Je voulais voir La femme de Tchaïkovski du cinéaste russe Kirill Serebrennikov, à propos duquel je n'avais rien lu. Et je n'ai pas été déçue. Pendant deux heures vingt sept, on suit la sombre histoire d'Antonina Milioukova, jeune femme de la petite noblesse russe qui va peu à peu sombrer dans la folie après avoir épousé Piotr Ilytch Tchaïkovski. Le film est le portrait d'une femme qui, parce qu'elle était amoureuse, a épousé Tchaïkovski, un homme qui préférait les hommes (c'est encore un sujet tabou en Russie). En préambule, le spectateur est transporté en 1893, Tchaïkovski vient de mourir. Aux pompes funèbres, il se rèlève de son enveloppe mortuaire et déclare à sa femme qu'il la hait. En 1873, Antonina tombe amoureuse de Tchaïkovski qui ne la remarque pas. Elle lui écrit des lettres enflammées auquelles, contre toute attente, il répond. En 1877, le mariage est célébré. Le repas des noces se déroule dans une atmosphère mortifère. Le réalisateur montre indirectement que le mariage ne sera jamais consommé. Tchaïkovski ne la touche pas et ne veut pas être touché par elle. Elle le dégoûte. A partir de là, la caméra ne lâche plus Antonina (Alyona Mkhailova, sensationnelle) qui commence à se consumer. Elle endure toutes les humiliations de la part de Tchaïkovski et de l'entourage du musicien (uniquement des hommes). Ils veulent qu'elle accepte le divorce. Ils n'y arriveront pas. Antonina aime le musicien et ne veut pas s'en séparer. Les scènes se passent presque exclusivement dans des intérieurs, appartements, salons, wagon de train. On ressent une impression d'étouffement. Il faut noter le très beau travail sur la lumière, gris, bleu et ocre. Mais s'il y a une seule raison d'aller voir le film, c'est pour l'actrice russe de 27 ans Alyona Mikhailova, qui aurait amplement mérité un prix d'interprétation à Cannes. Son rôle est vraiment "casse-gueule". Elle s'en tire haut la main. Lire les billets de Pascale, de Mymp et du Bleu du miroir. Roland est nettement plus réservé.
Commentaires sur La femme de Tchaïkovski - Kirill Serebrennikov
- J'aimerais beaucoup voir ce film ! Il est juste dommage que je ne puisse plus allez au cinéma... Mais sinon, ça aurait été avec un grand plaisir !
- Bonjour dasola. En effet elle est exceptionnelle cette actrice. Le déplorable jury de Cannes a vraiment été aveugle cette année (sauf pour le prix d'interprétation masculine).
Le film est parfois oppressant mais d'une beauté terrassante.
J'ai lu qu'Antonina avait harcelé d'autres hommes de prestige avant Piotr. C'est fou d'ailleurs qu'il lui réponde et la rencontre.
Je ne savais plus qu'il était mort jeune Tchaikovski.
Bonne semaine. - Deux mots me viennent immédiatement à l’esprit pour qualifier ce film : crépusculaire et sordide. Crépusculaire, car le cinéaste s’ingénie à filmer dans une semi-obscurité, que ce soit à l’intérieur (scènes en contrejour ou chichement éclairé par des bougies ou des lampes à pétrole) ou à l’extérieur, soit c’est la nuit, soit on est dans le brouillard (ou la fumée, on ne sait). Même les scènes censées se dérouler au printemps (on le sait parce qu’il y a des cerises sur la table) sont sombres et tristes. Sordide pour ces scènes répétitives où Antonina de met à genoux dans la boue pour prier à l’extérieur d’une église ou d’un couvent parmi les miséreux et les dégénérés, l’agression qu’elle subit de la part d’une folle, le défilé d’éphèbes nus qui lui sont présentés comme des quartiers de viande, celle où l’amant mourant se masturbe en crachant ses poumons… On cherche sans les trouver les beaux moments qui existent, même dans les destins les plus terribles. Tout est glauque et funèbre. On aurait au moins aimé entendre de la belle musique. Que nenni ! Ce que l’on entend est à l’unisson du reste du film, dysharmonique et funèbre. J’emprunterai ma conclusion à l’une des critiques de spectateurs que j’ai lues : « Le fait qu'un artiste s'oppose à Poutine au point d'être assigné à résidence dans un premier temps et de devoir finalement s'exiler entraine-t-il l'obligation de couvrir de louanges tout ce qu'il produit ? Personnellement, je ne le pense pas (…) Concernant ce film, je serai bref : c'est un film dans lequel l'emphase le dispute à la prétention ! » [Critique publié par Velocio sur le site d’Allociné le 13 février 2023].
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