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Le blog de Dasola
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8 août 2022

La gifle - Christos Tsiolkas

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Ca y est je suis arrivée au bout de mon pavé de l'été. Cette année, j'ai choisi La gifle (Editions 10/18, 593 pages) de l'écrivain australien d'origine grecque Christos Tsiolkas. Le roman a été publié il y a une dizaine d'années et l'histoire est contemporaine à la publication. Le roman se découpe en huit parties. Chaque titre de partie est le prénom d'un des personnages de l'histoire. La gifle est celle que donne Harry à un petit garçon nommé Hugo, âgé de trois ans, lors d'un barbecue entre amis. Cette gifle va avoir des conséquences sur les relations entre certains personnages qui réagissent de manière différentes selon leur sensibilité. L'histoire se passe à Melbourne dans un milieu "upper middle class" où se mélangent des personnes de la communauté grecque et des Australiens de souche. Ce que je retiens de ce roman, ce sont les personnages que j'ai trouvé tous assez antipathiques. Les rapports entre eux ne sont pas dans l'apaisement puisque les parents d'Hugo, Rosie et Gary (un buveur invétéré) vont porter plainte auprès d'un tribunal contre celui qui a giflé leur fils. On y parle de sexe, de drogue et d'alcool. Dans chaque chapitre, le lecteur apprend à connaitre certains personnages et leur caractère, comme Hector et Aisha (une vétérinaire d'origine indienne), les organisateurs du barbecue ; le cousin d'Hector, Harry, l'auteur de la gifle et qui a fait fortune en étant propriétaire de garages ; Rosie qui allaite encore son fils ; Anouk, une quadragénaire scénariste et romancière qui refuse d'être mère ; le père d'Hector, Manolis, un vieil immigré grec qui constate que les gens vieillissent et meurent autour de lui ; Connie et Richie, deux adolescents qui, occasionnellement, sont les baby-sitters d'Hugo. Malgré sa longueur, le roman se lit bien. Je ne peux pas dire que j'ai aimé ce roman mais je suis contente de l'avoir lu. Il a été adapté deux fois en mini-série pour la télévision en 2011 et 2015. Lire les billets d'Yv, Sylvie et Nelfe.

Merci de nouveau à Brize pour l'organisation de ce challenge.

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28 juillet 2022

Les premiers hommes dans la lune - H. G. Wells

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Et voilà que nous arrivons au bout des six titres d'H. G. Wells (en cinq volumes) que je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) possédais déjà dans ma bibliothèque depuis les années 1980, et que j'ai scrupuleusement relus à l'occasion de notre "Mois Wells" (co-organisé avec Sibylline). Les premiers hommes dans la lune, publié en 1901 en anglais et traduit en français la même année, constitue probablement l'un des premiers "planete opera", ce qui rend le livre éligible au 13e Summer Star Wars proposé par le RSF Blog et aussi, bien sûr, au "10e challenge de l'Imaginaire" (de Ma lecturothèque), tout autant qu'au Challenge "2022 en classiques" (co-organisé par Nathalie et Blandine).  

P1150424Les premiers hommes dans la lune, Le Livre de Poche N°1430, 254 p. (DL 1965 pour mon édition - avant Apollo 11!). 

Qui sont donc ces "premiers hommes"? Le narrateur, Bedford, avoue être un affairiste, mais ne peut qu'attirer notre sympathie, puisque le plus sûr moyen de gagner de l'argent qu'il imagine d'abord consiste à ... rédiger une pièce de théâtre. Dès le premier jour de rédaction, sa concentration est perturbée par un promeneur trop bruyant. Le quatorzième jour, il n'y tient plus et l'interpelle... Et voici notre binôme de choc (savant + homme pratique) constitué. Le promeneur distrait cherche à mettre au point une substance révolutionnaire, qui serait "opaque à la gravitation". Il n'a jamais vraiment réfléchi à en tirer un éventuel profit. C'est ce qui attire par contre notre compère. Je vous passe les travaux pratiques nécessaires: p.60, après une traversée de l'espace de quelques jours dans une sphère revêtue de "cavorite", ils assistent à un lever de soleil sur la lune. Il faut laisser prise au merveilleux pour savourer ce livre. Un peu comme quand on admet, chez Jules Verne, que les "colons" de l'Ile mystérieuse arrivent à disposer, dans leur île volcanique, de quantité de ressources naturelles (minerais, flore, faune) répondant à leurs besoins et qu'il n'y a plus qu'à transformer "artisanalement". Ici sur la lune, donc, la planète se réveille, l'atmosphère se dégèle, la végétation pousse à toute allure...  Après des jours et des jours d'enfermement, nos premiers hommes à fouler le sol lunaire sautent gaiement, le souffle un peu court... Malheureusement, leurs gambades (sous 1/6 de la gravité terrestre) leur font perdre de vue leur sphère: ils se sont écartés... et ils découvrent qu'il n'y a pas que de la flore. Affamés, ils ont le tort de goûter des champignons inconnus... et se réveillent prisonniers dans les entrailles de cette lune creuse. Alors qu'ils ont réussi à regagner la surface, ils se séparent pour retrouver leur chaloupe de sauvetage terrestre. Au lieu de rendez-vous prévu, Bedford ne trouve qu'un message de Cavor laissant deviner qu'il a été capturé de nouveau (ou pire), et se résoud à sauver sa propre existence en quittant notre satellite avant que toute vie l'abandonne à cause de la nuit lunaire. Il ramène tout de même de leur expédition un bon poids d'or à son retour sur terre. A peine a-t-il eu le temps de le débarquer que la sphère disparaît à jamais (avec un garnement touche-à-tout à son bord...). Après cela, notre Bedford n'a plus guère comme ressource que de publier le récit de son aventure, sous le nom, tiens, d'H. G. Wells. Et fin de l'histoire... ah non, puisque du coup un "radioamateur" avant la lettre l'informe avoir reçu des messages en provenance de la lune: Cavor y est toujours vivant.
Mais je m'arrêterai là.  

J'ai trouvé plusieurs blogs qui ont écrit sur ce livre: Oncle Paul (dernier billet en avril 2021), un vieux billet de Lina Carment. L'article d'Erwelyn évoque aussi le film qui a été tiré du livre en 1919 (Wells ayant été sollicité pour participer au scénario). Du coup, je peux aussi citer pour ce qui concerne le film Bob Morane (blog Glandeur nature) ou encore le blog de Kalev (dernier billet en janvier 2021). 

Enfin, je signalerai que la cavorite a été par la suite réutilisée par au moins un "continuateur" de Wells: Laurent Genefort a écrit Les temps ultramodernes, et un court texte de lui intitulé Abrégé de cavorologie a paru en même temps, à titre promotionnel. Je ne les ai pas lus... encore.

25 juillet 2022

Le pays des aveugles - H. G. Wells

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Notre "Mois Wells" (co-organisé avec Sibylline) touche à sa fin, et il me reste pour ma part trois livres à chroniquer. Dépêchons! Ce livre Le pays des aveugles (Folio N°1561, 182 pages), je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) me le suis procuré il y a déjà un mois (le 25 juin 2022), mais je l'ai ouvert et lu le week-end dernier. C'est alors seulement que j'ai constaté de visu qu'il s'agissait, en fait, non pas d'un roman, mais bien d'un recueil de nouvelles, dont celle qui lui donne son nom compte moins d'une quarantaine de pages. Il a en tout cas sa place dans le Challenge "2022 en classiques" (co-organisé par Nathalie et Blandine), et sans doute dans le "10e challenge de l'Imaginaire" (de Ma lecturothèque): les nouvelles que contient ce recueil sont suffisamment variées pour que l'une ou l'autre se rattache à ce thème, même si on est aussi dans le registre du conte, du merveilleux, de l'humour ou du fantastique.

P1150423Je vais donc lister ces nouvelles pour parler de chacune.

* Le pays des aveugles (pp.7-45). La nouvelle (publiée en 1904) se déroule dans les Andes, et le héros en est un guide montagnard (éduqué: il sait lire). Au cours d'une expédition où il accompagnait des Anglais venus faire de l'alpinisme, il tombe dans une vallée légendaire et coupée du monde extérieur depuis des siècles (quinze générations). Atteinte de cécité, la population locale s'est organisée au point de se croire seule au monde et d'imaginer une culture où ne pas "bénéficier" de la vue constitue la norme. Notre guide, Nunez, se raccroche d'abord à l'adage "au pays des aveugles les borgnes sont rois". Cependant, le coup d'Etat auquel il rêve s'avère plus difficile que prévu! Il envisage malgré tout de faire souche dans la vallée, séduit par une jeune fille avenante (aux orbites moins creuses que les autres), mais le sacrifice demandé excède ses forces... La fin du conte est ouverte.

Il semble exister une adaptation théâtrale de cette nouvelle?

Cette description d'une communauté vivant en autarcie et dont, en principe, on ne peut s'échapper m'a fait penser à deux oeuvres de Kipling: L'homme qui voulut être roi [du Kafiristan], bien sûr; mais aussi une autre nouvelle du même recueil, L'étrange chevauchée de Morrowbie Jukes. J'évoquerais également la communauté des Mormons dans l'Utah dans la seconde moitié du XIXe siècle telle que décrite par Conan Doyle dans Une étude en rouge (pure littérature, bien sûr). Enfin, le roman Inoa de Joseph Peyré décrit une cité perdue dans les Andes, protégée par les tribus indiennes locales...

* La porte dans le mur (pp.46-70), et
* Un rêve d'Armaggedon (pp.71-109): 65 pages "stérilisées" (scrogneugneux!), car j'ai déjà commenté les deux nouvelles concernées ("Folio à 2 euros"...) le 26 juin 2022...

* La vérité concernant Peycraft (pp.110-126, nouvelle datant de 1903): ici, le narrateur se revendique d'une arrière-grand-mère hindoue, qui lui a légué diverses recettes et formules. Suite à l'insistance d'un gros raseur, il lui communique un moyen de "perdre du poids". Mais le résultat obtenu n'st pas celui imaginé. Cette nouvelle-là donne davantage dans l'humour et le "merveilleux" que dans la science-fiction (les ingrédients de la recette évoquent furieusement un "brouet de sorcière").

Si je raisonne encore en terme de "littérature comparée", ce conte m'a fait penser au recueil titré Azazel d'Isaac Asimov, où toutes les nouvelles tournent autour de formulations de voeux exaucés trop "au pied de la lettre"... J'avais lu ce recueil il y a quelques mois, histoire de bien vérifier que strictement rien ne concernait la planète Mars dedans.

* L'oeuf de cristal (pp.127-152): une sorte d'antiquaire fait tout ce qu'il peut, en résistant aux pressions de sa famille, pour ne pas vendre un "oeuf de cristal" dans lequel il distingue des images (avec bien plus de facilités que d'autres personnes). Cet oeuf semble être mystérieusement "connecté" à la planète Mars. Erwelyn et Sibylline avaient déjà attisé ma curiosité à propos de cette nouvelle rédigée en 1897, dont je ne vous révèlerai pas la fin.

Cet oeuf peut faire songer aux "palantiri" de J.R.R. Tolkien dans Le seigneur des anneaux. Par ailleurs, dans Les trois yeux, Maurice Leblanc imagine qu'un savant a découvert une substance permettant aux Vénusiens d'envoyer aux Terriens des projections cinématographiques sur un écran ad hoc.

* L'étoile (pp.153-169, nouvelle de 1897). Il se passe des choses du côté de Neptune, selon les astronomes. Dans le ciel apparaît un nouvel astre. Il grandit à une telle allure qu'il devient évident qu'il va impacter notre planète. Wells fait état des cataclysmes (éruptions volcaniques, raz-de-marée, fonte des glaciers...) qui frappent notre malheureuse planète ici ou là avec beaucoup de détachement et sans du tout insister. J'ai bien apprécié le "clin d'oeil" final aux astronomes qui, dans leurs lunettes, n'ont pu en percevoir qu'une infime partie. Sibylline en a parlé, Erwelyn aussi (plus anciennement), ainsi que Bidib.

On songe, bien entend, à l'album L'étoile mystérieuse des aventures de Tintin par Hergé.

* La pomme (pp.170-182): encore un conte, publié en 1896. Au départ plutôt dramatique (massacres de populations en Turquie...), la nouvelle devient assez sarcastique sur la fin. Cette pomme serait celle de la connaissance, en provenance indirecte du jardin d'Eden. Mais aucun de ses propriétaires successifs n'ose y mordre... Et le jeune enseignant à qui elle est échue craint tellement le ridicule qu'il finit par la jeter! Je n'ai pas trouvé de blog qui l'ait commentée.

