Après Still walking, je chronique un deuxième film japonais. Departures vient de recevoir l'Oscar du meilleur film étranger cette année (Entre les murs et Valse avec Bachir étaient aussi en compétition). Il paraît que, sans cette récompense, il ne serait jamais sorti en Europe (dont la France), et cela aurait été dommage. Car à la différence de Rob, j'ai beaucoup aimé (comme ffred ou Tinalakiller) ce film que j'ai vu dans une salle très recueillie (si je puis m'exprimer ainsi). Ce film a mérité son Oscar (quoi qu'en disent certains esprits chagrins). Daigo, jeune violoncelliste, se retrouve au chômage du jour au lendemain, quand l'orchestre dans lequel il jouait est dissous. Il décide de retrouver ses racines en venant habiter avec sa jeune épouse, Mika, dans la demeure de sa mère décédée (un genre de bar désaffecté). Pour subvenir à ses besoins, il répond à une annonce qui parle de voyage. Il est engagé immédiatement. L'annonce était incomplète: il s'agit de voyages dans l'au-delà. Le vieil homme, patron de cette entreprise, a eu du mal à recruter. C'est lui qui enseignera le métier à Daigo. La tanathopraxie (le mot n'est pas employé dans le film) n'est pas bien vue au Japon (comme peut-être partout ailleurs). D'ailleurs, Daigo n'ose pas avouer à sa femme son nouveau métier (c'est par hasard qu'elle le découvre et elle en est horrifiée). A partir de là, on est hypnotisé par le cérémonial de la toilette et de l'habillage des morts. Il faut voir les gestes étudiés de Daigo pour habiller, coiffer, maquiller la personne décédée. Juste avant la crémation. Chaque fois, la famille du (de la) défunt(e) est présente. Les réactions sont souvent vives, certains veulent retrouver la personne comme si elle était "vivante". Tout est fait avec un grand respect et beaucoup de pudeur. Un grand film pas triste du tout, bien au contraire. Le petit défaut du film est dû à quelques facilités scénaristiques mais rien de grave. Le générique de fin montre, encore une fois, Daigo en train de "préparer" un mort; les spectateurs sont restés jusqu'au bout.
Commentaires sur Departures - Yojiro Takita
- Merci pour ce billet très intéressant.
Je ne savais pas que certaines professions étaient mal vues au Japon, et je suis surprise car j'ai constaté que la mort est souvent présent dans la littérature japonaise. Et la mort parait beaucoup plus intégrée au quotidien qu'en France par exemple, c'est du moins l'impression que j'ai eue. - J'attends aussi ce film avec impatience mais il n'est pas arrivé ici...j'avais vu Tokyo: trois nouvelles de jeunes réalisateurs et c'était vraiment bien..il y avait une véritable réflexion sur la vie dans la ville et des images percutentes. Je viens defaire un petit tour sur ton blog et j'ai eu du mal à le quitter...tes articles sont passionnants.
- la tranquilité d'esprit en prend un coupDEPARTURES/ je me serai pointé au cinéma sans savoir de quoi il en retournait, sans doute que je serai resté jusqu'au bout moi aussi.Mais après avoir lu ton commentaire, je ne suis pas sur de trouver le courage pour affronter cette partie de la culture japonaise malgrés que ce que tu nous en dit donne envie de récompenser et d'encourager
l'auteur de ce film. Ce qui est bizarre c'est que j'ai vu des films sur la façon des Egyptiens d'embaumer les mort pour les préparer à leur vie dans l'au delà et que ça n'a pas provoqué en moi les mêmes réticences, disont que la curiosité pour l'histoire des Egyptiens semblait m'avoir rendu insensible à ce que je voyais et qui pourtant tout bien réflèchi était bien plus choquante que d'habiller un mort aprés l'avoir toilétté.Par contre l'autre jour je suis tombé sur un article d'un mag scientifique qui expliquait dans le détail comment on avait sauvé puis découpé en morceau, etc le cerveau de ce pauvre EISNTEIN et bien là pareillement, je ne crois pas que j'aurai facilement accepter de voir cela en film, comme quoi la conscience que renferme notre cerveau a un logique qui n'est pas toujours simple pour rationaliser l'évènement.
MERCI d'avoir bouculé notre tranquilité d'esprit de spectateur avec ce film
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Pas tout à fait.
Au Japon, cette profession est normalement l'apanage d'une caste extrêmement discriminée, analogue aux intouchables indiens, les Burakumin (voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Burakumin).
Choisir cette activité est donc un signe de profonde déchéance sociale.
Traiter ce sujet est extrêmement révolutionnaire pour un réalisateur japonais, et il serait intéressant de connaitre l'impact qu'il a eu au Japon. Je crains qu'il n'ait été complètement ignoré, malgré son Oscar.
Google a dernièrement été victime de cette politique de ségrégation. En révélant la localisation d'anciens quartiers Burakumin, il s'est mis du coté des discrimineurs
(voir http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2009/05/20/au-japon-google-s-aventure-en-zone-interdite_1195745_3216.html).