dans ses livres. "Katell Faria" (oui, comme le prisonnier du château d'If, celui du trésor caché!) ne serait-elle qu'un pseudonyme? Pourtant, l'autrice existe, je l'ai même rencontrée... au cours d'une de ses séances de dédicaces!

Aux vents des mers australes, Stock, 2024, 250 pages
Les aventurières du ciel, Points N°P5398, coll. Points Aventure, 2021, 314 pages (inédit)

 

Je commence par son livre le plus récent, le premier des deux que j'ai lus d'elle. Aux vents des mers australes peut, comme je le disais, figurer dans le challenge Book trip en mer. Dans le prologue (p.11), l'auteure raconte comment Patrice Franceschi, "fameux écrivain aventurier pour qui [elle a] une grande admiration et [qu'elle a] la chance de compter parmi [ses] amis", l'a appelée début novembre 2022 pour lui faire part d'un projet d'aventure pour elle: "Katell, que dirais-tu d'embarquer sur la frégate de surveillance Nivôse afin d'écrire un livre sur sa mission dans les terres australes?". Sitôt dit, sitôt fait ou presque: le 20 janvier 2023, direction La Réunion (près de Madagascar), où l'attend le commandant du navire. Pour elle, retour sur une île qu'elle avait visitée 9 mois auparavant, à l'occasion d'un reportage sur un régiment que le frère aîné de sa grand-mère avait commandé 50 ans plus tôt, dans le cadre d'un ouvrage collectif (Les écrivains sous les drapeaux)... Bref, elle embarque le 22 janvier pour un appareillage prévu le lendemain à 06 h 30 à bord du Nivôse (fiche wikipedia consultée le 22 novembre 2024), en même temps que le directeur adjoint de France Info (mais ce dernier abandonnera prématurément la croisière pour raisons personnelles). Katell, elle, y est restée jusqu'au 1er mars et au retour à La Réunion. Lors de ce périple de plusieurs semaines, l'écrivaine partage le "poste féminin" (9 couchettes) avec 8 autres jeunes femmes (une femme matelot et 7 officiers mariniers). Intégrée à la vie du bord, avec de nombreuses occasions de discuter avec l'équipage et les officiers, elle ne nous laisse pas ignorer que le Nivôse est bien un navire de guerre de la Marine française, alors en mission annuelle de souveraineté dans les TAAF (Terres australes et antarctiques françaises), ce qui l'amène à passer par les archipels Crozet et Kerguelen, ainsi que par les îles Saint-Paul et Amsterdam. En découle un ouvrage très pédagogique: le regard d'une terrienne sur les missions de ces marins, avec son témoignage sur la vie à bord, mais aussi voire surtout, plus largement, les enjeux de la possession française sur ces territoires peu connus du grand public. Le livre fait donc office d'oeuvre de vulgarisation à cet égard (en attendant un polar qui s'y déroulerait?), bien au-delà d'un simple "reportage". Tout le livre constitue un plaidoyer pour mettre en évidence l'étendue de la mission et du territoire couverts (en pointant notamment du doigt la diminution des moyens de la Marine à l'époque de 2008 et de la RGPP). Sont mises en évidence la concurrence d'autres pays et nations sur ces lointaines contrées, leurs ressources halieutiques, une vision géostratégique liée à l'étendue du domaine maritime de la France... Le livre de Katell Faria rappelle que marins et navire sont (des) militaires, et s'entraînent en permanence en anticipant les conflits possibles (elle a même participé à des exercices de tir comme de lutte contre le feu à bord, a aidé en cuisine...). Les informations qu'elle distille tout au long du livre recoupent et synthétisent celles que l'on voit passer épisodiquement dans la presse écrite ou audiovisuelle (le réarmement naval en cours dans le monde et notamment dans la zone Pacifique, la Chine qui construit tous les quatre ans l'équivalent du total de la flotte militaire française [en nombre de navires ou en tonnage?]...). J'ai retenu la phrase "ce qui n'est pas surveillé est visité, ce qui est visité est pillé et ce qui est pillé finit toujours par être contesté". Un témoignage intéressant. Si elle devait ne retenir qu'une seule chose de cet embarquement? "L'humain. C'est toujours l'humain. La relation qu'il noue avec la mer; et celle qu'il entretient avec ses semblables" (p.242).  La vie à bord m'a rappelé des témoignages sur la vie de "non-professionnels" à bord de sous-marins que j'avais évoquée ici

Blandine en avait parlé, le blog de Ma voix au chapitre aussi.

Par ailleurs, la lecture de ce livre m'a encore plus donné envie de lire la BD Voyage aux îles de la Désolation d'Emmanuel Lepage (chroniqué par plusieurs blogueuses dans le cadre du challenge) pour comparer (mais je n'en ai pas eu le temps...)!

 

C'est lors d'une séance de dédicaces, il y a quelques mois, que je m'étais offert son second bouquin. Les aventurières du ciel n'a pas de rapport avec le Book trip en mer (même si certaines aviatrices ont été pionnières dans des survols transmaritimes ou transocéaniques). Ici, notre mystérieuse Katell Faria nous présente six aviatrices dont je ne connaissais guère les noms avant lecture: quatre Françaises, une Anglaise, une Américaine, nées entre 1892 et 1908. La préface de Patrice Franceschi précise bien qu'"elles auraient pu être cent dans ce livre". Dans Wikipedia (consulté le 21/11/2024), la catégorie Aviatrice française renvoie à 63 noms, et la catégorie Pionnière de l'aviation (toutes nationalités confondues) en liste 190. Alors, pourquoi ces six-là? Ma dédicace me souhaite une "bonne lecture de ces destins de femmes placées sous le signe du courage et de la liberté". Mais j'aurais vraiment bien souhaité savoir ce qui a présidé précisément au choix des "aventurières" qui suivent...

Nous sont narrées dans ce livre les vies, plus ou moins courtes, de: Adrienne Bolland (1895-1975), p.13; Beryl Markham (1902-1986), p.69; Hélène Boucher (1908-1934), p.121; Maryse Bastié (1898-1952), p.171; Bessie Coleman (1892-1926), p.221; Maryse Hilsz (1901-1946), p.267. D'autres aviatrices (de différentes nationalités) sont à l'occasion citées comme des "rivales" ou des collègues de celles-ci. Elles ont souvent été pionnières dans le domaine de l'aviation (première femme pilote, première française, première détentrice de tel ou tel record de distance, de durée de vol ou d'altitude, ou sur un trajet donné...). En général, toutes se sont aperçu, après avoir appris à piloter par passion, que non seulement elles auraient du mal à en vivre, financièrement parlant, mais même que cela coûtait cher de voler, d'acheter un avion, de l'entretenir... et nécessitait (déjà à l'époque), sinon, des sponsors, du moins de la notoriété. Leur vie a été plus ou moins longue (plusieurs sont mortes tragiquement), plus ou moins remplie... Pour ma part, je ne connaissais que certains de ces noms, ceux d'aviatrices qui avaient servi à baptiser un lycée proposant de l'enseignement post-bac (Hélène Boucher, Maryse Bastié). J'ai regretté que l'ouvrage ne comporte pas de bibliographie "pour en savoir davantage". Ces six biographies exaltent leur rôle de femmes qui ont été au bout de leur rêve de piloter, de (jeunes) femmes au caractère bien trempé et qui ont dû faire preuve de beaucoup de détermination pour (ob)tenir leur place dans un univers majoritairement masculin. J'avoue qu'une chose m'a frappé dans ce livre: si certaines de ces "aventurières" se sont montrées "croqueuses d'hommes", il n'est fait état d'aucune aventure saphique concernant ne fût-ce que l'une d'entre elles. Hasard? Réalité? Choix de l'autrice? Censure? Je l'ignore. N'ayant pas encore lu ce livre lors de notre rencontre, je n'ai pu questionner l'auteure. 

Aujourd'hui, Katia Farell fait partie des Ecrivains de Marine, association présidée par Patrice Franceschi et dont j'espère avoir l'occasion de parler dans un prochain billet. 

En tout cas, cela m'a fait songer qu'il y aurait certainement bien des volumes à lire dans le cadre d'un futur "book trip de l'air et de l'espace" (comme le périmètre de l'Armée du même nom)!

