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Le blog de Dasola
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24 décembre 2023

Châtaigne - Tchekhov

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Hier 23 décembre, je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) me suis offert une bonne douzaine de bouquins de seconde main pour le prix d'un gros livre neuf. Parmi eux, celui que je chronique aujourd'hui, pour une participation au challenge "2023 sera classique" qui sera sans doute ma dernière (en espérant/attendant la reconduction du challenge de Blandine et Nathalie l'an prochain).

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Châtaigne, [Anton] Tchekhov, Ed. Fernand Nathan, coll. Arc en poche n°173, 1984, 66 pages (en gros caractères)
Traduit du russe par Cécile Loeb, illustrations de Fabienne Julien

Je ne connais pas grand-chose de l'oeuvre de Tchekhov, j'ai dû assister naguère à des représentations théâtrales de deux ou trois de ses pièces, et lire quelques "poche" à l'époque de mon adolescence où mon "esprit de système" m'avait amené vers la littérature russe... Bref, c'est plutôt la curiosité, et la 4ème de couv', et l'unique euro nécessaire, qui m'ont amené à cueillir cet opuscule "pour enfants" (à partir de 8 ans). 

P1160846Une jeune chienne s'égare (ou est égarée?) par son maître artisan alors que celui-ci navigue de bistrot en troquet. Elle est recueillie par un passant qui possède déjà quelques animaux. Elle va faire connaissance de ceux-ci... et apprendre quelques tours. Cette histoire qui tient en deux lignes est gentiment racontée du point de vue de l'animal (même si ce n'est pas un récit "à la première personne"): assouvir sa faim, dormir, commensalité avec d'autres espèces animales inconnues jusqu'alors, relations avec un nouvel humain (alors qu'auparavant ceux-ci étaient subdivisés en seulement deux catégories: le "maître" et les "clients" [de celui-ci]). Puis les jours passent, avec de nouveaux apprentissages pour lesquelles notre jeune chienne se révèle douée, jusqu'à sa première présentation publique. Le côté "rondouillard" du quidam qui a recueilli notre animal égaré (ci-dessus) m'a fait songer au Docteur Doolitle tel que dessiné dans les éditions enfantines de ma jeunesse.

Selon ce que j'ai pu trouver comme informations, Châtaigne fait partie de la soixantaine de nouvelles que Tchekhov a publié en 1887 (qui n'est pas son année la plus prolifique!), et ce texte l'a été dans la revue russe Temps nouveaux. Il en a existé au moins une précédente traduction illustrée en français en 1934. 

Ce court récit est narré tranquillement et sans dramatisation, sauf un passage plus lugubre qui m'a fait songer au Horla de Maupassant. Les thèmes présents dans la nouvelle m'ont évoqué Michaël chien de cirque et telles autres nouvelles de London ou de Kipling où un chien revient à son premier maître... 

Je me demande entre combien de mains ce livre (en fort bon état) a pu passer depuis 1984... et la première lecture qu'il a pu connaître. 

**********

Anecdote: il y a quelques années, je m'étais mis en tête de constituer la bibliothèque d'une gamine de ma connaissance, en lui procurant un nouveau livre chaque semaine. Ne faisant pas les choses à moitié, je m'étais constitué un "stock" d'une soixantaine d'ouvrages choisis, dans le meilleur état possible, et dans des éditions datant en général du XXIe siècle, partie d'ouvrages que j'avais lu naguère, partie d'oeuvres dont je connaissais l'auteur ou le titre mais sans l'avoir lue (ce que je pensais faire, pour tous, avant de les transmettre). Et puis, au bout de trois mois, j'ai perdu le contact avec l'enfant (avec sa mère, pour être plus précis). Les livres me sont restés sur les bras... jusqu'à ce qu'un ou deux ans plus tard, un instituteur, compagnon d'une amie, se montre intéressé par un don pour sa "bibliothèque de classe".

11 décembre 2023

Sur la dalle - Fred Vargas

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Je sais que certains blogueurs (euses) n'ont pas aimé ce roman de Fred Vargas; et bien moi, je n'ai pas boudé mon plaisir. Sur la dalle (Editions Flammarion, 507 pages) se passe en Ille et Vilaine en Bretagne, entre Rennes et Dol de Bretagne, dans le village de Louviec (village fictif), près de Combourg et de son château où était né François René, Vicomte de Chateaubriand en 1768. Et justement, Josselin de Chateaubriand, lointain descendant de l'écrivain et homme politique, est un des personnages principaux du roman. Il a comme particularité d'être le portrait craché de son ancêtre. Louviec est en émoi car des crimes sanglants sont commis. Des notables du village comme un médecin, la gérante d'une supérette, une psychiatre et le maire lui-même sont sauvagement assassinés à coups de couteau d'une même marque et ces armes blanches sont retrouvées fichées dans le corps de chaque victime qui par ailleurs ont été piqués par des puces juste avant leur mort. Le commissaire parisien Jean-Baptiste Adamsberg et quelques collègues comme Violette Retancourt, une femme qui sort de la norme et Mercadet, un surdoué en informatique qui souffre d'hypersomnie, sont envoyés en Bretagne pour mener l'enquête. Ils font équipe avec le commissaire rennais Mathieu et ses adjoints. Cette partie de l'enquête n'avance pas vite mais les policiers, à l'occasion du meurtre du médecin qui ne semble pas avoir été commis par la même personne, élargissent leur champ d'investigation en poursuivant une bande d'hommes peu recommandables qui se connaissent depuis l'enfance. Les policiers de Paris étant présents durant plusieurs jours, logent dans un hôtel-restaurant de Louviec, tenu par Johan, un cuisinier hors-pair qui prend soin de ses clients et qui n'arrête pas de leur servir du chouchen (breuvage liquoreux issu de la fermentation d'un mélange d'eau et de miel). J'ai trouvé le récit très bien mené et je ne me suis pas ennuyée. La dalle du titre, c'est celle d'un dolmen sur laquelle Adamsberg médite de temps en temps en cherchant la résolution de ces crimes.

Lire les billets de BrizeMatatouneBernieHélèneNyctalopesBigmammyPol'art noir.

7 décembre 2023

Ma tata Thérèse - Fabrice Nicolino / Catherine Meurisse

Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) choisis ce mois-ci la présentation d'un livre pour enfants dans le cadre de mes "billets du 7". L'éditeur le suggère "dès 7 ans", je pense que cela peut être une idée de cadeau pour Noël... 

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Ma tata Thérèse, Fabrice Nicolino - Catherine Meurisse, éditions Sarbacane, 2012, 88 pages

Les deux auteurs de ce livre publié il y a 11 (ou 12?) ans font aujourd'hui partie des "survivants" de la rédaction de Charlie Hebdo après le massacre du 7 janvier 2015: Fabrice Nicolino a été grièvement blessé dans la salle de rédaction, tandis que Catherine avait eu une panne de réveil, était en retard et se trouvait dans la rue quand elle a entendu les tirs. Mais cet ouvrage n'a pas grand-chose à voir avec le contenu ordinaire du journal, si ce n'est que Fabrice Nicolino continue à tenir une rubrique "écologique" dans celui-ci, cependant que Catherine a publié il y a quelques années un album sur son enfance campagnarde, Les grands espaces

Ici, au contraire, nous avons un tout petit appartement parisien, durant les années 1960, du côté du Quartier Latin. Mais cet appartement nous est présenté comme une véritable arche de Noé. Je cite l'avertissement: "avant de commencer à découvrir ma tata Thérèse, il est nécessaire de préciser deux ou trois points. Ce sont des souvenirs de ce que j'ai vécu entre 1960 et 1966. J'avais entre 5 et 11 ans. Le récit qui suit n'est pas chronologique. Parfois j'ai huit ans, parfois j'en ai dix, parfois j'en ai six. Il ne faut pas faire attention. Ce qui compte, c'est que tout est réellement arrivé. Tout".

Racontés, donc, à hauteur d'enfant, 15 chapitres de texte sont accompagnés d'un total de 70 illustrations de Catherine, parfois courant sur la double page, parfois celle-ci en contenant trois petites. Ce "mariage" entre texte et dessins peut parfois rappeler (de loin!) Le petit Nicolas de Sempé et Goscinny. Mais ici, ce n'est pas des aventures de "chouettes copains" qu'il s'agit, mais de l'évocation de tout un bestiaire convenu ou plus inattendu: chez tata Thérèse, ses neveux ou sa petite-fille croisaient des chats, quelques fennecs, un singe, bien des oiseaux (moineau, perroquet, pigeons, faisan, ...), un mouton, et... non, a priori, pas de raton laveur. 

Je vous mets quelques citations illustrées ci-dessous.

P1160800 p.36-37: une formidable parabole sur ce qu'un "beau parleur" est capable de faire faire à un "être sensible" un tant soit peu crédule et irréfléchi... (pour ne pas dire bête). 

P1160801 p.60: cette magnifique pleine page ressemble bien à la rue Mouffetard... 

P1160802 p.68-69: ici, il est question d'un "mouton d'appartement". Pour ma part, l'allusion à la dernière ferme de Villemomble me rappelle un de mes innombrables projets (avortés), pour lequel j'avais commencé à collectionner des cartes postables anciennes montrant de l'élevage bovin en Ile-de-France, au début du XXe siècle, mais aussi cette idée de "nouvelle" que je procrastine depuis des années sur une "vache de balcon"... 

Les petits peuvent apprécier cet ouvrage au premier degré comme un conte fantastique, cependant que les plus âgés y trouveront de quoi rêver, avec réminiscence et nostalgie d'un monde disparu. 

Le livre est toujours disponible aux éditions Sarbacane bien entendu. Fabrice Nicolino en avait annoncé lui-même la parution sur son blog (où figurent certains des textes écrits les années précédentes).

*** Je suis Charlie ***

3 décembre 2023

Sommes-nous ce que nous lisons? - George Orwell

Quelques mots sur un opuscule que j'ai (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) acheté hier samedi 2 décembre. Passant dans une librairie de quartier chercher l'ouvrage que j'avais commandé, j'ai regardé le petit "tourniquet" posé sur le comptoir, et ai été attiré par l'auteur (George Orwell) et le titre (Sommes-nous ce que nous lisons?). Ensuite, j'ai regardé le prix: 3 euros (équivalent à trois baguettes, à peine plus cher qu'un café en terrasse à Paris...). Alors bien sûr, pour ce prix-là, je n'ai qu'une cinquantaine de pages en petit format d'un livre neuf, alors que j'aurais pu avoir un ou plusieurs bouquins d'occasion, pour plusieurs centaines de pages, avec le même investissement financier... Disons que je me suis fait plaisir par curiosité, voilà!

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George Orwell, Sommes-nous ce que nous lisons?, 1001 nuits, La petite collection, 2022, 53 pages

Comme le dit la 4e de couv', "ce recueil inédit présente [la traduction de] quatre textes sur le livre et la lecture", publiés dans The Fortnightly Review  en 1936 pour l'un, en 1945-46 dans Tribune pour les trois autres. 

