Profondeurs - Henning Mankell
Je connaissais Henning Mankell, auteur de romans policiers; voici Henning Mankell, auteur de romans, tout court. J'avais entendu parler de Profondeurs au moment de sa sortie en janvier 2008. Ce roman vient de paraître en édition de poche "Points Seuil". C'est une histoire étrange qui commence de façon somme toute banale. En Suède, le capitaine Lars Tobiasson-Svartman (très important les deux noms de famille accolés, celui de sa mère d'abord, et celui de son père ensuite) est engagé par le Ministère de la Marine pour sonder les côtes afin de mesurer la profondeur de l'eau dans le but d'éviter que les bateaux ne s'échouent ou ne heurtent un rocher. Lars a sa sonde, il dort même avec. Il faut tracer la cartographie des routes militaires, Car nous sommes au tout début de la 1ère guerre mondiale, en octobre 1914. Lars est marié depuis peu à une dénommée Kristina Tacker (qui a gardé son nom de jeune fille) mais il est très seul. Au détour de phrases et à mesure que le récit avance, on se rend compte que Lars est un dangereux malade mental. Son esprit est un gouffre sans fond comme les profondeurs qu'il mesure. Il est capable de crise de rage et de violence envers les hommes et les animaux (il tue un chat par exemple ou même un déserteur allemand) et puis plus rien, comme si de rien n'était, il pense à autre chose. Dès le début de sa mission, il se retrouve à accoster sur un îlot rocheux, Hallskär, où vit une jeune veuve, Sara Fredrika. Il a une relation intime avec elle, et même s'il est fascinée par cette femme, il ne l'aime pas vraiment. D'ailleurs, est-il capable d'aimer? A partir de là, il se met à mentir et à inventer des missions pour la rejoindre. Il ment à sa femme, il ment à la Marine, il ment aussi à Sara Fredrika (il dit qu'il est veuf). Il est aussi très jaloux. Mankell n'explique pas le comportement de Lars si ce n'est que cela remonte à son enfance et à ses sentiments envers son père. Mankell a un regard clinique sur son personnage. Sans avoir de l'empathie pour Lars, on a envie de lui dire d'arrêter d'agir comme il le fait. Mais il est pris dans un engrenage sans issue. C'est un roman qui se lit assez vite grâce à de courts chapitres. Malgré la noirceur de l'histoire et son côté étouffant, j'ai vraiment aimé.
PS: depuis ce billet, j'ai chroniqué deux autres romans d'Henning Mankell: Le cerveau de Kennedy et Les chaussures italiennes.