Claudine à Paris / Claudine en ménage / Claudine s'en va - Colette & Willy
Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) liquide aujourd'hui la "tétralogie" de Claudine que j'avais abordée dans le cadre d'un challenge spécifique. Cette fois-ci, j'en inscris les trois derniers (!) volumes seulement pour le challenge "2023 sera classique" co-organisé par Nathalie et Blandine. Mais, pour le troisième tome, il s'est bien agi cette année de ma première lecture, quand le deuxième m'avait été offert en 1981 tandis que je m'étais offert en 2009 le quatrième (sans le relire depuis). Cela fait tout de même quatre mois que j'avais annoncé la chronique de ces trois volumes...
Claudine à Paris, Willy et Colette, 1901, Le livre de Poche N°213, impr. en 1980, 248 pages
Claudine en ménage, Willy et Colette, 1903, Folio N°335, impr. en 2005 (DL dans la collection: 1973), 243 pages
Claudine s'en va, Colette & Willy, 1903, Le Livre de Poche N°238, impr. en 2001, 191 pages
Comme déjà signalé, on remarquera que Le Livre de Poche "oubliait" Claudine en ménage... qui ne figure d'ailleurs pas davantage dans la liste des "parus dans le Livre de Poche" en 2001. Les mystères de l'édition...
Claudine à Paris (paru en 1901) est la suite directe de Claudine à l'école, quelques semaines plus tard: père, fille, servante-cuisinière (Mélie) et chatte (Fanchette) sont partis s'installer à Paris pour que notre malacologue (le père, spécialiste des mollusques et plus particulièrement des limaces!) se rapproche des grandes bibliothèques et des collègues parisiens. Claudine fait la connaissance de sa tante (veuve), du petit-fils de celle-ci (un Marcel qui n'est pas sans faire songer à Proust), et du papa (veuf de la fille de la tante) de ce dernier, un certain Renaud. Celui-ci lui fait rencontrer des "gens de lettres", des journalistes, des personnages réels de l'époque: dans le roman, Maugis, par exemple, qu'elle rencontre à l'opéra où l'a emmenée le fameux oncle, est inspiré... d'un certain Willy; ailleurs, Claudine se voit comparée à Polaire (p.102). Mais les liens avec "Montigny" ne sont pas oubliés: nostalgie de Claudine, échange de correspondance avec telles ou telles, ... et retrouvailles avec Luce, désormais "installée" à Paris. C'est dans ce volume en particulier (et non dans Claudine à l'école comme je le croyais avant ma relecture de cette année) que j'ai retrouvé ce qui m'avait le plus frappé quand j'étais jeune: vieillard libidineux à la limite de l'inceste, fillette mère avant l'âge de 14 ans... De son côté, dans ces livres fortement autobiographiques, Colette s'est tout de même rajeunie de quelques années.
Rappelons-le encore, les événements de Claudine en ménage semblent se dérouler de manière contemporaine à leur publication (à quelques mois près), cependant que le mariage de Colette suivi de son introduction par Willy dans le milieu des lettres et du théâtre parisien avait eu lieu, lui, à partir de 1893. Mais certains des événements transposés dans le roman sont intervenus, "dans la vraie vie", au début du XXe siècle seulement. Que se passe-t-il donc dans Claudine en ménage? La narratrice, qui est toujours Claudine elle-même, s'interroge sur "son ménage", et cherche à se remémorer et à "mettre en ordre" ce qui s'est passé dans les quinze derniers mois... Mariage après trois semaines de fiançailles, et le voussoiement de Claudine "épouse de 19 ans" à son époux qui la tutoie. Après les voyages post-noce tout juste évoqués ("retour d'Allemagne"), un passage à l'école de Montigny "il y a trois mois" occupe trois douzaines de pages. De son côté, papa fuit Paris pour retourner en cette proovince, et Renaud (c'est lui, le désormais époux de Claudine!) reprend un "jour pour recevoir" (faire salon). Une certaine Rézi y apparaît (p.92). Quinze jours plus tard, Claudine et elle se fréquentent. Agaceries et badinages... et pas mal de "prises de tête". Et les maris, là-dedans? Quel embêtement, quels empêcheurs de se connaître plus intimement! Mais l'un des partenaires est amusé par l'idée de trouver une "fillonnière" (p.174). Surprise et trahison, p.212: le ménage à trois, ce n'est pas toujours facile à supporter. Et Claudine fait ses paquets pour revenir à son tour à Montigny... (il reste encore une trentaine de pages ensuite!). Notons pour finir que le papa macologue cite la Maison d'édition Gauthier-Villars (p.224)!
Le titre Claudine s'en va est en lui-même une pirouette. Colette s'amuse avec la mise en abyme de trois couples (dont Claudine et Renaud, qui ne sont guère que des comparses). La narratrice est ici Annie, qui a épousé à 20 ans Alain, plus âgé de 4 ans (ils se connaissaient depiuis l'enfance). Le livre est sous-titré "Journal d'Annie". Enfin, le couple formé par Marthe (soeur d'Alain, donc belle-soeur d'Annie) et son époux Léon, écrivain professionnel, a aussi son importance dans ce "récit". Au début de l'ouvrage, Alain laisse Annie à Paris en partant pour un voyage d'affaires en Amérique du Sud (y vendre un élevage de taureaux dont Annie a hérité par un oncle). Et voici une épouse soumise abandonnée à elle-même, avec pour consigne de visiter une seule fois Renaud et Claudine, "ménage réellement trop fantaisiste pour une jeune femme dont le mari voyage au loin". Elle doit par contre consulter souvent Marthe et sortir souvent avec elle. Mais quand le chat n'est pas là, les souris peuvent apprendre à danser. Entre séjour thermal (à Arriège, ville d'eau imaginaire... peut-être dans le département de l'Ariège qui en possède au moins trois?) et visite au festival de Bayreuth, la jeune Annie va se frotter à bien du monde et comprendre bien des choses (bon, ne nous illusionnons pas, on n'est pas chez Emmanuelle, hein!): jusqu'à finir par perquisitionner la correspondance privée de son cher et tendre au domicile conjugal, ce qui l'en fera partir. Difficile aujourd'hui (2023) de savoir à qui Colette s'identifie le plus: Annie, Claudine, Marthe? Je dirais: peut-être un peu aux trois, à des époques différentes, advenues ou à venir... lorsqu'est paru ce livre! Mais je suppose qu'il doit exister bien des thèses sur le sujet.
Maintenant, il me reste à lire le dernier de la série. Non pas La maison de Claudine (qui n'a en fait rien à voir avec la série, mais davantage avec des méditations de Colette ou des souvenirs mettant en scène sa mère Sido), mais La retraite sentimentale, que je n'ai jamais lu.