* Souvenirs de librairie (p.7-17): ces dix pages [nous] rappellent qu'Orwell a brièvement travaillé en librairie dans les années 1930. L'article présente quelques "types" de clients de bouquinerie (ceux qui essayent de refiler de vieux "rossignols", ceux qui demandent de leur mettre de côté des livres qu'ils ne reviennent jamais prendre...), les "produits" annexes vendus par celle-ci (machines à écrire de seconde main, timbres de collection...), et Orwell explique pour finir qu'avoir travaillé dans cette boutique lui a fait perdre le plaisir du contact avec le livre d'occasion... sauf pour "des ouvrages qu'il a[vait] très envie de lire et [qu'il ne pouvait] pas emprunter". J'y ai appris que "la coutume veut qu'il fasse un froid terrible en hiver dans les librairies, car sinon les vitres se couvriraient de buée, or un libraire vit de ses vitrines."

* Confessions d'un critique littéraire (p.21-28): selon les quelques lignes biographiques en fin d'ouvrage, Orwell a rédigé quelque 700 articles de critiques (livres, pièces et films). Ici, il nous raconte drôlement la procrastination du "pisse-copie" professionnel face à une commande d'un article de 800 mots à propos d'un envoi de cinq livres bien différents... jusqu'au moment où "il s'y met" et rédige dans les délais l'article attendu... cependant que l'envoi suivant est déjà arrivé. Je relève qu'il nous explique qu'un critique professionnel chronique au moins une centaine de livres par an. Mais là-dessus, le nombre de ceux qu'il aimerait réellement critiquer s'il avait le choix, se monte à quelques-uns par an... "Pour le reste, l'essence de son travail, malgré toute sa diligence à vanter aussi bien qu'à condamner, consiste à brasser du vent. Il jette son âme à l'égout, petit morceau par petit morceau". Et il avait presque eu la prémonition des efforts de la blogoboule en disant "qu'une bonne partie de la critique, notamment celle des romans, pourrait échoir à des amateurs"...

* Les bons mauvais livres (p.31-38): l'article commence en évoquant la préface commandée pour une réédition d'un roman de Leonard Merrick, par une maison qui souhaitait rééditer des romans mineurs ou oubliés du XXe siècle. À partir de là, Orwell balaye la littérature anglaise pour y repêcher des ouvrages "sans prétention [littéraire]", mais qui, par ce fait même, sont capables de survivre aux modes... et de rester lisibles, les décennies passant. Une vingtaine d'écrivains et davantage d'ouvrages, que, pour ma part, j'ignore (et dont je n'ai pas même vérifié s'ils ont jamais été traduits en français...).

* Des livres ou des cigarettes (p.41-49): intéressantes considérations budgétaires où Orwell évalue la valeur de sa bibliothèque de l'époque, soit 900 livres, pour une valeur de 165 £ et 15 shillings. Ceux-ci ayant été accumulés en une quinzaine d'années, il en conclut que son budget "lecture" est d'environ 25 £ par an, alors qu'il en dépense 40 en cigarettes, voire plusieurs dizaines de £ en bière... Il en tire la conclusion que la lecture est l'un des loisirs les moins onéreux, "probablement LE moins cher après l'écoute de la radio" (il ne connaissait pas la TV ni internet). 

Un petit ouvrage à lire et à faire lire, vu* l'autorité de son auteur... 

* Et non "vue", merci Audrey (commentaire ci-dessous)...

20232-300x300_2023seraClassiquePS: j'avais oublié de préciser que ce recueil de textes anciens peut donc être répertorié dans le challenge "2023 sera classique" de Nathalie et Blandine!

1 décembre 2023

Le festin - Margaret Kennedy

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J'ai terminé récemment un roman de Margareth Kennedy (1896-1967), Le festin (Folio Edition, 550 pages), après avoir lu quelques billets à son sujet sur les blogs. Le roman est un long flashback qui se passe en 1947 sur une semaine en Angleterre. Quand l'histoire commence, on a appris que 7 résidents sur 23 d'un hôtel en bord de mer ont péri dans l'éboulement d'une falaise. L'hôtel a disparu. C'est grâce à un repas (un festin) organisé par trois jeunes filles qu'il y aura 16 survivants. La tragédie finale est décrite dans les trois dernière pages. Le reste du roman nous permet de faire connaissance de différents personnages plus ou moins sympathiques pendant une semaine. En 1947, il y a encore des restrictions alimentaires à la sortie de la guerre. L'hôtel est tenu par un couple, les Siddal, qui ont trois fils. Parmi les résidents, il y a la famille Gifford, les parents et les quatre enfants. La mère est souffrante et tyrannique tout comme Mrs Cove, une femmes très antipathique qui a trois filles. Il y aussi un couple, les Paley et un chanoine autoritaire avec sa fille, une gouvernante et une femme de ménage. Au fur et à mesure, on découvre le comportement et le caractère des différents protagonistes, les intrigues, les clans qui se forment. L'humanité dans toute sa splendeur et ce n'est pas toujours glorieux. Si on a bien suivi toutes les péripéties juste avant le drame, on devine qui sont les victimes car Margaret Kennedy ne fait pas une liste exhaustive. Personnellement, j'ai aimé le roman mais sur la fin, je me suis un peu désintéressée de ce qui arrive aux personnages. J'ai été frustrée par cette fin mais à lire quand même. Lire les billets de Titine, Shangols, Lecturissime, Mumu dans le bocageMademoiselle lit, Ceciloule-Pamolico, Baz'art, Nyctalopes, Alex-mot-à-motsKeisha.

**********
Nota: mon ami ta d loi du cine et moi, nous sommes exaspérés par des "écrans publicitaires" qui s'affichent maintenant en fenêtre pleine page à chaque fois que l'on clique sur un "lien interne" sur le blog. Pour voir la page souhaitée, ou même pour accéder aux commentaires, il suffit de, mais il est nécessaire de, revenir en arrière, puis recliquer... Nous sommes sûrs que cela nous fait "perdre" tous les blogueurs autres que les "habitués": ils ne doivent même pas prendre la peine de "revenir en arrière" et de ré-essayer (ou bien ils ne connaissent même pas la manoeuvre...). Et, aux dernières nouvelles, cela ferait parfois la même chose chez over-blog que chez canalblog?

26 novembre 2023

La vie extraordinaire d'un homme ordinaire - Paul Newman

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Cette autobiographie, Paul Newman - la vie extraordinaire  d'un homme ordinaire (Edition La Table ronde, 2023, 334 pages dont une préface, une postface, des notes biographiques des témoins, une filmographie et un index) se lit pratiquement d'une traite. Elle a entre autre comme mérite de donner envie de (re)voir certains films de Paul Newman (1925-2008). Je fais partie des fans de cet acteur. Si vous attendez des révélations croustillantes, passez votre chemin. Cette autobiographie existe grâce aux souvenirs que Paul Newman a confié à un proche de la famille Newman, Stewart Stern. Ces souvenirs ont été recueillis entre 1986 et 1991. Il y avait plus de 14 000 pages de notes qui ont abouti à ce livre. Paul Newman commence par son enfance à Shaker Heights, une banlieue cossue de Cleveland dans l'Ohio. Il était membre de la seule famille juive du quartier très blanc (il n'y avait aucun Noir). Il avait un frère aîné d'un an, Arthur Jr. Son père Arthur Sr tenait, avec son frère Joe, un magasin d'articles de sport. La mère, Tress, était femme au foyer et elle vouait une adoration à Paul (au détriment d'Arthur). Paul Newman, avec ses yeux bleus très fragiles (et il était daltonien) a entretenu des relations très compliqués avec sa mère toute sa vie. Le livre parle de son enfance, de son adolescence, du fait qu'il a été tôt attiré par les filles. Il évoque son engagement dans la marine pendant la deuxième guerre mondiale. Il a fait un peu d'études universitaires à Yale avant de prendre des cours de théâtre. Il est passé par l'Actor's Studio. Il parle aussi pas mal de l'homme qu'il était dans le privé, sa rencontre avec sa première femme Jackie Witte, puis avec Joanne Woodward dans les années 50. Ils resteront mariés pendant 50 ans jusqu'au décès de Paul Newman. Il ne s'est pas remis du décès de son fils aîné Scott, mort d'une overdose. Il évoque aussi ses rencontres avec les réalisateurs ou certains acteurs et actrices. N'oublions pas qu'il a été aussi réalisateur de plusieurs films dont l'actrice principale était sa femme Joanne Woodward. Il parle sans détour du fait qu'il a beaucoup bu: surtout de la bière, qu'il éclusait par packs entier. Dans les années 60 et 70, il a soutenu des hommes politiques comme Eugene McCarthy et il est à l'initiative d'oeuvres caritatives pour des enfants très malades. Ce récit est ponctué de nombreuses interventions de témoins, réalisateurs, acteurs, producteurs, etc. Et il y a beaucoup de photos. Si vous connaissez des gens qui appréciaient Paul Newman, c'est un cadeau idéal. Et pour les autres aussi. La préface et la postface ont été rédigées par deux des filles de Paul Newman, Melissa et Cléa. 

21 novembre 2023

Terminus Malaussène / Le cas Malaussène: I Ils m'ont menti - Daniel Pennac

J'ai (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) enfin lu (il y a déjà quelques semaines) le dernier livre de Daniel Pennac paru (il y a déjà près d'un an), il faut aussi que je le chronique avant qu'il publie un nouvel ouvrage!

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Le cas Malaussène - I Ils m'ont menti (roman), Gallimard, 2017, 308 pages
Terminus Malaussène (roman), Gallimard, 2023 (DL déc. 2022), 440 pages

Terminus_MalausseneÇa valait le temps d'attendre. J'avais le souvenir de m'être beaucoup ennuyé en lisant le début du volume titré Le cas Malaussène: I Ils m'ont menti, trop complexe et lent à démarrer (mais ma mémoire est-elle bonne?), le tome 1 du diptyque, paru en 2017. Dans Terminus Malaussène (qui n'affiche pas "tome 2" ni ne fait référence au Cas Malaussène sur la couverture?), le récit est bien plus linéaire, et j'y ai retrouvé la verve pennacienne de la saga. Bien entendu, le titre est intriguant: doit-il clore la série? Est-ce une référence à [la BD] Valérian? Une rencontre avec Dieu le Père pour notre personnage principal?

Benjamin Malaussène a, antérieurement à ce volume, déjà tout été: mort puis ressuscité (dans le même ouvrage, pas dans deux différents comme le Sherlock Holmes de Conan Doyle), papa par les voies naturelles d'un gamin qui bénéficie de deux mamans, frère de famille d'une tribu de six autres frères et soeurs, ami avec beaucoup de monde, bouc émissaire et innocent professionnel... p.233: "Non, Benjamin, tu n'es plus le jeune homme versatile qui pouvait changer de boulot en changeant d'humeur. Depuis quelques décennies tu es un être social, chef de famille, fidèle à tous tes postes. Comment tournerait la machine si les types comme toi se contentaient de changer de plumard?". Mais est-ce que Malaussène, c'est bien lui?

