Compagnie K - William March
Comme prévu de longue date cette année, je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) me suis procuré (1), pour ce 105e anniversaire de l'Armistice, un livre dont j'ignorais l'existence l'an dernier, Compagnie K, de Willam March, un auteur dont (etc.). Bref, voici donc ma participation tant pour le Challenge Première Guerre mondiale 2023 - De 14-18 à nous organisé par Blandine seule pour la 7ème année (il lui tient à coeur!), que pour le challenge "2023 sera classiques" (qu'elle co-organise avec Nathalie),
William March, Compagnie K, Gallmeister, 2013 (trad. Stéphanie Levet), 230 pages (édition en VO en 1933)
Il n'y a presque rien sur la page wikipedia (en français) concernant William March (créée en 2013 et consultée vendredi 10 novembre 2023), mais dasola m'a signalé que la page en anglais donne beaucoup plus d'informations, par exemple le fait qu'au moins quatre des "chapitres" ont été publiés isolément comme nouvelles dans les années précédant 1933 et la sortie du roman complet (si j'ai bien compris). En lisant la quatrième de couv' du livre, on apprend juste que "WM" (1893-1954) a lui-même combattu en France (US Marine Corps), a obtenu diverses décoration, et que, "hanté par ce conflit, il mettra dix ans à écrire Compagnie K, son premier roman (...)".
Je ne savais pas à quoi m'attendre avant de l'ouvrir. C'est... bizarre. Mais sans doute, universel, et je suppose que les combattants de la guerre en Ukraine au XXIe siècle pourraient être les "héros" du même genre de saynettes que celles qui sont évoquées ou présentées ici. L'ouvrage se présente sous forme de 113 récits à la première personne, monologues plus ou moins longs, parfois sur une seule page (30), parfois sur deux, exceptionnellement trois, quatre ou davantage (le record doit être de neuf pages). Chacun est sobrement titré du nom et prénom d'un militaire américain du même régiment, précédé de son grade. On y trouve donc une majorité de soldats, mais aussi des caporaux, sergents, adjudant-chef, lieutenants, capitaines... Chaque personnage dit "Je" dans son chapitre (rarement plus de deux pages), mais les noms se répondent d'une saynette à l'autre. Soldat et officier ont rarement le même point de vue. Si chaque nom ne revient qu'une seule fois dans le sommaire, on en retrouve les "héros", vivants, blessés ou morts, souvent en interaction dans plusieurs récits entretissés ou racontés selon des points de vue différents (typiquement, le simple soldat et le sous-officier ou l'officier...): les officiers sont souvent des crétins, les soldats obéissent aux ordres, parfois à leur corps défendant. L'ordre suivi est chronologique (avec un "effet flash-back" puisque le premier témoignage plante le décor - un "soldat" a rédigé un livre de témoignage sur la guerre): ce qui précède l'embarquement vers l'Europe, la traversée, l'arrivée en France, au front...
J'ai trouvé que, avec cette forme originale, le fond du texte est plutôt désespérant. Tout est raconté de manière plate avec des mots simples, sans guère d'effets de style, alors que ce qui nous est est dévoilé de la guerre au fil des "témoignages" individuels est terrible (désertion, accusation de viol, "pas de prisonnier", infirmerie, coups de folie divers et variés...).
Quelques citations: p.85 (un soldat): "si les hommes du rang de chaque armée pouvaient simplement se retrouver au bord d'un fleuve pour discuter calmement, aucune guerre ne pourrait jamais durer plus d'une semaine". p.115 (un sergent): "Je me suis rappelé ce que mon sergent instructeur m'avait dit du temps où j'étais en camp d'entraînement , il y avait vingt ans de ça. "Les soldats sont pas censés réfléchir, il avait dit. Le principe, c'est que, s'ils pouvaient réfléchir, ils seraient pas soldats. Les soldats sont censés obéir, et laisser leurs supérieurs se charger de réfléchir"."
p.166, "la guerre est finie". Mais il reste encore une soixantaine de pages avant la fin du livre: de quoi montrer l'amertume et les traumatismes des survivants, rarement revenus indemnes et souvent mutilés, que ce soit physiquement ou mentalement, ou bien conscients d'avoir "gâché" leur vie... inutilement (et ça pe ut se terminer par un suicide). Le patriotisme de départ est rudement "déconstruit". Et les inégalités sociales n'ont nullement été abolies par la guerre.
Si, comme moi, vous ne connaissiez de la guerre de 1914-1918 que des textes d'auteurs français ou allemands, je vous suggère de livre ce texte qui présente un point de vue américain.
Je ne sais plus sur quel blog je l'avais trouvé, mais j'en mettrai le lien si je le retrouve bien entendu.
Edit (par dasola!): lire les billets de Sandrine, Keisha, Eeguab et Luocine *.
* Vérification faite, c'est sans doute chez Luocine que je (ta d loi du cine) l'ai découvert - même si j'ai pu croiser d'autres billets - , et elle-même en avait pris connaissance chez Eeguab...
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(1) Anecdote(s): il y a quelques jours, lorsqu'après procrastination je me suis dit qu'il fallait vraiment que je rédige cette chronique, j'ai cherché sur internet dans quelle bibliothèque parisienne le livre se trouvait (une bonne douzaine, et il était disponible partout!). Je me suis rendu à celle à proximité de laquelle je me trouvais ce jour-là. J'ai regardé à "MAR" (il y avait bien 3 rayonnages, répartis sur deux bibliothèques d'affilée). Mon oeil a très vite repéré un "amas de March", soit près d'une demi-douzaine de titres différents de William March chez Gallmeister... mais pas Compagnie K! Là, j'ai appelé à mon secours la bibliothécaire de l'étage "romans". Une fois qu'elle a eu fini d'aider une grand-mère à effectuer une réservation en ligne sur un des postes en libre-accès, elle est venue voir. Diagnostic quasi-immédiat (après avoir vérifié que je disais vrai): "ça doit être les p'tits jeunes! Quand ils remettent les ouvrages dans les rayons, ils ne prennent pas la peine de regrouper les ouvrages d'un même auteur ou de bien classer par ordre alphabétique! Il faut regarder tous les MAR, je les prends par la fin, commencez par le début!" Et effectivement, je l'ai trouvé au milieu d'autres auteurs, à peine quelques dizaines de centimètres après le début de la cote... J'en apprends tous les jours, sur les bibliothèques...
... Vous ai-je parlé de la fois où j'ai mobilisé toute une équipe de bibliothécaires, dans une petite bibliothèque étendue sur plusieurs étages, pour vérifier sur toutes les tables ou étagères d'exposition où se trouvait un roman récent, ne figurant que dans trois bibliothèques parisiennes, et que j'avais repéré comme disponible à l'emprunt pour plusieurs semaines dans celle-là, quelques heures avant? Absent en rayonnage, toujours indiqué "disponible" dans le catalogue en ligne, il se trouvait en fait... entre les mains d'une lectrice, qui s'apprêtait à l'emprunter elle-même!