Le grand jeu - Nicolas Pariser / Le grand partage - Alexandra Leclère
Mes lecteurs m'excuseront j'espère, mais durant les deux dernières semaines de cette année, je n'aurai pratiquement pas été au cinéma. D'ici ma reprise de travail le 7 janvier prochain, je compte aller voir Au delà les montagnes de Jia Zhan-Ke (un chef d'oeuvre pour ffred et Chris) et The big short (le Casse du siècle) pour le sujet.
Pour ce dernier billet de l'année, j'en viens maintenant à deux films vus le jour de leur sortie, respectivement le 16 décembre pour Le grand jeu et le 23 décembre 2015 pour Le grand partage.
Je suis allée voir Le grand jeu, le premier vrai long-métrage de Nicolas Pariser, car je suis assez fan d'André Dussollier. Le début m'a plu. Pierre Blum (Melvil Poupaud) est un écrivain raté qui croise la route d'un certain Joseph Paskin (André Dussolier) lors d'une soirée. Joseph Paskin se révèle être un manipulateur et un homme de l'ombre au plus près des cercles du pouvoir. En lui promettant une somme confortable, Peskin demande à Pierre, sympathisant de gauche, d'écrire un appel à l'insurrection pour mettre à mal le pouvoir en place et accuser justement des groupuscules d'extrême-gauche. Il faut entendre André Dussollier dire son texte. On dirait un félin face à une proie. C'est délectable. En revanche, par la suite, j'ai regretté que Dussollier ne soit pas plus présent à l'écran, car je me suis passablement ennuyée. J'ai même piqué du nez quelques minutes lors des échanges entre Pierre Blum et Laura Haydon (Clémence Poésy). Je n'ai pas bien compris le rôle que cette dernière jouait. Toujours est-il qu'il s'agt d'un film prometteur, mais le réalisateur peut mieux faire.
Je passe maintenant au Grand partage d'Alexandra Leclère: pas un chef d'oeuvre, mais ça part d'une idée sympathique. Pendant un hiver de grand froid à Paris (époque révolue ou pure science-fiction?), un décret gouvernemental passe, ordonnant à la population bien logée avec de grands appartements d'accueillir des mal logés. Branle-bas de combat dans un immeuble cossu d'un beau quartier. Les habitants qui rassemblent toutes les opinions politiques dévoilent leur nature pas toujours généreuse. Le film permet à des acteurs comme Karine Viard, Valérie Bonneton, Josiane Balasko (la gardienne de l'immeuble) ou Didier Bourdon de déployer leur talent comique. Ca ne casse pas trois pattes à un canard mais c'est sympa.
J'en profite pour vous souhaiter un très bon réveillon de fin d'année.
Perfidia - James Ellroy / Une contrée paisible et froide - Clayton Lindemuth
Avant de faire mon bilan lecture 2015, voici deux romans policiers très différents qui valent le détour.
Je commence par Perfidia de James Ellroy (Editions du Seuil), terminé depuis quelque temps déjà. Ce roman compte plus de 800 pages (qui se lisent relativement vite). Il s'agit du premier tome d'une nouvelle trilogie qui se passe pendant la deuxième guerre mondiale. Perfidia vient du titre d'une chanson écrite par un Mexicain, Alberto Dominguez, et publiée en 1939, qui a été en particulier interprétée par Glenn Miller et son orchestre. L'histoire se passe à Los Angeles entre le 6 décembre (veille de Pearl Harbour) et le 29 décembre 1941. Le fil rouge de cette histoire où l'on retrouve des personnages fictifs (déjà présents dans certains romans précédents d'Ellroy) et des personnes ayant réellement existés, est l'assassinat sanglant d'une famille de quatre Japonais: un père et une mère et leurs deux enfants d'une même famille. Le sergent Dudley Smith, personnage familier pour ceux qui connaissent l'oeuvre de James Ellroy, est sur l'affaire. Dudley Smith est un sergent de police peu recommandable qui se gave d'amphétamines pour tenir le coup. Perfidia constitue un roman foisonnant qui parle du futur confinement des Japonais habitant aux Etats-Unis, de la menace communiste à éradiquer, d'Hollywood de cette époque. James Ellroy a un style bien à lui. Il utilise le présent de narration et écrit souvent des phrases brèves. Il n'a pas peur de se répéter. C'est de cette manière que le lecteur ne se perd pas malgré tous les personnages présents. Il donne une certaine importance aux personnages féminins dont l'actrice Bette Davis. Quand le roman s'achève, plein de questions sont en suspens. Je pense que je lirai la suite quand elle paraîtra.