24 juillet 2022

Lëd - Caryl Ferey

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Je viens de terminer Lëd (Edition Pocket, 541 pages), un bon thriller de Caryl Férey, un écrivain français dont je n'avais encore rien lu. Lëd (qui signifie Glace en russe) est un roman haletant qui se passe de nos jours à Norilsk en Sibérie. Norilsk est située au nord du cercle polaire arctique. Elle est considérée comme la ville de plus de 100 000 habitants la plus septentrionale du monde (source wikipedia). C'est aussi une ville très polluée à cause de l'extraction du nickel, du cuivre, du cobalt et du charbon. Le complexe sidérurgique et minier de Norilsk est le premier au monde. Quand le roman commence, il fait -64° dehors, on est en plein hiver polaire. Dans ces conditions extrêmes, on fait la connaissance de Gleb Berenski qui est mineur dans un mine de nickel et photographe à ses heures. Il vit une relation amoureuse avec un autre mineur appelé Nikita, qui est son voisin de palier Ils se cachent car l'homosexualité n'est pas vue d'un bon oeil en Russie. Gleb et Nikita ainsi que d'autres personnages du roman comme Dasha, Lena et son mari Sacha vivent dans des barres d'immeubles. Le blizzard souffle et le toit entier d'une de ces barres est sur le point de s'effondrer. Gleb est témoin de cette catastrophe et il découvre parmi les décombres le corps décapité et démembré d'un Nenets (un autochtone) éleveur de rennes. La police se rend compte que le Nenets était mort avant l'effondrement du toit. Il a été assassiné. Boris Ivanov, un policier originaire d'Irkoutsk, est chargé de l'enquête qui va se révéler difficile. Il va se trouver impliquer de manière très personnelle dans l'enquête pendant laquelle d'autres meurtres sont commis. Je ne dirai rien de plus sur cette histoire bien menée qui parle de corruption à haut niveau. On sent que Caryl Férey a bien étudié son sujet, il évoque Poutine et sa politique. Un livre qui se lit bien et que je recommande tout comme Eva.

21 juillet 2022

La machine à explorer l'espace - Christopher Priest / L'amour et M. Lewisham - H. G. Wells

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Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) vous présente aujourd'hui, pour l'un de mes deux ou trois derniers billets dans le cadre de notre "Mois Wells" (co-organisé avec Sibylline), deux livres parlant de deux jeunes couples anglais. Mais les deux oeuvres sont assez différentes! 

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Folio SF N°69, 443 pages / Folio N°1050, 347 pages

Le second livre de ce billet, L'amour et M. Lewisham, a bien été rédigé par H. G. Wells. Le premier, lui, reconstitue un "chaînon manquant" entre deux des ouvrages d'H. G. Wells. La machine à explorer l'espace a été rédigé en 1976 par Christopher Priest. Seul ce livre-là peut s'inscrire dans le cadre du 13e Summer Star Wars proposé par le RSF Blog et au "10e challenge de l'Imaginaire" (de Ma lecturothèque). Les deux livres pourront par contre participer au Challenge "2022 en classiques" (co-organisé par Nathalie et Blandine)

P1150420La machine à explorer l'espace de Christopher Priest, auteur de SF, publié et traduit en français en 1976, reconstitue ce qu'on pourrait nommer un "chaînon manquant" entre La machine à explorer le temps et La guerre des mondes. L'auteur s'est efforcé de restituer l'ambiance et les mentalités du tout début du XXème siècle, époque où sont censées se dérouler les aventures de ses héros. Comment dire? On sent que, si l'auteur a une connaissance théorique des convenances et des conventions de l'époque (interdisant par exemple à un jeune homme de se trouver dans la chambre d'une jeune fille seul avec elle), il ne les "respecte" pas et même s'en moque gentiment. Jamais Maupassant n'aurait écrit ainsi. Bref. Le jeune Edward, voyageur de commerce, imagine (à tort) que le "contact" de celle qu'il prend pour une collègue pourra avancer ses affaires, et ce quiproquo l'amène à... passer la nuit dans la chambre de celle-ci (en tout bien tout honneur!). Leur hôtesse le fiche à la porte dès le lendemain. Par chance, il avait dû avoir le temps de donner son adresse personnelle, à laquelle la demoiselle lui envoie une invitation fort professionnelle. Elle travaille chez un inventeur... et bénéficie de toute sa confiance. Les véhicules à moteur que le savant a inventés ne l'intéressent déjà plus, il est passé à un autre projet. Et que pensez-vous qu'il va arriver? La demoiselle ne peut s'empêcher de "frimer"... (c'est mon interprétation masculine, en tout cas!). Et au lieu de ramener son invité à la gare dans le "véhicule à tout faire", les voici partis... à travers non seulement le temps, mais aussi l'espace: sur Mars. Ils vont y séjourner quelques temps, le temps de découvrir que les humanoïdes locaux travaillent, pour la plupart, comme des esclaves, si ce n'est pire, et d'être pris dans les remous de ce qui semble être une guerre entre cités martiennes (c'est un peu plus compliqué que cela). Toujours est-il qu'ils sont séparés. Quand Edward rejoint enfin Amelia (avais-je dit qu'elle se prénommait Amelia?), celle-ci est devenue l'égérie d'un mouvement visant à la libération des esclaves. Et c'est sous l'amicale pression des esclaves que la messie révolutionnaire et son nain osent enfin "passer à l'acte". Mais attention! L'invasion de la terre par des Martiens vampires se prépare: il est temps pour nos héros de regagner leurs pénates. Les révolutionnaires ayant infiltré la flotte d'invasion, les voici passagers clandestins, puis de retour sur terre, où la guerre va faire rage. Par chance, ils rencontrent un certain M. Wells, qui connaît très bien l'employeur (l'inventeur) d'Amelia. Il suffit donc de réunir leurs talents à tous trois pour contribuer à gagner la guerre (il est vrai aussi que boire le sang anglais ne réussit pas aux Martiens...).

Pour savoir "ce qui s'est passé ensuite", je suppose qu'il faudrait que je lise encore d'autres "continuations"... Je crains de ne pas avoir le temps de le faire avant la fin du "Mois Wells", mais je le ferai peut-être en 2023, dans le cadre d'un nouveau "Challenge de la planète Mars".

En lisant ce livre, je me suis dit qu'il faudrait vraiment que je reprenne l'écriture de nouvelles: après tout, en matière de "pastiches", j'arriverais peut-être à en rédiger, aussi, de pas trop mal?

En tout cas, j''ai identifié plusieurs blogs qui avaient déjà chroniqué ce livre. Liste non exhaustive: Le chien critique. Mr K, du blog Cafards at home. Spooky, du blog Ansible. Jean-Yves, du blog Mondes de poche. Enfin, AcrO, de Livrement, n'a pas aimé ce Priest-là (qu'il a dû lire en diagonale?). 

Passons maintenant à L'amour et M. Lewisham rédigé par H. G. Wells.

P1150421Ce livre a été publié en anglais en 1900 et traduit en français dès 1903. Wells, né en 1866, avait donc la trentaine bien avancée lorsqu'il a rédigé cette fiction sur les débuts dans la vie d'un jeune couple dont les deux protagonistes sont à peine âgés d'une vingtaine d'années. La première page pose que la situation présentée remonte à "il y a dix ans". Mr (Mister, en VO) Lewisham était alors âgé de 18 ans, et déjà jeune étudiant prometteur et qui s'était fixé tout un plan d'étude devant le mener à une carrière dans les sciences, grâce à un travail acharné (il est en même temps employé dans un établissement secondaire). Par malheur surgit une donzelle... mais il ne se passe rien. Deux ans plus tard, l'étudiant (devenu boursier) continue à étudier, croise le chemin du socialisme, mais n'en devient pas moins prétentieux pour autant (il s'imagine déjà leader éclairant la classe ouvrière sur le chemin de la lutte...). Mais quand il recroise par hasard la jeune fille qui lui avait tapé dans l'oeil, ça ne traîne pas: on séduit, on enlève, on épouse! Par contre, la réalité de l'époque est impitoyable: les dépenses d'un ménage de deux personnes excèdent celles qu'une bourse prévue pour soutenir les dépenses d'une personne suffit à peine à couvrir, c'est mathématique. Le jeune héros ne manque pas d'illusions sur sa propre valeur (intellectuelle, mais aussi "sur le marché"). Lorsqu'il cherche à augmenter ses revenus, il prend conscience bien tardivement du fait que son cas (jeune étudiant qui pense que grâce à ses diplômes et certificats les établissements d'enseignement, supérieur ou même secondaire, en pleine année scolaire, n'attendent que lui...) est extrèmement commun... et qu'il n'est pas "seul sur le marché". Ces soucis budgétaires ne sont pas sans répercussion sur la paix du ménage, d'autant plus que M. Lewisham doit aussi compter avec sa belle-famille. Et il lui manque sans doute un peu de dialectique et de cynisme pour répondre autre chose que "c'est pas bien!" à l'escroc jovial (beau-papa...) qui lui expose sa conception de la vie. Illusions perdues... J'ose espérer que, en bon écrivain, Wells n'a pas repris trop de faits autobiographiques, mais a su transposer et transmuter ce que lui-même, étudiant pauvre, avait pu vivre.

Ce récit m'ayant quelque peu fait penser au Petit Chose (d'Alphonse Daudet), lu naguère, j'y ai, du coup, jeté de nouveau un oeil. Le parallèle est moins pertinent que je ne croyais. "Le petit chose" se prend pour un poète, et fait par faiblesse de caractère le malheur de sa famille et de ceux qui l'entourent. Tandis que M. Lewisham se confronte, simplement, à la réalité sociale de son époque. Alors certes, il aurait pu laisser l'amour de côté tant que sa position n'était pas assurée. mais dans ce cas, il n'y aurait pas eu de livre!

Je n'ai pas réussi à trouver de blogs ayant parlé de L'amour et M. Lewisham. Mais j'ai en tout cas trouvé ce livre très "vrai", et bien plus facile à lire que Au temps de la comète que je n'ai pas encore terminé (peut-être parce que les caractères en sont plus petits?). 

15 juillet 2022

L'Ile du docteur Moreau (volume 1) - Tamaillon / Legars (bande dessinée d'après H. G. Wells)

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Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) fréquente régulièrement à une librairie spécialisée en BD d'occasion, et c'est grâce à l'un de ses vendeurs que j'ai pu mettre la main sur le premier tome d'une adaptation de L'île du Docteur Moreau. Je le chronique donc dans le cadre de notre "Mois Wells" (co-organisé avec Sibylline), même s'il s'agit seulement du tome 1 (sa parution date de moins d'un an, et j'espère que le tome 2 ne tardera pas trop?). Il pourra aussi participer au Challenge "2022 en classiques" (co-organisé par Nathalie et Blandine) et au "10e challenge de l'Imaginaire". Outre celui d'H. G. Wells, un quatrième nom est cité parmi les auteurs après ceux de Stéphane Tamaillon (scénario) et Joël Legars (dessin), à savoir celui d'Anna Conzatti (couleur).

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L'Ile du docteur Moreau, volume 1, éd. Delcourt, coll. Ex-Libris, achevé d'imprimer en août 2021, 48 pages.

Je trouve cette couverture magnifique. A l'intérieur, l'adaptation est très fidèle à l'oeuvre de Wells. Trop, peut-être? Dans les planches que je cite ci-dessous, j'ai essayé de préserver les "mystères" des créatures (alors que l'album, en les dessinant, les "fige" trop précisément, avec un style qui hésite entre le réalisme et l'anthropomorphisme animal. Je pense que je préfère personnellement les planches où les créatures n'apparaissent pas, mais où planent les mystères, plutôt que leur révélation. Mais commençons par le commencement. La transposition en bande dessinée, en s'adaptant aux contraintes (nombre de pages limitées, nombre d'images par pages aussi...) est intelligente, avec deux premières pages du héros perdu en mer (Edward Prendick) presque muettes. Ses relations avec son sauveur ("simplement" Montgomery) sont très fidèles au livre, jusqu'à un moment (un ajout?) où l'on comprend (p.30) que les motivations de ce dernier peuvent être troubles... C'est seulement à ce moment qu'il avertit Prendick qu'il n'est pas recommandé de s'aventurer seul dans l'île mystérieuse du docteur Moreau. 

P1150396 p.27 (traqué... par qui?)

Un bref retour chez Montgomery, un réveil dans sa propre chambre, un affrontement avec Moreau, et voilà Prendick reparti à l'aventure...