Ma lecturothèque avait chroniqué Les aventurières du ciel en son temps, Camille (du blog voyageuse de livres) plus récemment, et encore (ou déjà) Blandine.

20 novembre 2024

A toute allure - Lucas Bernard / Challenger - Varante Soudjian

J'écris un billet groupé sur A toute allure de Lucas Bernard et Challenger de Varante Soudjian même si ces deux comédies françaises n'ont rien à voir l'une avec l'autre.

Dans A toute allure, Pio Marmaï interprète Marco, un chef de cabine sur une ligne aérienne qui fait escale sur une île avec d'autres membres d'équipage. Il se retrouve dans un bar hôtel où il croise Marianne (Eye HaÏdara), une femme sous-marinière et c'est le coup de foudre. Il la suit et il se retrouve passager clandestin et aide cuistot dans un sous-marin nucléaire français. C'est une comédie enlevée mais un poil décousue. J'ai trouvé que Pio Marmaï en faisait un peu beaucoup, le rôle de Marianne n'est pas très étoffé et on ne voit pas assez José Garcia, le plus désopilant de tous en commandant pince-sans-rire. Dans l'ensemble, je n'ai pas beaucoup ri et la chanson de Richard Cocciante "Un coup de soleil" chanté par l'équipage n'a pas suffi à mon bonheur. Cette comédie romantique ne m'a pas transportée. On est quand même loin d'Opération Jupons de Blake Edwards (1959). J'ai trouvé les critiques lues et entendues très indulgentes. Lire les billets de Pascale, Henri Golant, Selenie.

Je passe à Challenger qui est un film de boxe pas banal avec un certain Luka Sanchez (Alban Ivanov, très crédible) qui n'a jamais combattu un adversaire. Il s'entraîne comme un malade et il sait encaisser les coups tout en étant employé dans un restaurant très quelconque. Son amie Stéphanie, gameuse et opératrice dans un centre d'appel, manage Luka comme elle peut. Un jour, miracle, grâce à un uppercut au menton qui met KO un pro, Luka prend sa place et s'apprête à affronter un champion qui n'a jamais été battu. Le réalisateur montre très bien la montée en puissance de la publicité sur le combat à venir, et comment Luka s'entraîne avec un ex-boxeur un peu zinzin mais efficace. Luka et Marianne sont touchants. Une petite comédie très sympathique. Lire les billets d'Henri Golant et Selenie.

19 novembre 2024

Destination Mars - Marc Bailly (dir.)

Avec juste quelques jours de retard sur ma feuille de route, je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) présente une anthologie, que j'ai découverte chez un blogueur, qui... Mais j'y reviendrai. Je me la suis procurée par emprunt en bibliothèque. La Maison d'édition a cessé son activité en juin 2017, mais on peut encore se procurer le livre d'occasion ou même au prix du neuf, semble-t-il! Ce recueil peut participer tant à mon challenge marsien qu'au 12e challenge de l'Imaginaire organisé par Tornade.

Destination Mars, Anthologie de Marc Bailly, éditions du Riez, 2013, 339 pages

 

Comme souvent dans les recueils de nouvelles, certaines parmi ces 12 nouvelles (plus deux articles) dont le facteur commun est la planète Mars m'ont plu, et d'autres moins. Je suppose que le fait que le sommaire (p.11) ne comporte aucune pagination est un choix et non un oubli. J'avoue que, pour ma part, je trouve plus pratique d'indiquer la page de début de chaque nouvelle. Chaque partie est composée comme suit: une brève présentation de l'oeuvre (plus ou moins vaste!) de l'auteur concerné, suivie (sauf exception) de quelques mots de celui-ci, qui exprime son enthousiasme à avoir été sollicité et précise parfois l'histoire ou les conditions de rédaction de la nouvelle choisie (parfois simple "repasse" d'un texte écrit des décennies auparavant...). La francophonie y semble réduite à ses parties françaises, belge ou québécoise, mais je ne connais pas suffisamment la littérature de l'imaginaire pour savoir si la SF en général et Mars en particulier inspirent également des écrivains africains (l'Afrique représente une grosse part de "la francophonie"), ou pas. J'aurais aimé savoir si "l'appel à textes" avait produit d'autres nouvelles intéressantes mais qu'il a fallu écarter pour cause de pagination non extensible. Je précise enfin que chaque nouvelle est totalement indépendante dans sa "vision" de Mars par rapport aux autres. Mais (à mon avis) elles sont, en majorité, plus pessimistes qu'optimistes. 

Comme chaque fois que je présente un recueil de nouvelles, je vais dire quelques mots de chacune (ci-dessous), en essayant de ne pas en dire trop... 

 

* Avant-propos, Marc Bailly (p.5)

* Préface, Pierre Brulhet (p.7)

1/ Le syndrome martien, Brice Tarvel (p.13)

La fin de l'humanité dans la base martienne... C'est plié! 

2/ Les sculpteurs de Mars, Jean-Louis Trudel (p.35)

Deux adolescents, la fille âgée d'un peu plus de huit ans (... elle est née sur Mars) et le garçon d'origine terrienne qui en a plus de 15, découvrent la vie sur Mars, au cours d'une excursion hors de la base... 

3/ Celui qui attend, Dominique Douay (p.47)

Quatre astronautes, puis trois, puis deux, puis le dernier sur Mars... "Les gars, quelque chose me dit que vous allez avoir de la visite, un jour ou l'autre". 

4/ Le caillou de Mars, Jean-Pierre Andrevon (p.63)

Récits, entre 2035 et 2037, des exploits des astronautes qui vont nous ramener (oui, grâce à leur aller-retour Terre-Mars-Terre), le fameux caillou, entrecoupés des commentaires enthousiastes de la Presse mondiale (ce gros bloc de roche poreuse et d'une couleur brun orangé, vaguement ovale, d'un poids de 49 kg, exhibé de pays en pays)... et de leurs conséquences. En 2047, sans avoir rien appris, ça repart de Houston pour un nouveau tour (vers Europe, satellite de Jupiter)... Rédigée dans les années 70 selon l'auteur, j'ai été surpris d'y découvrir mention d'un "SSS Obama" (p.73): peut-être une retouche plus récente?

5/ Mars l'ancienne, Joby Gulzar (p.89)

Après les premiers pas, le premier EHPAD sur Mars... avec une savoureuse orchestration politique sur Terre.

6/ Le gaucho de Mars, Leon Jonas (p.147)

Un premier contact plutôt... "possessif" (j'ai songé à L'échiquier du mal, de Dan Simmons). Est-ce pour la bonne cause, ou non?

7/ 118 h avant la fin, Hugo van Gaert (p.169)

J'ai bien aimé cette courte nouvelle où l'ordinateur (plus gentil qu'HAL!) s'avère plus "sage" (prévoyant et résilient) que l'humain... 

8/ Restez chez vous, Marc Van Buggenhout (p.175)

C'est pas pour faire de la "lèche", mais je crois que cette nouvelle a été ma préférée: elle met en évidence que le caractère d'entrepreneurs véreux et roublards (des capitalistes pur jus) paraît commun à toute humanité. Pour les battre, il faut être plus malin qu'eux... 

C'est sur le blog de l'auteur que j'avais découvert l'existence de cette anthologie (son dernier billet y remonte à septembre 2020).

9/ Les Chants de Mars, Jean-Jacques Girardot (p.209)

Cette nouvelle-phare m'a fait songer au récent De l'espace et du temps (d'Alastair Reynolds), sauf qu'ici le "dernier homme" (après un voyage de plus de six milliards d'années) ne se consacre pas à la connaissance, mais à la construction sur Mars d'un monument. Rien qu'un monument. Même pas un cénotaphe... pour le plaisir des générations futures? 

Là, c'est après le texte de la nouvelle que son auteur a rédigé quatre ou cinq pages de "vague postface" (plutôt que de tout dévoiler avant).

10/ Aube dernière, Thierry Di Rollo (p.233)

La mort, la vie... Un peu trop "mystique" et pas assez "aventureux" pour mon goût.

11/ Ciel rouge, sable rouge, Roger Frank (p.243)

Drôle de "nouvelle" qui se présente comme un "abstract", un "synopsis", un "abrégé"... d'un roman à écrire (?): un père et sa fille qui n'ont pas les mêmes idées sur l'avenir de Mars mettent des années à se rejoindre. Tout est dit. Je suppose qu'il y aurait eu matière à "tartiner" des centaines de pages pour développer les péripéties qui y sont évoquées.