Je passe à Une contrée paisible et froide de Clayton Lindemuth que j'ai eu envie de lire grâce à La Petite souris et Claude Le Nocher que je remercie. Pour une fois, je mentionnerais le nom du traducteur, Brice Matthieussent, traducteur chevronné des romans de Jim Harrison entre autres. L'histoire se passe en 1971 dans le Wyoming au coeur de l'hiver. Le texte est écrit essentiellement à la première personne. L'action se passe sur 24 heures avec des retours en arrière dans le passé. Les deux narrateurs principaux sont, d'une part, le shérif Bittersmith, 72 ans obligé de partir à la retraite dans un jour (on ne lui pas donné le choix); et d'autre part Gale G'Wain, âgé de 19 ou 20 ans, qui est accusé du meurtre de son employeur, Burt Haudesert. Gale est traqué par ce shérif violent qui abuse de son pouvoir (surtout sur les femmes). Gale ne veut pas s'enfuir sans Gwen, la fille de Burt, qui a un don de voyance. Elle pressent que telle ou telle personne va mourir d'ici peu. Au fur et à mesure du récit, on apprend des choses assez terribles sur les personnages et les violences subies par d'autres. La fin laisse un goût d'amertume, car que de vies gâchées. C'est un roman qui ne laisse pas indifférent.
Palmarès cinéma 2015
Comme les années précédentes, j'ai vu un peu plus d'une centaine de films (109 jusqu'à hier, et il s'en faut d'une semaine que l'année soit terminée).
J'ai fait un choix cornélien afin de citer mes 10 films vraiment préférés parmi 30 que j'ai bien appréciés. Ce sont bien entendu des choix personnels et très subjectifs.
Pour une fois, je fais aussi un classement dans ce "Top 10". Je constate qu'il y a davantage de films français que dans mes palmarès précédents.
1) Une belle fin d'Uberto Pasolini, un film de 2013 qui a mis deux ans pour arriver jusqu'en France. avec dans le rôle principal Eddie Marsan, au visage pas banal. L'histoire m'a beaucoup touchée. Le film est sorti en DVD, essayez de le voir.
2) La loi du marché de Stéphane Brizé: c'est Discount en plus triste et pessimiste.
3) Mustang de Deniz Gamze Ergüven, un film franco-turc en lice pour représenter la France aux Oscars dans la catégorie du meilleur film étranger en 2016. Le destin de ces quatre soeurs ne peut que vous émouvoir.
4) La isla minima d'Alberto Rodriguez, un polar espagnol très réussi à tout point de vue.
5) Béliers de Grímur Hákonarson, avec des moutons et deux bergers que vous n'oublierez pas.
6) Avril et le monde truqué de Christian Desmares et Franck Ekinci, car j'aime les BD de Tardi, et là je me suis régalée.
7) Fatima de Philippe Faucon (ce film vient d'être récompensé par le prix Louis Delluc). Pour le sujet et le personnage de Fatima, une femme courageuse.
8) Nous trois ou rien de Kheiron, pour l'histoire, le ton léger, l'humour. Un succès public mérité.
9) Le pont des espions de Steven Spielberg, qui m'a passionnée dès les premières images. Tom Hanks et Mark Rylance sont remarquables.
10) Sicario de Denis Villeneuve, pour la réalisation au cordeau
En vrac maintenant, je cite dix autres films à voir en "deuxième choix":
The Lobster de Yorgos Lanthimos, pour l'étrangeté de l'histoire avec une première partie qui vaut à elle seule d'aller le voir.
Suburra de Stefano Sollima, un film de Mafia à Rome où les acteurs sont tous excellents; dommage qu'il ne semble pas avoir de succès.
Le fils de Saul de László Nemes, pour la séquence d'ouverture impressionnante et glaçante.
Marguerite de Xavier Giannoli, pour Catherine Frot qui mériterait le César de la meilleure actrice; et quel sujet pas banal!
Crimson peak de Guillermo del Toro, pour les décors, les costumes, l'ambiance gothique et Jessica Chastain qui joue une "très méchante".
L'Hermine de Christian Vincent, pour Fabrice Luchini qui est d'une rare sobriété, et Sidse Babett Knudsen à la beauté lumineuse.
Crosswinds - La croisée des vents de Martti Helde, où l'on peut voir le procédé de tournage et le très beau noir et blanc.
Phoenix de Christian Petzhold, pour Nina Hoss magnifique.