P1150397 p.38 (extrait)

...jusqu'à la découverte d'une étrange communauté. Comme je l'évoquais plus haut, j'avoue n'être pas totalement convainu par son traitement graphique (soyons clair: je suis bien incapable de dessiner, à plus forte raison de créer une bande dessinée!). Mais je sais qu'il y a une énorme subjectivité dans l'appréciation d'une bande dessinée, a fortiori lorsqu'il s'agit d'adapter une oeuvre déjà connue sous une autre forme (livre, film...).

P1150398 p.44 (déjà presque la fin de l'album)

Alors que Prendick ne sait plus bien où il en est, on voit surgir Moreau et Montgomery, pour un nouveau face-à-face... et l'album s'achève avant qu'une explication puisse être donnée. Suite et fin dans le prochain épisode (comme précisé p.48). Je relève que, par rapport à mon édition de poche, ce premier volume a couvert 105 pages, et qu'il en reste quelque 137 pour le second.

En attendant, je précise que, chez Delcourt, cette collection Ex-libris (dirigée par Jean-David Morvan) semble ne plus être très loin de la quarantaine d'albums tirés d'oeuvres très diverses, par des dessinateurs qui ne le sont pas moins. Les adaptations sont livrées, le plus souvent, en un seul volume. On y trouve des titres aussi ecclectiques que La guerre des boutons, Les trois mousquetaires, Frankenstein, La ferme des animaux, Tartuffe, Candide... (bref, plutôt des classiques, en fait!).

***

Puisque on est sur de la BD, j'en profite pour montrer ces quelques pages de détournement, au hasard du troisième volume de la série Pacush blues de Ptiluc. L'intéressant est que nos héros rats sont assaillis, sur quelques pages, par des envahisseurs escargots, entre autres délires de cet album... La guerre de deux mondes, quoi. Mais ces molusques gastéropodes voient leur toute-puissance (juchés sur leurs ...tripodes) mise en défaut par un minuscule grain de sable imprévu: la sécheresse! 

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Mises à part cette planche et demi, l'ensemble de l'album (46 pages tout de même), titré L'importance majeure des accords mineurs, est globalement délirant et/ou philosophique. 

12 juillet 2022

L'affaire Lerouge - Emile Gaboriau

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C'est allant d'un blog à l'autre que j'avais noté chez une blogueuse le fait qu'elle chroniquait des polars "classiques". Et cela a été l'occasion pour moi de lire un deuxième roman d'Emile Gaboriau (1832-1873) - je n'avais pas chroniqué le premier. L'Affaire Lerouge (Edition France Loisirs, 455 pages) débute en mars 1862. Une femme, Claudine Lerouge, est retrouvée assassinée dans son pavillon dans le hameau de la Jonchère qui dépend de Bougival, à l'ouest de Paris. La victime n'avait semble-t-il pas d'ennemis. Ce n'est pas un crime crapuleux car des pièces d'or sont retrouvées dans un tiroir d'un meuble. Un juge d'instruction appelé Daburon est chargé de l'instruction de l'affaire. L'enquête elle-même est menée par un homme appelé Tabaret, dit "Tirauclair", que connaît l'inspecteur Lecoq (personnage que l'on retrouve dans d'autres romans de Gaboriau). Tabaret, après quelques investigation, est sûr que l'assassin (homme ou femme) est jeune. Je ne vous dirai rien de plus de l'histoire qui est racontée en détail sur W.K.pedia. Je veux seulement donner quelques-unes des mes impressions. J'ai trouvé que l'histoire se traînait un peu en longueur. J'ai mis du temps à lire ce roman. Il faut dire que l'Affaire Lerouge a d'abord été publié en feuilleton. L'histoire est tirée d'un fait divers qui s'est passé à la même époque, sous le Second Empire. On n'y parle pas du tout de politique, mais dans l'épilogue il est question d'abolition de la peine de mort. Car on a été à deux doigts de l'erreur judiciaire. L'intrigue est concentrée sur une dizaine de personnages de toutes conditions sociales. Un roman que j'ai été contente d'avoir lu.

10 juillet 2022

H. G. Wells. Parcours d'une oeuvre - Joseph Altairac

wells_NOIRAprès [J. M.] Keynes (ou l'économiste citoyen) le 7 juillet 2022, voici H. G. Wells (parcours d'une oeuvre). Encore un livre sur un Britannique, écrit par un Français, que je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) vous présente aujourd'hui. Mais cette fois-ci, c'est dans le cadre de notre "Mois Wells" (co-organisé avec Sibylline). Par contre, mon billet sur cette biographie ne pourra, je pense, pas prétendre participer aux différents autres challenges sur les littératures de l'imaginaire (ou autres) auxquels j'inscris depuis quelques semaines les oeuvres de Wells que j'ai lues, au fur et à mesure que je les chronique.

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Joseph Altairac, H. G. Wells, parcours d'une oeuvre, Encrage, coll. Références, 1998, 207 pages.

Ce livre a été lauréat du Grand prix de l'imaginaire en 1999, catégorie Essai. Précisons encore que le titre est toujours en vente (10 euros, contre 65 F jadis) aux éditions Encrage. Et ce alors même que désormais, pour le lire à Paris via une bibliothèque municipale, on est obligé de le faire venir de la "réserve centrale" (?). 

Dans son introduction, Joseph Altairac évoque les "suites" qu'ont connues, jusqu'à peu avant la parution de son propre ouvrage (1996 - 50ème anniversaire de la disparition d'H. G. Wells [1866-1946]), les oeuvres de celui-ci. J'y ai retrouvé tel film vu ou tel livre lu. Une courte biographie s'étend de la p. 8 à la p. 12 (complétée par une "chronologie" pp. 204-207). La "bibliographie commentée" d'H. G. Wells couvre plus de 60 pages (133-194), complétée par 4 pages listant les adaptations (cinéma, télévision et radio). Avoir mis à disposition du lecteur ces données en fin d'ouvrage permet à l'auteur de consacrer la plus importante partie de son livre à l'analyse de l'oeuvre de notre Herbert George Wells, et à son évolution, "de la science-fiction au réformisme social". La dernière partie fait l'historique de la "réception critique" de l'oeuvre wellsienne en France. 

Wells a écrit de nombreux articles en tant que "journaliste scientifique" dans les années 1890, cependant que ses premiers récits de fiction publiés semblent remonter à 1887 dans un journal étudiant (?) dont il était cofondateur. La renommée - et la réussite financière - sont arrivées en 1895, avec la publication de La machine à explorer le temps (qui a connu, avant comme après, plusieurs versions). Fort de sa notoriété, au XXème siècle, Wells nourrira désormais l'ambition de réformer la société. Sa production (nouvelles ou romans) se prolonge jusque dans les années 1940, avec un succès inégal. Est-ce que, dans ses écrits, on peut relever un "glissement" qui l'amènerait à passer de la prospective à la posture d'un prophète (ce qui pourrait arriver / ce qui doit ariver)? Personnellement, je n'en ai pas encore lu suffisamment (contrairement à M. Altairac!) pour trop m'avancer. Dans l'ouvrage, la "carrière" de l'écrivain (qui se voudrait "maître à penser") Wells est bien mise en perspective avec l'histoire du siècle. Il a fréquenté Lénine, Staline, a espéré en le progrès humain... et s'est, sans doute, beaucoup trompé. Si j'ai bien compris, il était aussi capable, dans ses livres, d'humour (la comédie ou la satire lui permettant de critiquer la vie britannique contemporaine) et même parfois d'auto-dérision. Mais certains des romans seront parfois prétexte à de longs exposés, par les personnages, des propres idées de Wells - lesquelles pouvaient évoluer au fil des ans.

Pour faire suite à une question sous mon billet du 5 juillet 2022, concernant la position de Wells par rapport à l'eugénisme, je "pioche" deux citations. 
p.26: dans un texte publié en 1903, "Wells [y] critique ironiquement les conceptions de sir Francis Galton sur sur la transmission prétendument héréditaire de qualités aux dimensions aussi incertaines que la beauté, la vigueur physique, la santé mentale, l'intelligence et même le génie!". 
p.94-95: "Si Wells appelle de ses voeux une forme d'eugénisme modéré, il se distingue radicalement de Francis Galton (1822-1911), cousin de Darwin et grand initiateur du mouvement eugéniste, et dont Jean-Paul Thomas, dans Les fondements de l'eugénisme (1995) synthétise si clairement la pensée fondamentale en écrivant que, pour Galton: "Les membres de différentes classes sociales ne sont pas biologiquement assimilables, ils appartiennent à des "races", à des lignées différentes, et il faut lutter contre les effets néfastes des promotions et des déclassements sociaux, c'est-à-dire du brassage des sangs". C'est très exactement le contraire des idées de Wells pour lequel, dans son utopie [Une utopie moderne, 1905], les classes sociales sont tout sauf héréditaires. Wells s'oppose absolument au concept de "classes biologiques" défendu par certains sociaux-darwiniens." 

En France, Wells a (forcément) souvent été comparé à Jules Verne, mais sa notoriété a surtout reposé sur les quelques incontournables "classiques" qu'il avait publié dès la fin du XIXe siècle, les oeuvres "de la maturité" y ont ensuite été publiées avec parfois un retard considérable sur leur publication anglaise.

Pour conclure, je vais encore relever une citation de M. Altairac (p.114): "La force d'évocation de Wells est telle que le plus obtus des lecteurs fera toujours son miel des meilleurs scientific romances, même s'il passe à côté du message de l'écrivain".

C'est grâce à Sibylline que j'ai découvert l'existence de cette biographie. J'ai pu trouver ensuite d'autres liens sur la blogosphère. Nebal en avait parlé. Et j'ai fini par découvrir sur le blog de l'oncle Paul que Joseph Altairac était décédé le 9 novembre 2020. Enfin, je me permets de mettre un lien vers le blog de Christian Grenier, qui a consacré une conférence à H. G. Wells en 2016 (j'avais chroniqué un des livres de cet "auteur jeunesse" il y a quelques mois). 

7 juillet 2022

Keynes ou l'économiste citoyen - Bernard Maris

== À nos lecteurs
La mise en ligne du présent billet a été retardée par les "indisponibilités" à répétition de la plateforme Canalblog. Je ne vous cache pas que je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) ressens une intense frustration à l'idée de tous vos "commentaires" que vous n'avez pu déposer ces jours-ci lors d'une éventuelle tentative de passage sur le blog de dasola. Frustration d'autant plus intense que nous, blogueurs, n'y pouvons mais... alors que ne s'affiche même pas toujours le message fatidique disant: "Oups! Une erreur s'est produite. Nous en sommes avertis. Si le problème persiste, contactez notre support technique"... ==

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Bref. Depuis le 7 janvier 2015, cela fait bien le dixième livre de Bernard Maris que je chronique, dans le cadre de mes "hommages du sept". Dans celui-ci, Keynes ou l'économiste citoyen, Bernard Maris nous présentait l'un de "ses" trois grands économistes. Je cite (p.57): "S'il fallait choisir trois noms dans l'histoire de la pensée économique, indiscutablement, ce seraient Marx pour sa vision du processus d'accumulation et de crise, Walras pour avoir révélé les concepts d'interdépendance des actions et d'équilibre, Keynes pour avoir introduit le déséquilibre, la monnaie et le temps en économie (et leur corollaire: l'incertitude)."

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Presses de Sciences Po, coll. La bibliothèque du citoyen, 1999, 93 pages.

Il s'agit donc d'un livre court, mais dense. Bernard Maris commence par des éléments biographiques, pour expliquer le cheminement de Keynes (1883-1946) vers sa position de "maître à penser" (théoricien, mais aussi praticien) de l'économie telle que mise en action par le pouvoir politique (notamment pour résoudre la "crise de 1929"). Fils d'enseignants universitaires, il a d'abord été un élève brillant à Eton, puis à Cambridge où il a fréquenté un certain nombre de jeunes peintres ou écrivains (qui constitueront le "groupe de Bloomsbury"), avant d'avoir un coup de foudre, vers l'âge de 21 ans, pour une jeune discipline: l'économie.

