Les années (Editions Gallimard) est le premier livre que je lis d'Annie Ernaux. Il est classé en tête des différents palmarès des ventes depuis quelques semaines (c'est amplement mérité). Les années n'est pas un roman, mais un récit chronologique de 240 pages dans lequel une narratrice parle de son enfance, de son adolescence et de sa maturité, illustrées par des photos d'une femme, née en 1940. Annie Ernaux, qui est très probablement la femme sur les photos (on s'en rend compte au détour d'un paragraphe), brosse un portrait par des mots, des images et des situations de ce que fut la France de l'après-guerre jusqu'à nos jours. Ces photos, toutes situées et datées au dos, sont des instantanés dans la marche du temps qui passe, avec chaque fois une brève description de ce qu'elles représentent. C'est un livre sur la mémoire et les souvenirs, sur plus de 60 ans, sur cette société française qui a beaucoup changé et qui efface au fur et à mesure son passé immédiat. On ne vit plus que dans l'instant. Annie Ernaux raconte notamment les années Mitterrand, la société de consommation, les années De Gaulle, Mai 68, la pilule, la loi sur l'avortement, les colonies de vacances, Internet et le téléphone portable, les supermarchés, les banlieues et la langue des jeunes, le 11 septembre, le sida, l'Iran, Bush, les otages au Liban, etc. A mesure que l'on avance dans la lecture, je me suis rendu compte que vous, moi et tous les autres, de confession, de milieu socio-professionnel et politique différents, tous se retrouvent dans ce livre d'Annie Ernaux. Comme on dit maintenant, c'est un livre "qui me parle". C'est la madeleine de Proust à l'échelle d'un pays et d'une époque et d'au moins trois générations. Remarquable! Ce n'est pas un livre qui se lit très vite car le récit est concentré, mais quel plaisir de lecture. Il serait intéressant de savoir si ce livre sera étudié dans 50 ans comme témoignage d'une époque.
mercredi 23 avril 2008
Les années - Annie Ernaux
Commentaires sur Les années - Annie Ernaux
- Annie ErnauxMa fille a lu "une femme" du même auteur où elle parle de sa mère, elle a beaucoup aimé et je vais bientôt le lire. Elle a écrit aussi un livre sur son père mais je ne sais plus le tître mais je le demanderai à ma fille. C'est un très bon écrivain. Merci pour ton message et moi aussi mon père, il se prénommait Paul, me manque beaucoup. Un jour je ferai un billet sur lui, bonne journée.
- Oui, je pense que ce livre restera et pourra être étudié comme témoignage de l'époque. Cependant je me demandais si dans la mesure ou souvent ça fonctionne par allusion, par effet madeleine qui déclenche des remontées du passé chez le lecteur, je me demandais donc si ça pouvait accrocher facilement les très jeunes qui n'ont presque rien vécu et même peu entendu parler de ce qu'elle évoque; je vais pousser mes fils à le lire pour voir comment ils réagissent.
@toinette: c'est "la place",le livre sur le père, un autre livre important. - J'ai beaucoup aimé "la Femme gelée", témoignage autobiographique intéressant sur Annie, qui, de condition modeste, parvient à se faire une place dans les milieux intellectuels où elle se sent néanmoins en décalage. Et ses livres courts où elle décortique le sentiment amoureux " Passion simple" et "l'Occupation" cette dernière a paru d'abord comme nouvelle dans le Monde.
Bien sûr j'ai très envie de lire Les Années... - Je n'ai pas (encore) lu ce livre, mais pourquoi pas... Vous en parlez très bien. A titre personnel, je n'ai lu qu'un seul ouvrage de Annie Ernaux, Passion Simple, et celui-ci me laisse un très vif souvenir. Une plume authentique et une plongée, jamais "voyeuse", dans les secrets et les affres du désir féminin. Je vous recommande donc cet opuscule, et j'en profite pour vous remercier du commentaire très sympa que vous avez laissez sur mon blog. Au plaisir de vous lire. Amicalement. Baccawine
- Bonjour Dasola, cela me fait plaisir de lire cette critique juste après que j'ai découvert le livre moi-même. Moi aussi, je lui trouve un côté "madeleine de Proust", et des formules très concises qui prennent une certaine distance avec l'immédiateté de la sensation évoquée. Par exemple, elle porte un regard un peu désabusé sur l'enthousiasme de 68, ou elle compare des engouements à plusieurs années de distance. En somme elle évoque et décrit en même temps. Vraiment du bel art...
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