Discount de David Oelhoffen: c'est La loi du marché en plus gai et optimiste.
Microbe et gasoil de Michel Gondry, une comédie modeste et sympathique. Mention spéciale à la maison roulante.
Et enfin, je termine avec dix autres en "accessit":
Le nouveau stagiaire de Nancy Meyers, dans lequel Robert De Niro compose un stagiaire irrésistible.
Coup de chaud de Raphaël Jacoulot, un scénario qui sait ménager le suspense.
La femme au tableau de Simon Curtis, d'après une histoire vraie assez passionnante, et puis il y a Helen Mirren.
Mission: impossible, Rogue Nation de Christopher McQuarrie, avec quelques séquences à couper le souffle.
Une seconde mère d'Anna Muylaert, sur les relations mère-fille ou mère-fils, sur les rapports entre classes sociales.
Le labyrinthe du silence de Guido Ricciarelli, pour le sujet et le fait que cela soit un film tourné en allemand.
Les terrasses de Merzak Allouache, pour les vues d'Alger la blanche bien endommagée; et certaines saynètes sont marquantes.
Spy de Paul Feig, pour Melissa McCarthy dont le talent comique ne se dément pas.
Le combat ordinaire de Laurent Tuel, l'adaptation réussie de la BD de Manu Larcenet.
La belle saison de Catherine Corsini, où Cécile de France et Izia Higelin forment un beau couple.
Et comme les autres années, je ne vais pas dénoncer les films que je n'ai pas aimés...
Poison City (second tome) - Tetsuya Tsutsui
Ceci est un second billet signé ta d loi du cine, squatter chez dasola, sur cette "mini-série" manga dont le thème m'avait accroché (cf. ma chronique du T.1). Ce second tome étant finalement sorti le 10 décembre 2015 (et non le 3 comme prévu), je reste dans les temps par rapport au délai que j'avais annoncé!
Nous avions laissé notre mangaka (auteur de manga) en pleine discussion avec un éditeur américain. Sans raconter tout ce qui se déroule dans ce dernier volume, glosons qu'il donne une vision plutôt déprimante de ce que risque de devenir la création artistique (nous sommes bien dans une oeuvre "d'anticipation" puisque l'action se déroule en 2019). Je suppose que, pour Tetsuya Tsutsui, la question est de savoir si nous nous nous trouvons dès aujourd'hui, ou non, dans l'emballement d'un processus devenu non-maîtrisable (point de non-retour dépassé, comme pour le réchauffement climatique - le rapprochement est de moi!). Ce 2019 ressemble quand même beaucoup à un monde insidieusement sous contrôle: jugement sans appel sur des éléments subjectifs et non plus objectifs, sur des intentions supposées à partir de simples images; des instances décideuses qui refusent toute remise en cause de leur fonctionnement; un auteur stigmatisé comme un véritable coucou; et accessoirement des serveurs internet, normalement accessibles à toute la population, qui "plantent" à un moment crucial. Peut-être malheureusement que, s'il n'y a pas de prise de consciences des lecteurs permettant que dès aujourd'hui le public reconnaisse que les changements mis en évidence dans Poison City représentent une menace immédiate et potentiellement irréversible pour les sociétés humaines (japonaises ou autres), alors ce qui apparaît comme exagérément pessimiste sera simplement prémonitoire. Rendez-vous en 2020 pour voir...
La carte des Mendelssohn - Diane Meur
Voici un roman atypique de la rentrée littéraire de 2015. Dans La carte des Mendelssohn (Sabine Wespieser Editeur, 461 pages plus 20 pages de sources et un index des personnes), l'écrivain s'est donné comme but d'établir une carte des descendants de Moses Dessau devenu Moses Mendelssohn, grand philosophe des Lumières (je ne le connaissais pas) qui servit de modèle au personnage de Nathan dans Nathan Le sage, la pièce de Lessing (un contemporain de Moses). Moses est surtout célèbre pour son ouvrage Phédon ou Entretiens sur la spiritualité et l'immortalité de l'âme. Diane Meur a eu l'idée de ce roman, qui est une véritable gageure, en pensant à celui qui fut le fils de Moses et le père de Félix (1809-1847) et Fanny (1805-1847). Abraham (1776-1835) -tel était son prénom- n'a rien fait de marquant durant sa vie à part d'avoir été banquier (mais peu de temps). Il s'est surtout concentré sur l'éducation musicale de ses enfants. Pour en revenir à Moses (1729-1786), traducteur de la Torah en Allemand, il se maria avec Fromet Guggenheim et eut dix enfants dont six vécurent. Parmi eux, Abraham et Joseph. Cette seconde génération a conçu de nombreux enfants, qui eux-mêmes, etc. Moses resta fidèle à la religion juive toute sa vie, tout comme son fils Joseph, qui fut le seul à ne pas se convertir. Les autres (dont Abraham) se convertirent au protestantisme voire au catholicisme. Je vous laisse découvrir ce roman foisonnant où Diane Meur nous fait régulièrement passer du passé au présent. Elle est arrivée, grâce à sa carte, à identifer 765 personnes sur 8 générations. Ce projet fou est passionnant, même si sur la fin on s'y perd un peu avec les personnes mentionnées. Un roman que j'ai pris grand plaisir à lire.
