Histoires des siècles futurs - Jack London
Dans le cadre du Challenge Jack London proposé de mars 2020 à mars 2021 par ClaudiaLucia, je (ta d loi du cine, squatter chez dasola) viens de relire en quelques soirées mon recueil de nouvelles de Jack London titré Histoires des siècles futurs (publié en 10/18 en 1974), qui m'avait été offert pour un anniversaire, il y aura 40 ans cette année 2021...
Lorsque j'avais manifesté mon intérêt pour ce challenge (le 8 février 2020), nous n'étions pas encore confinés, mais la presse commençait à nous seriner ses désagréables chansons sur cette maladie qui déboulait...
Si je choisis aujourd'hui (tout juste... un an plus tard) ce titre, entre une quinzaine d'autres, dans ma pochothèque personnelle, c'est que je souhaite exhumer plus particulièrement deux des nouvelles de cet auteur (mort en 1916), écrites respectivement en 1908 et 1910.
L'introduction de Francis Lacassin (qui dirigeait la série "L'Appel de la vie" chez 10/18) contextualise la rédaction des composants du recueil par rapport aux sentiments socialistes de London. Je pense que la qualification des nouvelles "inédites en français" s'applique à leur réunion en volume. En effet, elles ont été traduites par Paul Gruyer et Louis Postif (ce dernier seul pour les nouvelles autres que La peste écarlate), et ces deux traducteurs sont décédés respectivement en 1930 et 1942!
Voici une présentation, dans le désordre, du contenu de ces quelque 300 pages en français.
L'invasion sans pareille: rédigée en 1910, cette nouvelle se déroule en 1976. Elle figure en 2ème position dans le livre. En fait, le terme "invasion" peut s'appliquer à deux actions humaines successives. D'une part, la lente mais inexorable expansion chinoise, à la recherche d'un "espace vital" pour y installer l'excédent naturel de sa population, dont le reste du monde découvre l'ampleur après des décennies d'isolement chinois. Et d'autre part, les moyens que vont mettre en oeuvre les nations occidentales pour y parer. Mais en fait de "conflit de civilisations", on aboutira bien à un génocide, les uns exterminant les autres. Si j'étais aussi pessimiste que je peux parfois l'être, je songerais que London s'est juste trompé de continent. Avons-nous, dans notre monde réel et sa "realpolitic", la garantie de ne jamais voir quelque chose d'aussi sinistre se produire en Afrique? On pourrait en tout cas relever que l'écrivain n'avait pas prévu l'embrigadement par un appareil d'Etat omnipotent: en cas de fléau, les masses fuient sans que quiconque paraisse en mesure de leur ordonner de subir un couvre-feu ou de se confiner. Enfin, j'ai noté que le blog de MisterFahrenheit, dont le dernier billet remonte au 26 septembre 2016, en parle. PUautomne aussi (blog toujours actif).
La peste écarlate (rédigée en 1910, publiée en anglais en 1912). C'est sans doute la nouvelle la plus connue (grâce à sa récente réédition). Il s'agit des souvenirs d'un vieillard, en 2063, qui raconte à ses descendants le cataclysme planétaire qui a pratiquement éradiqué en 2013 l'humanité, et une culture civilisée qu'ils ne peuvent imaginer. La partie la plus frappante est la description de la mort d'une civilisation, vaincue par l'infiniment petit, un peu comme les martiens de La Guerre des Mondes de Georges Wells (publié en 1898), et ce malgré la découverte, trop tardive, du sérum permettant de guérir la maladie inconnue... Je n'en dirai pas davantage, la nouvelle est bien plus riche que ce que j'ai écrit dans ces quelques lignes. ClaudiaLucia, dans le cadre de son challenge, en a parlé elle-même, ainsi que Kathel et Lily. Mais on trouve aussi, hors challenge, un billet de Philippe Dester ou un vieux billet de 2015 d'un blog qui semble en pause depuis 2019. Et j'ai souri en lisant un pseudo-entretien avec Jack London....
Bien sûr, je dois dire aussi quelques mots des trois autres nouvelles.
Goliath peut être interprétée, éventuellement, comme la nouvelle la plus optimiste. J'ignore si elle était porteuse des espoirs secrets de London, mais c'est l'une de celles qui, moi, m'a toujours fait rêver. Un dictateur mystérieux obtient, par la force (il est capable de tuer à distance qui bon lui semble, et il dispose de moyens quasi-illimités) le désarmement universel pour amener l'humanité dans un monde proprement utopique. Il commence par empêcher l'Allemagne et la France de se faire la guerre (alors qu'elles avaient tacitement décidé de se passer de sa permission). Mais est-ce bien moral?
L'ennemi du monde entier (publié en 1908): un homme injustement mis en prison finit par en sortir, et, possédant le moyen de se venger, se venge ensuite. Mais il ne s'arrête pas là, et poursuit ses attentats "nihilistes" pendant 8 ans en parcourant la terre. Il provoque même, à lui seul, une guerre entre l'Allemagne et les Etats-Unis! Il "terrorise" tellement tous les Etats qu'il amène le monde au bord du désarmement - avant que, par chance ou malchance, on l'arrête. Même le gouvernement français, fort intéressé, n'arrivera pas à lui acheter avant son exécution le secret de son pouvoir destructeur.
Un curieux fragment (publié en 1908) se présente comme un extrait d'un ouvrage en 50 volumes, publié au XLVe siècle et relatant des événements survenus au XXVIe, soit près de deux millénaires auparavant... (on notera les périodes comparables à celles séparant déroulement, rédaction ou lecture de tels ou tels événements bibliques). L'ayant lu comme un conte amer autant qu'américain, j'en retiendrais la transmission, au sein d'une population réduite quasiment en esclavage, d'une culture transmise par l'oral et par ceux qui apprennent en cachette à lire et écrire. Cela peut nous évoquer, à nous, la préservation de la culture polonaise sous l'occupation nazie (1939-1945). Ou peut-être un lien ténu avec le roman récemment paru Les furtifs d'Alain Danasio (2019), dans lequel des "cours" sont donnés en plein air à une population prolétarisée et acculturée...
Du London parfois empreint d'humour noir, à (re)découvrir, donc.
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PS du 12 mars 2021: d'une pierre deux coups! Je viens de m'inscrire au 9e Challenge de l'Imaginaire proposé par le blog Ma Lecturothèque (en y choisissant de chroniquer 12 livres SF avant le 31/12/2021), et j'ai eu confirmation que la présente chronique pouvait compter comme première participation!