Je dois dire tout de suite que ce film est une épreuve émotionnelle et visuelle mais je ne la regrette pas. En effet, on n'oublie pas de sitôt ce film qui dure 2H48 dont plus d'1H assez insoutenable pour le spectateur qui assiste à l'humiliation d'une femme, Saartjie (Sarah) Baartman, traitée tour à tour comme un animal de foire, un objet sexuel et un sujet d'étude pour des savants français fascinés par les attributs sexuels hors norme et les fesses proéminentes de cette femme hottentote. Le cadavre de cette dernière (morte à 25 ans) finit disséqué comme une (pauvre) grenouille par ces mêmes savants/anatomistes du musée d'histoire naturelle de Paris à la fin de 1815. Le film commence d'ailleurs par la fin, avec un exposé fait en 1817 par Georges Cuvier dans un amphi "démontrant" que cette femme était un être inférieur apparenté au singe.
Pendant le reste du film, le spectateur assiste impuissant à la lente descente aux enfers de Saartjie, née dans une tribu d'Afrique du Sud, d'abord exhibée à Londres en 1810, dans une sorte de mini-salle de spectacle obscure, par son "maître", Ceasar (un Afrikaaner). Pour elle et surtout pour gagner de l'argent, il a quitté femme et enfants (dont Saartjie fut la nourrice). Pour tenir le coup, Saartjie a pris la mauvaise habitude de boire de l'alcool. Elle parle peu et uniquement l'afrikaaner. On apprend qu'elle a perdu son petit garçon de deux ans quelques années auparavant. Quelques Londoniens s'étant émus de la condition de Saarttjie, elle et Ceasar (devenu persona non grata à la suite d'un procès) quittent Londres pour Paris en compagnie d'un Français, Réaux (Olivier Gourmet), montreur d'ours. Les scènes des spectacles de foire et plus tard celles dans un salon parisien sont longues (interminables?) et mettent le spectateur mal à l'aise. Et je vous épargne les scènes de bordel. En revanche, je m'arrêterais sur celle, édifiante, où Sarah, à qui on demande de se déshabiller entièrement devant un anatomiste comme Cuvier, refuse énergiquement en s'accrochant à son pagne qui cache sa nudité.
Je trouve que le film vaut la peine d'être vu, rien que pour l'actrice Yamina Torres qui joue Saartjie. Elle est magnifique. Pour le reste, on peut reprocher au réalisateur le côté complaisant de certaines scènes qui se répètent sans se renouveler. On pourrait dire au réalisateur "on a compris le message, c'est bon, stop". Il nous martèle trop les choses. On se lasse. C'est un film que j'ai vu une fois. Je ne le reverrai pas car il est trop perturbant. Je rappelerai pour finir que le réalisateur, Abdellatif Kechiche, est connu pour avoir réalisé La graine et le mulet.
mercredi 3 novembre 2010
Vénus Noire - Abdellatif Kechiche
Commentaires sur Vénus Noire - Abdellatif Kechiche
- Au début, je voulais voir ce film et puis la bande annonce qui ne dure guère longtemps m'a semblé très longue et je n'irai donc pas voir ce film ! J'ai l'esquive depuis un certain moment dans ma Pile de vidéo à voir mais je ne l'ai toujours pas regardé : je vais commencer par là !
- Le sujet à lui tout seul vaut la peine, car finalement il n'y a pas tant que ça de film sur ce type de sujet, il y a Elephant man qui concernait un être "anormal" et puis le fabuleux Freaks
Ce que tu dis de la complaisance est dommage il n'y avait pas besoin de ça, j'avais trouvé le sujet de "la graine et le mulet" intéressant mais là aussi le film était très répétitif et trop long - Je crois que dans un premier temps, je me contenterai du livre de Carole Sandrel : "Vénus & Hottentote - Sarah Bartman", repéré chez Le Bibliomane. Son billet est ici : http://lebibliomane.blogspot.com/2010/06/zoo-humain.html
- Ce qui t'a heurtée est exactement ce qui me heurterait. Je peux tolérer de la violence, à condition de ne pas la trouver complaisamment filmée, et certainement pas avec des redondances (la moins talentueuse des formes de complaisances).