L'auteur affirme avoir voulu se moquer de tous les romans qui traitent d'une façon traditionnelle de la colonisation de la planète Mars.

12/ John Carter vs Olympus Mons, Daniel Walther (p.259)

John Carter (oui, le fameux!) en dirigeant d'une expédition d'alpinisme sur Mars (à l'assaut des 21 km que mesure Olympus Mars en hauteur)... Une pochade.

* Mars dans la littérature SF et imaginaire, Marc Van Buggenjout (p.275)

Une évocation du sujet annoncé en titre! Bien entendu, on n'y trouvera rien de postérieur à 2013, et la liste ne prétend pas à l'exhaustivité (Aélita, de Tolstoi, n'est pas citée ici - bon, je frime, alors que ma propre science est toute récente...).

* Cinéma, Jean-Pierre Andrevon (p.283)

Un panorama intéressant qui part des tout débuts du XXe siècle jusqu'au début du XXIe (par un autre auteur de nouvelles dans le recueil). J'y ai relevé moult pistes intéressantes (mais je pense que je ne regarderai pas forcément les films muets cités...). 

 

Je dirai encore que ces nouvelles, si diverses soient-elles, ont peu à voir avec les aventures narrées par les pionniers qu'ont été Alexéi Tolstoi (Aélita), Burroughs (John Carter) ou Wells (La guerre des mondes): ici, en général, ces histoires plus ou moins longues prennent en compte nos paramètres contemporains (durée nécessaire pour que mûrissent des technologies, année martienne presque deux fois plus longue que l'année terrestre, distance de la Terre à Mars qui varie selon les positions respectives...). 

 

À part ceux des auteurs directement concernés ou du "directeur" de l'anthologie, j'ai trouvé un seul blog en parlant: celui de Morbius (Les Échos d'Altaïr). 

17 novembre 2024

L'affaire Nevenka - Iciar Bollain

Avant d'évoquer d'autres films vus ces temps-ci, je veux vous convaincre d'aller voir L'affaire Nevenka de la réalisatrice espagnole Icíar Bollaín. C'est un film qui ne peut laisser indifférent. Le scénario est inspiré d'une histoire vraie qui s'est passée à la toute fin des années 1990 en Espagne, dans la province de Castille et Leond, plus précisément dans la ville de Ponferrada. Nevenka Fernández, 26 ans, une jeune diplômée, est élue dans conseillère municipale au sein de la mairie. Elle a tout de suite été remarquée par Ismael Alvarez, le maire charismatique et coureur de jupons de la ville. Sa femme vient de mourir et il se sent seul. Il jette son dévolu sur Nevenka qui éprouve de l'admiration et de l'amitié pour le maire mais rien de plus. Ismaël arrive à la convaincre de coucher avec lui et dès lors, elle doit être à son service H24. La pauvre Nevenka commence à dépérir à vue d'oeil, elle est proche de l'hystérie. On la voit être tétanisée car elle veut repousser les avances du maire mais elle n'y arrive pas. Elle maigrit, son visage est émacié. Il faut saluer la prestation de Mireia Oriol qui se transforme sous nos yeux. C'est un film sur l'emprise et le harcèlement sexuel, vingt ans avant le mouvement #Metoo. C'est un film très réussi à tout point de vue. Lire le billet de Pascale

15 novembre 2024

Les vieux fourneaux 8 - Graines de voyous - Lupano - Cauuet

Les vieux fourneaux 8 - Graine de voyous (Editions Dargaud, 56 pages très distrayantes) *

Après deux ans d'absence, les revoilà! Qui ? Et bien les vieux fourneaux alias Pierrot, Antoine et Emile, en pleine forme, que l'on retrouve à Montcoeur. Dans ce village, on va fêter les 60 ans du  spectacle de théâtre "Le loup en slip" créé par Lucette et que Sophie, sa petite-fille a repris avec brio. Dans cet album, il est beaucoup question des années 50 et 60 quand Antoine a "décroché la timbale" en épousant Lucette alors que d'autres prétendants étaient sur les rangs car Lucette était ravissante. En particulier, il y avait un notaire et puis Monsieur Civrac, un Parisien arrivé à l'âge de 8 ans à Montcoeur et qui fait encore dans "la pomme bio". On fait aussi la connaissance de Madeleine, la soeur de Pierrot (sa copie conforme avec une robe) une ancienne religieuse revenue d'Afrique qui ne supporte plus les curés et les hommes en général. Dès la deuxième page de l'album, j'étais hilare avec les démêlés de Pierrot face à un menu avec QR code. Un album très sympa que je vous recommande. Vivement le 9ème album car bien évidemment, à la fin de celui-ci, il est écrit "fin de l'épisode". Les deux auteurs ont vraiment de l'imagination. 

 

* Edit: il s'agit bien du tome 8 (comme indiqué sur la couverture), et non 9 comme indiqué par erreur à la publication du billet...

12 novembre 2024

Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde - Emanuel Pârvu / Chroniques chinoises - Lou Ye

Pendant le week-end de la Toussaint, j'a vu Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde d'Emanuel Parvu, un film roumain qui m'a beaucoup plu. Il se passe de nos jours sur une île dans le delta du Danube. Adrian, un jeune étudiant qui vient de quitter un jeune touriste après une soirée, est violemment agressé. L'agression se passe hors champ. Il porte plainte. À partir de ce moment-là, son calvaire commence car Adrian (Adi) a été tabassé par les deux fils du notable du coin (qui a le bras long). Ils ont compris qu'Adi préférait les garçons aux filles. Adi très amoché se retrouve seul contre le village, et en premier lieu ses parents qui  ne comprennent rien et qui en appellent au curé pour pratiquer un exorcisme assez éprouvant. La seule alliée d'Adi est son amie Ilinca. Et les services sociaux s'en mêlent. C'est un film sur l'ignorance, l'intolérance et l'homophobie ordinaire dans un cadre champêtre. S'il passent par chez vous, allez le voir. Lire les billets de Pascale, MiriamSelenie


Pendant ce même week-end, j'ai aussi vu Chroniques chinoises du réalisateur chinois Lou Ye. Le film s'apparente plus à un documentaire qu'à un film de fiction. Tout commence dans la région de Wuhan fin 2019 où un réalisateur décide de reprendre le tournage d'un film dix ans (!) après l'avoir interrompu. Tout le monde est partant pour cette aventure, mais c'est sans compter la Covid 19 dès janvier 2020 dans cette région. Certains membres de l'équipe de tournage se retrouvent confinés dans l'hôtel où ils logent, d'autres sont arrivés à partir. Ceux qui restent, dont l'acteur principal, rongent leur frein. Les seules visions sur l'extérieur c'est la télé (un peu), leurs téléphones portables et ce que les confinés peuvent voir par la fenêtre de leurs chambres. Et donc nous, spectateurs, on voit de plus en plus d'images filmées à l'époque par des portables. Certains moments sont émouvants comme les appels angoissés de la femme de l'acteur principal. Elle est toute jeune maman et son mari lui manque. Le réalisateur nous fait bien sentir la terrible situation vécue par la population, comme une jeune fille qui pleure en sachant sa mère morte du covid. Mais lors du Nouvel an chinois en février, on assiste à un moment de joie où les membres de l'équipe séparée mais ensemble grâce aux portables font la fête. Le confinement strict à Wuhan s'est terminé début avril 2020 mais il y a d'autres périodes plus tard jusqu'à fin 2021 début 2022. Un film intéressant. Lire le billet de Pascale

11 novembre 2024

Le torpillage du Lusitania

Le thème que j'ai (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) choisi cette année pour mon billet daté du "11-Novembre" me permet de faire coup double entre le challenge Pages de la Grande Guerre pris en charge en 2024 par Nathalie (c'était Blandine qui organisait tout au long de l'année "De 14-18 à nous" lors de mes participations 2023 et 2022) et le challenge Book trip en mer chez Fanja

La photo ci-dessous illustre suffisamment, je suppose, le titre de mon billet...

