Le Montespan - Jean Teulé
Responsable de la bibliothèque loisirs de la société où je travaille, j'ai acheté parmi d'autres Le Montespan de Jean Teulé. Après Je, François Villon et Oh Verlaine, cette biographie romancée met en lumière un homme peu connu. Une fois de plus, c'est une lecture très agréable, mais qui laisse un sentiment de tristesse et de vies gâchées quand on l'a finie. Jean Teulé profite de ce récit romanesque pour nous brosser un portrait peu ragoûtant des moeurs de la Cour et du Paris de cette époque sur les très mauvaises odeurs, le manque d'hygiène, la saleté (le roi ne se lavait jamais), des dents gâtées et pourries, des excréments, etc. Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin, Marquis de Montespan, gascon au sang chaud, a eu la très mauvaise idée (pour l'époque) d'être amoureux de sa femme et de le rester jusqu'au bout. Françoise de Rochechouart de Mortemart et Louis-Henri se rencontrent le 21 janvier 1663 dans un tribunal au Châtelet. L'un vient de perdre son frère, exécuté suite à un duel, et l'autre devait épouser un homme en fuite (s'il revient en France, il sera lui aussi exécuté). C'est le coup de foudre (pour lui tout au moins). Le 28 janvier 1663, ils se marient. Ils ont 22 ans tous les deux. Deux enfants, quatre années et des milliers de livres de dettes plus tard, Françoise devient demoiselle d'honneur de la reine Marie-Thérèse, femme de Louis XIV, et puis la maîtresse du roi. Elle a été attirée et éblouie par les fastes de la cour. En effet, cela la change de ce qu'elle a connu avec son mari, car Louis-Henri, lui, n'est pas riche, et, de par son statut de noble, n'a pas le droit de travailler. Il a même fait des emprunts auprès de sa famille qu'il ne peut pas rembourser. Sa seule opportunité est de faire la guerre et de se montrer brave pour se faire remarquer par le roi. Les deux tentatives (en Lorraine et en Méditerranée) sont des échecs. C'est d'ailleurs à son retour de sa deuxième campagne qui s'est soldée par un naufrage, qu'il apprendra son infortune. Françoise qui se fait appeler Athénaïs restera à Versailles plus de 15 ans où elle donnera au roi au moins 9 enfants, tous plus débiles (au sens de faibles), contrefaits et tarés mentalement les uns que les autres, mais ils seront tous légitimés. En dehors d'un appartement à Paris, rue Saint-Benoît, Louis-Henri possède le château de Bonnefont qui tombe en ruines dans la région de Guyenne. C'est là qu'il se retire avec ses deux enfants, Marie-Christine et Louis-Antoine, en ayant appris son infortune. D'ailleurs, Marie-Christine mourra à 11 ans (elle semble être morte de chagrin de ne pas avoir revu sa mère). Et pourtant, être le mari d'une maîtresse royale aurait pu lui apporter la fortune. Que nenni! Bien au contraire, Louis-Henri refuse toutes les faveurs de l'homme qui lui a pris sa femme. Il ajoute à ses armoiries des cornes de cocu. Au cours d'une cérémonie funèbre, il enterre son amour, "1663-1667", dans un cercueil vide. Après le refus sur ses promesses de fortune, le roi est incommodé par l'attitude du bouillant marquis et il le menace de prison comme Nicolas Fouquet. Rien n'y fait. Un temps, le marquis s'exilera avec son fils à la cour du roi d'Espagne, ennemi du roi de France. Les années passent, Louis-Henri reste fidèle à sa femme et quand il écrit à sa femme ou à d'autres personnes, il ajoute cette phrase superbe après sa signature "Epoux séparé, quoique inséparable". En revanche il est dégoûté par l'attitude de son fils Louis-Antoine qui, en grandissant, devient un être antipathique au possible, méprisant son père. Ce Louis-Antoine devient Marquis d'Antin et le roi Louis lui donnera la chaussée à Paris qui porte son nom. Louis-Henri mourra à 51 ans en 1691 sans avoir voulu revoir sa femme, non pas pour la punir, mais parce qu'il ne voulait pas qu'elle le voit malade. Françoise lui survivra 16 ans, exilée au couvent après sa disgrâce. Elle mourut en 1707 et ses entrailles ont été la proie des chiens. Je finirai en disant qu'après avoir lu Jean Teulé, on a l'impression que vivre à la Cour au temps des rois de France n'était pas une sinécure.