John Maynard Keynes devient rédacteur en chef de The Economic Journal en 1911, et commence à publier différents ouvrages de théorie économique. En 1919, son pamphlet Les conséquences économiques de la paix, critique du traité de Versailles rédigée en moins de deux mois, lui valent renommée et aussi aisance financière. Les grands thèmes keynésiens sont déjà présents dans ce livre. Selon Maris, ce n'est qu'ensuite qu'il devient un théoricien dont on s'inspirera (publication de sa Théorie générale en 1936). Il est intéressant d'apprendre que Keynes revendiquait un droit pragmatique au changement: "quand les circonstances changent, je change mon point de vue" (citation p.59). Au final, Keynes avait compris que le "doux commerce" et l'enrichissement mutuel apportent la paix aux nations, cependant que la concurrence sauvage (le libéralisme...) apporte la guerre, et il était donc partisan d'une régulation de l'économie. Concernant sa place dans la "vie de la cité", Maris nous signale la "défaite" qu'ont constitué les accords de Bretton Woods où, à la solution que Keynes préconisait (un système monéraire mondial basé sur une monnaie non-nationale, le "bancor") a été préférée la solution proposée par l'Américain White, à savoir l'utilisation du dollar (en principe rattaché à l'or) comme étalon international. Keynes est mort peu après. Il est bon de savoir que notre Pierre Mendes France national (né en 1907) avait lié amitié -professionnelle- avec Keynes à cette conférence de Bretton Woods. 

Le livre est divisé en 5 chapitres et 25 sous-chapitres (inégalement répartis). Je n'ai pas pris la peine de tout retenir (voire de tout comprendre) dans ce livre (après tout, un 07 à l'écrit dans la spécialité "Sciences économiques et sociales" m'a largement suffi pour obtenir mon Bac de cette année 2022). En le lisant, j'ai eu par moments le sentiment que, tout en nous présentant sa vision de Keynes (personnalité complexe), Bernard Maris y mêlait ses propres "dadas" (la place de la psychologie humaine, sinon de la psychanalyse, dans les décisions prises par les acteurs économiques et leurs conséquences). Bernard Maris n'était pas pour rien un économiste hétérodoxe. La conclusion du livre laisse à penser que Keynes aurait pu inspirer ce que les économistes "sérieux" qualifient d'"utopie".

Je vous mets la fin d'une citation, faite par Maris, de l'essai rédigé par Keynes sur son maître Marshall (ça va, vous suivez?): "(...) le maître en économie doit posséder une rare combinaison de dons... Il doit être mathématicien, historien, homme d'Etat, philosophe à un certain niveau. Il doit comprendre les symboles et parler en mots. Il doit observer le particulier en termes généraux et toucher l'abstrait et le concret du même élan de la pensée. Il doit étudier le présent à la lumière du passé et à l'usage de l'avenir" (p.83). Et encore une autre, sous forme d'une boutade pour supprimer le chômage par le crédit et l'investissement: "si le Trésor était disposé à emplir de billets de banque de vieilles bouteilles, à les enfouir à des profondeurs convenables dans des mines désaffectées qui seraient ensuite comblées avec des détritus urbains, et à autoriser ls entreprises privées à extraire de nouveau les billets selon les principes éprouvés du laisser-faire [...] le chômage pourrait disparaître [...]. À vrai dire, il serait plus censé (sic!) de construire des maisons ou quelque chose de semblable, mais, si des difficultés politiques et pratiques s'y opposent, le moyen précédent vaut mieux que rien" (p.75). Si j'ai bien compris, la monnaie doit être employée, circuler, et non être stockée et stérilisée...

J'ignore par combien de mains l'exemplaire que je possède est passé. Le même jour, j'ai acheté (d'occasion aussi) d'autres bons titres, épaves manifestes d'une bibliothèque d'intellectuel... ou de journaliste (Arnaud Spire, qui était-ce?). En tout cas, je vous invite à lire ce court essai, écrit d'une plume brillante.

Pour finir, voici quelques liens vers des blogs ayant jadis mentionné ce livre: Bernard Ligot (dernier billet en 2007), Le blog du Shadokk (dernier billet en 2008). On en trouve aussi des citations sur divers blogs spécialisés en économie, dans des hommages très érudits rendus à Bernard Maris après janvier 2015...

Lors de mes recherches, en rebondissant sur d'autres liens, j'ai fini par tomber sur un documentaire sur Bernard Maris diffusé (le 3 janvier 2016) sur Public Sénat (une cinquantaine de minutes, un peu moins d'un an après son assassinat). Vers la 18e minute, Philippe Val (ancien dirigeant de Charlie) évoque l'origine du pseudonyme d'Oncle Bernard sous lequel Bernard Maris rédigeait ses articles. Keynes est cité peu avant la dernière minute. 

Coïncidences: hier mercredi 6 juillet 2022, Jacques Littauer, qui rédige désormais les rubriques "économiques" dans Charlie Hebdo, y citait aussi Keynes, à propos des prix de l'énergie qui devraient inciter aux économies d'énergie: "(...) les prix ne peuvent pas tout. Ou, plus exactement, comme le savent les économistes keynésiens ou marxistes, le libre ajustement entre l'offre et la demande peut conduire à des situations très douloureuses". Ce même jour, Charlie a entamé la publication d'une rubrique "Un été avec Honoré", dont le dessin ci-dessous met en scène Keynes (et Marx).

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Charlie Hebdo N°1563 du 06/07/2022 (p. 8-9).

Ça me rappelle qu'il y a trois ans, j'avais eu le culot d'écrire à Riss pour lui proposer une rubrique hebdomadaire, consistant en la "repasse" commentée du dessin d'un des "anciens" dessinateurs de Charlie Hebdo, y ayant déjà été publié dans l'une ou l'autre série du journal, mais mis en lien (anachronique) avec l'actualité de la semaine courante... Je n'ai jamais eu de réponse. 

*** Je suis Charlie ***

1 juillet 2022

L'homme invisible (bande dessinée) - Pontarolo (d'après l'oeuvre de H. G. Wells) / (quelques) mots vides - N°27

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Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) vous présente aujourd'hui, dans le cadre de notre "Mois Wells" (co-organisé avec Sibylline), une adaptation en bande dessinée (en deux volumes) de l'un des romans d'H. G. Wells, L'homme invisible. Ce billet devrait pouvoir également participer au Challenge "2022 en classiques" (co-organisé par Nathalie et Blandine) et au "10e challenge de l'Imaginaire". Pour en revenir à notre Mois Wells, je rappelle que Sibylline s'occupe de répertorier les contributions concernant tout ce qui est "livres", cependant que ma partie concerne les billets sur les bandes dessinées, les films, etc.

P1150334Il n'est pas nécessaire d'avoir lu l'oeuvre de Wells pour apprécier la bande dessinée de Frédéric Pontarolo (deux volumes aux éditions du Long Bec, 74 pages chacun, parus en 2018 et 2019). Cette version de L'homme invisible en bande dessinée est bien ce qu'on appelle une "adaptation": une oeuvre dérivée d'une autre oeuvre, mais une création "à part entière" (et Frédéric Pontarolo ne s'en cache pas, sur son blog). Les trente premières pages (des planches somptueuses, mais aux couleurs ternes, tristes, volontairement) nous exposent les débuts dans la vie d'un enfant puis d'un jeune homme que sa différence (il est albinos!) fait rejeter par les autres, et en premier lieu par son père. 

P1150336 p.12 Images funêbres... deuil de l'amour paternel (ils viennent d'enterrer leur mère et épouse).

Je trouve que le dessinateur-scénariste, qui signe seulement "Pontarolo", a énormément développé les explications de la misanthropie de notre héros, Mr Griffin. C'est une déception sentimentale qui plonge celui-ci dans ses recherches après l'obtention d'une médaille en Chimie. La mise en place du vagabondage dramatique est expédié en quelques planches superbes. 

P1150337 p.22 du T.1

L'arrivée dans le village d'Iping (Sussex) intervient seulement p.32 (du 1er tome, toujours). La vie du village est fortement perturbée par cet "intrus", regardé avec suspicion par tous, y compris par sa logeuse, Mme Hall. Dessins et textes s'enchevêtrent pour expliquer (je n'ose dire de manière limpide et transparente) qui est cet homme mystérieux et ce que lui préparent les villageois (pas besoin d'être un Jérémie... comme chantait Brassens).

P1150338 p.45, réminiscence de son enfance...

Il est même soupçonné d'être... Jack l'éventreur!  Et - mobilisation générale - le voici chassé de l'asile où il avait cru trouver refuge. Fin du tome 1. 

Dans le t.2, nous voyons notre homme (toujours invisible) essayer de se trouver un assistant, quelque peu malgré les réticences de celui-ci. Mauvais choix. Il va passer les pages suivantes à se débattre contre la fatalité. Le hasard le conduit, blessé, chez son ancien condisciple aperçu dans le T.1, le docteur Kemp. Le récit qu'il lui fait de ses mésaventures occupe seulement quelques pages. Au départ, Griffin n'est pas le plus méchant de la bande. Mais la trahison le fait basculer dans la folie vengeresse. Finalement, poursuivi et pourchassé par son ancien collègue et ami, le docteur Kemp l'attire dans un nouveau guet-apens, qui sera la perte de l'homme invisible, seul contre tous et au désespoir: il se fait massacrer. Ces dernières pages sont poignantes.

P1150335 t.2, p.68-69. A quoi ces images peuvent-elles faire songer? Pour moi, à la fois à un écorché, à un gisant... et à une "descente de croix". 

Ah, il est sûr que cette version de l'invisibilité est bien différente de celles des "Comics" de mon enfance (Les Quatre Fantastiques de Stan Lee et Jack Kirby, avec Jane, la femme invisible... à la silhouette matérialisée par des pointillés - je n'ai pas souvenir que cette super-héroïne se dévêtait avant de passer en mode "invisible").

Précisons enfin que la page Wikipedia sur L'homme invisible, consultée le 1er juillet 2022, ne contient pas, à ce jour, mention de cette adaptation en bande dessinée-là (que l'on trouve, bien entendu, dans la page consacrée à Frédéric Pontarolo - dont l'adaptation de 1984 de George Orwell est citée dans la page concernant cette dernière oeuvre...).

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En parallèle, j'ai relu (une fois de plus!) mon vieux livre de poche (offert par une de mes grand-mères il y a plus de 40 ans!).

P1150340

Je cite les premières phrases du livre L'homme invisible (The invisible man, publié en 1997, traduction Achille Laurent en 1901): "L'étranger arriva en février, par une matinée brumeuse, dans un tourbillon de vent et de neige. Il venait pédestrement, par la dune, de la station de Bramblehurst, portant de sa main couverte d'un gant épais, une petite valise noire. Il était bien enveloppé des pieds à la tête, et le bord d'un chapeau de feutre mou ne laissait apercevoir de la figure que le bout luisant de son nez."

Parmi les hypothèses chuchotées par les villageois sur l'hôte mystérieux de Mme Hall est mentionnée au détour d'une page celle qu'il s'agit d'un criminel en fuite (p.34). Finalement, l'étranger se démasque (p.56)... et disparaît de l'auberge (p.65). C'est seulement à partir de la page 118 que L'homme invisible, Griffin, ancien étudiant de l'University College, va raconter son histoire à l'ancien condisciple chez qui il s'est réfugié par hasard, le docteur Kemp. Ce n'est qu'après un premier récit que celui-ci lit dans un journal la relation des mésaventures nées des précédentes rencontres de son hôte. Lors du récit, on comprend que Griffin était déjà quelque peu paranoïaque à l'idée que d'autres (son maître de thèse - ou l'équivalent anglais?) lui volent ses découvertes. Et l'on a droit à un tout autre aspect des relations père-fils que dans la bande dessinée ci-dessus. La description de l'expérience sur le premier être vivant devenu invisible (le chat) prend quatre pages (à partir de la page 150). On comprend dans quel état de folie l'inventeur a pu décider de s'appliquer son traitement à lui-même (drogue...). Devenu invisible, Griffin ne songe qu'à tirer tous les avantages possibles de cette situation ("ma tête fourmillait déjà de projets insensés et merveilleux que je pouvais dès lors mettre à exécution impunément", p.162). On ne saurait songer à tout! Or, il avait "brulé ses vaisseaux" avant d'avoir pris conscience des handicaps causés par la nudité, l'hiver... Il ne doit pas rester à Londres (trop salissant!). Son récit à Kemp, qui s'étend jusqu'à la p. 200, témoigne d'un certain manque d'empathie pour autrui (ce qui ôte tout remord... à Kemp). "Cet homme s'est mis hors de l'humanité (...) Il s'est retranché lui-même du genre humain: que son sang retombe sur sa tête!". N'oublions pas qu'un animal traqué peut mordre... Mais enfin, seul contre une contrée entière (forces "de l'ordre" comprises), fût-on invisible, c'est bientôt l'hallali.

Mon exemplaire contient aussi une "notice" biographique sur Wells signée Arlette Rosenblum (avec la liste des oeuvres de Wells, une dizaine de pages - sur 250).