Sans vous déflorer votre propre plaisir, je confirme que j'ai tourné une page après l'autre pour "connaître la suite". Ce polar et son côté systématique m'ont quelque peu fait songer à la Trilogie des ombres de Ghislain Gilberti, mais en moins beaucoup moins trash tout de même (nous sommes chez Pennac). La cerise sur le gratin (dauphinois), l'identité de l'antagoniste principal, j'avoue que je l'ai vue venir d'assez loin. Mais bon, je considère que ça fait partie du plaisir de lecture que de se dire "tiens, je ne suis pas encore trop idiot, j'avais réussi à discerner où il nous emmenait...".  

Relevons une petite diatribe amusante sur un certain secteur professionnel: "Je vous le dis solennellement, si vous tenez à votre santé mentale, ne fréquentez pas d'éditeurs" (p.162) en précisant qu'il est aussi question, dans Terminus..., du tome deux d'un diptyque. Inspiration du vécu et mise en abyme profonde?

Et maintenant, y aura-t-il encore un tome? La fin est ouverte...

Y a pas, il faut maintenant que je relise le précédent. Vivement le prochain confinement, qui me redonne plein de temps pour bouquiner (le seul truc qui m'a manqué, en 2020, c'était un revenu - je dis bien, certainement pas un "emploi", mais bien un revenu...). 

(interlude)

LeCasMalausseneJ'ai effectivement pris quelques jours supplémentaires pour relire le volume précédent avant de publier le présent billet (que dasola, de son côté, avait chroniqué en 2017). Dans Le cas Malaussène (et son titre à rallonge), ça part bien un peu dans tous les sens. L'oeuvre est quelque peu déroutante par son "unanimisme" (plusieurs personnages différents qui disent "je" - Benjamin Malaussène est seulement l'un d'eux -, et plusieurs autres sont suivis dans leurs actions). On ne voit pas tout de suite le lien entre les différents chapitres (construction non linéaire), quels sont les enjeux, où l'on va... Dois-je penser que cela est dû à ce que je n'ai pas relu toute la série depuis longtemps? Nous avons successivement un quidam (dont il n'a jamais été question avant), Benjamin lui-même, quelqu'un qui l'engueule (rien que de normal - il est payé pour cela de longue date), mais aussi, du côté de l'Ordre (?), une juge, les policiers familiers... et l'on passe de l'un à l'autre autour d'une affaire d'enlèvement assez vite devenue centrale. Mais auparavant, tout était résolu à la fin du volume, je pense que c'est cela qui m'a dérouté (et peut-être même l'auteur, puisque 5 ans se sont écoulés avant la parution du tome suivant...). En tout cas, des mensonges, il semble y en avoir pas mal dans l'histoire. Mais qui sont "ils", ça... Ils sont nombreux, les personnages à faire des bêtises dues à l'âge.

P1160803On se laisse surprendre par une scène qui dure à peine une minute, mais qui ne sera pas sans conséquences. À la fin du texte (p.297), un croquis: un petit personnage semble écrasé par un énorme stylo, émettant en phylactère "À suivre...". Seulement, en principe, dans les feuilletons, on avait la suite au numéro suivant (le lendemain, la semaine suivante, exceptionnellement le mois suivant... On ne restait pas sur sa "faim" cinq années d'affilée avec plein d'intrigues et de questions. Un "mauvais coup" de marketing? Ou bien le temps d'une réécriture nécessaire voire de "remues-méninges" pour savoir comment tout le monde va s'en tirer?

Vous l'aurez compris, je vous suggère de lire (ou relire) Le cas Malaussène avant de vous plonger dans Terminus Malaussène (il vaut mieux avoir ce dernier sous la main avant de débuter la lecture du diptyque): au moins, vous serez sûr d'avoir quelques réponses...

17 novembre 2023

Le serpent majuscule - Pierre Lemaitre

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Le serpent majuscule (Livre de poche, 305 pages), ce tout premier roman de Pierre Lemaitre, a été écrit en 1985. C'est un roman policier très noir où les cadavres s'accumulent. L'histoire se passe justement en 1985 avant Internet, les test ADN, quand les cabines téléphoniques existaient encore, etc. Le personnage central s'appelle Mathilde Perrin. Agée de 63 ans, elle souffre de surcharge pondérale tout en étant une tueuse redoutable. Elle exécute des gens sur contrat. Elle a commencé sa carrière 40 ans plus tôt au moment de la deuxième guerre mondiale. Elle reçoit ses ordres d'exécution par l'intermédiaire de petits mots dissimulés dans des cabines téléphoniques. Mathilde est veuve depuis 25 ans et elle a une fille qui est marié à un Américain "très con" (selon Mathilde). Dans son pavillon de Seine et Marne, Mathilde vit seule avec un dalmatien appelé Ludo (cette pauvre bête va avoir une triste fin) et avec des armes comme un "desert eagle", un pistolet semi-automatique qui fait des trous énormes sur les victimes. Un soir, Mathilde fait du zèle en tirant deux balles plutôt qu'une sur sa cible. Ce n'est pas dans le protocole qu'elle aurait dû suivre. Son commenditaire se pose des questions. Mathilde commence à perdre les pédales, elle perd la mémoire, elle doit être éliminée. Je vous laisse découvrir toute l'histoire, très violente et triste. Et j'avoue que j'ai trouvé que ce roman manquait d'humour. C'est très premier degré. Les exécutions d'une mère de famille qui venait de récupérer son fils et d'une victime collatérale dans un parking m'ont paru de trop. A vous de voir. 

Lire les billets d'Audrey (livre audio), de Gaëtane, d'Hélène et de Bernie. Sans oublier Nanou.

PS: "on" me prie d'insérer que c'est mon ami ta d loi du cine qui est revenu un jour tout content avec ce bouquin trouvé d'occasion, en me disant "depuis le temps que je n'arrivais pas à l'emprunter en bibliothèque, cette fois, je l'ai!". Et il m'a convaincue de le lire. 

11 novembre 2023

Compagnie K - William March

 image_0776537_20220103_ob_f3d147_logo-chall-1gm-vivrelivre-2022-ok   20232-300x300_2023seraClassique

Comme prévu de longue date cette année, je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) me suis procuré (1), pour ce 105e anniversaire de l'Armistice, un livre dont j'ignorais l'existence l'an dernier, Compagnie K, de Willam March, un auteur dont (etc.). Bref, voici donc ma participation tant pour le Challenge Première Guerre mondiale 2023 - De 14-18 à nous organisé par Blandine seule pour la 7ème année (il lui tient à coeur!), que pour le challenge "2023 sera classiques" (qu'elle co-organise avec Nathalie), 

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William March, Compagnie K, Gallmeister, 2013 (trad. Stéphanie Levet), 230 pages (édition en VO en 1933)

Il n'y a presque rien sur la page wikipedia (en français) concernant William March (créée en 2013 et consultée vendredi 10 novembre 2023), mais dasola m'a signalé que la page en anglais donne beaucoup plus d'informations, par exemple le fait qu'au moins quatre des "chapitres" ont été publiés isolément comme nouvelles dans les années précédant 1933 et la sortie du roman complet (si j'ai bien compris). En lisant la quatrième de couv' du livre, on apprend juste que "WM" (1893-1954) a lui-même combattu en France (US Marine Corps), a obtenu diverses décoration, et que, "hanté par ce conflit, il mettra dix ans à écrire Compagnie K, son premier roman (...)".

Je ne savais pas à quoi m'attendre avant de l'ouvrir. C'est... bizarre. Mais sans doute, universel, et je suppose que les combattants de la guerre en Ukraine au XXIe siècle pourraient être les "héros" du même genre de saynettes que celles qui sont évoquées ou présentées ici. L'ouvrage se présente sous forme de 113 récits à la première personne, monologues plus ou moins longs, parfois sur une seule page (30), parfois sur deux, exceptionnellement trois, quatre ou davantage (le record doit être de neuf pages). Chacun est sobrement titré du nom et prénom d'un militaire américain du même régiment, précédé de son grade. On y trouve donc une majorité de soldats, mais aussi des caporaux, sergents, adjudant-chef, lieutenants, capitaines... Chaque personnage dit "Je" dans son chapitre (rarement plus de deux pages), mais les noms se répondent d'une saynette à l'autre. Soldat et officier ont rarement le même point de vue. Si chaque nom ne revient qu'une seule fois dans le sommaire, on en retrouve les "héros", vivants, blessés ou morts, souvent en interaction dans plusieurs récits entretissés ou racontés selon des points de vue différents (typiquement, le simple soldat et le sous-officier ou l'officier...): les officiers sont souvent des crétins, les soldats obéissent aux ordres, parfois à leur corps défendant. L'ordre suivi est chronologique (avec un "effet flash-back" puisque le premier témoignage plante le décor - un "soldat" a rédigé un livre de témoignage sur la guerre): ce qui précède l'embarquement vers l'Europe, la traversée, l'arrivée en France, au front... 

J'ai trouvé que, avec cette forme originale, le fond du texte est plutôt désespérant. Tout est raconté de manière plate avec des mots simples, sans guère d'effets de style, alors que ce qui nous est est dévoilé de la guerre au fil des "témoignages" individuels est terrible (désertion, accusation de viol, "pas de prisonnier", infirmerie, coups de folie divers et variés...).

Quelques citations: p.85 (un soldat): "si les hommes du rang de chaque armée pouvaient simplement se retrouver au bord d'un fleuve pour discuter calmement, aucune guerre ne pourrait jamais durer plus d'une semaine". p.115 (un sergent): "Je me suis rappelé ce que mon sergent instructeur m'avait dit du temps où j'étais en camp d'entraînement , il y avait vingt ans de ça. "Les soldats sont pas censés réfléchir, il avait dit. Le principe, c'est que, s'ils pouvaient réfléchir, ils seraient pas soldats. Les soldats sont censés obéir, et laisser leurs supérieurs se charger de réfléchir"."

p.166, "la guerre est finie". Mais il reste encore une soixantaine de pages avant la fin du livre: de quoi montrer l'amertume et les traumatismes des survivants, rarement revenus indemnes et souvent mutilés, que ce soit physiquement ou mentalement, ou bien conscients d'avoir "gâché" leur vie... inutilement (et ça pe ut se terminer par un suicide). Le patriotisme de départ est rudement "déconstruit". Et les inégalités sociales n'ont nullement été abolies par la guerre. 

Si, comme moi, vous ne connaissiez de la guerre de 1914-1918 que des textes d'auteurs français ou allemands, je vous suggère de livre ce texte qui présente un point de vue américain.

Je ne sais plus sur quel blog je l'avais trouvé, mais j'en mettrai le lien si je le retrouve bien entendu.

Edit (par dasola!): lire les billets de SandrineKeishaEeguab et Luocine *.

* Vérification faite, c'est sans doute chez Luocine que je (ta d loi du cine) l'ai découvert - même si j'ai pu croiser d'autres billets - , et elle-même en avait pris connaissance chez Eeguab...