Erik Larson, Lusitania, 1915, la dernière traversée, Le Cherche-Midi,
2016 pour la traduction française par Paul Simon Bouffartigue (titre original: Dead Wake, 2015), 635 pages
Claude Mossé, Lusitania, Fayard, 2015, 354 pages
Ordas & Cothias, R.M.S. Lusitania, Bamboo éditions, coll. Grand angle (romans), 2012,
351 pages
S.O.S Lusitania, Bambou éditions, coll. Grand angle. T.1: La croisière des orgueilleux (48 pages + dossier de 8 pages, 2013). T.2: 18 minutes pour survivre (48 pages, 2014). T.3: La mémoire des noyés (48 pages, 2015). Scénario des T.1 & 2: Patrice Ordas & Patrick Cothias. Dessins (+ scénario du T.3): Jack Manini
Thanatos, tome 3: Le mystère du Lusitania, scénario Didier Convard, dessin Jean-Yves Delitte, Glénat, 2008, 56 pages
 

Tout le monde sait de nos jours que le Lusitania, parti de New-York le 1er mai 1915 et commandé par le capitaine William Thomas Turner, a été torpillé le 7 mai 1915 au large de l'Irlande. Cela a amené une protestation officielle des Etats-Unis, et a fait basculer leur opinion publique, même s'ils ne sont pourtant entrés en guerre qu'en 1917. On sait peut-être moins (je ne me rappelle pas si c'était précisé lorsque je l'ai appris en cours d'Histoire en Terminale) que l'U-20 commandé par le Kapitänleutnant Walther Schwieger a envoyé une seule torpille contre le paquebot. L'histoire de ces navires a refait surface à l'approche du centenaire du naufrage. Je ne prétends pas pour autant que les quelques ouvrages présentés dans ce billet font un tour exhaustif. C'est tout de même la majeure partie de ce qui sort quand on cherche "Lusitania" sur le catalogue des médiathèques parisiennes. Voici quelques mots sur chacun. 

 

Tout d'abord, le Lusitania de Claude Mossé, sous-titré "le grand roman d'un mystérieux naufrage", annonce clairement la couleur. Il s'agit d'un roman qui met en avant une thèse, celle que les morts du Lusitania résultent d'un malheureux "concours de circonstances". Différents acteurs pouvaient avoir intérêt à ce qu'une torpille soit envoyée sur le Lusitania, qui transportait des armes et munitions vendues par des sociétés américaines vers la Grande-Bretagne (ce que les Britanniques ont officiellement reconnu dans les années 1970 seulement), sans que personne ait anticipé ou souhaité un tel bilan humain. Les Allemands, comme "coup de semonce" pour prouver qu'ils n'étaient pas dupes du trafic de matériel de guerre couvert par la présence de civils. Certains responsables britanniques auraient joué sur deux tableaux: soit le navire arrivait et les armes aussi (protégées par la présence à bord de civils, notamment américains), soit l'Allemagne l'attaquait et ce serait à son détriment moral devant l'opinion publique américaine. Le roman propose donc un récit des événements en ce sens. 

Le style de ce livre m'a fait songer à la saga Louisiane de Maurice Denuzière que j'ai lue et relue jadis: les deux auteurs brodent les dialogues, paroles, pensées, faits et gestes de leurs personnages sur une documentation "d'époque" et entrelacent de même fiction et réalité. Mais, chez Claude Mossé, c'est Winston Churchill en personne d'une part, le capitaine William Turner d'autre part, dont les faits, gestes et pensées nous sont exposés. Mais aussi différentes personnalités politiques de l'époque: les présidents Wilson et Raymond Poincaré, le Premier Ministre britannique Asquith (Churchill et lui ne s'appréciaient guère), sans oublier Lord Inverclyde (James Burns, troisième baron), alors dirigeant de la Cunard Line, laquelle compagnie était redevable à l'Amirauté pour son soutien au financement des Lusitania et Mauretania une décennie auparavant...

  

En ce qui me concerne, la lecture préférée a été Lusitania, 1915, la dernière traversée, de l'Américain Erik Larson, traduit en France en 2016 (titre original: Dead Wake, 2015). Ce grand récit détaillé m'a, lui, fait songer à La nuit du Titanic (de Walter Lord), que je possède dans ma bibliothèque mais n'ai pas relu depuis de nombreuses années... Il parle du navire, de ses passagers, de son équipage, avant, pendant et après. Il brosse également le contexte (la guerre en Europe, les Américains attentistes). Les décisions prises ou non prises par l'Amirauté britannique et son Ministère (Winston Churchill était First Lord of the Admiralty [Premier Lord de l'Amirauté], quelque chose comme ministre de la Marine -toutes choses égales par ailleurs- y sont minutieusement disséquées. Et le point de vue allemand, la "campagne" de l'U-20 qui a coulé le paquebot, le caractère de son capitaine, nous sont également montrés, d'après des documents d'époque. Avec un point de vue bien américain, il nous présente aussi le président Wilson, à la fois veuf et émoustillé par une rencontre récente, au moins aussi préoccupé par ses affaires de coeur que par l'affaire du Lusitania (ça, je ne l'avais pas appris en Terminale!). Le livre comprend de nombreuses notes vers les sources utilisées, et une abondante bibliographie (majoritairement en anglais). 

 

Le romancier Patrice Ordas a co-écrit avec le scénariste de bande dessinée (et pilier de la collection "Vécu" chez Glénat) Patrick Cothias plusieurs romans, notamment sur la période de la Première Guerre Mondiale (L'ambulance 13; Anastasia; R.M.S. Lusitania), qui ont par la suite été adaptés en albums de bande dessinée. Mais ici, l'aventure fictive de personnages dont la plupart ne le sont pas moins fait que nous sommes avant tout dans le cadre d'une oeuvre de pure distraction, même si nos auteurs prennent soin de lister (p.350) tous les faits "connus" qu'ils ont respecté dans leur roman:

- La Cunard et ses passagers étaient informés des risques encourus.

- Le Lusitania transportait une charge explosive considérable.

- L'équipage du paquebot était insuffisamment formé.

- Les canons du bord n'ont jamais été mis en batterie.

- La Cunard Line a délibérément ralenti la vitesse du navire en réduisant le nombre de ses chaudières en activité.

- Le commandant Turner n'a pas donné l'ordre de zigzaguer.

- Le Lusitania semble avoir délibérément présenté le flanc à l'U-20.

- Une unique torpille fut tirée par le sous-marin U-20.

- Il y eut deux explosions successives, la seconde plus puissante que la première. 

- Les cloisons étanches n'ont pas fonctionné. 

- Six chaloupes seulement sur vingt-deux purent être mises à l'eau.

- Le paquebot coula en dix-huit minutes.

Nous lisons donc comment les actions de leurs personnages fictifs expliquent les faits réels. Mais ils ne prétendent pas que leur oeuvre est pour autant un livre d'histoire.

 

Je me suis demandé s'il existait des films de fiction sur le Lusitania. Il semble que les 18 minutes durant lesquelles s'est joué le drame (le navire a coulé très vite, d'où le nombre élevé de victimes mortes par noyade ou d'hypothermie) ait semblé un délai trop court pour maintenir l'intensité dramatique que présente par exemple un film sur le naufrage du Titanic... Le nombre de victimes (presque 1200, sur un peu moins de 2000 passagers et membres d'équipage, puisqu'il y a eu environ 760 survivants), le fait que la majorité ne savaient pas utiliser correctement leurs gilets de sauvetage, que l'équipage n'a pu mettre correctement à l'eau les chaloupes, ne forment sans doute pas des péripéties suffisamment "glamour". Un court-métrage d'animation, The sinking of Lusitania (Le naufrage du Lusitania) a été réalisé en 1918 à des fins de propagande. Il semble exister plusieurs documentaires pour la télévision, de différentes nationalités et plus ou moins récents, plus ou moins "sensationnalistes" aussi. Je n'en ai vu aucun. 

La bande dessinée, par contre, a eu davantage de facilités que le cinéma pour s'emparer du thème Lusitania

   

J'ai apprécié la lecture de la "mini-série" S.O.S Lusitania, dont seuls les deux premiers volets ont été scénarisés par Ordas et Cothias d'après leur roman. Le troisième volet en bande dessinée présente en effet des différences notables avec la fin du roman et le sort d'un certain nombre des personnages. 