L'homme invisible a déjà été chroniqué par trois des billets répertoriés chez Sibylline dans le cadre du Mois Wells. Géraldine en avait parlé il y a plus longtemps [attention, son blog fait "sonner" des antivirus?]. Voir aussi Le chien critique

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Enfin comme nous sommes le 1er du mois, je vais rajouter "quelques mots" (collectés dans la presse depuis mon billet précédent du 1er juin 2022) pour un 27e billet d'humour / humeur à propos de notre covid-19 national... dont on recommence vaguement à revoir trace dans les média, une fois les élections passées (après une phase de quasi-invisibilité...)?

Dès début juin, ça y est, c'est (re)parti en Allemagne (comme en 14?), ça nous pend au nez en France!  Peut-être que nous aussi, on se contentera d'exhorter les personnes âgées ou malades à demander un énième rappel...

Les députés et sénateurs membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) ont adopté un rapport d’étape et y regrettent une communication trop discrète sur les effets indésirables des vaccins contre le covid. 

Le covid serait bien capable de toucher le cerveau? C'est grave docteur? Comment se protéger? Le vaccin, vous êtes sûr?

Septième vague? J'ai dû en louper une... Toujours pareil, les premières victimes sont les personnes âgées, "trop peu nombreuses à ne pas avoir eu leur deuxième rappel" (oui, celui qui précède le troisième rappel, quelques mois plus tard, une fois que le deuxième ne servira décidément plus du tout à rien...). Mais bon, je crois qu'on va quand même un peu arrêter de nous emmerder, là...

La barre des deux millions de tests en une semaine de nouveau franchie (alors que cela avait baissé à un million)? Ben oui, avant de confier les enfants aux grands-parents pour les vacances... on vérifie qu'ils ne leur flanqueront pas la vérole (pardon, pas la variole du singe mais pas le covid-19 non plus, surtout!).

Bah oui, pour les personnes à risques (15 à 20 millions), ce sera une à deux piqûres par an. Pour les plus fragiles (les plus âgés ou immunodéprimés), ce devrait même être plus fréquent.

Le nouveau vaccin Moderna est cinq dois plus puissant que le précédent, paraît-il. Je suppose aussi qu'il est cinq fois moins puissant que celui qui sortira dans six mois!

Une étude estime que les vaccins contre le covid-19 auraient sauvé près de 20 millions de vies dans le monde. C'est bien!

Un vaccin allemand en spray nasal avec des résultats prometteurs, ... en Allemagne? 

Pour revenir en France, on commence quand même à nous recommander, avec le plus grand sérieux, des mesures de simple bon sens: porter le masque dans les transports en commun, et dans les espaces clos. Mais rien d'obligatoire (juste un appel aux personnes les plus à risque ou aux non-vaccinés). On nous fait donc confiance. Ça me va!

Maintenant, la maladie à la mode, ça va être la viariole du singe. Variole du singe par-ci (10/06/2022), variole du singe par-là...  Ca commence tout doucement, et un peu comme le SIDA dans ses débuts... On en reparle dans 10 ans (si on est encore là)? 

26 juin 2022

Un rêve d'Armageddon / La porte dans le mur - H. G. Wells

wells_NOIR   2022-en-classiques-Logo1   10e_ChallengedeLImaginaire  Le-Mois-anglais-2022

Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) présente aujourd'hui le dernier des quatre volumes que j'avais achetés au mois de mai, spécifiquement pour le "Mois Wells" (co-organisé avec Sibylline). Il peut également participer au Challenge "2022 en classiques" (co-organisé par Nathalie et Blandine) et au "10e challenge de l'Imaginaire" (de Ma lecturothèque). Il s'agit d'un petit "Folio" à deux euros (N°4048, premier DL dans la collection en 2004), de 109 pages, qui regroupe deux nouvelles, Un rêve d'Armageddon, précédé de La porte dans le mur.

P1150327La porte dans le mur, la nouvelle qui ouvre le livre, compte 38 pages et date de 1906 (trad. française en 1914). Le narrateur retranscrit le récit que lui fit, quelque trois mois auparavant, son ami Lionel Wallace. C'est un peu comme dans Le grand Meaulne: toute sa vie, Lionel a regretté un séjour que, enfant, il aurait fait dans un jardin enchanteur, en franchssant une "porte dans un mur". Mais cette porte-là ne se laisse pas retrouver facilement... Et de recherches vaines en occasions ratées, Wallace a réussi sa vie professionnelle tout en nourrissant un regret au fond du coeur pour ce qui aurait pu se passer si... 

La chute est inattendue et sujette à diverses interprétations. 

La seconde nouvelle, Un rêve d'Armageddon (qui donne son titre au volume), est plus longue (57 pages). Ici aussi, il est question d'un décalage entre vie vécue et vie rêvée. L'Armageddon dont il est question (la fin du monde, l'écroulement d'une civilisation) se déroule dans un univers alternatif, que le personnage principal (qui raconte son histoire au narrateur-témoin) rejoint lorsqu'il n'est plus en état de veille. Il s'avère que, homme d'Etat à fort potentiel, il a fait le choix de cultiver son petit jardin de l'amour, en abandonnant les hautes fonctions auxquelles il était destinées en tant que leader charismatique. Et, quand les tempêtes politiques se lèvent, il refuse de reprendre la barre. Le génie de Wells est ici, à mon avis, de nous faire toucher du doigt le point de basculement entre un moment où une situation pourrait être rattrapée par la bonne personne agissant au bon endroit et au bon instant, et les temps suivants, où personne ne peut plus arrêter une marche inéluctable des événements lorsque le chaos est en marche. Wells lui-même a connu deux guerres mondiales, rappelons-le. Cependant, je dois préciser que, contrairement à ce que j'ai pensé à première lecture, cette nouvelle est bien antérieure à la première ou à un rôle de "guide intellectuel" dont Wells a pu rêver un temps: en effet, elle date de 1901 (et a été traduite en français dès 1906). 
La fin de cette aventure est d'un cruel réalisme. Univers "rêvé" pour univers "rêvé", celle-ci m'a davantage "parlé" que la précédente. 

J'ai trouvé en cherchant sur internet plusieurs billets de blogs présentant ce petit livre, mais la plupart ont plus d'une douzaine d'années et les blogs sont rarement encore actifs. Certains en disent davantage que moi (en voici quelques-uns, à vous de voir!): Decifer (2008), Illman (2010), Pikachu (2010). On peut lire une bonne présentation d'Un rêve d'Armageddon dans La bibliothèque de Gloubik (qui n'est pas exactement un blog!), il en propose même le téléchargement en .pdf!

PS: hier, je me suis offert encore deux livres d'H. G. Wells que je n'avais encore jamais lus (ci-dessous). Je pense qu'ils fourniront matière à deux des six ou sept billets que j'espère avoir le temps de rédiger d'ici la fin de notre Mois Wells au 31 juillet 2022 (mois qui porte sur ses livres, ses biographies, les adaptations d'oeuvres au cinéma, en bande dessinée, les "continuateurs" et "suites" de ses oeuvres, ...).

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Edit du 9 juillet 2022: je rajoute rétrospectivement le logo du "11e Mois anglais 2022"... qui avait lieu en juin!

21 juin 2022

Les vaisseaux du temps - Stephen Baxter / La machine à explorer le temps - H. G. Wells

wells_NOIR   10e_ChallengedeLImaginaire  logo-SSW-Obi-Wan-Kenobi   2022-en-classiques-Logo2  Le-Mois-anglais-2022

J'ai (ta d loi du cine, squatter" chez dasola) demandé aux deux blogueuses avec qui je me suis engagé en LC à pouvoir publier le présent billet ce 21 juin (et non le 20), afin que je sois en mesure de l'inscrire au 13e Challenge Summer Star Wars - Obi-Wan Kenobi proposé par le RSF Blog du 21/06 au 23/09/2022. Bien entendu, mon présent billet participe aussi à notre "Mois Wells" (co-organisé avec Sibylline) ainsi qu'au Challenge "2022 en classiques" (co-organisé par Blandine et Nathalie) et au "10e challenge de l'Imaginaire" (de Ma lecturothèque). 

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Les vaisseaux du temps - Stephen Baxter / La machine à explorer le temps - H. G. Wells

Qu'est-ce donc que la LC dont je parlais plus haut? Dans le langage des blogs, une LC (pour "lecture commune") a pour objectif la rédaction de billets sur une même oeuvre dans la même "fenêtre de tir". Mais comme je voulais attendre le début officiel du Summer Challenge Star Wars cité ci-dessus, j'avais demandé à Keisha [Edit: billet publié le 23 juin] et A_girl_from_Earth [Edit: billet publié le 28 juin], lorsqu'il s'est avéré que nous pouvions prévoir une LC concernant Les Vaisseaux du Temps de Stephen Baxter, si je pouvais publier mon billet seulement aujourd'hui. 

Les vaisseaux du temps a été rédigé comme une suite de La machine à explorer le temps d'H. G. Wells, suite imaginée par Stephen Baxter et publiée en 1995 (trad. française 1998). Ce roman rentre, à mon avis, dans le cadre du "planet opera" puisqu'il montre des "tranches de vies" sur notre planète terre en différents temps et lieux (et même davantage). Même si le présent billet porte principalement sur le livre de Mr Baxter que je n'avais encore jamais lu, je dirai quelques mots en fin de billet sur l'oeuvre d'origine, que j'ai relue en vitesse pour me remémorer les péripéties auxquelles le héros fait allusion. Après ces loooongs préliminaires, passons aux oeuvres elles-mêmes.Viasseaux_du_temps

A peine de retour dans son siècle d'origine, le "voyageur du temps" (non nommé dans l'oeuvre d'H. G. Wells) prend juste le temps d'une courte "remise en condition" avant de se dépêcher de repartir vers l'avenir qu'il croit avoir déjà connu, afin d'y modifier l'issue de ses malheureuses aventures. Bien entendu, en 634 pages (édition Le Livre de poche), rien ne se passera comme prévu.

Les "êtres du futur" qu'il rencontre ne sont pas ceux qu'il a connus lors de son tout premier voyage. C'est accompagné de l'un d'eux qu'il entamera une longue errance à travers les paradoxes temporels jusqu'à leur résolution (non sans être quelque peu aidé pour cela).

Son contact avec un "érudit" de cette civilisation-là n'est pas sans rappeler le "reportage" du professeur Cavor sur les Sélénites (dans Les premiers hommes sur la lune d'H. G. Wells). Il m'a également évoqué tel ou tel des Voyages de Gulliver. Par ruse, notre "voyageur" arrive à sauter sur sa machine pour repartir... non sans embarquer, à l'insu de son plein gré, le malheureux Nebogipfel! Mais l'intelligence de celui-ci lui permet de comprendre que le simple fait de "voyager" dans le présent ou le futur a modifié ceux-ci (comme disait déjà le philosophe grec, "on ne se baigne jamais deux fois dans la même eau"). Tout le roman est donc axé sur différences étapes uchroniques en lien, en cherchant à résoudre ce paradoxe temporel initial. Parti de 1891 (paraît-il), le héros est retourné vers l'an 1873, afin de se rencontrer lui-même, jeune et avant d'avoir construit sa machine. Celui-ci lui raconte (ce qu'ignore le lecteur) comment il a réussi à faire fonctionner celle-ci, grâce à une substance mystérieuse (qui n'est pas sans rappeler la "cavorite" du professeur Cavor dont j'ai parlé ci-dessus).

Peu après, une "autre" machine temporelle vient les capturer (l'explorateur N°1, son lui-même jeune, l'érudit des siècles futurs...), pour les emmener en... 1938 (troisième étape!), dans un univers en pleine guerre, alors que l'ennemi, pense-t-on, va lui-même acquérir la maîtrise du voyage dans le temps et tout détruire... Ennemi qui fait la preuve de sa puissance, et les contraint à chercher refuge, avec quelques soldats de 1938 (mais sans son malheureux jeune double), aux temps préhistoriques, dans le Paléocène. Heureusement, cette armée est mixte. Car, durant plus d'une centaine de pages, nos "robinsons du temps" vont s'évertuer à "reconstruire l'humanité", à partir de leur groupe de quelques dizaines d'hommes et femmes... (une robinsonnade qui se lit agréablement en elle-même). Notre explorateur, nouvel Enée, s'en arrache pourtant - car tel est son destin! - pour un nouveau retour vers le futur. Là, il va croiser des êtres "parfaits" (à peu près comme les robots d'Asimov). Avec leur soutien, notre explorateur va pouvoir "boucler la boucle" pour remettre son monde dans le bon ordre, et - il est obstiné, le bougre! - mener à bien la mission qu'il s'était donnée à la fin du roman d'H. G. Wells. 