Ixcanul - Jayro Bustamente / Béliers - Grímur Hákonarson
Comme il n'y a pas que le cinéma américain ou français dans la vie, voici deux films venus "d'ailleurs" que je vous conseille avant qu'il ne soit trop tard. Ces deux films sont sortis malheureusement dans très peu de salles à Paris. Quant à leur sortie en province, je ne sais pas ce qu'il en est.
Je commence par Ixcanul, un film guatémaltèque à l'affiche depuis le 25 novembre. Ixcanul signifie "volcan" dans une des langues Mayas parlée par les protagonistes du film. Au pied de ce volcan. Maria, 17 ans, travaille à la plantation de café, tout comme son père et sa mère. Ils sont pauvres et ne parlent pas espagnol, au contraire du contremaître. Ce jeune veuf d'une trentaine d'années avec trois enfants voudrait bien épouser Maria qui, elle, aime Pepe, du même âge qu'elle. Pepe rêve de partir aux Etats-Unis, là-bas, derrière le volcan. Une nuit, Maria couche avec Pepe et elle tombe enceinte. Le film joué par des acteurs pour la plupart non professionnels s'inspire d'une histoire vraie: les bébés volés à la naissance pour être adoptés par la suite. On y parle aussi de serpents venimeux qui nuisent aux plantations. Certaines scènes entre la mère et la fille sont d'une grande douceur. On touche à l'intime. Il y a des maladresses mais j'ai été touchée par cette histoire. Ce film a reçu de nombreux prix dans différents festival dont un à Berlin.
Après le Guatémala, je suis partie retrouver des Béliers en Islande dans un endroit magnifique et pratiquement désert, battu par les vents et où le ciel est bas. Gummi et Kiddi, deux sexagénaires, sont des bergers qui bichonnent leur cheptel de moutons Bolstad. Il faut voir Gummi caresser son bélier favori et lui parler. On sent qu'il aime ses moutons. On apprend assez vite que Gummi et Kiddi sont frères mais ne se parlent plus depuis 40 ans (on n'en saura pas la raison). Quand ils communiquent, ils le font par l'intermédaire du chien de Kiddi. Il apporte des messages dans sa gueule. Les deux hommes font partie d'une petite communauté qui va vivre une tragédie: un des moutons, une bête primée à un concours, a tous les symptômes de la "tremblante". Le verdict est sans appel, tous les troupeaux de moutons alentour sont abattus. Gimmi choisit de le faire lui-même. Il abat 147 de ses bêtes mais en sauve clandestiment une dizaine dans sa cave (dont un bélier reproducteur). Je vous laisse découvrir la suite de Béliers, premier long-métrage du réalisateur Grímur Hákonarson qui a aussi écrit le scénario. Les deux acteurs principaux, très connus en Islande, sont formidables. Le film a été récompensé à juste titre du prix de la section "Un certain regard" au dernier Festival international du film à Cannes en 2015. Lire les billets enthousiastes de Miriam et Chris.
