Sommes-nous ce que nous lisons? - George Orwell
Quelques mots sur un opuscule que j'ai (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) acheté hier samedi 2 décembre. Passant dans une librairie de quartier chercher l'ouvrage que j'avais commandé, j'ai regardé le petit "tourniquet" posé sur le comptoir, et ai été attiré par l'auteur (George Orwell) et le titre (Sommes-nous ce que nous lisons?). Ensuite, j'ai regardé le prix: 3 euros (équivalent à trois baguettes, à peine plus cher qu'un café en terrasse à Paris...). Alors bien sûr, pour ce prix-là, je n'ai qu'une cinquantaine de pages en petit format d'un livre neuf, alors que j'aurais pu avoir un ou plusieurs bouquins d'occasion, pour plusieurs centaines de pages, avec le même investissement financier... Disons que je me suis fait plaisir par curiosité, voilà!
George Orwell, Sommes-nous ce que nous lisons?, 1001 nuits, La petite collection, 2022, 53 pages
Comme le dit la 4e de couv', "ce recueil inédit présente [la traduction de] quatre textes sur le livre et la lecture", publiés dans The Fortnightly Review en 1936 pour l'un, en 1945-46 dans Tribune pour les trois autres.
* Souvenirs de librairie (p.7-17): ces dix pages [nous] rappellent qu'Orwell a brièvement travaillé en librairie dans les années 1930. L'article présente quelques "types" de clients de bouquinerie (ceux qui essayent de refiler de vieux "rossignols", ceux qui demandent de leur mettre de côté des livres qu'ils ne reviennent jamais prendre...), les "produits" annexes vendus par celle-ci (machines à écrire de seconde main, timbres de collection...), et Orwell explique pour finir qu'avoir travaillé dans cette boutique lui a fait perdre le plaisir du contact avec le livre d'occasion... sauf pour "des ouvrages qu'il a[vait] très envie de lire et [qu'il ne pouvait] pas emprunter". J'y ai appris que "la coutume veut qu'il fasse un froid terrible en hiver dans les librairies, car sinon les vitres se couvriraient de buée, or un libraire vit de ses vitrines."
* Confessions d'un critique littéraire (p.21-28): selon les quelques lignes biographiques en fin d'ouvrage, Orwell a rédigé quelque 700 articles de critiques (livres, pièces et films). Ici, il nous raconte drôlement la procrastination du "pisse-copie" professionnel face à une commande d'un article de 800 mots à propos d'un envoi de cinq livres bien différents... jusqu'au moment où "il s'y met" et rédige dans les délais l'article attendu... cependant que l'envoi suivant est déjà arrivé. Je relève qu'il nous explique qu'un critique professionnel chronique au moins une centaine de livres par an. Mais là-dessus, le nombre de ceux qu'il aimerait réellement critiquer s'il avait le choix, se monte à quelques-uns par an... "Pour le reste, l'essence de son travail, malgré toute sa diligence à vanter aussi bien qu'à condamner, consiste à brasser du vent. Il jette son âme à l'égout, petit morceau par petit morceau". Et il avait presque eu la prémonition des efforts de la blogoboule en disant "qu'une bonne partie de la critique, notamment celle des romans, pourrait échoir à des amateurs"...
* Les bons mauvais livres (p.31-38): l'article commence en évoquant la préface commandée pour une réédition d'un roman de Leonard Merrick, par une maison qui souhaitait rééditer des romans mineurs ou oubliés du XXe siècle. À partir de là, Orwell balaye la littérature anglaise pour y repêcher des ouvrages "sans prétention [littéraire]", mais qui, par ce fait même, sont capables de survivre aux modes... et de rester lisibles, les décennies passant. Une vingtaine d'écrivains et davantage d'ouvrages, que, pour ma part, j'ignore (et dont je n'ai pas même vérifié s'ils ont jamais été traduits en français...).
* Des livres ou des cigarettes (p.41-49): intéressantes considérations budgétaires où Orwell évalue la valeur de sa bibliothèque de l'époque, soit 900 livres, pour une valeur de 165 £ et 15 shillings. Ceux-ci ayant été accumulés en une quinzaine d'années, il en conclut que son budget "lecture" est d'environ 25 £ par an, alors qu'il en dépense 40 en cigarettes, voire plusieurs dizaines de £ en bière... Il en tire la conclusion que la lecture est l'un des loisirs les moins onéreux, "probablement LE moins cher après l'écoute de la radio" (il ne connaissait pas la TV ni internet).
Un petit ouvrage à lire et à faire lire, vu* l'autorité de son auteur...
* Et non "vue", merci Audrey (commentaire ci-dessous)...
PS: j'avais oublié de préciser que ce recueil de textes anciens peut donc être répertorié dans le challenge "2023 sera classique" de Nathalie et Blandine!