*****

(1) Anecdote(s): il y a quelques jours, lorsqu'après procrastination je me suis dit qu'il fallait vraiment que je rédige cette chronique, j'ai cherché sur internet dans quelle bibliothèque parisienne le livre se trouvait (une bonne douzaine, et il était disponible partout!). Je me suis rendu à celle à proximité de laquelle je me trouvais ce jour-là. J'ai regardé à "MAR" (il y avait bien 3 rayonnages, répartis sur deux bibliothèques d'affilée). Mon oeil a très vite repéré un "amas de March", soit près d'une demi-douzaine de titres différents de William March chez Gallmeister... mais pas Compagnie K! Là, j'ai appelé à mon secours la bibliothécaire de l'étage "romans". Une fois qu'elle a eu fini d'aider une grand-mère à effectuer une réservation en ligne sur un des postes en libre-accès, elle est venue voir. Diagnostic quasi-immédiat (après avoir vérifié que je disais vrai): "ça doit être les p'tits jeunes! Quand ils remettent les ouvrages dans les rayons, ils ne prennent pas la peine de regrouper les ouvrages d'un même auteur ou de bien classer par ordre alphabétique! Il faut regarder tous les MAR, je les prends par la fin, commencez par le début!" Et effectivement, je l'ai trouvé au milieu d'autres auteurs, à peine quelques dizaines de centimètres après le début de la cote... J'en apprends tous les jours, sur les bibliothèques... 
... Vous ai-je parlé de la fois où j'ai mobilisé toute une équipe de bibliothécaires, dans une petite bibliothèque étendue sur plusieurs étages, pour vérifier sur toutes les tables ou étagères d'exposition où se trouvait un roman récent, ne figurant que dans trois bibliothèques parisiennes, et que j'avais repéré comme disponible à l'emprunt pour plusieurs semaines dans celle-là, quelques heures avant? Absent en rayonnage, toujours indiqué "disponible" dans le catalogue en ligne, il se trouvait en fait... entre les mains d'une lectrice, qui s'apprêtait à l'emprunter elle-même! 

8 novembre 2023

Stöld - Ann-Helén Laestadius

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C'est Aifelle qui m'a donné envie de lire Stöld qui comporte 519 pages (Editions 10/18). Ce roman a été écrit par une Suédoise d'origine samie et tornédalienne. La vie des Samis (et non des Lapons, un terme péjoratif) m'a toujours intéressée. Et là, on entre dans l'intimité de plusieurs familles de ce peuple autochtone, d'abord en 2008, puis en 2018 et enfin en 2019 en Suède du nord. La vie des Samis tourne autour de l'élevage de rennes (la renniculture) qui sont désormais à moitié apprivoisés. En 2008, Elsa, une petite Sami de 9 ans, assiste à la mort de son faon (une femelle) qui vient d'être tué de manière brutale par un braconnier suédois, qui revend clandestinement la viande de renne. Elsa est traumatisée et n'ose rien dire à ses parents. Pendant cette première partie du roman, il ne se passe par ailleurs pas grand-chose mais on en apprend beaucoup sur la vie des Samis, qui ont une vie sédentaire, même si les hommes s'absentent plusieurs jours voire des semaines pour s'occuper des rennes. Ils se déplacent en motoneige. C'est une société patriarcale où les femmes s'occupent des enfants et de la cuisine. On fait la connaissance de la grand-mère (àhkku), du grand-père (àddjà). J'ai appris que les Samis considéraient qu'il y avait 8 saisons dans l'année (le pré-hiver, l'hiver, le pré-printemps, le printemps, etc). Il n'y pas qu'une langue samie mais neuf langues. La romancière insiste sur le racisme à l'encontre des Samis qui sont considérés comme des moins que rien. C'est peut-être pour cela que certains Samis se suicident comme par exemple un cousin d'Elsa. Entre 2008 et 2018, la famille d'Elsa sera menacée, des rennes seront massacrés et les plaintes déposées par Elsa et sa famille resteront sans suite. En 2018, Elsa a 19 ans et c'est une jeune femme déterminée qui ne rêve que de vivre avec ses rennes. Pour une femme, ce n'est pas courant d'avoir son troupeau. Elle donnera toujours la préférence aux rennes sur les humains. Un roman qui m'a plu même s'il est parfois un long par rapport à l'intrigue et à ce que cela raconte. A mon avis, la romancière aurait pu réduire d'une cinquantaine de pages. Mais c'est une histoire dépaysante à découvrir. Les nombreux chapitres sont numérotés en sami et à la fin de l'ouvrage, un glossaire rassemble les termes samis utilisés dans le roman. 

PS: rajout ci-dessous du logo de l'activité "Lire (sur) les minorités ethniques" organisée sur l'année 2023 par Inganmic.

LOGO MINORITES ETHNIQUES V4

7 novembre 2023

Bête et méchant / Les Ritals - Cavanna

Deux livres, ce mois-ci, dans le cadre de mes "Hommages du 7". Après Les Russkoff (le deuxième volet de l'autobiographie de François Cavanna, sur la Seconde guerre mondiale), j'ai (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) lu le troisième, Bête et méchant (les débuts dans la carrière), avant de me replonger dans le premier, Les Ritals (l'enfance). 

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Bête et méchant, 1ère parution en 1981, Le livre de Poche N°5755, 1983, 346 pages
Les Ritals, 1ère parution en 1978, Le livre de Poche N°5383, 1986, 377 pages

De votre côté, rien ne vous empêche de les lire dans l'ordre... Pour ma part, il ne s'agissait pas d'une première lecture. 

P1160792Ce volume reprend donc la suite de la vie du jeune François Cavanna revenu d'Allemagne. Il dépeint les années d'auto-formation à l'entrée dans la carrière, avant d'arriver à gagner sa vie par le pinceau et par la plume, jusqu'à Hara-Kiri inclus (journal Bête et méchant). Cavanna a commencé par publier une bande dessinée dans le journal Le déporté du travail. Mais difficile de renverser de l'encre sur la table familiale, en s'échinant le soir et le dimanche, alors qu'il travaille comme ouvrier puis employé en semaine. Alors, il trouve une piaule, toujours en banlieue, pour dessiner d'autres travaux. Et, pour en partager le loyer, une colocataire... Et le voici en ménage (platonique d'abord) avec une jeune femme revenue traumatisée (physiquement comme mentalement) des camps nazis. Puis mariage... qui ne dure que quelques dizaines de pages. Mais l'élan est donné. Citation (p.74): "Liliane me disait: on ne fait bien les choses que si l'on est un professiuonnel. Un professionnel, c'est un type qui ne fait que ça, son métier, même s'il ne gagne pas un sou, même s'il n'a pas un client, il est un professionnel. Il consacre son temps et ses meilleures forces à son métier. Si tu travailles dans la journée pour un patron et que tu fais ce que tu aimes le soir ou le dimanche, tu es un amateur. Ca peut ne pas être trop mal, ça ne sera jamais un travail de professionnel. Un professionnel a le dos au mur et la trouille au cul". Cavanna nous raconte la tournée des rédactions de journaux (la presse d'après-guerre) où l'on laisse les dessins de la semaine, qui seront acceptés - ou non,  les rencontres avec d'autres dessinateurs (Dubout l'avait prévenu: "tu vas en baver, il faut de la te-na-ci-té"), notamment Fred. Pour vivre encore des petits boulots, à droite ou à gauche (intéressant décryptage du milieu des dessinateurs de presse d'après-guerre.). J'en retiens une autre citation attrapée au vol (p.117): "dans cette anarchie qu'est notre société mercantile, si un mode de production anachronique et même nuisible assure de gros revenus à une catégorie suffisamment puissante, le jeu du progrès est faussé". En 1954, c'est l'achat du premier numéro d'un journal vendu par colportage, Zéro, qui lui permet de croiser le couple Novi, qui l'a créé (avec des dessins déjà publiés ailleurs). Puis de rédiger des "jeux" bouche-trou. Puis ses premiers textes (écrire plutôt que dessiner?) ... avant de découvrir l'imprimerie et le maquettage du journal. Et puis l'on assiste à la rencontre chez Zéro avec le futur professeur Choron, retour d'Indochine, grande gueule et vendeur émérite. Zéro devient Cordées, Cavanna continue à se former sur le tas. Novi meut subitement, et en 1960 Cavanna, Choron et Fred lancent le journal mensuel dont ils rêvaient, avec l'afflux de talents (Cabu, Wolinski, Gébé, le jeune Reiser)... Hara Kiri commence, avec ses aventures et mésaventures: équipe de colporteurs emmenée au commissariat, journal interdit d'affichage (en toute subtilité: voir chapitre "Il n'y a pas de censure en France", pp.262-296). La phrase-culte "L'humour est un coup de poing dans la gueule" est écrite p.232. Bête et méchant se termine en 1967, juste avant la reprise après une nouvelle interdiction de Hara Kiri, qui ne sera pas la dernière... 

Voir les billet des blogs Au détour d'un livre, Les plumes baroques, "Me, myself and I". 

Je m'étais acheté mon exemplaire de Bête et méchant le 14 octobre 2023. Mais à la relecture du chapitre titré "Néo" sur "la mort du père" (1953-1954), je me suis persuadé que je l'avais déjà lu, il y a plusieurs décennies... Je suppose que j'avais déjà dû croiser ce livre ici ou là, mais sans l'acquérir pour ma pochothèque. Je signale pour finir qu'il comporte 11 chapitres, avec chronologie indiquée mais avec des retours en arrière. 

P1160791Mon exemplaire du titre Les Ritals, lui, porte comme date d'acquisition le 13 mars 2014. Pour être plus exact, il s'agit de la date où je l'ai sauvé d'un don que ma mère s'apprêtait à en faire à une boutique Emmaüs, quand elle se débarrassait de livres qu'elle avait parfois achetés en double ou triple (pour l'une ou l'autre de ses résidences), avant de migrer d'un grand appartement à un studio plus modeste à l'étage "chambre de bonnes"... C'était quelques années avant qu'elle parte en EHPAD. Bref. 

Dans Les Ritals, son premier livre de "souvenirs", Cavanna nous présente son enfance à Nogent, d'un père maçon italien illettré et d'une mère morvandelle (née dans la Nièvre, à quelques kilomètres d'Imphy). Il a été élévé aux pâtes et à la viande de cheval. Les chapitres nous présentent ses copains tout aussi fils de Ritals avec qui il fait les 400 coups dans la rue ou le voisinage, la découverte des filles (gamines du coin ou professionnelles de Paris), le cinéma, la bibliothèque, la première muffée, ou une grande fugue à vélo... avec bien de la verve. Il y a aussi les histoires du père, beaucoup: en fait, il transparaît dans chaque chapitre, le Vidgeon (diminutif gentil de Luigi, en "dialetto"). p.122, il habille pour l'hiver ceux qui se sont amusés, un jour, à soûler son père. Mais le chapitre suivant expose avec tendresse la "main verte" du père, et son habitude de planter un noyau de pêche sur chacun des chantiers où il travaillait. Et puis la crise économique et le chômage, la peur du renvoi au pays, qui amènent Vidgeon à demander la naturalisation française... obtenue au tout début de la Seconde Guerre mondiale. Les 29 courts chapitres qui composent le livre (avec des titres très courts aussi) m'ont amené à me poser la question de savoir si le livre Les Ritals n'aurait pas d'abord été publié en "feuilleton", sous forme de "chroniques" séparées... ?