C'est quoi ce travail? - Luc Joulé et Sébastien Jousse
[Ceci n'est pas un billet de dasola, mais de ta d loi du cine, "squatter" sur son blog]
Un vacarme de machine, et ces machines en action en gros plan. Où sommes-nous, que se passe-t-il? Et puis la caméra élargit le champ, nous voyons un micro au bout d'une perche, et Nicolas Frize les écouteurs aux oreilles. Ce film, C'est quoi ce travail?, est l'aboutissement d'une "performance" artistique, la captation des "bruits" (les sons, mais aussi les mots) d'une usine automobile (l'usine PSA Peugeot Citroën à Saint-Ouen [93]), où le compositeur s'est immergé de 2012 à 2014 pour en tirer une oeuvre musicale. Le film montre donc son travail créatif. Mais pas seulement. Le reportage sur l'artiste créant son oeuvre "en résidence" ouvre aussi la parole des ouvriers (et ouvrières) à leur poste de travail, au "contremaître", au mécanicien des robots ("outilleur")... Chacun a son histoire (plus ou moins d'années en poste), et sa dignité concernant son travail (même s'il est alimentaire - il faut bien gagner de quoi faire manger les enfants!). On voit que, dans cet univers mécanique, il y a la place accrue du robot, mais toujours le facteur humain (vérifier que le robot ne "déraille" pas, avoir des réparateurs qui "tournent" et vérifient en permanence...). Certains sont fiers d'apporter leur touche personnelle (rangement minutieux des pièces usinées en sortie de chaîne, pour l'un; choix des modalités d'exécution et de l'ordre des opérations pour le tourneur-fraiseur qui doit réaliser une pièce n'existant encore que sur le papier; ou même l'apport de plantes en pot qui font apparaître un peu de verdure dans cet univers métallique...). Ils sont interviewés et se livrent avec pudeur; mais ils deviennent aussi témoins et "exécutants" de la musique de leur usine (habituellement, leurs oreilles sont protégées - d'où un peu d'émerveillement quand Nicolas Frize leur fait "entendre", avec son matériel, ce que chante leur poste). J'ai notamment relevé parmi les dizaines d'interviews le "rôle" du contremaître exprimant à peu près quelque chose comme: "je vais pas dire que je les aime. Mais je veille à eux, c'est mon équipe et c'est mon boulot. Je dois leur faire passer les messages de la direction même si je ne suis pas d'accord. En contrepartie, je fais remonter leurs remarques: ce sont eux qui sont "sur le terrain" et qui peuvent savoir". Ce que c'est que ce travail? On comprend qu'il ait fallu des mois pour mettre en harmonie la cacophonie, on voit le compositeur accorder des chutes de métal brut pour en faire une sorte de xylophone. Les scènes de répétition (mise en place du rythme de la récitation poétique) pour la représentation finale m'ont rappelé Léonard Bernstein* que j'avais vu à la télé dirigeant une répétition de West Side Story en studio. Comme des silences dans la musique, interviennent vers la fin les temps de pause, avant une sorte de marée humaine, d'invasion (appropriation?) des lieux par les familles endimanchées, pour la représentation finale, suivie (symboliquement) de la sortie de l'usine.
Ca ne peut guère se raconter, il faut le voir et l'entendre. Sorti le 14 octobre à Paris, C'est quoi ce travail? passe encore cette semaine, dans une unique salle à Paris, à une seule séance hebdomadaire, ce lundi 14/12/2015 après-midi. J'espère que ce beau film ne tardera pas à connaître d'autres modes de diffusion.
C'EST QUOI CE TRAVAIL ? - Bande annonce from Shellac Sud on Vimeo.
* Oups, j'avais écorché son nom... Merci Miriam!
Suburra - Stefano Sollima
Le film italien Suburra est adapté d'un roman* qui porte le même titre. L'un des co-auteurs de ce roman, Gian Carlo de Cataldo, a écrit Romanzo Criminale. Suburra vient de Subure, le quartier pauvre et populeux de Rome des plaisirs pas chers dans l'Antiquité. Le film, très bien construit, montre la collusion entre la Mafia et certains hommes politiques. L'histoire se déroule sur sept jours (7 jours avant l'apocalypse). Le "Samouraï", un mafieux à l'ancienne (il vit avec sa vieille mère dans une demeure remplie d'objet religieux) souhaite qu'Ostie devienne Las Vegas. Pour qu'une loi soit passée en ce sens, il "arrose" et protège plusieurs députés, dont l'un s'appelle Filippo Malgradi, un jouisseur qui aime s'encanailler avec des mineures et sniffer de la drogue. Il suffit d'une nuit d'orgie qui se termine mal pour que le plan d'urbanisation soit compromis. Je vous laisse découvrir comment un enchaînement de situations dans lesquelles la jeune génération mafieuse et les tsiganes voulant leur part du gâteau va aboutir au chaos. Le scénario co-écrit par Stefano Rulli et Sandro Petraglia est millimétré, tout comme la réalisation. Devant la caméra, les acteurs jouent tous très juste. Ce film est sorti avec une interdiction aux mineurs de moins de 16 ans. Personnellement, je ne comprends pas vraiment pourquoi. En tout cas, je le conseille. Lire le billet d'Alex-6.
