H. G. Wells. Parcours d'une oeuvre - Joseph Altairac
Après [J. M.] Keynes (ou l'économiste citoyen) le 7 juillet 2022, voici H. G. Wells (parcours d'une oeuvre). Encore un livre sur un Britannique, écrit par un Français, que je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) vous présente aujourd'hui. Mais cette fois-ci, c'est dans le cadre de notre "Mois Wells" (co-organisé avec Sibylline). Par contre, mon billet sur cette biographie ne pourra, je pense, pas prétendre participer aux différents autres challenges sur les littératures de l'imaginaire (ou autres) auxquels j'inscris depuis quelques semaines les oeuvres de Wells que j'ai lues, au fur et à mesure que je les chronique.
Joseph Altairac, H. G. Wells, parcours d'une oeuvre, Encrage, coll. Références, 1998, 207 pages.
Ce livre a été lauréat du Grand prix de l'imaginaire en 1999, catégorie Essai. Précisons encore que le titre est toujours en vente (10 euros, contre 65 F jadis) aux éditions Encrage. Et ce alors même que désormais, pour le lire à Paris via une bibliothèque municipale, on est obligé de le faire venir de la "réserve centrale" (?).
Dans son introduction, Joseph Altairac évoque les "suites" qu'ont connues, jusqu'à peu avant la parution de son propre ouvrage (1996 - 50ème anniversaire de la disparition d'H. G. Wells [1866-1946]), les oeuvres de celui-ci. J'y ai retrouvé tel film vu ou tel livre lu. Une courte biographie s'étend de la p. 8 à la p. 12 (complétée par une "chronologie" pp. 204-207). La "bibliographie commentée" d'H. G. Wells couvre plus de 60 pages (133-194), complétée par 4 pages listant les adaptations (cinéma, télévision et radio). Avoir mis à disposition du lecteur ces données en fin d'ouvrage permet à l'auteur de consacrer la plus importante partie de son livre à l'analyse de l'oeuvre de notre Herbert George Wells, et à son évolution, "de la science-fiction au réformisme social". La dernière partie fait l'historique de la "réception critique" de l'oeuvre wellsienne en France.
Wells a écrit de nombreux articles en tant que "journaliste scientifique" dans les années 1890, cependant que ses premiers récits de fiction publiés semblent remonter à 1887 dans un journal étudiant (?) dont il était cofondateur. La renommée - et la réussite financière - sont arrivées en 1895, avec la publication de La machine à explorer le temps (qui a connu, avant comme après, plusieurs versions). Fort de sa notoriété, au XXème siècle, Wells nourrira désormais l'ambition de réformer la société. Sa production (nouvelles ou romans) se prolonge jusque dans les années 1940, avec un succès inégal. Est-ce que, dans ses écrits, on peut relever un "glissement" qui l'amènerait à passer de la prospective à la posture d'un prophète (ce qui pourrait arriver / ce qui doit ariver)? Personnellement, je n'en ai pas encore lu suffisamment (contrairement à M. Altairac!) pour trop m'avancer. Dans l'ouvrage, la "carrière" de l'écrivain (qui se voudrait "maître à penser") Wells est bien mise en perspective avec l'histoire du siècle. Il a fréquenté Lénine, Staline, a espéré en le progrès humain... et s'est, sans doute, beaucoup trompé. Si j'ai bien compris, il était aussi capable, dans ses livres, d'humour (la comédie ou la satire lui permettant de critiquer la vie britannique contemporaine) et même parfois d'auto-dérision. Mais certains des romans seront parfois prétexte à de longs exposés, par les personnages, des propres idées de Wells - lesquelles pouvaient évoluer au fil des ans.
Pour faire suite à une question sous mon billet du 5 juillet 2022, concernant la position de Wells par rapport à l'eugénisme, je "pioche" deux citations.
p.26: dans un texte publié en 1903, "Wells [y] critique ironiquement les conceptions de sir Francis Galton sur sur la transmission prétendument héréditaire de qualités aux dimensions aussi incertaines que la beauté, la vigueur physique, la santé mentale, l'intelligence et même le génie!".
p.94-95: "Si Wells appelle de ses voeux une forme d'eugénisme modéré, il se distingue radicalement de Francis Galton (1822-1911), cousin de Darwin et grand initiateur du mouvement eugéniste, et dont Jean-Paul Thomas, dans Les fondements de l'eugénisme (1995) synthétise si clairement la pensée fondamentale en écrivant que, pour Galton: "Les membres de différentes classes sociales ne sont pas biologiquement assimilables, ils appartiennent à des "races", à des lignées différentes, et il faut lutter contre les effets néfastes des promotions et des déclassements sociaux, c'est-à-dire du brassage des sangs". C'est très exactement le contraire des idées de Wells pour lequel, dans son utopie [Une utopie moderne, 1905], les classes sociales sont tout sauf héréditaires. Wells s'oppose absolument au concept de "classes biologiques" défendu par certains sociaux-darwiniens."
En France, Wells a (forcément) souvent été comparé à Jules Verne, mais sa notoriété a surtout reposé sur les quelques incontournables "classiques" qu'il avait publié dès la fin du XIXe siècle, les oeuvres "de la maturité" y ont ensuite été publiées avec parfois un retard considérable sur leur publication anglaise.
Pour conclure, je vais encore relever une citation de M. Altairac (p.114): "La force d'évocation de Wells est telle que le plus obtus des lecteurs fera toujours son miel des meilleurs scientific romances, même s'il passe à côté du message de l'écrivain".
C'est grâce à Sibylline que j'ai découvert l'existence de cette biographie. J'ai pu trouver ensuite d'autres liens sur la blogosphère. Nebal en avait parlé. Et j'ai fini par découvrir sur le blog de l'oncle Paul que Joseph Altairac était décédé le 9 novembre 2020. Enfin, je me permets de mettre un lien vers le blog de Christian Grenier, qui a consacré une conférence à H. G. Wells en 2016 (j'avais chroniqué un des livres de cet "auteur jeunesse" il y a quelques mois).