Je retiens en tout cas de ce livre qu'à l'époque, le rejet par les "Français de souche" (comme on ne disait pas encore? Si?) de certains métiers, ce qui amenait de la main-d'oeuvre étrangère à les occuper (en espérant pour leurs enfants un destin de petit fonctionnaire), existait déjà. Un siècle plus tard, remplacez "Ritals" par "personnes racisées" et "maçons" par "services à la personne", et la messe est dite. 

Voir aussi le billet du blog Au détour d'un livre.

Le récit de la création et des premiers temps, de Charlie Hebdo (l'histoire en est déjà bien connue!), lui, ce sera sans doute pour le tome suivant immédiatement (Les yeux plus gros que le ventre)... Je signale pour finir que j'ai découvert d'occasion cette semaine Lune de miel (Folio). Ayant lu sur la 4ème de couv' que c'était aussi un "tableau réjouissant de souvenirs, réflexions et anecdotes", je me le suis offert. J'en parlerai certainement un mois ou l'autre.  

*** Je suis Charlie ***

31 octobre 2023

Algues vertes, l'histoire interdite (BD) - Inès Léraud / Pierre Van Hove

Après avoir vu cet été avec la maîtresse du blog le film Les algues vertes, j'avais (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) souhaité lire la bande dessinée qui avait été publiée préalablement sur le même sujet.

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Algues vertes - L'histoire interdite, Inès Léraud et Pierre Van Hove, La revue dessinée / Delcourt, 2019, 168 pages (dont 24 pages d'annexes, repères, et documents)

La couverture donne le ton de l'ouvrage: des couleurs froides, beaucoup de vert (dans chaque page, sauf erreur de ma part), du blafard (il y a aussi des couleurs chaudes, mais je crois qu'elles sont bien minoritaires en terme de surface des aplats). Les premières planches de la séquence introductive ne perdent pas de temps pour expliquer ce que tout le monde sait, n'est-ce pas (en Bretagne, les algues vertes, en se décomposant, produisent de l'hydrogène sulfuré [H2S])... et nous montrent, en parallèle, un cavalier qui a mis pied à terre et qui finit par s'effondrer à côté de son cheval. C'est efficace. La dernière planche de cette séquence (p.6) nous donne la date: 28 juillet 2009. A partir de là, on tire le fil d'une histoire qui commence au moins 20 ans plus tôt... avec des positions vraiment antagonistes par rapport au fléau voire aux dangers parfois mortels constitués par les fameuses "algues vertes", et surtout aux causes et origines de leur prolifération (le lisier des élevages intensifs de porcs en Bretagne, mais chut, faut surtout pas le dire - il y a trop d'intérêts derrière).

Rédigée sur un ton très neutre, toute la bande dessinée se veut factuelle et dépouillée. La 3e de couverture porte l'avertissement suivant: "Ce récit est la reconstitution et la synthèse d'une enquête de terrain de plusieurs années, faite de multiples témoignages et de documents scientifiques, journalistiques, judiciaires - dont vous trouverez une sélection en annexe - et utilisant parfois l'ironie, inhérente au genre littéraire de la caricature, comme instrument de critique sociale et politique."

Il s'agit d'une bande dessinée plutôt didactique (elle a commencé à être publiée dans La revue dessinée). Et, si elle rend compte avec précision des entretiens qu'a obtenus la journaliste, la bande dessinée n'aborde pas la vie personnelle de celle-ci durant l'enquête (contrairement au film). Mais page après page, les différents dossiers, les affaires, les anecdotes, les entretiens s'enchaînent. Certaines planches explicitent la décision de diminuer le nombre de paysans en France, sous la Cinquième république, afin de fournir de la main-d'oeuvre à l'industrie. D'autres exposent le système d'agriculture productiviste, basé sur les intrants, la mécanisation, les prêts indispensables pour chaque paysan qui rentre dans le système et doit financer son agrandissement, sa "mise aux normes"... Celles-ci sont parfois détournées. Si l'on retraite les effluents d'un élevage de porc pour réduire de 30% ses rejets azotés... sans en limiter le volume total, ni le nombre de porcs par élevage, l'objectif de diminution de pollution aboutira en fait à l'augmentation de 30% du nombre de porcs pour une pollution stable (c'est expliqué p.81 par exemple). 

Ci-dessous quelques "citations en image".

P1160760 p.56-57

 

P1160761 p.66: avec le remembrement était planifié la destruction de la petite et moyenne paysannerie...

P1160762 p.81

Comme le remarqueront ceux qui ont vu le film, la journaliste est absente à l'image, tout au plus sa présence est-elle évoquée via des "bulles", avec la question qu'elle pose à l'interlocuteur que l'on voit de face, en "vision subjective", ou une relance voire une réaction). Les "annexes" consistent notamment en fac-simile de documents évoqués dans le fil de la narration (courriers, articles...). Je précise enfin que j'ai pu lire cette BD en l'empruntant au "système de prêts de livres de l'AMAP dont je fais partie. 

Parmi les blogs qui ont évoqué cette BD, j'ai retrouvé, dans l'urgence (liste non exhaustive): Sandrine, Gambadou (je complèterai si je trouve d'autres liens). Matatoune.

J'ai même découvert chez Yv l'existence d'un polar breton titré De si jolies petites plages

A vous d'y aller voir et lire...

30 octobre 2023

L'iris blanc - Fabcaro et Didier Conrad

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J'ai passé un agréable moment à lire le nouvel album d'Astérix, tiré à 5 millons d'exemplaires, paru le 26/10/2023. Jean-Yves Ferri a laissé sa place à Fabcaro pour le scénario de L'Iris blanc (Edition Hachette, 48 pages). L'iris blanc est le nom que Vicévertus (le médecin-chef des armées de César) donne à une méthode inspirée par un philosophe grec appelé Granbienvousfas.Il s'agit de pensée positive et d'alimentation saine. César charge Vicévertus de partir pour Babaorum (l'un des quatre camps retranchés qui entourent le village gaulois où habitent entre autres Astérix et Obélix). À Babaorum, Vicévertus doit mettre en pratique la méthode de pensée positive et réussir à motiver les Romains pour soumettre le village des irréductibles Gaulois. Dès son arrivée, Vicévertus initie les Romains et il en profite pour faire une incursion dans le village gaulois. Et là, les habitants commence à changer, à voir tout en positif. Vicévertus flatte Ordralfabétix, le poissonnier, en lui achetant ses poissons qui ont une odeur de marée. Peu de temps après, Ordralfabetix pêche lui-même des poissons qu'il vend à tout le village. Les sangliers aux alentours ne craignent plus rien. Vicévertus vante à Cétautomatix le "clonk" produit par le marteau sur une enclume. Il produit des vibrations positives. Quant à Bonemine, elle boit littéralement les paroles de Vicévertus. Elle décide sur un coup de tête de partir à Lutèce avec le médecin-chef car elle se sent délaissée par Abraracourcix (alias Cochonnet) qui sombre dans la dépression. Astérix et Obelix décident de partir à la poursuite de Vicévertus et Bonemine. Ils sont accompagnés par Abraracourcix qui n'est plus lui-même. Il faut noter que Vicévertus a un faux-air de Dominique de Villepin et de Bernard-Henry Levy. Même si j'avais préféré les albums précédents, Astérix et le griffon et Le papyrus de César, celui-ci a des moments amusants et des expressions qui renvoient à notre époque. Et bien entendu, l'histoire se termine par un banquet. Tout est rentré dans l'ordre. À lire sans modération.

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27 octobre 2023

La dernière ville sur terre - Thomas Mullen

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La dernière ville sur terre de Thomas Mullen (Edition Rivage Noir, 545 pages) s'appelle Commonwealth dans l'Etat de Washington dans les forêts du nord-ouest Pacifique. Nous sommes vers la fin de 1918, les Etats-Unis sont entrés dans la guerre en Europe en avril 1917. Presque toute la région où se passe l'histoire est touchée par la grippe espagnole sauf justement Commonwealth, car pour y éviter la contagion, une quarantaine a été votée. Des habitants de la ville empêchent quiconque de passer par l'unique route menant à Commonwealth, qui vit grâce à l'activité d'importante acierie. Charles Worthy, fondateur de la ville, est aussi le fondateur de l'acierie. Marié avec Rebecca, il a une fille, Laura, et il a adopté un garçon cinq ans auparavant, Phlip, âgé de 16 ans et qui est le personnage principal de l'histoire. Suite à un accident où il a perdu sa mère, il a été amputé d'un pied. Lors d'un de ses tours de garde avec un autre habitant nommé Graham, ils devront faire face à un soldat venu à pied qui leur demande asile. Il faut savoir que Commonwealth se trouve à 25 km de Timber Falls, la ville la plus proche. Et là, un drame se produit et tout va déraper et la grippe espagnole va s'inviter (si je puis dire) dans Commonwealth. Le  roman m'a plu mais il est un peu trop long. II y a pas mal de digressions sur la vie de certains personnages qui n'apportent pas forcément grand-chose, et l'intervertion de notable de Timber Falls n'arrange rien. Je ne connaissais pas cet écrivain qui s'est fait connaître avec Darktown. La dernière ville sur terre est son premier roman, écrit en 2006 et qui n'a été publié en français qu'en 2023. Lire le billet d'Actu du noir qui pense, comme moi, que le roman est trop long. 

26 octobre 2023

Claudine à Paris / Claudine en ménage / Claudine s'en va - Colette & Willy

20232-300x300_2023seraClassiqueJe (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) liquide aujourd'hui la "tétralogie" de Claudine que j'avais abordée dans le cadre d'un challenge spécifique. Cette fois-ci, j'en inscris les trois derniers (!) volumes seulement pour le challenge "2023 sera classique" co-organisé par Nathalie et Blandine. Mais, pour le troisième tome, il s'est bien agi cette année de ma première lecture, quand le deuxième m'avait été offert en 1981 tandis que je m'étais offert en 2009 le quatrième (sans le relire depuis). Cela fait tout de même quatre mois que j'avais annoncé la chronique de ces trois volumes... 

Trois_Claudine  P1160754
Claudine à Paris, Willy et Colette, 1901, Le livre de Poche N°213, impr. en 1980, 248 pages
Claudine en ménage, Willy et Colette, 1903, Folio N°335, impr. en 2005 (DL dans la collection: 1973), 243 pages
Claudine s'en va, Colette & Willy, 1903, Le Livre de Poche N°238, impr. en 2001, 191 pages

Comme déjà signalé, on remarquera que Le Livre de Poche "oubliait" Claudine en ménage... qui ne figure d'ailleurs pas davantage dans la liste des "parus dans le Livre de Poche" en 2001. Les mystères de l'édition... 

