Le cafard - Ian McEwan
Dans ma librairie de quartier, je suis tombée sur un petit ouvrage qui vient de paraître et qui a été écrit par un des mes écrivains favoris: Ian McEwan. C'est une "novella", une longue nouvelle. Dans son introduction, McEwan avoue qu'il est consterné par la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union Européenne. Il apparente le Brexit à un cafard. Pour écrire cette novella, il a pensé à La Métamorphose de Kafka mais plus encore à Jonathan Swift et à sa Modeste proposition qui date de 1729, où il était question de manger des nourrissons pour réduire la famine qui sévissait en Irlande à cette époque. Dans Le cafard (Editions Gallimard, 152 pages), point de cannibalisme, mais il s'agit de l'histoire, dans un futur très proche, de plusieurs cafards qui se réveillent un matin dans les corps de différents membres du gouvernement britannique, dont le Premier ministre, Jim Sams. Quand il se réveille dans son costume d'humain, Jim doit assister au Conseil des ministres. Il est considéré comme un Continualiste tiède, alors que sa volonté est de porter la "voix du peuple" et d'imposer le Réversalisme. Son conseiller n'est pas d'accord, Sams va le virer sur le champ. Je vais vous dire en deux mots ce qu'est le Réversalisme : c'est l'inversion du sens de circulation de l'argent. "Une employée remettra à sa firme une somme correspondant à toutes ses heures de dur labeur. Mais quand elle ira dans les magasins, elle recevra un compensation généreuse, équivalant au prix de vente de chaque article qu'elle emportera. La loi lui interdisant d'amasser de l'argent liquide, celui qu'elle déposera à la banque après sa journée exténuante dans une galerie marchande sera placé à des taux fortement négatifs. Avant que ses économies ne soient réduites à néant, elle aura donc la sagesse de chercher un emploi plus cher, ou de se former dans ce but... Un propriétaire devra inlassablement acheter des produits manufacturés pour pouvoir payer ses locataires..." (p.54).
Cette politique plus ou moins utopique doit être votée, et Sams trouve un soutien dans la personne du président américain, Archie Tupper (un cafard, lui aussi). En revanche, les adversaires sont nombreux à cette politique du ROC (Réversalisme Orthodoxe Contre tous), dont la Chancelière allemande qui lui demande "Warum" et Sims lui répond "Parce que". Cette nouvelle qui se termine bien se lit agréablement.