J'ai relevé quelques "références" que Mr Baxter s'est manifestement amusé à glisser dans son livre. On entendu d'ailleurs parler d'un certain Orwell au détour d'une page, et tel ou tel univers n'est pas sans évoquer 1984. Plus subtilement, il est aussi question de "La guerre dans les airs", qui se serait déclenchée plus tard (en... 1914), et aurait tournée différemment en 1918. Notre explorateur du temps croise lors de son séjour en 1938 un ingénieur nommé Wallis (oui, celui qui a inventé les Tallboys et autres bombes classiques géantes "dans la vraie vie"), qui, ici, est très intéressé à découvrir, au profit de l'Angleterre impériale, le secret de la machine à voyager dans le temps, qui pourrait bouleverser le cours de cette guerre éternelle. Mais à quelles fins? Il ne semble pas afficher des idéaux très démocratiques (p.275). A se demander si Mr Baxter veut faire passer un message... 

Pour finir, voici quelques liens vers des blogs qui avaient parlé des Vaisseaux du Temps bien avant que germe l'idée de notre Mois Wells

AsmoderolleBardalyves (dernier billet en 2020), Bibiotrope (qui note assez sévèrement le livre), le blog Le chien critiqueFaenor, Rachel17.

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Maintenant, je voudrais aussi dire quelques mots de l'oeuvre "originelle". Encore une occasion de re-parcourir le vieux "Poche" qui figure à "W" dans ma pochothèque depuis 1982.

P1150314J'avais déjà montré la couverture de ma vieille édition de La machine à explorer le temps dans un billet précédent. Notre roman du jour y couvre les pages 7 à 191 (sur 437). Dans ce court roman publié en volume en juin 1895 en Angleterre (après avoir été publiée en feuilleton de janvier à mai 1895) Wells se donnait sans doute le personnage de l'Ecrivain. Il semble que la première idée sue ce thème lui était venue en 1888, mais Wells a racheté pour les détruire tous les exemplaires disponibles de sa première version. Le livre est traduit en français dès 1895 pour Le Mercure de France, et devient un classique de la littérature d'anticipation, pessimiste comme presque toujours chez Wells. 

Un hôte, après avoir régalé ses habituels convives, leur présente sa théorie sur ce qu'il nomme la quatrième dimension: le Temps. Puis, après les avoir "épatés", il les convie à un prochain rendez-vous chez lui, à Richmond. ils s'y retrouvent à 4 ou 5 le jeudi suivant (8 jours plus tard), mais doivent dîner sans leur hôte. Celui-ci ouvre soudain la porte... dans un état qui les étonne. Il leur promet de tout leur raconter une fois qu'il se sera changé et restauré. Le récit commence p.38.

Grâce à la machine qu'il a inventée, il a... exploré le temps. En fait, il a atterri en l'an huit cent deux mille sept cent un, dans le futur (il avait muni sa machine de cadrans susceptibles de lui fournir cette information). Et, "en ce temps-là", il a fait la connaissance des frêles et gentils Elois vivant à la surface de la terre, et des Morlocks, vivant sous terre, qui élèvent les précédents comme nous élevons du bétail... Après de tristes aventures, il a encore poursuivi sans véritable but son voyage vers le futur, avant de revenir vers "son" présent, à temps pour croiser ses convives. Mais... il repart (et le roman de Wells finit par un épilogue "philosophique" de deux pages, cependant que le chapitre qui le précède se finit comme suit: "L'explorateur du temps disparut il y a trois ans, et, comme tout le monde le sait maintenant, il n'est jamais reparu". 

Je crois qu'on a dû déjà proposer une grille de lecture assimilant les gentils Eloïs à la bourgeoisie intellectuelle "parasite" et futile, et les Morlocks, tapis dans l'ombre, au prolétariat qui fait "fonctionner le système"...

Voici quelques blogs qui ont évoqué, plus ou moins récemment, ce roman d'H. G. Wells (liste non exhaustive, classement par ordre alphabétique): 

A girl from Earth, Le blog l'Antre de la curiositéDona SwannFaenor (encore), KeishaLorkhan, Marc, auteur des Chroniques du chroniqueurNoctenbulleOcéanePeluche0706 du blog Le temps de la lecture, Steven sur Maven Litterae, les Blablas de Tachan.   

Edit du 9 juillet 2022: je rajoute rétrospectivement le logo du "11e Mois anglais 2022"... qui avait lieu en juin!

16 juin 2022

Le bureau des affaires occultes - Eric Fouassier / Disparition d'Avraham Yehoshua (1936-2022)

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Avant de partir en Sicile, j'ai lu avec plaisir Le bureau des affaires occultes d'Eric Fouassier (Le Livre de Poche, 431 pages). Cette histoire policière se passe à Paris en 1830, à l'avènement de Louis Philippe, roi des Français. Valentin Verne, un jeune inspecteur de police féru de médecine et de chimie, est appelé sur le lieu d'une mort suspecte. Lucien Dauvergne, l'héritier d'une riche famille, devait se fiancer et puis épouser une jeune fille de dix-sept ans, riche héritière elle aussi. Lucien aspirait à être poète plutôt que de s'occuper de la bonne marche d'une manufacture. Lucien, après s'être regardé dans un miroir, se jette par une fenêtre donnant sur la cour de l'hôtel particulier où il vivait avec ses parents. Cette mort est inexplicable car Lucien n'était pas suicidaire. La soeur du mort demande à Valentin de mener son enquête dans les milieux républicains. Il était membre d'une confrérie secrète dont faisait aussi partie Evariste Galois. Valentin va être aidé dans son entreprise par une actrice qui tombe sous le charme de l'inspecteur. François Vidocq, encore en activité dans le secteur privé, se sert de son réseau de renseignements pour donner des infos à Valentin. Ce dernier est un policier solitaire dont on découvre l'enfance mouvementée à cause d'un criminel nommé le Vicaire que Valentin n'a de cesse de traquer. Le roman s'achève en point d'interrogation: Valentin va-t-il trouver le Vicaire? Je me suis procurée le deuxième tome. Je n'ai plus qu'à le lire.

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Je profite de ce billet pour rendre hommage à Avraham Yehosha, un écrivain israélien que j'avais découvert il y a presque 20 ans avec La mariée libérée (2001), très bien. Depuis, j'avais lu Un feu amical (2008) et Le Directeur des Ressources Humaines (2005). C'était un contemporain d'Amos Oz dont il était proche. 

15 juin 2022

Enfants des étoiles - H. G. Wells

wells_NOIR   2022-en-classiques-Logo1   10e_ChallengedeLImaginaire Le-Mois-anglais-2022

Enfants des étoiles est déjà le troisième des quatre livres que je (ta d loi du cine, squatter" chez dasola) me suis procuré il y a quelques semaines dans le cadre de notre "Mois Wells" (co-organisé avec Sibylline). Je l'inscris aussi au Challenge "2022 en classiques" (co-organisé par Nathalie et Blandine) et au "10e challenge de l'Imaginaire" (de Ma lecturothèque).

Star Begotten est paru en 1937 et a été traduit en français par Armand Pierhal en 1939. Ce petit Folio (N°1572) compte 152 pages.

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Non, cette illustration signée Philippe Poncet de La Grave ne représente pas un personnage portant un masque au concombre (contrairement à ce que l'on peut croire à première vue).

Les titres des 10 chapitres que compte Enfants des étoiles m'ont un peu fait penser à certaines oeuvres de Jules Verne. Je crois savoir qu'il est arrivé à Wells de se comparer à son devancier français, mais en insistant sur le fait que lui-même (Wells) s'intéressait davantage aux conséquences sociales du progrès technologique dans sa littérature "d'anticipation". Côté humain, justement, le premier chapitre, Mr. Joseph Davies est bien perplexe, nous montre un enfant (puis un jeune homme) confronté à une bonne éducation anglaise et à ses premières interrogations sur l'ordre établi (Dieu et la religion, l'ordre social, l'Empire britannique...), avant d'entamer une carrière d'intellectuel. Mais ce, bien davantage pour s'occuper (l'esprit) que par nécessité de gagner sa vie (contrairement à notre auteur dans sa vraie vie - il ne mangeait pas toujours à sa faim dans sa jeunesse, paraît-il). Incidemment marié, bientôt parent, il se plonge dans moult interrogations. Peut-être cette perplexité est-elle liée à l'angoisse de la paternité (fils conducteurs...). En tout cas, les pas de notre héros l'amènent vers le Planetarium Club. Dans ce cénacle (second chapitre), Mr. Joseph Davies entend parler des rayons cosmiques.

Rassurez-vous, je ne vais pas vous infliger le titre de tous les chapitres, ni vous raconter ligne à ligne le roman. Qu'il vous suffise de savoir que de brillants esprits, chacun expert en son domaine, vont faire assaut de vulgarisation à propos d'une théorie, peut-être farfelue, expliquant le développement d'esprits contestataires (notamment les "surdoués" capables de "ruptures", comme on dirait aujourd'hui): et si les Martiens cherchaient à faire évoluer les Terriens? Il m'a paru que, jusqu'à la fin du roman, les différents locuteurs constituent presque des "caractères" à la La Bruyère, des "types". Wells sort de son chapeau le personnage dont il a besoin au moment où il en a besoin (parution en feuilleton, aussi, ou pas?). Les "discussions" sont bien plutôt des successions de monologues par des "spécialistes" qui abordent une même question sous leur angle à eux (en faisant parfois questions et réponses). Du coup, je ne saurais trop dire si Wells lui-même ne pourrait pas être représenté par un peu tous les personnages qui interagissent ou dialoguent ensemble dans ce roman. Je l'imagine bien s'identifier, à différents âges de la vie, à un gamin, un journaliste, un directeur d'école, un docteur, un conférencier, un coureur, un mari, un futur papa... Je me suis encore amusé à relever que le gynécologue de la femme de notre héros pratique la maïeutique envers celui-ci (p.132).

Au final, on se retrouve avec la "photo" intéressante d'une certaine société. La place de la femme, dans ce roman pourtant visionnaire sous plus d'un aspect, fera sans doute hurler les féministes de 2022... Si, à l'époque où écrivait Wells, on pouvait constater l'existence d'un retard éthique et social par rapport au progrès matériel (p.111), celui-ci a-t-il (ou non) été rattrapé de manière adéquate depuis? N'oublions pas non plus le contexte de la rédaction de cette oeuvre, la marche à la guerre... Hitler (p.116), Goering, Mussolini sont nominalement cités, cependant que l'antisémitisme se voit légèrement abordé (p.85 "un léger parfum d'antisémitisme"...). Il est à noter qu'une des incarnations de Wells recommande expressément le dictatoricide (p.128)! Notre auteur survole son époque comme un "témoin", qui, peut-être, cherche à provoquer son lecteur: "à peine aviez-vous dit qu'une certaine chose était irréalisable, vous la voyiez réalisée" (p. 61), en traitant dans son sujet d'un glissement (visionnaire?) du plausible vers le probable.

Sans en dire davantage, je terminerai en résumant, de manière abrégée, un dialogue (dont la version complète figure p.142):

- Etes-vous sûr que le monde, après quelques décades troublées, un siècle ou deux, au plus, deviendra raisonnable?
- Non!
- Mais vous n'êtes pas non plus sûr du contraire?
- Non plus!

Et j'ai moi-même encore de nombreuses interrogations après lecture. Par exemple, je me demande si ce vulgarisateur de Wells rebondissait sur un article réel, ou pas, quand il a rédigé cet opuscule. Je m'interroge aussi pour savoir s'il ne serait pas possible de tirer de ce livre un bon sujet de Philosophie pour le Bac. Je ne vous ai même pas parlé des Martiens. Ils semblent pourtant omniprésents dans ce livre (disons qu'il est fait mention p.108 d'associations promartiennes ou antimartiennes). Mais je ne sais pas si Erwelyn avait déjà eu connaissance de ces Martiens-là, méconnus, sous la plume d'H. G. Wells?

Pour conclure et ouvrir sur d'autres sujets, je dirai que j'aimerais bien chroniquer aussi quelques adaptations en BD d'H. G. Wells: encore faut-il que j'arrive à y avoir accès!

Edit du 9 juillet 2022: je rajoute rétrospectivement le logo du "11e Mois anglais 2022"... qui avait lieu en juin!

7 juin 2022

Bonne fête Nicolas - Catherine, Cabu, Charb, Jul, Luz, Riss, Tignous, Wolinski

Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) sors ce mois-ci de ma besace un petit bouquin plutôt politique... datant d'il y a déjà trois législatures. Rappelons, pour ceux qui ont voté pour la première fois en 2022 (aux Présidentielles), qu'en 2007 Nicolas Sarkozy (UMP) avait gagné contre Ségolène Royal (PS). Je ne sais pas si, lorsque en février 2007 il avait soutenu Charlie Hebdo dans le procès concernant la publication des "caricatures" (comme évoqué ici), il s'attendait à avoir les honneurs, à peine 9 mois après, une fois devenu Président, d'un recueil constitué d'une sélection gratinée des dessins satiriques le visant.

