Que vous soyez déprimé ou non, préparez-vous à ce que votre moral soit au plus bas en sortant d'une projection de Plan 75, d'une cinéaste japonaise dont c'est le premier film. Plan 75 se passe dans un futur assez proche semble-t-il. Les "vieux" sont de plus en plus nombreux au Japon et ils sont surtout devenus une charge pour le pays. Dans une première séquence assez floutée, un jeune homme vient de perpétrer un massacre dans un "EHPAD" japonais. C'est pour éviter que d'autres tueries de ce type aient lieu qu'un programme "Plan 75" est organisé au niveau national. Toutes les personnes âgées de 75 ans et plus ont la possibilité de se faire euthanasier. C'est a priori sur la base du volontariat mais la pression (sociale...) est tellement forte que beaucoup de personnes acceptent de recevoir 100 000 yens (environ 728 euros - "taux de chancellerie") avant de mourir, pour faire ce qu'elles veulent avec, et rendez-vous est pris pour le traitement fatal dans un établissement. Michi, une vieille dame de 78 ans qui vit seule et voit mourir ses trois amies, accepte de signer pour ce programme. Il n'y a plus rien, semble-t-il, qui la retient sur cette terre et elle vit dans un immeuble voué à la démolition. C'est un film sur la solitude des personnes âgées qui n'ont plus rien à quoi se raccrocher. Le constat est terrible. En revanche, dans le cadre du programme, Michi peut appeler une personne pendant les jours qui lui reste à vivre. Elle a le droit à 15 minutes de conversation par session. En parallèle, on voit Hiromu, un jeune homme travaillant pour le programme, qui apprend que son oncle a accepté de signer "Plan 75". Les sentiments d'Hiromu changent quelque peu quand il apprend ce que deviennent les défunts. Le film dénonce en pointillé le fait que ce programme, c'est du "business". Il coûte un peu, mais par ailleurs il rapporte beaucoup d'argent à l'Etat japonais. D'ailleurs il est même question que plan 75 devienne plan 65... Une séquence terrible montre le tri des vêtements et autres effets personnels des défunts. Cela fait penser à ce que faisaient les nazis envers les morts des camps d'extermination. J'ai trouvé la réalisation de ce film d'une grande maîtrise. Beaucoup de choses sont suggérées et non montrées, c'est ce qui rend l'histoire encore plus terrible. L'actrice principale Chieko Baishô (81 ans) est très émouvante. Un film que l'on n'oublie pas. Avec mon ami, on est sorti de la projection très secoués. Lire les billets de Pascale et Vincent.
Commentaires sur Plan 75 - Chie Hayakawa
- Ca a l'air vraiment très bon - comme l'est souvent le cinéma dans ce pays ! On espère le voir un jour à la TV, si on ne peut plus se rendre au cinéma, comme moi...
- Au secours ! le monde n'est pas assez déprimant actuellement... allons nous enfermer dans une salle bien noire et décéder intérieurement. Ahem, non merci. Bon, j'ai encore un peu de temps si j'ai bien compris
Le temps sans nul doute que la France se modernise (coucou les petits Suisses !) et reconnaisse la mort choisie (voire, assistée).
Le sujet est néanmoins très courageux (et pour un premier film de surcroît), surtout dans un pays comme le Japon où, à une époque pas si lointaine, personne ne se serait permis d'abandonner un membre de sa famille dans une institution.
Quoi qu'il en soit, l'idée d'avoir un dernier vœu de vie avant la fin me fait toujours penser au choix d'Edward G. Robinson dans Soleil Vert. Quelle plénitude, quelle sérénité, quelle beauté. Ah ! ben j'ai bien envie de le revoir - Au-delà de la référence à Soleil vert qui vient à l'esprit de nombreux cinéphiles, ce film m'a fait songer aussi à un manga, "ikigami - préavis de mort", dont le pitch est proche bien qu'inversé: pour maintenir la prospérité du Japon, tous les enfants reçoivent une injection, dont une sur mille s'avèrera mortelle à un moment programmé entre leurs 18 et 24 ans. Et un brave fonctionnaire est chargé de leur annoncer la nouvelle quelques jours avant. Question: que feriez-vous, vous, si, à cet âge-là, vous saviez qu'une mort inéluctable vous attend dans quelques jours? Série en 10 volumes.
Pour en revenir à notre film "Plan 75", je l'ai trouvé horriblement plausible, et juste anticipé de quelques années. Notons tout de même que J.H. Rosny ainé en annonçait aussi (en 1910!) le mécanisme dans son roman La mort de la terre: face à la destruction des ultimes réserves d'eau de la planète, les plus vieux sont "invités" à absorber immédiatement la "pilule de mort", tandis que le reste de la population bénéficie de délais échelonnés en espérant trouver une solution...
Dans Plan 75, comme le relève dasola, c'est effectivement un traitement radical qui est réservé aux "inutiles", avec cependant des nuances par rapport au nazisme. Ces "vieux" sont traités par l'administration (qui les "gère") avec beaucoup plus d'humanité... apparente: possibilité de "désistement" pratiquement jusqu'au dernier moment (mais, une fois que l'on a "organisé ses obsèque", que peut-on devenir si l'on survit?). C'est tout en délicatesse que le film dénonce le système "capitaliste", au détour d'un reportage TV signalant que le chiffre d'affaires du secteur "Plan 75" génère, dans une période donnée, 1000 milliards de yens (ce qui doit donc faire 7,28 milliards d'euros, si je me souviens bien?), Chiffre qui apparaît plausible, tout en correspondant à 10 000 (?) "primes" versées. Le "business" génère ses profits et ses profiteurs... et aussi, malgré tout, de discrètes manifestations de rejet.
Attendons de voir où on en sera arrivé en 2050 en France, en tout cas!
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