Belliou la fumée - Jack London
Dans le cadre du Challenge Jack London proposé de mars 2020 à mars 2021 par ClaudiaLucia, je (ta d loi du cine, squatter chez dasola) poursuis mes relectures. Après tout, un billet toutes les deux semaines, c'est un rythme soutenable, non?
L'édition en "10-18" ci-dessus, titrée Belliou la fumée (1982, 342 pages), regroupe les 12 nouvelles publiées en recueil en VO sous le titre "Smoke Bellew" en 1912. Elles étaient/avaient paru(es) initialement dans Cosmopolitan (mensuel) de juin 2011 à mai 2012. Pour ma part, cela fait encore partie des London que j'avais découvert dans de vieilles éditions "Bibliothèque Verte" - collection familiale que j'ai progressivement enrichie en courant les bouquinistes en mes jeunes années. Dans la Bibliothèque Verte, le second tome qui contient les nouvelles 7 à 12 (sauf erreur de ma part) est titré La fièvre de l'or.
Ce recueil dont Christopher "Kit" Belliou (Bellew en VO) et son copain Le courtaud (Shorty) sont les fils conducteurs comprend des nouvelles de différents genres, parfois picaresques et pleines d'humour, d'autre fois plus sombres... La Fumée représente ici le héros idéal: intelligent, fort, jeune, plein d'entrain et de grandeur d'âme... et assez chanceux, aussi! London tel qu'il se rêvait? Un jeune citadin cultivé qui part, un peu par hasard, participer à la ruée vers l'or de 1897 au Kondike y trouvera la gloire, la richesse et l'amour. Il s'agit pratiquement du dernier ouvrage de Jack London consacré au Klondike, qui a nourri son oeuvre durant 13 ans (comme le remarque Francis Lacassin dans l'introduction du volume en 10-18). Si London a ramené de l'or de ces mois passés dans le froid, c'est essentiellement celui que doit transmuter l'écrivain, "l'homme à la cervelle d'or" tel que le métaphorisait Alphonse Daudet. Pour ce qui est de l'or physique, il en a tout juste ramené l'équivalent de 4,50 dollars en poudre d'or, ayant semble-t-il passé davantage de temps dans les bars à faire parler les mineurs qu'à prospecter sur le terrain, même s'il a arpenté celui-ci suffisamment pour savoir de quoi il parlerait.
L'oeuvre romanesque se nourrit donc de ce qu'a pu capter London lors de son propre séjour au Klondike, de l'automne 1897 au printemps 1898: des hommes rudes cherchant chacun la fortune, ce qui n'exclut pas une certaine solidarité entre pairs, ni ce qui apparaît au premier abord comme de l'altruisme désintéressé pour sauver des Amérindiens victimes de la famine (épisode à rapprocher cependant de la chasse à l'élan par laquelle nos héros avaient gagné leurs premiers sous, quelques nouvelles plus tot - concurrence pour les "ressources naturelles" locales!). L'organisation en nouvelles fait que chacune doit avoir un thème et une "chute". On a en arrière-plan la faim, le froid, la fatigue (manquent juste les fluides, et on a tout ce qui fait pleurer les bébés - encore que, tomber dans de l'eau glaciale sous une mince couche de glace...?), l'avidité, la maladie (nouvelle titrée "un rebut de l'humanité")... C'est après la mort de London que l'acide ascorbutique (ou vitamine C) a été identifié dans des fruits et légumes frais. Ma nouvelle préférée reste, je pense "la course pour le numéro trois", située au milieu du recueil, pour son côté épique et son final inattendu. On termine en tout cas le volume en se demandant ce qui pourrait arriver ensuite, sur place ou ailleurs, au héros et à la charmante fille de mineur - il y a aussi une héroïne, mesdames! - qu'il a conquise (enfin, ...il se sont conquis mutuellement).
Je possède encore quelques "10-18" regroupant des nouvelles du Klondike, je tâcherai de publier quelque chose à leur sujet (puisque ClaudiaLucia a confirmé que le Challenge Jack London continue sans limitation de durée pour le moment). Aucun(e) autre participant(e) au Challenge n'a chroniqué à ce jour Belliou la fumée, mais Chinouk en parlait il y a 5 ans.
Je dois dire, pour finir, que j'ai été très déçu en regardant ce qui est disponible en "occasions" dans la pochothèque d'une grande librairie du Quartier Latin à Paris (celle qui ne va pas fermer...), alors que je souhaitais cette fois compléter ma collection pour découvrir enfin de nouveaux titres (je possède seulement un tiers des 43 -au moins- volumes parus naguère en 10-18!): ce ne sont plus les éditions que j'y voyais et achetais il y a vingt ans (celles imprimées quelques décennies avant) qu'on y trouve, mais seulement celles parues essentiellement au XXIe siècle... comme si on ne pouvait plus trouver couramment, en "occasion", que ce qui est également disponible en "neuf" (offre purement tarifaire, donc, et non "élargissement de choix" avec une politique de fonds). Non seulement le choix est moins large, mais j'ai surtout l'impression que "c'était mieux avant", c'est-à-dire quand j'étais moi-même plus jeune! Si je veux compléter ma série 10-18 "vintage", il va falloir que je recommence carrément à courir les bouquinistes, c'est essentiel (mais sans violer le couvre-feu pour autant: pas si facile quand on travaille en horaire de bureaux). Ou alors, les bibliothèques municipales...