Tsunami - Marc Dugain
Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) programme le présent billet pour qu'il paraisse une douzaine d'heures après sa rédaction, et sur un livre que j'ai eu en main il n'y a pas 24 heures, prouvant à la fois qu'il se lit vite et qu'il m'a intéressé.
Marc Dugain, Tsunami, Albin Michel, 2023, 260 pages
Dans Tsunami de Marc Dugain, le premier livre que je lis de cet auteur (qui en a écrit ou co-écrit une vingtaine), le "raz-de-marée" est à la fois allégorie et menace réelle. Le roman à la première personne se présente en prologue comme une "chronique" durant les premiers mois d'un nouveau Président de la République, qui s'est faufilé à ce poste en remportant l'élection grâce au soutien des grandes multinationales (américaines) du numérique. Dans cette politique-fiction, la personne qui "tient la plume" n'est ni un conseiller, ni un ministre: c'est notre Président lui-même, un homme jeune ayant fait fortune dans une entreprise de biotechnologie, qui lui a permis de se constituer un carnet d'adresses intéressant. On apprend assez vite qu'il souhaite mettre en place, pour lutter contre le réchauffement climatique, un principe "pollueur-payeur" reposant sur le consommateur final, avec un bonus-malus fiscal incitatif. mais pour cela, tout doit être sous contrôle... avec les fameuses GAFAM qui participeront à la gestion des données. Nous le suivons, au jour le jour, durant quelques semaines. Notre héros m'a donné l'impression d'un talent certain pour slalomer entre les événements qui se déroulent, davantage qu'il n'en a l'initiative. Il doit faire face, jour après jour, à différentes affaires (privées, tant sentimentales que financières), aussi bien qu'à de petites ou grandes décisions politiques à prendre toujours dans l'urgence, comme pour le maintien de l'ordre public face aux réactions à son projet de loi. Il cotoie les grands de ce monde à défaut de leur parler d'égal à égal. Dans cette fiction dystopique, s'il rencontre un président des Etats-Unis, un chancelier allemand et Poutine, j'ai remarqué l'absence de MM. Erdogan ou Xi?
Je vais poursuivre ma présentation du livre par quelques citations sélectionnées (parce que correspondant à des thèmes qui m'ont "parlé"), mais bien entendu hors contexte du (court) chapitre qui les entoure (44 au total), et, a fortiori, de l'intégralité de ce court roman. Le président jugeant son Premier ministre, p.18: "c'est un fin politicien qui se fait une idée de la France qu'il garde pour lui-même pour ne pas se mettre en porte-à-faux lorsque ses capacités d'adaptation le mènent au-delà de ses convictions". Avec une prise de recul quelque peu désabusée, p.32: "c'est un peu le lot de tous les candidats à la magistrature suprême que de déployer une énergie extraordinaire à conquérir le pouvoir pour ensuite consacrer ce qu'il reste de cette énergie à maintenir les choses en l'état". À propos de la fameuse loi en préparation, p.65: "soixante-cinq pour cent des Français voient le traitement de l'urgence climatique comme une priorité, mais les premiers sondages donnent aussi soixante-cinq pour cent d'opposants au principe de l'individualisation de la responsabilité". Alors qu'il se rend en avion à Vancouver pour un "sommet" privé (un peu comme un Forum de Davos, donc?), p.111, il ne se prive pas de bons mots, sur "un de ces sommets depuis lesquels on voit le monde en attendant d'en redescendre", qui lui permet de croiser le Président des Etats-Unis pour un tête-à-tête assez court et chaleureux ("il me prend pour un allié, enfin pour un vassal plutôt fiable")... Il est même question, p.149, de la mortalité de personnes plus vulnérables que d'autres au Covid (pour cause d'obésité ou de diabète), en remarquant que "si l'on s'élève un peu plus, on comprend que, pour une partie non négligeable de son activité, la médecine soigne des maladies que la société crée elle-même par le stress, la pollution, la nourriture pathogène, situation contre laquelle les gouvernements craignent de lutter, de peur de contrarier les lobbies agroalimentaires". p.153, la rencontre avec le médecin-chef d'un nouvel hôpital psychatrique en banlieue est l'occasion pour celui-ci d'un long développement sur la perte de l'altérité (compétence dans les rapports sociaux avec les autres) dans la société contemporaine, à cause de ces fichus écrans. Enfin, p.183, qu'a-t-il à dire à propos du discours qu'il prononce pour ressouder la nation après un drame? "lorsque la fiction est la même pour tous, elle devient réalité".
Bien entendu, je suis loin de vous avoir dévoilé tous les personnages ni toutes les péripéties auxquelles la France et son Président doivent faire face dans l'ouvrage.
Après avoir fini ce livre (il m'a fallu peu de temps), je me suis dit que j'aimerais bien continuer à en lire la suite en "feuilleton", un chapitre par semaine, où le cadre dystopique se confronterait avec l'actualité réelle... Mais je ne pense pas que ce concept soit à l'ordre du jour (et puis, quel en serait le modèle économique? Je n'accepterais sûrement pas de payer pour cela...)!
Par contre, à l'occasion, et une fois lue mes PAL ou LAL les plus urgentes, je prendrai (ou donnerai) sans doute quelques heures pour lire des oeuvres antérieures de Marc Dugain.
Sibylline avait parlé de Tsunami (et je crois bien que c'est chez elle que mon attention a d'abord été attirée). Lizathène expose en quelques phrases qu'elle n'a pas aimé. Si j'en trouve, je ne m'interdis pas de rajouter par la suite des liens vers d'autres billets publiés avant le mien... comme Isabelle sur le blog "Fumet de lectures". Ou Géraldine.