Je crois que je vais me contenter de la nouvelle de Didier Daeninckx, "Le Retour d'Ataï". - Le côté complaisant, dont Télérama parle aussi, me rebute : comme tu le fais remarquer, je ne pense pas qu'il y ait besoin d'insister autant pour que le spectateur ait conscience (je n'ai pas dit "prenne" conscience, ceux qui connaissent cette histoire ont déjà pu juger)de l'ignominie de ce qu'a subi cette femme. Et de la complaisance au voyeurisme...
- Je trouve le film difficile, mais en aucune manière complaisant. Les scènes se succèdent, certes, mais avec à chaque fois un degré différent et un vécu différent pour Saartjie. Entre les exhibitions parmi les "freaks" du début jusqu'aux scientifiques d'une déshumanité incroyable de la fin, en passant par le salon libertin où l'on ne s'émeut que lorsque Saartjie pleure en silence, chaque séquence, dans sa longueur et son horreur, est utile. Oui, c'est douloureux pour le spectateur mais il sait que "ce n'est qu'un film".
- Complaisant?Je sais que c'est un grand débat entre les critiques: refaire les "mêmes" scènes plusieurs fois dans le film, ne serait-ce pas de la facilité de la part de Kechiche, de la complaisance. Ce film peut avoir beaucoup de défauts (la longueur, les nerfs du public mis à rude épreuve, la boucherie ignoble et insupportable, le spectateur remis en cause), mais je crois qu'il n'est pas du tout complaisant. Au contraire, c'est surement ce que j'ai préféré dans ce film, la subtilité des évolutions de ces scènes, la subtilité dans le "jeu-soumission" de cette femme qui veut être considérée comme artiste. Certes il aurait pu faire ces scènes un poil plus courtes (voir même beaucoup plus courtes, pour certaines), mais elles sont, pour moi, très intéressantes.
- Je l'ai vu et j'ai été aussi bouleversée. le film est extrêmement éprouvant mais cette fameuse "complaisance" (et avec la quelle je ne suis pas d'accord) nous pose des questions vis-à-vis de notre attitude de spectateur. regarder ce spectacle est une forme de voyeurisme. Il y a une vraie gradation (et dégradation) dans la manière d'aborder ce rapport ambigu : au début, Saartjie refuse de se laisser toucher puis, peu à peu, tout le monde peut toucher ses parties intimes. de même, elle est de plus en plus dénudée, jusqu'à la destruction de son corps.
C'est un film très dérangeant que j'ai trouvé néanmoins très audacieux dans le paysage cinématographique français. Kechiche aborde les choses de front et donne une vraie humanité à son personnage. Et évidemment, vous l'avez écrit, l'actrice est remarquable. - Complaisance ou pas, je vais voir le film ce soir pour me faire ma propre idée. Mais je pense que tu dois avoir raison sur le voyeurisme et les langueurs. Mais cette histoire me touche et je suis vraiment curieuse de voir la façon dont Kechiche l’a traité. Merci en tous cas pour cet intéressant billet!
- Bonjour Dasola
Les nombreux commentaires sur ce film semblent ,à quelques uns près, aller tous dans le même sens.Je me rallierai à la voix dominante pour dire que ce film ne me tente pas parce qu'il m'effraie.Déjà La graine et le mulet m'avait paru éprouvant.Au moins Kechiche n'est pas un cinéaste qui laisse indifférent. - J'avais envie de voir ce film, mais j'ai été freiné par sa durée (pas facile à caser un soir de semaine) car mon ami lui était très réticent. Je le verrai, je pense malgré les nombreuses critiques, car je pense, comme toi, que même insoutenable c'est une vérité qui doit être connue! Trop de gens ferment les yeux sur ses pans peu glorieux de l'histoire, pourtant c'est comme cela que l'on assure que cela ne se reproduise pas!
- J'aime beaucoup ce réalisateur et j'ai adoré L'esquive, et La graine et le mulet. Je verrai donc cet opus, même s'il est difficile. Parfois, il faut marteler les choses pour que les gens comprennent... souvent ils se voilent la face. "Oh mon dieu, quelle horreur" et ils passent leur chemin... Et c'est ainsi que sont laissés sur le bord de la route des milliers de pauvres gens...
Complaisant, pas complaisant ? Je me ferai ma propre idée en le voyant.
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