Le scénario de SOS Lusitania a fait intelligemment voler en miettes l'argument des "18 minutes" (drame trop court) que j'évoquais plus haut en inventant une série en trois albums. On sait que Cothias est un scénariste qui ne manque pas d'imagination (arrivera-t-il, un jour, à relier la famille Vanderbilt à son cycle de l'épervier?). Nous voyons converger vers la dernière traversée transatlantique du Lusitania une vingtaine de personnages, dont un certain nombre de survivants n'auront de cesse de traquer la personne dont elles ont tout lieu de penser que, agent double des services secrets britanniques et allemands, elle est à l'origine des décès, dont certains ont concerné des personnes qui leur étaient chères à un titre ou à l'autre, à force d'avoir intoxiqué les différents partenaires à coup de demi-vérité et demi-mensonge, pour préparer des sabotages partiels qui aboutissent à la perte totale du navire... sans provoquer pour autant l'entrée immédiate des Etats-Unis dans la guerre. C'est plutôt captivant et bien fait.

Une scène, celle de la mort d'un marin de l'U-20, m'a paru inutile à première vue puisqu'elle ne fait pas vraiment avancer l'histoire, tant dans la BD que dans le livre. Après mûre réflexion, je ne lui trouve que deux justifications possibles. Soit il s'agit de la reprise d'une "anecdote" avérée durant l'une ou l'autre guerre mondiale... soit il s'agit d'insinuer sans le dire que les services secrets français, informés ou non par les Britanniques, suivaient aussi de fort près "l'affaire Lusitania". 

 

Je cite enfin, pour mémoire, un album au scénario délirant, troisième d'une série de quatre titrée Tanatos. Lequel Tanatos est un "génie du mal" qui semble tenir à la fois d'Arsène Lupin, de Fantomas et de quelques autres du même genre de "super-héros" avant la lettre. Il lutte contre (notamment) un certain "Victor" et sa dulcinée, membres de l'agence "Fiat Lux" (comme celle fondée ultérieurement par Nestor Burma?). Dans le troisième tome (le seul que j'ai eu en main), à bord du Lusitania est embarquée une arme apocalyptique concoctée par un savant ami d'Einstein, dans le but de mettre fin à la guerre en menaçant l'Allemagne de l'utiliser... Le bateau coule, qui est sauvé? Je le répète, je n'ai pas davantage lu le tome suivant que les deux qui précédaient. J'avais surtout été attiré par le (re)nom de Jean-Yves Delitte, peintre officiel de la Marine belge (comme en témoigne la petite ancre à côté de sa signature) et bédéiste francophone spécialiste de l'histoire navale (il est l'auteur de plus d'une vingtaine de volumes dans la collection Les grandes batailles navales chez Glénat).

 

Voilà qui va terminer mon article, que j'avais un moment songé à titrer "Une torpille pour le Lusitania". J'espère que la publication de ce type d'évocation de centaines de victimes lors d'un conflit ne tend pas à "armer nos esprits" pour nous préparer au retour de la "guerre de haute intensité", notamment sur mer: le jour où notre Marine perdrait un navire (comme les Argentins avaient perdu le croiseur General Belgrano, torpillé par un SNA britannique, au début de la Guerre des Malouines), les morts ne se compteraient plus par dizaines comme cela a exceptionnellement pu arriver pour l'armée de terre lors d'Opex (opérations extérieures), mais éventuellement en centaines... 

Comme dit plus haut, j'avais repéré tel ou tel autre livre consacré au Lusitania, mais n'ai pas pris le temps de me les procurer (je n'aurais pas eu celui de les lire!). Et c'est vrai qu'il y a eu au fil des ans davantage de livres dédiés au Lusitania qu'à Tromelin!

9 novembre 2024

Au boulot! - François Ruffin et Gilles Perret

Des critiques pourront dire que ce documentaire cinéma, Au boulot!, permet à François Ruffin (ex-LFI) de faire de la propagande politique. Et bien je ne le pense pas. Ce film permet surtout de mettre en lumière les gens, les "sans dents", les "invisibles". Ceux qui, avec souvent bonne humeur, s'astreignent à des tâches pas faciles en ne gagnant pas plus que le SMIC. Afin d'illustrer son propos, François Ruffin a trouvé l'oiseau rare, si je puis dire, en ayant convaincu une certaine Sarah Saldmann (je n'avais jamais entendu parler de cette personne), avocate de la classe aisée et chroniqueuse à la télé (où ses discours font polémique), d'aller à la rencontre des classes populaires un peu partout en France et de faire le travail de quelques-uns: livreur de colis, aide soignante, cuisinière, emballeuse de poissons fumés dans une conserverie, fermière, travailler au Secours populaire en distribuant de la nourriture (c'est du bénévolat), ou dans une association qui fait des réparations d'ordinateurs ou autre, etc. Entre chaque rencontre, on se rend compte que Madame Saldmann ne vit pas sur la même planète que tout le monde. Elle ne fait habituellement pas grand-chose de ses dix doigts. Quand elle n'exerce pas, elle passe ses journées à "bruncher" au Plaza Athénée (par exemple) où un croque-monsieur à la truffe vaut 54 euros. Elle s'achète des robes à plus de 2000 euros et craque sur des montres de luxe à 20 000 euros. A part ça, elle pense que vivre avec 1300 euros par mois, c'est déjà bien et que c'est mieux que rester sur son canapé à vivre des allocations. C'est un documentaire qui comporte des situations amusantes, émouvantes et où les "gens de peu" sont bien mis en valeur. C'est la France d'en bas et elle est bien courageuse. J'ai noté la séquences où deux Afghans ont traversé 16 pays pour arriver à Amiens et faire des genres de tartiflettes. Ils sont heureux de vivre en France même s'ils ont du mal à joindre les deux bouts. Un film que je conseille s'il passe par chez vous.

7 novembre 2024

La déesse mère - Cavanna

Il a fallu que je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) prenne le temps de relire le roman que je souhaitais présenter ce mois-ci dans le cadre de mes "hommages du 7". J'avais eu la surprise cet été de découvrir que Cavanna n'avait pas seulement rédigé plusieurs volumes autobiographiques (mettant notamment sa mère ou ses propres amours en scène), mais que le cofondateur de Charlie Hebdo avait aussi à son actif un (voire plusieurs?) romans se déroulant dans les temps préhistoriques (ce dont je n'avais pas pris conscience lors de ma lecture de ses échanges avec Pascal Tassy). Le livre que je vous présente aujourd'hui, je l'avais donc acheté dans l'une des bouquineries dont je vous ai souvent parlé. 

Cavanna, La déesse mère, Albin Michel, 1997, 262 pages

 

La couverture qui campe une belle figure féminine est peut-être trompeuse dans la mesure où l'on ne distingue guère, dans le tableau de 1888 de Léon Eugène Maxime Faivre (1856-1941), si les enfants que protège la femme armée (la menace venant d'une ourse, hors champ) sont garçonnets ou fillettes. Or tout l'argument du livre tient dans cela.

 

Le fil conducteur de ce roman est essentiellement paillard. Cavanna nous donne une vision de deux mondes opposés: le masculin et le féminin, à travers les aventures d'un chasseur (Ghal), d'un tailleur de silex (Ohg), de sa mère (Noun) et d'une jeune "servante des Puissances" (Ala). "L'histoire se passe il y a assez longtemps. À peu près dix mille ans. C'est-à-dire à l'époque charnière où l'ère du silex taillé, de la suprématie du mâle chasseur et guerrier sur la femelle cueilleuse de baies, déterreuse de racines et glaneuse d'épis sauvages commence à céder la place à l'ère de la pierre polie, de l'asservissement à la glèbe de l'homme devenu fermier et éleveur, du règne de la femme, fourmi prévoyante et organisatrice" (début de l'Avant-propos, p.9). 

 

Ghal est un chasseur tout ce qu'il y a de plus normal, mis à part le fait que son meilleur ami est Ogh, un "intellectuel" (il imagine des choses dans sa tête avant de les dire ou de les faire) qui n'a pas subi le rite "normal" du passage à l'âge adulte ("tuer la mère" ou quasiment...), mais a cependant été sauvé par sa génitrice d'une exécution (non moins normale) grâce au talent qu'il développait dans la fabrication d'armes (qu'il fallait auparavant aller échanger à grand-peine à l'extérieur). Les moeurs de la tribu sont décrites avec truculence. Dans la tribu de l'Elan, les hommes copulent avec orgueil et frénésie (quelquefois même entre eux). Côté féminin, c'est nettement moins agréable. Il n'st pas question d'amour courtois. 