P1160755Claudine à Paris (paru en 1901) est la suite directe de Claudine à l'école, quelques semaines plus tard: père, fille, servante-cuisinière (Mélie) et chatte (Fanchette) sont partis s'installer à Paris pour que notre malacologue (le père, spécialiste des mollusques et plus particulièrement des limaces!) se rapproche des grandes bibliothèques et des collègues parisiens. Claudine fait la connaissance de sa tante (veuve), du petit-fils de celle-ci (un Marcel qui n'est pas sans faire songer à Proust), et du papa (veuf de la fille de la tante) de ce dernier, un certain Renaud. Celui-ci lui fait rencontrer des "gens de lettres", des journalistes, des personnages réels de l'époque: dans le roman, Maugis, par exemple, qu'elle rencontre à l'opéra où l'a emmenée le fameux oncle, est inspiré... d'un certain Willy; ailleurs, Claudine se voit comparée à Polaire (p.102). Mais les liens avec "Montigny" ne sont pas oubliés: nostalgie de Claudine, échange de correspondance avec telles ou telles, ... et retrouvailles avec Luce, désormais "installée" à Paris. C'est dans ce volume en particulier (et non dans Claudine à l'école comme je le croyais avant ma relecture de cette année) que j'ai retrouvé ce qui m'avait le plus frappé quand j'étais jeune: vieillard libidineux à la limite de l'inceste, fillette mère avant l'âge de 14 ans... De son côté, dans ces livres fortement autobiographiques, Colette s'est tout de même rajeunie de quelques années. 

P1160756Rappelons-le encore, les événements de Claudine en ménage semblent se dérouler de manière contemporaine à leur publication (à quelques mois près), cependant que le mariage de Colette suivi de son introduction par Willy dans le milieu des lettres et du théâtre parisien avait eu lieu, lui, à partir de 1893. Mais certains des événements transposés dans le roman sont intervenus, "dans la vraie vie", au début du XXe siècle seulement. Que se passe-t-il donc dans Claudine en ménage? La narratrice, qui est toujours Claudine elle-même, s'interroge sur "son ménage", et cherche à se remémorer et à "mettre en ordre" ce qui s'est passé dans les quinze derniers mois... Mariage après trois semaines de fiançailles, et le voussoiement de Claudine "épouse de 19 ans" à son époux qui la tutoie. Après les voyages post-noce tout juste évoqués ("retour d'Allemagne"), un passage à l'école de Montigny "il y a trois mois" occupe trois douzaines de pages. De son côté, papa fuit Paris pour retourner en cette proovince, et Renaud (c'est lui, le désormais époux de Claudine!) reprend un "jour pour recevoir" (faire salon). Une certaine Rézi y apparaît (p.92). Quinze jours plus tard, Claudine et elle se fréquentent. Agaceries et badinages... et pas mal de "prises de tête". Et les maris, là-dedans? Quel embêtement, quels empêcheurs de se connaître plus intimement! Mais l'un des partenaires est amusé par l'idée de trouver une "fillonnière" (p.174). Surprise et trahison, p.212: le ménage à trois, ce n'est pas toujours facile à supporter. Et Claudine fait ses paquets pour revenir à son tour à Montigny... (il reste encore une trentaine de pages ensuite!). Notons pour finir que le papa macologue cite la Maison d'édition Gauthier-Villars (p.224)!    

P1160757Le titre Claudine s'en va est en lui-même une pirouette. Colette s'amuse avec la mise en abyme de trois couples (dont Claudine et Renaud, qui ne sont guère que des comparses). La narratrice est ici Annie, qui a épousé à 20 ans Alain, plus âgé de 4 ans (ils se connaissaient depiuis l'enfance). Le livre est sous-titré "Journal d'Annie". Enfin, le couple formé par Marthe (soeur d'Alain, donc belle-soeur d'Annie) et son époux Léon, écrivain professionnel, a aussi son importance dans ce "récit". Au début de l'ouvrage, Alain laisse Annie à Paris en partant pour un voyage d'affaires en Amérique du Sud (y vendre un élevage de taureaux dont Annie a hérité par un oncle). Et voici une épouse soumise abandonnée à elle-même, avec pour consigne de visiter une seule fois Renaud et Claudine, "ménage réellement trop fantaisiste pour une jeune femme dont le mari voyage au loin". Elle doit par contre consulter souvent Marthe et sortir souvent avec elle. Mais quand le chat n'est pas là, les souris peuvent apprendre à danser. Entre séjour thermal (à Arriège, ville d'eau imaginaire... peut-être dans le département de l'Ariège qui en possède au moins trois?) et visite au festival de Bayreuth, la jeune Annie va se frotter à bien du monde et comprendre bien des choses (bon, ne nous illusionnons pas, on n'est pas chez Emmanuelle, hein!): jusqu'à finir par perquisitionner la correspondance privée de son cher et tendre au domicile conjugal, ce qui l'en fera partir. Difficile aujourd'hui (2023) de savoir à qui Colette s'identifie le plus: Annie, Claudine, Marthe? Je dirais: peut-être un peu aux trois, à des époques différentes, advenues ou à venir... lorsqu'est paru ce livre! Mais je suppose qu'il doit exister bien des thèses sur le sujet.

Maintenant, il me reste à lire le dernier de la série. Non pas La maison de Claudine (qui n'a en fait rien à voir avec la série, mais davantage avec des méditations de Colette ou des souvenirs mettant en scène sa mère Sido), mais La retraite sentimentale, que je n'ai jamais lu. 

21 octobre 2023

Au fil de ses lectures (et impressions au cinéma) - Présentation de Luocine, à l'occasion de son 500e commentaire chez dasola

Et de trois, en moins de six semaines! Il y a des périodes comme ça... Voici donc, après les récentes présentations de Manou et de Pascale, celle de Luocine
Celle-ci a fait, hier vendredi 20 octobre 2023 à l'heure du déjeuner, ses 499e et 500e commentaire chez dasola. Je (ta d loi du cine, "squatter" - et statisticien - chez dasola) lui ai envoyé aussitôt (enfin, à l'heure du dîner) un mail pour lui proposer une présentation sur le présent blog, grâce au petit questionnaire qui l'accompagnait. Une heure plus tard, j'ai reçu un mail me disant qu'elle était très contente et qu'elle me répondrait, et encore une heure plus tard, sont arrivées les réponses que vous pouvez lire ci-dessous. Une affaire rondement menée!

Je suis moi aussi content d'en avoir appris davantage sur elle et sur son blog.

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Luocine_blogBonjour Luocine, pour que les lecteurs comprennent qui vous êtes, pouvez-vous vous présenter ? Derrière ce pseudonyme, pouvez-vous nous livrer quelques éléments biographiques (votre blog n’en contient aucun sauf erreur de ma part)? Ce pseudonyme a-t-il un sens particulier ? 

Je suis une lectrice compulsive, je l'ai toujours été depuis l'âge de 6 ans jusqu'à aujourd'hui. J'ai enseigné le français aux étudiants étrangers à l'université de Rennes.
Je suis à la retraite et la lecture reste mon passe-temps préféré. 
Luocine est un pseudo qui me rappelle ma mère qui m'a appris à lire et qui m'a donné le goût de la lecture. 
J'avais 14 ans quand elle m'a fait découvrir Marcel Proust. 

* Dans quelle tranche d’âge vous situez-vous (car un lecteur de 20 ans n’ayant pas le même ressenti qu’un de 60, cette information a son importance)?

J'ai 76 ans. 

* Avez-vous fait des études ou exercé une profession ayant un rapport avec la littérature ou l'art?

J'ai déjà répondu à cette question. 

* Parlons un peu de vous et de votre blog: Luocine (au fil de [vos] lectures et de [vos] impressions au cinéma). Son premier billet remonte au 27 août 2006. Dans quelles circonstances avez-vous souhaité le créer?  

J'ai souhaité créer ce blog pour ne pas oublier les livres que je lisais. Et j'ai peu à peu découvert le monde de la blogosphère surtout grâce à Babelio où je mets toujours mes lectures. 

* Vous utilisez aujourd’hui la plateforme « wordpress », pourquoi avoir quitté la plateforme « over-blog » en 2014? Vous pouvez nous raconter l’histoire (avec rapatriement des billets – mais non des commentaires  de l’un sur l’autre) ? Quid de l’achat du nom de domaine?

J'ai quitté overblog car il fallait accepter la publicité. C'est mon fils qui a rapatrié les articles mais il ne pouvait pas le faire pour les commentaires. 

* Vous n’y parlez plus aujourd’hui que de lectures… et plus de cinéma (depuis 2017, sauf erreur de ma part) ? Avez-vous cessé de voir des films?

J'ai cessé de parler de cinéma car il faut réagir très vite et je trouvais mes billets moins intéressants sur le cinéma que sur les livres. Mais je vais toujours au cinéma. 
Mais j'ai cessé d'aller au Festival du film britannique à Dinard, ce que je regrette.

* Vos billets sont classés selon différentes catégories (genre, nationalité de l’auteur, thème…) : comment avez-vous « pensé » ce classement ? Qu’est-ce qui décide du classement d’une œuvre ici plutôt que là? Vous êtes éclectique dans vos lectures? 

J'essaie de mettre les livres dans différentes catégories pour aider les lecteurs à se retrouver, je ne sais pas si c'est très utile.
Je suis d'autant plus éclectique que je participe à un club de lecture et le choix de ma médiatheque est éclectique. 

* En ce qui concerne la lecture: quel est votre but avec ce blog? Débroussailler le champ immense des lectures possibles, faire partager vos émotions de lectures…? 

Mon premier but c'est de garder des traces de ce que je lis. Mais je sais aussi qu'un certain nombre de personnes me suivent et le dialogue à travers les commentaires est passionnant. Comme je trouve souvent mes idées sur la blogosphère, je suppose que l'inverse est vrai. Et parfois je le vois grâce aux liens sur les billets. Je mets toujours (ou du moins à chaque fois que je le peux) un lien vers le blog où j'ai trouvé l'idée de la lecture d'un livre. 

* Votre système d’appréciation utilise des « coquillages » : pourquoi ? Est-ce un clin d’œil au terme de « coquille » utilisé dans l’édition (pour désigner une erreur d’impression)?

Les coquillages sont un clin d'œil à la plage où je vais me promener très souvent. 

* En moyenne et à titre indicatif, combien lisez-vous de bouquins par mois? Et pour rester dans les chiffres, quelle est la moyenne de fréquentation de votre blog par jour?

Je lis à peu près deux livres par semaine. 
Je vais tous les jours sur mon blog au moins pour enlever les commentaires indésirables (j'en reçois au moins 10 par jour).
Et je publie deux billets par semaine.  

* Suivez-vous les statistiques de votre blog? Avez-vous une idée du nombre de vos visiteurs?

Comme mon blog est régulièrement visité par des robots, je suis incapable de savoir combien de vrais lecteurs j'ai vraiment ... du coup j'ai supprimé les statistiques.

* En tant que lectrice, comment vous définiriez-vous? La lecture tient-elle un rôle important dans votre vie?

J'adore lire et je découvre beaucoup de problèmes du monde à travers les romans. 

* Combien de temps consacrez-vous à la lecture chaque jour?

Je ne peux pas imaginer une journée sans lecture.

* Salons du livre, rencontres avec les auteurs et séances de dédicaces … Les recherchez-vous?

Le seul salon près de chez moi c'est celui de Saint Malo, "Les étonnants voyageurs", mais je n'aime pas la foule. À chaque fois que j'ai vaincu cette réticence j'ai beaucoup aimé. 
Je n'ai aucun goût aux dédicaces. 
Je n'imagine aucun dialogue très intéressant avec un écrivain qui doit signer une centaine de livres par jour.