*Le roman chroniqué le 10/02/16.
Hunger Games: La révolte - 2ème partie - Francis Lawrence / A vif! - John Wells / Strictly Criminal - Scott Cooper
Avec le film Hunger Games: La révolte - 2ème partie (sortie le 18 novembre 2015) s'achèvent, en demi-teinte à mon avis, les adaptations de la trilogie écrite par Susanne Collins. Dès la première image, on retrouve Katniss Everdeen ayant du mal à parler après que son amoureux Peeta Mellark eut essayé de l'étrangler (voir le film précédent). Katniss est déterminée à éliminer le Président Snow. Accompagnée par quelques personnes aussi courageuses qu'elle (militaires de carrière ou anciens vainqueurs des Jeux), ils vont affronter de nombreux obstacles mortels dont des mutants. J'avoue que je n'ai pas du tout retrouvé l'esprit et le ton du premier volet très coloré, flamboyant qui m'avait beaucoup plu avec du suspense, beaucoup de tension et qui m'avait donné envie de connaître la suite. On était vraiment dans les jeux du cirque. Dans cette conclusion, j'ai trouvé l'ensemble un peu terne. Dommage. En tout cas, il faut absolument voir les quatre films dans l'ordre.
Je passe à A vif! de John Wells (sortie le 4 novembre 2015) chaudement recommandé par Roland (Rock07) et je l'en remercie. Le titre français convient bien au rythme du film: cela va à tout allure. A Londres, Adam Jones, un chef cuisinier très talentueux essaye de se remettre en selle après avoir vécu l'enfer (drogue) et le purgatoire (écailleur d'huîtres à la chaîne dans un bouge à la Nouvelle-Orléans). Adam Jones rêve d'être à nouveau reconnu par ses pairs en général et par le Guide Michelin en particulier. Il veut obtenir ses trois étoiles. Bradley Cooper qui interprète Adam Jones est très à l'aise. Il faut voir le film en VO car c'est l'occasion de l'entendre parler français avec un délicieux accent. A priori, le film n'est pratiquement plus à l'affiche. Empruntez-le en DVD quand il sortira, il est distrayant et vous donne envie de vous mettre aux fourneaux.
Je termine avec Strictly Criminal: "un film de gangster de plus, me direz-vous?" Oui, mais pas que. L'histoire est adaptée de faits réels. Dans les années 70, à Boston, James Bulger, frère d'un sénateur du Massachussetts, est un criminel violent qui devient, pendant plus de trente ans, un indic du FBI. Il va ainsi éliminer ses rivaux, en particulier un gang de la Mafia italienne, sur son territoire de Boston sud. La première apparition à l'écran de James Bulger est impressionnante, car c'est Johnny Depp qui endosse le rôle. Il est méconnaissable avec son regard bleu vitreux, ses dents noircies, et ses cheveux blonds et rares ramenés en arrière. J'ai aimé ce film malgré quelques scènes violentes.
Mia Madre - Nanni Moretti
Mia Madre de Nanni Moretti faisait partie de la sélection officielle cannoise en 2015. Il n'a malheureusement pas été récompensé. C'est dommage au moins pour Marghareta Buy, une actrice italienne peu connue de ce côté-ci des Alpes et qui est vraiment très bien. Elle interprète le rôle d'une réalisatrice. Dans Mia Madre, je dirais qu'il y a deux histoires en parallèle: Margherita en train de tourner un film à connotation sociale, et Margherita faisant difficilement face - heureusement qu'elle est aidée par son frère Giovanni (Nanni Moretti) -, à la maladie de sa mère qui décline de jour en jour à l'hôpital. Très perturbée, Margherita a du mal à gérer Barry Huggins, l'acteur principal de son film. Barry Huggins (John Turturro), c'est un Américain assez cabotin qui a du mal à dire son texte en italien. J'ai trouvé que John Turturro en faisait trop, et il est rapidement crispant. En revanche, toutes les scènes domestiques et celles se passant à l'hôpital sont poignantes. On nous dit que la mère, Ada, était un professeur de latin exceptionnel qui n'a laissé que des bons souvenirs à ses élèves. Margherita n'accepte pas que sa mère puisse disparaître. Si vous n'avez pas le moral, passez votre chemin, car j'ai trouvé le ton du film assez pesant. Il n'est pas fait pour distraire, mais Marghareta Buy vaut la peine d'aller voir ce film. Lire les billets de Miriam, Alex-6, Chris.