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Ce recueil de dessins, Bonne fête Nicolas, a donc été publié en novembre 2007 (il y a un peu moins de 15 ans / trois quinquennats). Comme le dit la page de garde, "les dessins rassemblés dans cet ouvrage ont été majoritairement publiés dans Charlie Hebdo, ainsi que dans Le Canard enchaîné et Le Journal du Dimanche."

Il ne comporte aucune pagination, mais j'ai compté (à la main!) 126 pages, et au moins autant de dessins: si certains "bandes dessinées" en occupent deux ou trois, plus nombreuses (9) sont les pages à contenir deux dessins, parfois de deux dessinateurs différents. Je vous ai mis ci-dessous certains de ceux qui me font le plus rigoler. J'ai aussi assouvi encore une fois ma manie de compter les dessins, et j'en ai trouvé 26 de Charb, 23 de Jul, 18 de Luz, 17 de Catherine, 14 de Riss et autant de Tignous, 12 de Cabu et 4 de Wolinski (avec toujours le biais que le style de Wolinski comporte surtout des "planches" composées de plusieurs vignettes avec un texte abondant). Je suppose qu'il s'agissait d'un recueil sans autre prétention que de faire rire, et pas forcément de prendre date pour être relu encore quinze ans après? 

Comme promis, voici quelques dessins savoureux (à mon avis). Je pensais à un échantillonnage d'au moins 8 dessins (un de chacun), mais je m'aperçois que certains auteurs me font davantage rire que d'autres. Peut-être que ça en dit davantage sur mon humour à moi que sur celui de chacun de nos huit dessinateurs?

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Aujourd'hui, seul Riss est toujours à Charlie Hebdo. Catherine et Luz ont quitté le journal en 2015, après l'attentat du 7 janvier lors duquel Cabu, Charb, Tignous et Wolinski (entre autres) ont été assassinés. Quant à Jul, il ne travaillait plus pour l'hebdomadaire depuis 2010 (ou environ). Il trace aujourd'hui son sillon dans des contes et récits d'une mythologie grecque ou d'une préhistoire aux saveurs contemporaines, via deux célèbres séries BD déclinées en dessins animés télévisés.

Enfin, en cette année 2022, récemment, j'avoue ne pas avoir pu m'empêcher de ricaner quand la presse a annoncé que Valérie Pécresse avait refusé le don de 2000 euros fait par Nicolas Sartkozy pour combler le déficit dû au fait qu'elle n'a pas atteint les 5% des voix à la présidentielle. Ces gens-là s'adorent, messieurs-dames!

*** Je suis Charlie ***

5 juin 2022

Miss Waters - H. G. Wells / La sirène des pompiers - Hubert & Zanzim

wells_NOIR   2022-en-classiques-Logo1   10e_ChallengedeLImaginaire Le-Mois-anglais-2022

Je (ta d loi du cine, squatter" chez dasola) continue notre "Mois Wells" (co-organisé avec Sibylline) avec un roman publié en volume en 1902 par H. G. Wells, Miss Waters. Je l'inscris aussi au Challenge "2022 en classiques" (co-organisé par Nathalie et Blandine). L'autre ouvrage présenté dans ce billet (une bande dessinée) n'a pas de lien direct avec H. G. Wells, mais je l'avais acheté il y a déjà quelques mois, et j'ai trouvé que son sujet donnait un bon écho au premier livre. Les deux oeuvres peuvent figurer au "10e challenge de l'Imaginaire" (de Ma lecturothèque).

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Voici donc le Folio n°1559 (mon édition date de 1984), et un album de BD.

P1140477Miss Waters, c'est l'identité qu'adopte, pour s'intégrer dans une bonne famille anglaise, la sirène que le père et le fils de la maison croient initialement avoir sauvée de la noyade. La description des dispositions matérielles prises pour gérer cette situation incongrue (une sirène chez des humains!) est intéressante. Mais en fait, celle-ci a des vues sur le fiancé d'une invitée de la famille qu'elle avait aperçu sur le rivage... (vous suivez?). Celui-ci est en voyage, mais dès son arrivée... Séduction! Scandale! Rupture! Echanges de lettres! Le jeune homme laisse tomber le destin tout tracé que lui avait préparé sa propre famille - quelque peu étouffante (une bonne alliance matrimoniale, une candidature à la Chambre des Communes...), et cela pour une "créature". Et c'est le "cousin du narrateur", un certain Melville (!), qui est chargé de s'entremettre (de séparer la main et la nageoire), sans trop savoir comment s'y prendre, ni même de quel droit...

Pour ma part, autant j'ai apprécié la partie avec de l'action concrète (au début) ou de l'humour (en gros, la première moitié du livre), autant la partie des angoisses philosophiques, avec des non-dits, des hésitations, des phrases inachevées pleines de sous-entendus où chacun peut ou doit restituer ce qui reste éventuellement informulé, m'a un peu ennuyé. C'est nonchalant, il ne se passe pas grand chose. Unetelle parle à untel pour le charger de parler à une tierce personne... Les états d'âmes de la bonne société du XIXe siècle ou du début du XXe, ce n'est pas trop mon truc. Franchement, j'ai eu l'impression que Wells s'amusait un peu, ici, à tirer à la ligne en faisant confiance à l'imagination de ses lecteurs. Mais bon, peut-être des lectrices de livres anglais que je n'ai pas lus (Jane Austen? Les soeurs Brontë?) seraient-elles davantage amenées à rêver sur ces pages, sur les difficultés de l'entente entre personnes de milieux si divers? On peut aussi se demander si Wells, qui n'a pas eu une vie sentimentale extrèmement rangée, ne se défoulait pas, en quelque sorte, dans les situations incongrues de ce livre... Il faudrait que je lise une de ses biographies pour en savoir davantage.

En tout cas, le roman est paru en feuilleton en 1901 (fin de l'époque victorienne, donc) et a été traduit en français dès 1906.

Edit du 26/06/2022: je viens juste de (re)découvrir que Praline en avait parlé en 2007. J'ai l'impression que les moteurs de recherche répertorient de plus en plus mal les blogs (au prétexte de "protection des données personnelles"?).

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La bande dessinée La Sirène des Pompiers nous dépeint une autre sirène, qui vit aussi la plus grande partie de son aventure terrestre durant la Belle époque, mais en France (native de Bretagne, elle "remonte" à Paris par la Seine). Hubert (scénariste, décédé en 2020) et Zansim (dessinateur) ont collaboré sur de nombreux albums (en plus de celui-ci, je n'ai lu que Peau d'homme, paru en 2020, et une réédition de L'Ile aux femmes [1ère éd. 2015]).

P1140476La sirène... a été publié en 2006. L'album met en scène une  jeune sirène inadaptée (outre qu'elle meurtrit les oreilles de ses soeurs en chantant comme une casserole, elle ne prend pas sa queue en regardant les marins attirés se noyer entre ses bras). Soupirant à la lecture de magazines des épaves récentes, elle ne rêve que falbalas parisiens et danses de bals... Mais prenons les choses dans le bon ordre: qui est le pompier? Raté, ce n'est pas un bon samaritain, ni son sauveur. A l'arrivée de la sirène (jamais prénommée) dans nos eaux, Gustave Grelinet lui tombe littéralement dans les bras. Et c'est elle qui fera bouillir la marmite. Indépendante financièrement, elle commence par jouer la mécène auprès de l'homme qu'elle s'est appropriée (artiste peintre qui cherche... le succès), avant d'encourager d'autres peintres dont la peinture lui "parle" davantage. Endosser sa "peau de femme" ne s'avère pas si facile (foutue queue!). Comme chez Wells, nous retrouvons une chaise roulante, diverses astuces vestimentaires pour dissimuler l'appendice, et la servante dévouée. Et si les personnages masculins accumulent les destins tragiques - parfois entre les bras de notre créature -, la fin de l'album (de notre temps) reste ouverte.

Ci-dessous quelques pages de la BD, pour vous en donner une idée. L'album compte 62 planches + une dizaine de pages de présentation de "l'oeuvre de Gustave Grelinet". Cliquez sur les vignettes pour les agrandir.

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P1140473 p.40-41

L'ancien blog de Yuko en avait parlé. Vous pouvez aussi lire un avis sur le blog BloCoLi.

Enfin, je signale que j'ai en vue une "lecture commune" du livre Les vaisseaux du temps de Stephen Baxter, suite de La machine à explorer le temps d'H. G. Wells.

Edit du 9 juillet 2022: je rajoute rétrospectivement le logo du "11e Mois anglais 2022"... qui avait lieu en juin!

30 mai 2022

L'extinction de l'espèce humaine - H. G. Wells

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Bon, décidément, ce n'était pas un optimiste, H. G. Wells. Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) m'en suis aperçu en lisant le plus court des livres que je me suis récemment offerts, L'extinction de l'espèce humaine (Petite Biliothèque Payot classiques N°1081, 2018). Il ne s'agit pas vraiment de fiction, mais plutôt de considérations sur un avenir qui, à chaque fois, apparaît inéluctable... et peu désirable.

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Ce petit livre correspond à un recueil de cinq articles écrits entre 1891 et 1896 et publiés dans quatre journaux, revues ou magazines différents, en parallèle à ses oeuvres romanesques les plus connues. Des articles, Wells en a écrit plus de 200 entre 1887 et 1898, la plupart sous pseudonymes, selon la "note de l'éditeur" qui introduit l'ouvrage. J'inscrirai en tout état de cause ce recueil d'articles "inédits en français" tant dans le "Mois Wells" (co-organisé avec Sibylline) que dans le challenge "2022 en classiques" (co-organisé par Blandine et Nathalie). 

* Régression zoologique propose un paradoxe intéressant, en prenant appui sur la biologie et les similitudes de différentes espèces au stade embryonnaire, avant spécialisation des cellules et des organes (atrophie de ceux qui seront inutiles à telle ou telle espèce). En très gros, on peut retirer de ces 21 pages que nous sommes, nous humains, des poissons dégénérés, puisque nos ancêtres ont été "contraints" de s'adapter à la terre ferme. La preuve que le poisson est plus évolué que l'homme, selon Wells, est symbolisé par l'impossible capture des truites (ouf, un peu d'humour anglais!). Je retiens surtout ce que Wells rappelle, à savoir le bref laps de temps (aux échelles géologiques...) qui sépare l'apparition, le développement et la domination d'une espèce sur les autres, de sa disparition...
Avertissement sans frais: notre futur remplaçant n'est sans doute pas très loin de nous.

* À propos d'extinction rappelle, lui, que seuls les fossiles ont gardé le souvenir de tant de terribles lézards restés sans descendance. Plus proche de nous, il cite également les dégâts causés sur ce qu'il n'appelle pas encore les "écosystèmes" par le déferlement de l'homme civilisé (?) aux quatre coins du monde: dodo, bison, animaux endémiques d'Australie et de Nouvelle-Zélande... L'article finit par une image frappante: les deux derniers hommes présents sur terre à la suite d'une pandémie - puis le dernier, qui reste seul.
Cela m'a une fois de plus donné envie de relire La mort de la terre, écrit par Rosny ainé en 1912, près de deux décennies plus tard.

* L'homme dans un million d'années prévoit deux évolutions parallèles: celle de l'homme, qui abandonne peu à peu tout ce qui est contingences matérielles pour ne plus devenir qu'un cerveau dans une grosse tête dont la bouche minuscule n'absorbe plus que des liquides nutritifs, et celle de notre planète. Cette dernière refroidit, de sorte que nos lointains descendants sont amenés à se réfugier dans des galeries de plus en plus profondes sous la surface terrestre. Au passage, quelques pages anticipent presque le passage par le véganisme (l'abandon de la consommation de viande crue d'abord, des autres "fruits de la terre" ensuite), avant que l'Homme, n'ayant plus "besoin" d'autres créatures vivantes que lui-même, reste l'unique espèce sur terre. Et, là, le "penseur" (l'auteur) frissonne et quitte son rêve éveillé!
Cette fois-ci, c'est à l'épisode Echecs sur Mars du cycle de John Carter (des "êtres-cerveaux" qui se servent de "corps sans têtes" - des "animaux" bipèdes qu'ils contrôlent - pour se déplacer) que l'article m'a fait penser.