 

Les hommes de la tribu sont des brutes incultes forniquant sans état d'âme avec des femelles soumises. Tous croient aux Puissances, qui imposent leur loi par la bouche de "Celui qui parle aux Puissances". Or, celui-ci révèle un grand secret à Ghal et Ogh: le territoire que Ceux de l'Elan occupent a été conquis sur un peuple qui maîtrisait l'agriculture, la céramique, la pierre polie... Et Ogh tombe définitivement amoureux d'une statuette féminine dissimulée dans le "saint des saints". 

 

Dans ce roman, il est question d'un pays fabuleux (où l'herbe épaisse est toujours verte et tendre, où abonde [le gibier herbivore]) à eux promis par les Puissances... C'est peut-être ce qui pousse nos héros atypiques à fuir dans la nuit abominable vers un "ailleurs" mythique. Après quelques péripéties, ils se retrouvent dans un paradis (pour la paire féminine tout au moins): les femmes y portent les armes sinon la culotte (dans ce beau pays et à cette belle époque, tout le monde vivait à poil), et traitent leurs esclaves mâles avec une relative bonté. 

 

Les femmes entretiennent dans le territoire qu'elles contrôlent une philosophie que je vais peut-être quelque peu forcer: le pain du blé que l'on a fait pousser soi-même apparaîtra plus savoureux que celui échangé contre la plus-value du travail d'autrui. Méfiance, donc, contre toute "recherche de productivité". "Gagner du temps? Mais c'est justement ce que nous ne voulons pas... Pardon: ce que la déesse Mère ne veut pas. L'esclave doit être accablé de travail et de fatigue, ses journées doivent être remplies à ras bord, afin qu'il n'ait ni la force ni le temps de penser, de combiner, bref: de songer à se révolter". 

 

Elles savent qu'elles ont toujours besoin de géniteurs (pour avoir la descendance femelle qu'elles privilégieront). Les géniteurs, une fois qu'ils ont rempli leur office, sont rendus stériles. Mais s'il leur est interdit de toucher à quelque arme que ce soit, quand ils ont fini de cultiver la terre, les câlins sont possibles et souhaités. En tout cas, nos deux héros sont privilégiés, dans la mesure où leurs liens avec la "paire féminine" sont reconnus. 

 

Lorsque enfin elle lui est présentée, l'intérêt de la paire masculine pour la Déesse mère s'avère réciproque. Pour être déesse, on n'en est pas moins femme. Mais personne n'est parfait: la plantureuse déesse mère s'avèrera goulue, atrocement. L'époux qui a eu l'honneur d'honorer la Déesse Mère est sacrifié dès qu'il est certain qu'il a rempli sa mission de fécondation. Après l'avoir fuie dans un premier temps, le roman s'achève avec le retour volontaire d'Ogh vers l'amante religieuse.

 

Le texte a par moment des accents naïfs qui font plutôt songer au texte Le Premier amour de Pagnol (scénario pour un film avorté?). Mais cette pochade truculente est assez loin de certains livres très récents qui "déconstruisent" tout autant la préhistoire pour la reconstruire, en se faisant, eux, promouvoir avec un vocabulaire de marketing excessif à coup de "la première histoire préhistorique féministe", "le premier polar préhistorique"... qui m'agacent parfois. 

 

Comme beaucoup des livres qui m'intéressent, La déesse mère n'est plus disponible dans le réseau des bibliothèques parisiennes qu'en un seul exemplaire, en "réserve centrale" (il faut donc le faire venir via internet dans la médiathèque de son choix avant de recevoir par mail l'avis qu'il y est disponible). Je n'ai pu trouver de billets de blog parlant de cet ouvrage, mais François Cavanna avait eu un peu moins de 10 minutes pour en parler à la télévision en janvier 1997 (France 3 Strasbourg?)... 

 

En cette année 2024 où sont voire même arrivent ou reviennent au pouvoir des dirigeants brutaux aux idées rétrogrades (dont beaucoup ne rêvent que de ramener la femme à un ventre au service de l'homme sans qu'elle exerce le moindre contrôle sur sa fécondité), cela peut faire du bien de se (re)plonger dans des romans certes préhistoriques (en des temps reculés), mais imaginant une humanité plus progressiste (du moins en partie)... et de prouver que les années 2020 n'ont pas tout inventé. 

********************

Je change de sujet... Simon Fieschi, l'ancien webmestre de Charlie Hebdo grièvement blessé lors du massacre du 7 janvier 2015, et qui venait de témoigner dans le procès de l'organisateur présumé de l'attentat, a été retrouvé mort chez lui le 17/10/2024. Plusieurs pages d'hommage lui ont été consacrées dans le numéro 1683 du 23/10/2024 de Charlie, avec, notamment, la "repasse" du long article dont j'avais parlé ici. Il avait 41 ans. 

5 novembre 2024

Aux marges du palais - Marcus Malte

Le titre du roman de Marcus Malte, Aux marges du palais (Edition Zulma, 494 pages jubilatoires), fait référence à une ballade française assez connue depuis le XVIIIème siècle dont les premiers vers sont : "Aux marches du palais, il y a une tant belle fille lon la..." L'histoire se passe dans la République Médiocratique de la Frzangzwe (suivez mon regard) où la retraite est à 85 ans. Anne-Sophie-Catherine-Elisabeth (diminutif Aneth) vit dans un beau palais de 365 pièces avec son père et Chantal, sa confidente et dame de compagnie. Aneth est une princesse comme dans les contes. Elle doit fêter ses 16 ans et devenir "marjorette". Elle est la fille unique de l'archimaréchal Herbert Robert, "Chef de l'Etat, Président-Directeur-Général de la Nation", d'autres titres suivent dont "ufologue amateur" (p. 22). Aneth est belle, elle est splendide, elle est carrément ultralike, selon ses fans, à la suivre sur son résal favori sur le "Wet". "L'ultramaréchal est conseillé par un certain Gabriel Pipaudi, un pur produit de la Grande Ecole. La communication est son domaine... Sa fiche de poste fait mention de "porte-parole du Gouvernement", mais il fait aussi officieusement office de porte-drapeau, porte-plume, porte-clés, porte-flingue, et accessoirement de porte-manteau quand un valet vient à manquer. Il est même vu comme un porte-bonheur par son employeur" (p. 23). Tout le roman est écrit de cette manière humoristique. Face aux personnages du palais, il y a la baronne (dans le civil Jeanine Longjumeau) née dans un patelin du Nord, de mère fille de joie et de père garde-barrière. Grâce à trois veuvages tout à fait accidentels, la baronne s'est retrouvée avec un joli pécule, une vaste demeure et une grosse surcharge pondérale. Comme les temps sont durs, elle survit comme elle peut. Elle est entourée de sept personnages haut en couleur, René Vercel dit Doc, dit le toubib radié de la profession, Lucien Zacharie Dione, dit Mo, un Noir ancien boxeur, Raymond Jalabert dit le Gros, Philip von Bronckhorst, autoproclamé Hakkon le brave, Mouna dit la Souris, Monsieur Li, un cuisinier qui fait des plats avec tout ce qu'il trouve (je vous passe les détails) et enfin Micer Vitezi dit Zap, futur amoureux d'Aneth (p. 43). La baronne décide que pour le 1er mai, le peuple ira prendre la tour F (voir la couverture du roman). Je vous laisse découvrir ce qu'il en est. J'ai passé un très bon moment à lire ce roman qui est une jolie fable qui fait du bien. Je me suis vraiment amusée. Monsieur Malte a du talent. Lire le billet d'Antigone.

