L'extinction de l'espèce humaine - H. G. Wells
Bon, décidément, ce n'était pas un optimiste, H. G. Wells. Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) m'en suis aperçu en lisant le plus court des livres que je me suis récemment offerts, L'extinction de l'espèce humaine (Petite Biliothèque Payot classiques N°1081, 2018). Il ne s'agit pas vraiment de fiction, mais plutôt de considérations sur un avenir qui, à chaque fois, apparaît inéluctable... et peu désirable.
Ce petit livre correspond à un recueil de cinq articles écrits entre 1891 et 1896 et publiés dans quatre journaux, revues ou magazines différents, en parallèle à ses oeuvres romanesques les plus connues. Des articles, Wells en a écrit plus de 200 entre 1887 et 1898, la plupart sous pseudonymes, selon la "note de l'éditeur" qui introduit l'ouvrage. J'inscrirai en tout état de cause ce recueil d'articles "inédits en français" tant dans le "Mois Wells" (co-organisé avec Sibylline) que dans le challenge "2022 en classiques" (co-organisé par Blandine et Nathalie).
* Régression zoologique propose un paradoxe intéressant, en prenant appui sur la biologie et les similitudes de différentes espèces au stade embryonnaire, avant spécialisation des cellules et des organes (atrophie de ceux qui seront inutiles à telle ou telle espèce). En très gros, on peut retirer de ces 21 pages que nous sommes, nous humains, des poissons dégénérés, puisque nos ancêtres ont été "contraints" de s'adapter à la terre ferme. La preuve que le poisson est plus évolué que l'homme, selon Wells, est symbolisé par l'impossible capture des truites (ouf, un peu d'humour anglais!). Je retiens surtout ce que Wells rappelle, à savoir le bref laps de temps (aux échelles géologiques...) qui sépare l'apparition, le développement et la domination d'une espèce sur les autres, de sa disparition...
Avertissement sans frais: notre futur remplaçant n'est sans doute pas très loin de nous.
* À propos d'extinction rappelle, lui, que seuls les fossiles ont gardé le souvenir de tant de terribles lézards restés sans descendance. Plus proche de nous, il cite également les dégâts causés sur ce qu'il n'appelle pas encore les "écosystèmes" par le déferlement de l'homme civilisé (?) aux quatre coins du monde: dodo, bison, animaux endémiques d'Australie et de Nouvelle-Zélande... L'article finit par une image frappante: les deux derniers hommes présents sur terre à la suite d'une pandémie - puis le dernier, qui reste seul.
Cela m'a une fois de plus donné envie de relire La mort de la terre, écrit par Rosny ainé en 1912, près de deux décennies plus tard.
* L'homme dans un million d'années prévoit deux évolutions parallèles: celle de l'homme, qui abandonne peu à peu tout ce qui est contingences matérielles pour ne plus devenir qu'un cerveau dans une grosse tête dont la bouche minuscule n'absorbe plus que des liquides nutritifs, et celle de notre planète. Cette dernière refroidit, de sorte que nos lointains descendants sont amenés à se réfugier dans des galeries de plus en plus profondes sous la surface terrestre. Au passage, quelques pages anticipent presque le passage par le véganisme (l'abandon de la consommation de viande crue d'abord, des autres "fruits de la terre" ensuite), avant que l'Homme, n'ayant plus "besoin" d'autres créatures vivantes que lui-même, reste l'unique espèce sur terre. Et, là, le "penseur" (l'auteur) frissonne et quitte son rêve éveillé!
Cette fois-ci, c'est à l'épisode Echecs sur Mars du cycle de John Carter (des "êtres-cerveaux" qui se servent de "corps sans têtes" - des "animaux" bipèdes qu'ils contrôlent - pour se déplacer) que l'article m'a fait penser.
* L'extinction de l'espèce humaine imagine, non sans talent, l'homme confronté plus ou moins soudainement à une espèce qui progresse de manière inopinée (éventuellement en profitant d'une "erreur" de l'espèce humaine) pour sortir de sa niche écologique: les pieuvres (avec référence à Victor Hugo!), les fourmis légionnaires (évitons d'exterminer leurs prédateurs naturels!), ... ou - prémonition? - un germe inconnu (une maladie inédite) qui provoquerait une pandémie cataclysmique susceptible d'exterminer toute l'humanité.
Rappelons aux lecteurs contemporains que ce livre est paru chez Payot en 2018 (et non en 2020).
* De l'intelligence sur Mars prétend prouver, en s'appuyant sur la multitude de facteurs qui interviennent dans l'évolution des espèces, qu'il est rigoureusement impossible qu'existent sur la planète Mars des êtres conscients comparables aux humains. Ces 7 pages achèvent un peu abruptement le recueil.
Je relèverai juste que cet article-là a été publié le 4 avril 1896, tandis que La guerre des mondes l'a été en 1898.
J'espère avoir quelque peu attisé la curiosité de ceux qui, comme moi, n'avaient jamais lu d'articles de Wells, mais seulement ses oeuvres romanesques les plus connues. Je citerai enfin les quelques mots qui terminent la présentation en 4ème de couverture: [Wells] "fut un grand penseur du posthumanisme, annonçant la fin d'une espèce humaine dépassée par ses propres inventions".