* Quelle blogueuse êtes-vous ? Challenges, Défi, lecture commune, tag, swap, … Vous ne semblez pas jouer à ces jeux émérites (sauf erreur de ma part) ? Est-ce que cela, à votre avis, peut inciter à lire un livre plutôt qu’un autre, ou pas ?

Je ne participe qu'à un challenge, "Le mois de littérature allemande". Je n'aime pas beaucoup être guidée dans mes lectures. 
D'autant plus que je suis déjà contrainte par mon club de lecture.

* Votre endroit favori pour lire?

Le coin du feu l'hiver, le jardin l'été. Le lit le soir.

* Etes-vous plutôt livre papier ou liseuse électronique? Vous avez un certain nombre de billets sur des livres lus en e-book, ou (beaucoup plus rarement) en audiolivres : que diriez-vous sur ces « modes » de lectures-là?

Je suis plutôt livre papier. Mais les e-book c'est parfait pour les voyages, en bateau particulièrement. Audiolivres: je n'aime pas écouter sans faire autre chose.
Tout mode de lecture se vaut, cela dépend de chacun, si on fait beaucoup de voitures, les livres en audiolivres c'est parfait.

* Comment choisissez-vous vos lectures? (bouche-à-oreille, cadeau, article de presse, hasard…)? Avez-vous un genre favori? Un auteur – vraiment – préféré?

Je l'ai déjà, dit le club de lecture me fournit beaucoup de livres, je lis aussi les livres coups de cœur des blogs que je suis.
J'ai été trop déçue par la presse, on sent que les journalistes ne lisent pas toujours les livres dont ils parlent. 
Je lis peu de polars car je déteste le Suspens. Je le dis souvent dans mes billets mais je commence souvent les livres par la fin. J'aime les livres qui font découvrir un problème social français ou étranger, historique ou contemporain. 
Je ne suis pas originale, mais pour moi Marcel Proust est un génie absolument inégalé. 

* A quoi êtes-vous sensible lorsque vous avez un livre en main?

J'aime que la présentation soit soignée, et que le texte ne soit pas trop compact. 
Ensuite, dès la première phrase je suis happée par le livre et je vais voir aussitôt la dernière page.

* Offrez-vous des livres? Si oui comment les choisissez-vous?

Oui, c'est d'ailleurs le seul cadeau que je sache faire.
Je cherche des livres qui correspondent à ce que je sais de la personne.

* S’il ne fallait en retenir qu’un? Quel livre vous a le plus profondément marquée, parmi tous ceux que vous avez pu lire?

La recherche du temps perdu.

A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU

* Pourquoi celui-ci?

Je trouve que chaque époque devrait avoir un Marcel Proust qui sache décrire la réalité sociale avec autant d'acuité. 
Et d'humour. 

* Avez-vous un souvenir (bon ou mauvais) marquant d’une lecture enfantine ou adolescente?

Enfant je lisais tout le temps, je me rappelle avoir beaucoup pleuré à un livre qui s'appelait On demande une maman. J'avais adoré Le petit lord Fauntleroy
Adolescente j'ai beaucoup beaucoup lu.
Je retiens Martin Éden de Jack London, car j'aime toujours les récits de formation de l'esprit. 

* Comme d’autres «dévoreuses de bouquins», êtes-vous vous aussi tentée par l’écriture?

Non, je sais que je n'ai aucun style. 

* Vous rappelez-vous comment vous aviez découvert le blog de dasola, il y a près de 12 ans (décembre 2011)? (réponse facultative!)

Le plus souvent je découvre un blog grâce aux interactions entre blogs. 

* La question suggérée par Dominique: "êtes-vous parfois tentée d'arrêter le blog?"

Non, absolument pas. 

* Un dernier mot pour conclure cet échange? Quelle autre question auriez-vous voulu que l'on vous pose?

"Est ce que cela vous manque que les auteurs des blogs que vous aimez ne soient que des connaissances virtuelles?"

Luocine2

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Cette fois-ci, je ne remets pas l'intégralité des liens vers les neuf présentations précédentes (vous les trouverez dans les deux [Pascale et Manou] indiquées en introduction - et via les icônes "Vous aimerez peut-être" avant les commentaires ci-dessous!). Plusieurs autres blogueurs et blogueuses ont dès à présent dépassé les 400 commentaires chez dasola, c'est donc une question de mois ou l'affaire d'un an ou deux avant qu'on leur propose à leur tour de se présenter ici... Mais patience, cela peut prendre plus longtemps: il s'est déjà passé plusieurs années, après plusieurs présentations à intervalle rapproché, sans qu'une nouvelle se fasse jour (pour cause de refus, de ralentissement de rythme...). Vous verrez bien, ce sera la surprise!

16 octobre 2023

Les portes de l'aventure - Jean Hougron / Excalibur, l'épée dans la pierre - T. H. White

Je (ta d loi du cine, squatter" chez dasola) vous présente deux vieux livres chinés à prix cassé (le livre, ça ne vaut plus rien...). En tout cas, quand dasola commence à regimber avec ses livres neufs à 20 euros ("c'est plus possible!"), je lui mets sous le nez mes vieux "poche" achetés à 20... centimes d'euros. En voici deux!

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Jean Hougron, Les Portes de l'Aventure, Le livre de Poche N°1257, 1966, 253 pages
T. H. White, Excalibur, l'épée dans la pierre, Le livre de Poche N°14655, 2012 (1ère éd. 1999; 1997 pour cette trad. française, EO anglaise 1938) 

20232-300x300_2023seraClassiqueCes deux titres peuvent donc participer au challenge "2023 sera classique" co-organisé par Nathalie et Blandine. Je fréquente depuis plusieurs décennies les deux auteurs dont j'ai donc acquis récemment ces deux ouvrages. De Jean Hougron, je relisais régulièrement Soleil au ventre, qui se trouvait dans la chambrette que j'ai occupé à partir de l'âge de douze ans dans la "maison de campagne" de mes grands parents, pendant la plupart des vacances scolaires. Il cotoyait, sur un petit rayonnage au-dessus de mon lit, Les nus et les morts de Norman Mailer, Le commandant Watrin d'Armand Lanoux, deux ou trois recueils de nouvelles et saynettes de Courteline, ou même La P... respectueuse de Jean-Paul Sartre auquel je n'ai jamais réussi à m'intéresser (et quelques autres que j'ai oubliés): livres achetés, je suppose, par la génération parentale, à l'occasion de voyages en train (en gare, à leur sortie en "poche"). J'avais à cette époque tendance à vouloir continuer à lire après mon "couvre-feu" officiel, et comme la porte de ma chambrette était vitrée, j'ai dû user un certain nombre de piles électriques pour lampe de poche en lisant sous les couvertures (parfois même tête-bêche!). Mais je n'avais, depuis cette lointaine époque, jamais eu la curiosité de lire d'autres titres de Jean Hougron, né il y a 100 ans cette année (1923-2001), alors qu'il a publié encore quelques romans bien après l'époque où j'y rêvais sur le moyen d'escroquer un casino... 

P1160750Bref, Les portes de l'aventure fait partie de cette même série La nuit indochinoise (comportant au total 7 volumes) dont Soleil au ventre est le troisième volume et Les portes... le cinquième. Ce bref ouvrage (253 pages) est constitué de trois nouvelles indépendantes. L'aventure y est plus ou moins intense. Je vais dire quelques mots sur chacune, en tâchant de ne pas trop en dévoiler.

* Poulo-Condor est le nom d'une île (mais il n'est pas question dans la nouvelle du bagne qui y a fonctionné dans la réalité). Si je dis "Monte-Cristo", je suppose que ce sera cependant un indice de ce qui s'y déroule? Disons que, dans cette nouvelle de 88 pages comme dans les deux autres,  il est question de pelle et de pioche. Le narrateur (celui qui dit "je" au départ) n'est pas le protagoniste le plus important, mais bien celui qui écoute l'histoire que lui racontent d'autres personnages. Il en tire ses conclusions...  

* L"homme du kilomètre 53 m'a fait songer au Kipling des bâtisseurs de ponts et d'autres nouvelles décrivant des "administrateurs" anglais aux prises avec les éléments et les "subalternes locaux" dans leur colonie indienne. Ici, il est question des ponts-et-chaussées, de la construction d'une route dans la jungle avec divers aléas: la boue, le gravier adéquat qui manque... et les animaux sauvages. Une belle tranche de vie quotidienne exotique sur une quarantaine de pages. 

* Le retour est le récit amer (de nouveau à la première personne) d'une courte tentative de reprendre la vie ancienne après le retour, sept ans plus tard, d'un homme parti à 19 ans faire forture "aux colonies". Il y a perdu la candeur et les illusions qu'il pouvait avoir à son départ: on ne se baigne jamais deux fois dans la même eau. Et que d'autres aient attendu son retour ne le touche pas: lui sent avoir trop profondément changé, quand d'autres ont seulement été marqués par le temps passé... Le fantasme de reprise d'une petite vie provinciale finira tragiquement. 

Nonobstant cette diversité, il s'agit bien de ce qu'on appelle des "récits d'aventures". N'ayant pas lu les autres titres de la série, je présume que, à défaut de personnages reparaissants comme dans La comédie humaine, la principale unité est celle de lieu: l'Indochine française (avant 1954). Jusqu'à preuve du contraire, mon intuition est que Hougron a dû nourrir son oeuvre comme London, en mêlant ce qu'il a personnellement vécu sur place durant ses cinq ans en Indochine, à ce qu'il a dû y glaner comme récits d'aventures vécues ou rêvées par d'autres! La dernière réédition, en deux tomes de la collection Bouquins, remonte à 2004-2006. 

P1160752Le second bouquin n'a rien à voir avec le précédent, mais je vais aussi comnencer par vous raconter mon propre rapport avec lui. Ce livre de T. H. White (à l'origine, je l'avais découvert en "bibliothèque verte", et sous un autre titre: L'épée dans le roc), je crois qu'il appartenait à mon grand frère. Je l'ai lu plusieurs fois étant gamin. Je l'ai ré-aperçu il y a quelques semaines, lors d'un bref passage dans une maison de campagne de mes parents (dont je n'hériterai pas), il tombe en morceaux (nous sommes quatre frères à l'avoir lu, peut-être mes neveux, cousins ou autres enfants de passage aussi...). Je ne l'ai pas sous la main, mais je préfère sa couverture à celle du "Poche"... [ci-dessous l'image correspondante, trouvée sur internet].

Dans Excalibur, l'épée dans la pierre, le récit commence abruptement avec le descriptif d'une semaine d'écoliers. Vu le nom des matières étudiées (écriture courtoise, astrologie...), un jeune lecteur contemporain et cultivé pourra se demander s'il s'agit d'un univers à la Harry Potter ou quoi. Mais un peu plus loin, il est question d'escrime, de tir à l'arc et de fauconnerie. Ces vraies matières viriles indiquent davantage la voie médiévale. Nous sommes dans un Moyen Âge de fantaisie, entre chevalier errant (oui, un seul!) et foins du domaine à rentrer. Merlin l'enchanteur apparaît p.60, pour devenir précepteur des deux garçonnets du château. Mais sa pédagogie s'avèrera "active": pour s'acquérir des mérites ou des qualités, rien de tel qu'une série d'incarnations provisoires dans des corps animaux. Ou, sans transformation, la rencontre de quelques héros légendaires pour vivre ensemble des aventures palpitantes et aussi merveilleuses que celles d'Alice. Et le héros principal finira par prendre dans sa main l'épée dans la pierre du titre.