4 novembre 2024

Lune froide sur Babylon - Michael McDowell

Après Les aiguilles d'or et Katie de Michael McDowell (1950-1999), je viens de terminer en deux jours Lune froide sur Babylon (Edition Monsieur Toussaint Louverture, 430 pages spectrales). En effet, il est beaucoup question de spectres évanescents cherchant à se venger de leur meurtrier que l'on connait assez vite. Tout commence en juillet 1965 en Floride, sur la rivière Styx. Un jeune couple, Jo Ann et Jim Larkin remonte cette rivière après avoir péché. Ils ne sont pas loin de leur exploitation de myrtilles. Jo Ann et Jim sont les parents de deux jeunes enfants, Jerry (8 ans) et Margaret (à peine 1 an), qui sont gardés par la grand-mère, Evelyn Larkin. En voulant récupérer un sac qui flotte sur l'eau, Jo Ann et Jim sont mordus mortellement par des serpents. Jo Ann va être ensevelie par des sables mouvants, quant à Jim, il coule et son corps ne sera jamais retrouvé (fin du prologue). Presque 15 ans plus tard, on retrouve Evelyn, Jerry et Margaret qui s'occupent seuls des myrtilles. Ils ont du mal à joindre les deux bouts et ils ont souscrit un prêt bancaire auprès de la banque de Nathan Redfield. Lors d'une fin de journée, Margaret, qui a désormais 15 ans, doit rentrer de Babylon où elle aide un professeur du collège. Mais Margaret ne rentrera jamais. Elle est assassinée sauvagement. Dès lors, Evelyn n'aura de cesse de dire que c'est Nathan Redfield qui est le meurtrier. Ce dernier est un homme vil qui a de très mauvaises relations avec son père infirme et avec son frère Ben. Après un deuxième et troisième assassinats très brutaux, Nathan commence à avoir des visions des spectres sortis de l'eau ou pas de ses trois victimes (je ne vous dirai pas lesquelles) surtout la nuit car il y a une énorme lune qui surplombe la ville Babylon. Le roman est un mélange de gothique: fantastique avec une pointe de "gore". C'est assez différent des Aiguilles d'or et de Katie. Cela s'apparenterait plus aux trois premiers tomes de Blackwater (je n'ai pas encore lu les trois derniers). J'ai trouvé le roman très sombre. À vous de voir. Sinon, Lune froide sur Babylon est déjà paru dans une traduction différente en 1990 aux Éditions Presse Pocket, sous le titre Les brumes de Babylon

3 novembre 2024

Mérite maritime - Dubois & Riondet

Dans ce billet, je (ta d loi du cine, "squatter" chez désola) présente trois albums de BD et non pas seulement un. Merci à Fanja de m'avoir donné l'occasion d'en parler puisque cette série rentre dans le cadre de son Book trip en mer, une fois de plus. Si Mérite maritime est le titre sous lequel est paru le premier album, il est devenu le nom de la série lorsque les deux derniers l'ont suivi. Mes exemplaires étant inaccessibles, je me suis rabattu sur le premier que j'avais offert à dasola, et les deux derniers que j'ai fait venir de la "réserve centrale" des bibliothèques de Paris.

Alain Riondet (scénario), Stéphane Dubois (dessin), éd. Casterman
t.1, Mérite maritime, 1992, 79 pages
t.2, Boulevard de la soif, 1994, 87 pages
t.3, Fond de cale, 1997, 71 pages

 

Pour être encore plus précis, Mérite maritime est le titre de l'un des chapitres de ce premier tome, composé de quatre histoires courtes qui mettent en situation les personnages (titrées René, Jason, et Cher payé pour les trois autres). Mérite maritime est bien le plus beau, à mon avis (21 pages sur 70). "Mérite maritime", enfin, c'est le nom d'une véritable décoration, et ici d'une médaille que l'on voit passer par-dessus bord. Les histoires se passent à bord d'un vieux cargo, l'Amiral Benbow. Les "héros" (anti-héros, parfois) sont ceux qui en composent l'équipage. Cet album (dont je possède un première édition) campe des gaillards (vais-je oser des "gaillards d'avant"?), des durs au coeur tendre, qui "se défendent" (pas si mal) face à d'autres "sans foi ni loi" qui sont loin d'être des saints. Le dessin réaliste et brutal leur fait des trognes et des tronches bien reconnaissables. Nous découvrons (avant de les approfondir touche par touche) Albert (Voxdei, le capitaine - mais j'anticipe), Franck (le second, que les hommes appellent "Monsieur Ripert"), René (Bosco par protection), Raymond le cuistot, Pollack, Ahmed, Jason (mécanicien-graisseur, le dernier embarqué), Lewis le télégraphiste, Dimitri le chef mécanicien. Le premier chapitre nous évoque pourquoi René est devenu alcoolique au dernier degré, et le "coup de main" apporté par l'équipage pour résoudre ses problèmes ("un marin sans bateau, c'est comme un oiseau aux ailes brulées... sans patrie... le coeur de la solitude..."). Jason donne aux officiers l'occasion de prendre à bord un homme et son couteau ("un matelot au noir, ça ne se paye pas tout à fait le même prix"): ledit Paradakis ne manque pas de bagout (ni de lettres - décalées), sans être étouffé par les scrupules. Mérite maritime nous montre la patronne du capitaine qui a peur de se faire "remercier" par sa patronne, l'armatrice. Celle-ci lui demande d'embarquer son père, le commandant Maurepas, 82 ans et à toutes extrémités, pour qu'il signe en mer le testament qu'elle lui fournit tout rédigé... (comme dit Jason: "je crois savoir qu'il s'agit d'une forme de pratique thérapeutique destinée à guérir le vieux commandant d'une forme particulière et probablement psychosomatique de gérontisme..."), mais les choses tourneront autrement. Dans Cher payé, Raymond reprend la boxe, alors qu'il avait juré d'arrêter après avoir tué un homme sur un ring... Mais c'est pour la bonne cause (plus ou moins au profit de "boat people"), et Jason tire, une fois de plus, les marrons du feu. 

Un blog (principalement de modélisme!) en avait dit quelques mots en 2011. Cette même année, j'avais moi-même cité la série parmi une quinzaine que j'estimais remarquables. Car ce premier tome n'était que le hors d'œuvre.

 

Dans le deuxième tome (qui, comme le précédent, regroupe des histoires parues dans le magazine (à suivre), nous retrouvons notre fine équipe, pardon, notre équipage, désormais propriétaire de l'Amiral Benbow et navigant à son compte, pour des "affaires de famille". Ca commence avec le père du Second (qu'il a tendance à idéaliser), dans La gloire de mon vieux. Pas évident d'embarquer un cercueil qui doit peser son quintal au nez et à la barbe des douanes et de la police des frontières, même pour Ahmed et Jason. "Les salauds finissent toujours mal, alors que les marins, eux, continuent de veiller sur la mer". Et l'équipage y gagne un "steward" (Roger). Dans Boulevard de la soif, la pin-up en couverture se révèle être une gourgandine magnifique et manipulatrice... et donne l'occasion à un p'tit jeune qui ne fait pas le poids (mais fait du bon café) d'embarquer. La morale de l'histoire est tirée par les marins accoudés à cinq au bastingage: "c'est curieux tout de même... C'est souvent ceux qui veulent partir à toute force qui restent, et ceux qui devraient rester qui finissent par tout quitter". Dans Le repos du marin, l'Amiral Benbow vient en aide au Virgen de Tarifa (alors en avarie et peu manoeuvrant), dont le capitaine Carlos Mankiewicz, vieux loup de mer, connaît bien notre capitaine Vodxdei, qu'il appelle Alberto. Il s'agit d'embarquer avec armes et bagages (une maison entière) un jeune "golden boy" odieux, plein de morgue et de suffisance, qui accomplit une corvée dans l'unique but de toucher l'héritage paternel. En tête-à-tête à Port-Saïd (avant quelques belles images du canal de Suez), les deux capitaines évoquent l'existence d'une pratique, le "shangaïage" (marins embarqués de force et contraints à travailler pour presque rien). Et d'une femme, Denise... ("Elle est comme nous, Denise... Elle a souvent changé de port d'attache... Mais à chaque fois qu'elle s'est installée quelque part, il y a toujours eu un repas chaud et un coin pour dormir, pour n'importe lequel d'entre nous... [qu'on soit officier ou simple matelot]"), que même le pilote du canal connaît. Et le golden boy qui l'insulte va se retrouver à subir un  "dressage" qui m'a rappelé celui accompli pour désintoxiquer un alcoolique dans Le fils du soleil de Jack London (sur le Kittywake). Grâce aux autres, il va réussir à comprendre le sens de "l'esprit d'équipage": "s'il n'y a qu'un seul homme qui souffre, sur un navire, comment vont faire les autres pour se plaindre?!" (p.82). Cette histoire est aussi très belle (à mon avis), une véritable ode chantée au métier de marin (p.83): "on aime la mer, passionnément, et pourtant on en souffre. Cette solitude qui est la nôtre est dure à supporter, et pourtant on ne peut pas s'en passer. On n'a besoin de personne et pourtant il nous faut toujours quelqu'un à aimer... La vie à terre est certainement plus douce, et pourtant on ne pense qu'à repartir... C'est en nous! Comme les océans!... Et on n'y peut rien!...". Jusque-là, chaque "chapitre" s'est conclu par une belle image du bateau sur fond de soleil couchant (il manque juste "i am a poor ship from home..."). 