* L'extinction de l'espèce humaine imagine, non sans talent, l'homme confronté plus ou moins soudainement à une espèce qui progresse de manière inopinée (éventuellement en profitant d'une "erreur" de l'espèce humaine) pour sortir de sa niche écologique: les pieuvres (avec référence à Victor Hugo!), les fourmis légionnaires (évitons d'exterminer leurs prédateurs naturels!), ... ou - prémonition? - un germe inconnu (une maladie inédite) qui provoquerait une pandémie cataclysmique susceptible d'exterminer toute l'humanité.
Rappelons aux lecteurs contemporains que ce livre est paru chez Payot en 2018 (et non en 2020).

* De l'intelligence sur Mars prétend prouver, en s'appuyant sur la multitude de facteurs qui interviennent dans l'évolution des espèces, qu'il est rigoureusement impossible qu'existent sur la planète Mars des êtres conscients comparables aux humains. Ces 7 pages achèvent un peu abruptement le recueil.
Je relèverai juste que cet article-là a été publié le 4 avril 1896, tandis que La guerre des mondes l'a été en 1898.

J'espère avoir quelque peu attisé la curiosité de ceux qui, comme moi, n'avaient jamais lu d'articles de Wells, mais seulement ses oeuvres romanesques les plus connues. Je citerai enfin les quelques mots qui terminent la présentation en 4ème de couverture: [Wells] "fut un grand penseur du posthumanisme, annonçant la fin d'une espèce humaine dépassée par ses propres inventions". 

25 mai 2022

La guerre dans les airs - H. G. Wells

wells_NOIR   2022-en-classiques-Logo1   10e_ChallengedeLImaginaire

Je (ta d loi du cine, squatter" chez dasola) commence à mon tour (après son billet à elle) le "Mois Wells" (co-organisé avec Sibylline) en piochant dans ma bibliothèque un titre un peu moins connu que les plus emblématiques d'Herbert George Wells, La guerre dans les airs. Et cela me permet d'inscrire aussi ce billet pour poursuivre mes participations aux challenges "2022 en classiques" (co-organisé par Nathalie et Blandine) et au "10e challenge de l'Imaginaire" (de Ma lecturothèque).

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La guerre dans les airs (Folio N°1549, 375 pages), c'est celle que l'on voit se livrer les nations dites "civilisées", lors d'un suicide collectif des civilisations qui se produit dans une de ces "anticipations" dont Wells a fait son miel. Il s'agit pour moi d'une relecture, puisque je m'étais offert ce livre en 1985. Quelques décennies de lectures après, j'y ai trouvé une multitude de réminiscences littéraires. En ce qui concerne les dates, le texte contient quelques allusions aux années 1906 et 1907 (année de sa rédaction, sachant qu'il a été publié en feuilleton en 1908, et traduit en français dès 1910).

Pour dire quelques mots des fils conducteurs: chacun des 11 chapitres est subdivisé en 4 à 10 parties de quelques pages correspondant, je suppose, aux livraisons du feuilleton. Il nous est d'abord présenté une famille, les Smallways, soit le père, retraité, le fils ainé, Tom, et son épouse (petits commerçants en fruits et légumes dont ils font pousser eux-mêmes une partie), et le plus jeune fils, Bert, qui "cherche" encore sa voie (loueur de bicyclettes, chanteur ambulant...). Occasion aussi de parler du monde "de progrès" dans lequel ils vivent. Dans ce futur proche, les pays sont sillonnés par des lignes de "monorails" (électriques?), moyen de transport ayant manifestement supplanté le chemin de fer (trains à vapeur), et c'est un pont (et non un tunnel) qui a été jeté en travers de la Manche. Reste à mener la conquête de l'air, avec moult expérimentations entre "plus légers que l'air" (dirigeables) ou plus lourds que l'air (aéroplanes). Ici se place l'anticipation: alors qu'un inventeur, un certain Butteridge, a fait la preuve des qualités de l'appareil de son invention et cherche à en vendre les plans, de son côté, l'Allemagne impériale s'apprète sans tambours ni trompettes à partir à la conquête du monde. Ce pays dispose, au début de la guerre qu'il entame, de trois cents dirigeables, que nous pouvons aujourd'hui comparer aux 129 Zeppelins construits des débuts des travaux du Comte jusqu'au Hindenburg, y compris ceux utilisés par l'Allemagne pour des missions de bombardements au cours de la Première Guerre mondiale. Les engins dirigeables tels que Wells nous les montre sont bien plus puissants et infiniment plus destructeurs que ne l'ont été les vrais dirigeables fonctionnels. Les différents "plus lourds que l'air" utilisés dans le roman par les militaires s'apparentent, eux, à des "ULM" contemporains [ultra-léger motorisé]. Mais n'oublions pas qu'H. G. Wells a rédigé ce livre quelques années avant que Blériot ait réussi l'exploit de seulement traverser la Manche (1909). Bref, par un concours de circonstances rocambolesques, Bert va se retrouver malgré lui embarqué dans la flotte aérienne allemande, à travers l'Atlantique, jusqu'en Amérique du Nord. Il assistera aux ravages causés aux Etats-Unis d'Amérique (destruction de leur flotte cuirassée dans l'Atlantique, d'abord, puis bombardement aérien de New York, ensuite). Mais si des bombardements aériens peuvent détruire villes et infrastructures d'un pays, ils ne peuvent permettre de le "conquérir" (ce qui nécessiterait l'envoi au sol de troupes nombreuses). Et quand l'alliance sino-japonaise, qui pendant ce temps construisait, elle, ses propres dirigeables par milliers, entre à son tour en guerre contre "l'Occident", la guerre devient mondiale, incontrôlable... et aboutit à la fin du monde civilisé (chute des Etats, guerres civiles, épidémie mondiale...). Qu'il suffise de dire que, échoué aux chutes du Niagara, Bert parviendra, par miracle mais aussi à force de détermination, à retraverser en bateau l'Océan pour retrouver sa dulcinée restée en Angleterre. Après ces aventures, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants (11, dont seuls 4 survécurent, eu égard aux rudes conditions d'existence d'après-guerre...).

Je parlais en début d'article de mes réminiscences. Elles ne sont pas uniquement littéraires. La description des débuts de l'aviation (temps héroïques) m'a rappelé la série TV Les faucheurs de marguerites (pour laquelle je mettais mon réveil en pleine nuit pour ne pas rater un épisode d'une rediffusion nocturne, il y a peut-être deux ou trois décennies...). Les aléas d'une boutique de location-vente de bicyclettes donnent lieu à la rédaction de lignes d'humour anglais dignes de Jerome K. Jerome (Trois hommes dans un bateau). L'inventeur cherchant à monnayer son invention peut faire songer au roman Les Trois yeux de Maurice Leblanc (postérieur), ou à Face au drapeau de Jules Verne (antérieur bien entendu). En outre, je serais curieux de savoir si le London des Histoires des siècles futurs et Wells (qui a survécu trois décennies à London) avaient connaissance de l'oeuvre l'un de l'autre? Wells fait intervenir dans sa fin du monde civilisé la "maladie pourpre" (venue du Tibet?) là où Jack London (qui écrivait, lui, en 1910) n'attribuait aucune provenance à sa Peste écarlate.

Enfin, la chute d'un monde civilisé peut éveiller des échos par rapport au discours de nos "colapsologues" contemporains. Il faut tout de même noter que chez Wells, cet effondrement est moins dû à des modifications environnementales que comportementales: c'est la chute des gouvernements centralisés, mais aussi l'arrêt des échanges commerciaux, et très rapidement celui de toute l'économie basée sur un système monétaire garantis par les Etats, aggravé par les ravages humains causés par les guerres civiles puis une épidémie mondiale, qui amène les rares survivants au repli sur de petites communautés ayant oublié l'usage des techniques "modernes" - c'est du moins le cas de celles de Tom et de Bert. Je ne suis pas sûr que j'avais eu cette grille de lecture-là en 1985.

Voici deux blogs qui ont parlé de ce titre: Le Gilel Ludique, et Littérature (dernier billet en 2020).

Je suppose que, quand il a fait le choix de devenir écrivain professionnel, Wells rêvait d'éclairer ses contemporains par le truchement de la fiction. Mais il me reste bien d'autres titres à lire pour conforter ou infirmer cette impression.

P1140333 D'un tout récent passage en librairie, j'ai ramené les quatre Wells ci-contre, dont je tirerai bien encore quelque(s) billet(s) - en fonction de la longueur de chaque livre:

Miss Waters (179 pages)

Enfants des étoiles (151 pages)

Un rêve d'Armageddon précédé de La porte dans le mur (109 pages)

L'extinction de l'espèce humaine (83 pages)

... et il y avait encore d'autres titres disponibles! J'ai hâte de lire d'autres billets que les miens sur ces oeuvres.

23 mai 2022

Extrême urgence - Michael Crichton / Le cannibale de Crumlin Road - Sam Millar

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Extrême urgence (Edition Pocket, 438 pages) est un des premiers romans écrits par Michael Crichton en 1968 qui était encore étudiant à la Harvard Medical School. Il a écrit des romans pour payer ses études. Entre la médecine et l'écriture, il a choisi la deuxième après avoir été diplômé de médecine. Extrême urgence est un thriller qui se passe dans le monde médical. Le narrateur, John Berry, un médecin dans un labo d'anatomie pathologique d'un hôpital bostonien va mener une enquête pour disculper un ami obstétricien d'origine sino-amécaine. Il est accusé par la mère de la victime d'être responsable d'un avortement qui a provoqué la mort de la patiente, Karen, une jeune femme de 17 ans. Karen était la fille d'un grand médecin de Boston. La police a trouvé le suspect idéal et elle ne va pas plus loin. Berry, lui, du fait qu'il connait bien son domaine va suivre plusieurs pistes et en particulier, il apprend que Karen avait une vie dissolue, sexe et drogue. John s'approche tellement de la vérité qu'il en retire quelques plaies et bosses. J'ai trouvé quelques lacunes dans la résolution de l'histoire et des questions restent sans réponse. Cela n'empêche pas que le roman se laisse lire.

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Je passe au Cannibale de Crumlin Road de Sam Millar. Cet ex-taulard s'est reconverti dans l'écriture et cela lui réussit. J'apprécie beaucoup ses romans. Le cannibale de Crumlin Road (Collection Point Policier au Seuil, 328 pages), a été écrit en 2010 et il est sorti en 2015 en version française. Comme pour les autres romans de Millar, l'histoire se passe à Belfast. Et l'on retrouve le détective privé Karl Kane qui va devoir affronter un sérial killer assez abominable. Ce dernier issu d'un milieu aisé enlève des jeunes femmes maigrichonnes. Il les fait grossir, surtout le foie et les reins, organes qu'il consomme après avoir tué ses victimes, souvent des marginales. Jusqu'au jour où la propre fille de Karl Kane est enlevée. Le dénouement va se passer dans une prison désaffectée située Crumlin Road. Le roman se lit très vite. L'auteur a un grand sens de la narration même si ce roman n'est pas mon préféré de l'auteur. Lire le billet d'Yv.

22 avril 2022

L'île des âmes - Piergiorgio Pulixi

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Je viens de terminer un polar sarde qui dépayse bien. L'île des âmes de Piergiorgio Pulixi (Edition Gallmeister, 535 pages) se passe de nos jours dans le sud de la Sardaigne, en particulier à Cagliari. Moreno Barrali, un policier à la retraite qui se sait condamné, aimerait bien qu'avant sa mort deux meurtres perpétrés en 1975 et 1986 soient enfin résolus. Il s'agissait de deux jeunes femmes (jamais identifiées et dont les corps n'ont jamais été réclamés) qui ont été retrouvées sur des sites ancestraux, parmi les nuraghes (des ruines en pierre qui datent de l'âge de Bronze). Deux inspectrices, Mara Rais et Eva Croce, sont mutées au département des crimes non élucidés. Ces deux jeunes femmes que tout oppose vont essayer de résoudre ces "vieilles" affaires, mais très vite, elles abandonnent pour mieux se consacrer à un nouveau meurtre. De nouveau, il s'agit d'une jeune femme retrouvée sur un site sacré. Le modus operandi semble le même, mais avec des variations. Ce roman nous fait visiter la Sardaigne et nous décrit quelques coutumes dont certaines très barbares. C'est une île (ou plutôt un archipel d'innombrables îlots séparés non par la mer mais par des langues de terre) où les superstitions sont vivaces. Dans le genre de récit, ce roman m'a beaucoup fait penser à la "trilogie du Baztan" de Dolorès Redondo qui se passe au pays basque espagnol. A priori, on devrait retrouver les deux inspectrices dans un roman ultérieur.

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