L-epee-dans-le-rocQuoique je n'aie pas été en mesure de confronter mot à mot les deux versions, il me semble que la traduction du Livre de Poche doit être différente de celle lue quand j'étais gamin. En tout cas, je n'y ai pas retrouvé Kay et Moustique (popularisés par le dessin animé de Disney Merlin l'enchanteur sorti en 1963, du vivant de White [1906-1964 - grande année!]), mais Keu et ...La Verrue. La verrue s'appelait ainsi parce que cela finissait en "u" comme Arthur, enfin presque (p.29): pas très convaincant... Le cycle de romans écrit par T. H. White à partir de 1938 comprend cinq titres, dont le dernier est paru posthume. Je n'ai jamais lu les quatre autres. 

Finalement, ne devrais-je pas m'inquiéter de "retomber en enfance" et de prendre presque davantage de plaisir à radoter sur mes souvenirs qu'à rédiger de simples billets chroniquant des ouvrages de lectures récentes...? En tout cas, je n'ai pas l'impression d'avoir souvent croisé ces deux auteurs sur les blogs... Mais enfin - bon sang mais c'est bien sûr! - Excalibur... peut tout à fait participer au 11e Challenge de l'imaginairecli11-02

15 octobre 2023

Les naufragés du Wager - David Grann

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Les naufragés du Wager de David Grann (Editions du sous-sol, 371 pages et 60 pages de notes et d'une bibliographie sélective) nous emmènent dans le passé de la marine britannique entre 1740 et 1748, au temps des navires de guerre à voile. En 1740, cinq vaisseaux de ligne de la flotte britannique sont affrétés pour partir à la poursuite d'un galion espagnol rempli d'or et d'argent. Nous sommes en pleine "guerre de l'oreille de Jenkins" (dont je n'avais jamais entendu parler) avec entre autres comme adversaires Espagnols et Britanniques. David Grann commence par nous présenter les principaux protagonistes de l'histoire dont David Cheap, 44 ans, un Ecossais, futur capitaine du Wager, l'enseigne de vaisseau John Byron, 16 ans, le futur grand-père du poète, George Anson, le commodore du navire amiral Le Centurion, et enfin, le canonnier John Bulkeley, qui va jouer un rôle important dans la suite des événements. Le début du voyage est sans histoire mais en arrivant au sud de la Patagonie au Cap Horn, Le Wager, l'un des cinq vaisseaux de la flotte, est pris dans une tempête terrible à cause des vents des quarantièmes rugissants et des cinquantièmes hurlants. Il s'échoue le 14 mai 1741 au large d'une petite île (qui portera plus tard le nom d'ïle du Wager). Sur le navire, il y avait au départ 250 hommes, mais un certain nombre d'entre eux vont mourir assez vite après l'appareillage. Naufragés sur l'île désolée, les marins vont installer un camp de fortune mais rapidement, la faim les tenaille car dans la catastrophe, beaucoup de vivres ont été perdus et les hommes souffrent et meurent du scorbut (manque de vitamine C). Certains membres de l'équipage remettent en cause l'autorité de David Cheap qu'ils accusent d'être responsable de l'échouage du navire. Des groupes opposés se forment. Quelques hommes restent fidèles à Cheap qui voudrait continuer sa mission. Quant au plus grand nombre, en devenant des mutins, ils se rallient à John Bulkeley qui veut revenir en Angleteterre pour retrouver sa femme et ses cinq enfants. Grâce à une chaloupe qu'un charpentier agrandit et remet en état, les mutins embarquent avec Bulkeley. Ils étaient 70 et seulement 29 arriveront vers la côte brésilienne après avoir laissé Cheap, Byron et 8 hommes sur l'île. Je vous laisse découvrir le reste de cette aventure hors du commun qui s'est terminée en cour martiale. Un livre agréable à lire avec du suspense. Il semblerait que le réalisateur Martin Scorsese a acheté les droits pour l'adapter au cinéma. Lire les billets de Shangols et Nyctalopes.

12 octobre 2023

L'hallali - Nicolas Lebel

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Après Le gibier (que je n'ai pas lu), La capture (que l'ai lu mais pas chroniqué), voici L'Hallali, le troisième volet d'une série écrite par Nicolas Lebel. Je pense qu'il pourrait y en avoir un quatrième. Dans l'Hallali, coemme dans les deux précédent, le personnage prinicipal s'appelle Yvonne Chen. Ex-flic, elle est désormais agente infiltrée de la DGSI. Depuis plusieurs mois, elle est à la poursuite de trois tueurs, les furies dont le chef a comme pseudonyme Alecto. Les deux autres  s'appellent Megara et Tisiphone (d'après le nom des déesses grecques de la vengeance). Megara est une femme. Ce sont des tueurs rusés et sans foi ni loi. Dans l'Hallali (Editions du Masque, 278 pages), Alecto et ses comparses doivent se rendre dans les Vosges dans un domaine viticole qui produit du vin de glace (un vin fait à partir de raisins vendangés gelés). Ce domaine appartient à deux frères. L'un des deux veut prendre le contrôle seul. L'autre doit disparaître. Les Furies sont chargés de l'eliminer et par ailleurs, Alecto cherche à recruter Yvonne pour cette mission. A la moitié du roman, il y a un coup de théâtre inattendu qui change la donne et fait bifuriquer le récit. Je ne vous dévoilerai rien de plus. C'est un roman agréable à lire dans un décor de château sous la neige. Je l'ai préféré à La capture qui se passait dans une île bretonne. De Nicolas Lebel, j'ai lu tous ses romans avec le commissaire Mehrlicht, que je vous conseille. 

7 octobre 2023

Prénom : Inna (BD, T.1 & T.2) - Thomas Azuélos / Inna Shevchenko / Simon Rochepeau

J'ai (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) pioché le titre de cette mini-série en deux albums BD dans la liste que je tâche de tenir à jour en vue de mes "hommages du 7": des idées d'avance, pouvant donner lieu à une chronique, un mois ou l'autre... quand je n'ai pas d'autre d'inspiration. Les lecteurs de Charlie Hebdo connaissent certainement la signature d'Inna Shevchenko, journaliste formée à Kiev (son nom renvoie à 80 articles sur le site internet du journal). 

Prenom_Inna
Prénom: Inna, Une enfance ukrainienne (tome 1), La naissance d'une femen (tome 2), Futuropolis, 2020 & 2021, 98 & 82 pages,
Thomas Azuélos, Inna Shevchenko, Simon Rochepeau

Les quatre premières planches du tome 1 sont situées le 14 février 2015 à Copenhague. Inna Shevchenko intervenait lors d'une conférence dont le thème était « Art, blasphème et liberté d'expression », organisée pour rendre hommage aux victimes de l'attentat de Charlie Hebdo d7 janvier 2015, quand une fusillade a éclaté. La quatrième planche montre la jeune femme, physiquement indemne, qui se répète "Je dois tenir bon". Elle avait déjà eu bien des occasions de se tremper le caractère.

Citons la quatrième de couverture: "ce récit, à la première personne, raconte l'enfance et l'adolescence de la génération post-soviétique en Ukraine, inspirées par l'expérience personnelle d'Inna Shevchenko". Dans l'avant-propos du T.1, Inna Shevchenko précise: "pour les besoins du récit, ce livre contient aussi des personnages fictifs, ou inspirés de personnes réels, et des scènes qui, je l'espère, aideront les lecteurs à ressentir l'atmosphère unique de cette période symbolique des pays post-soviétiques". Et dans celui du T.2, "cette histoire est inspirée de mon expérience personnelle, mais elle est également enrichie de personnages, de lieux et de scènes de fiction".

Le "récit" est de Simon Rochepeau, cependant que Thomas Azuélos signe le dessin. Il ne s'agit donc, si je comprends bien, ni d'une autobiographie, ni d'une biographie véridique, mais d'une évocation d'une époque (pas si lointaine) et d'un pays (aujourd'hui plus proche?).

Dans le tome 1, Inna (née en 1990 à Kherson) a d'abord 5 à 6 ans (sur 37 pages): avec son père et sa grande soeur, elle attend le retour de sa mère, partie faire du marché noir en Pologne. En 2000, à 10 ans, elle ne rêve plus que de devenir journaliste. En 2004, quand elle a 14 ans, c'est l'époque de la "révolution orange" en Ukraine: la jeune file devient contestataire au collège, arborant une coiffure à la Ioulia Tymochenko et un ruban orange. Elle présente sa candidature et est élue déléguée des élèves. À 17 ans, elle songe à monter à Kiev pour y suivre des études de journalisme. Pendant son enfance et son adolescence, elle aura constaté les inégalités sociales en cotoyant les "nouveaux riches" affairistes et leurs réseaux. 

Le tome 2 nous montre notre héroïne à 18 ans, étudiante désargentée mais studieuse, et préparant pour le journal de la fac un article dénonçant les expédients de son ancienne colocataire qui doit danser dans un club pour hommes. Découverte d'un tract signé des Femen et lecture d'un livre titré Le féminisme révolutionnaire de Lessia Oukaïnka (une poétesse ukrainienne, 1871-1913) sont évoqués... La journaliste en herbe décroche un job au service Presse de la mairie (mais elle déchantera). Première manifestation contre la prostitution, alors qu'il est dit que les bordels sont la possession des oligarques. Et "duel de dames" (très bien dessiné, cela m'a fait songer à du Annie Goetzinger): c'est compliqué d'être à la fois à la mairie et dans les manifs. Le choix d'Inna est fait. La dernière séquence (p.83-86) se déroule le 24 août 2010 (fête de l'indépendance de l'Ukraine). Mais on n'est pas chez Manara: il y a assez peu de seins nus dans cet album...

Quelques "citations", par ordre chronologique (je sais, c'est trop petit... Bah lisez les albums, alors!):

P1160737 1996 (T.1, p.27)  P1160738 2000 (p.54)  

P1160739 2004 (p.62)  P1160740 p.100 (2008, évocation d'Inna à 2 ans, à l'occasion de la naissance de son neveu...)

P1160741 2008 (T.2, p.28 - inna sort du club où elle a été rendre visite à sa coloc' qui y "travaille")

 P1160742Ici, elle croise, quelque temps plus tard, les "pionnières" des femen en pleine action... (p.54-55). Elle ne va pas tarder à les rejoindre... non sans conséquences sur son travail à la mairie de Kiev.

   

 

P1160745 P1160743 p.79 à 81 (2009?)

P1160744 p.86 - et dernière - du T.2  P1160736 Février 2015 (T.1, p.8 - prélude et épilogue) 

Un tome 3 (non prévu sauf erreur de ma part) aurait pu montrer l'arrivée en France en 2012 et l'asile [politique] obtenu en 2013... avec quelques actions emblématiques, avant comme après. Le 4 mars 2013, il semble y avoir eu un "Femen Hebdo" au sein (!) de Charlie N°1081. Mais je ne crois pas l'avoir vu (ni lu) à l'époque.

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