 

Dans ce dernier opus, Fond de cale, qui forme une seule longue histoire, la première image montrant l'Amiral Benbow arrive seulement dans la 9e planche. Ils sont en escale, Ahmed a disparu, et l'équipage va mettre sac à terre: faute de cargaison à embarquer, le navire est en faillite et doit être vendu à la casse... Au moins, pour les hommes, une occasion d'embarquer sur un autre rafiot se présente (quelques très belles pages où on les voit quitter avec délice leurs boulots d'occasion pour ré-embarquer). On leur a fait une-proposition-qu'ils-ne-peuvent-pas-refuser... Ils vont servir d'équipage sur un rafiot dont le capitaine et le second en titre ont manifestement trouvé leurs diplômes dans une pochette-surprise. À fond de cale avec d'autres malheureux "shangaïés" (embarqués contre leur gré), Ahmed découvre la vie ("imagine! Tu es armateur, tu prends des vieux bateaux, amortis depuis longtemps, tu mets dessus des équipages qui ne coûtent rien... et tu peux proposer des prix de chargement assez bas pour casser le marché en étant plus concurrentiel encore que les Japonais... ça te donne un pouvoir immense! ... Et tu fais fortune!"). Les réflexes professionnels de nos héros reprendront le dessus, avec l'aide d'un avocat très polyvalent, pour permettre au Piencelo dos veces ("Réfléchis à deux fois") d'affronter le typhon que le "capitaine" officiel et les trois forbans qui sont avec lui ont été incapables d'anticiper. En bout de course, leur cher vieux cargo à eux (l'Amiral Benbow) est malgré tout sauvé par un deus ex machina inattendu: "à présent, tu vas naviguer à perte, comme d'habitude, mais cette fois, sans angoisse!". Dans la dernière vignette, ce n'est pas l'Amiral Benbow qui va vers le soleil couchant (p.71), mais le Piencelo dos veces, sur fond de plein jour, qui ramène notre équipage vers le port (hors de vue) où les attend leur propre navire... 

 

Que de mers parcourues et de ports visités dans ces trois albums! Je dirais que ce sont des aventures humaines de fiction, sur un arrière-fond professionnel très réaliste (salle des machines, passerelle, pont, coursives...). Un style de dessin des hommes qui ressemble à du Jean Graton, en plus "brutal", avec un gaufrier moins strict... et des couleurs infiniment plus belles. Les images de bateaux et de mer sont aussi belles qu'attendu. La loi apparaît comme un concept assez lointain.

 

Alain Riondet est mort en 1998 (à 53 ans). Je n'ai jamais réussi à trouver trace de beaucoup d'informations sur Stéphane Dubois. Si vous n'avez pas les albums, vous pouvez en lire quelques extraits sur le site marine marchande.net (un passionné, qui a listé des dessins extraits de diverses bandes dessinées maritimes). 

À fin octobre 2024, des planches originales de Stéphane Dubois de cette série semblent proposées (par qui?!?) sur le site 2dgalleries.com.

2 novembre 2024

Juré n°2 - Clint Eastwood

Pendant 114 minutes, j'ai été captivée par Juré n°2, le nouveau film de Clint Eastwood. L'histoire se passe dans la ville de Savannah située dans l'Etat de Georgie. Justin Kemp (Nicholas Hoult) qui est sur le point de devenir père a été tiré au sort pour devenir juré dans un procès d'assises. Il devient le juré n°2. Je rappelle que dans les pays anglo-saxons, les jurés d'un procès sont au nombre de douze personnes et il faut que le verdict soit voté à l'unanimité. Très vite Justin se rend compte que James Michael Sythe, l'homme présumé coupable, n'a rien à voir avec le décès brutal de sa petite amie, délit pour lequel il est présumé coupable et pour cause... L'enquête pour accuser Sythe a été un peu expéditive. Le film se compose du procès avec des témoignages, puis on a les délibérations et la conclusion qui permet de se dire qu'un autre procès aura peut-être lieu. J'ai aimé la sobriété de l'ensemble et le fait que les personnages existent. Les acteurs sont tous excellents. Il y a un beau travail sur le cadre, l'image, la musique. Eastwood, désormais nonagénaire, n'a rien perdu de son talent. Chapeau bas, Monsieur Eastwood. Lire les billets de Pascale, Henri Golant et Selenie.

Le blog de Dasola
  • CINEMA, LIVRES, DVD, SPECTACLES, TV - BILLETS DE BONNE ET (parfois) MAUVAISE HUMEUR. Critiques et opinions sur films, livres et spectacles. [Secrétaire de rédaction et statistiques: "ta d loi du cine" (231 commentaires, du 17/01/07 au 02/12/24)].
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Newsletter
82 abonnés
Liens (en cours de mise à jour)

** INDEX AUTEURS (LITTÉRATURE), FILMS & REALISATEURS (CINÉMA) **

*** CHALLENGES DE L'ANNEE EN COURS ***


** LE SITE DU STATISTICIEN **


*** LIENS ***
(BLOGUEURS COMMENTANT SOUVENT LE MIEN)

  • = Onze blogueuses et blogueurs ayant fait au moins 500 commentaires chez dasola se présentent =
  • On crée un lien lorsqu'un blogueur a commenté au moins cinq billets en venant à (au moins) deux dates différentes sur ce blog. 
  • Une adresse de mail (xxx@yyy.fr ou com...) [non publiée!] est exigée par Canalblog pour enregistrer votre commentaire. 
  • Vous ne voyez pas tout de suite apparaître votre commentaire, car il doit d'abord être validé (cela peut prendre quelques heures)
CINÉMA (23 blogs en activité)

DIVERS - CULTURE (56 blogs en activité)

LIVRES (69 blogs en activité)

QUELQUE TRISTESSE

QUELQUES BLOGS DÉSORMAIS EN PAUSE (À MON GRAND REGRET)

QUELQUES INFIDÈLES (NE ME RENDENT PLUS MES COMMENTAIRES...)

QUELQUES INTROUVABLES (BLOGS SUPPRIMÉS OU DISPARUS?)

SANS BLOG (COMMENTATEURS SUR LE MIEN)

STATISTIQUES, INFORMATIONS, RECORDS (DEPUIS LA CRÉATION DU BLOG)

  • * Blog créé le 09/01/2007, transféré sur Canalblog en juin 2007, migré à l'insu de son plein gré sur l'outil Overblog en février 2024 *
  • 2827 billets (au 02/12/24), dont tous ont eu au moins un commentaire
  • 34 443 commentaires (au 02/12/24 [+ 2 [anciennement 203] "égarés" lors de la migration"]) [dont 261 dasola] par au moins 1281 personnes, dont 132 (re)venues en 2024
  • 412 blogueurs [dont 148 actifs en 2024] m'ont fait au moins 5 et jusqu'à 1236 (au 30/11/2024) commentaires (voir ci-dessus)
  • Abonnés (être prévenu à chaque nouveau billet publié sur le blog): 83 au 15/11/2024 (via "Newsletter" ci-dessus)
  • Billet commenté par le plus de personnes: 77 commentaires par autant de commentateurs/trices (billet du 09/01/2014)
  • Billet comptant le plus de commentaires: 123, par 46 commentateurs/trices différent(e)s (billet du 10/06/2023)
  • Record de commentaires en 1 an de date à date par 1 même blogueur-euse: 146 par DocBird (du 15/07/22 au 14/07/23)
  • Record de commentaires en un mois: 355 en janvier 2014
  • Record de commentaires en une année civile (même blogueur-euse): 143 par Manou en 2023
  • Record de commentaires en une journée: 44 le 09/04/2009
  • Records de nouveaux commentateurs en un mois: 24 (dont 22 blogueurs) en mai 2008 et mars 2009
Pages