Membre du jury du prix du roman Fnac
Après une interruption d'un an, j'ai été sélectionnée en mai 2018 pour faire partie du jury du Prix du roman Fnac. Je suis adhérente de l'enseigne et j'achète des livres chez eux pour la bibliothèque loisir dont je m'occupe. Pour être sélectionnée, j'ai dû répondre à des questions comme mes goûts littéraires, mes écrivains préférés, etc.
Toujours est-il que fin mai début juin, j'ai reçu deux romans, deux semaines plus tard, un roman et une semaine après deux autres romans. J'ai préféré cette méthode d'envois séparés à un envoi groupé. J'ai eu l'impression d'avoir plus de temps pour lire. Chaque juré a reçu entre cinq et six romans parmi un choix d'une centaine de titres. Je les ai lus relativement vite et on a eu un peu plus d'un mois pour donner avis. On saura qui est le lauréat tout début septembre.
En ce qui me concerne, je ne suis pas trop mal tombée. Sur les cinq romans, j'en ai bien aimé au moins deux, ce qui n'est pas si mal.
Voici en image les cinq romans:
Je commence par mes deux préférés: Khalil de Yasmina Khadra (Editions Julliard), qui vient de paraître, et Route 62 d'Ivy Pochoda (Liana Levi) à paraiître le 6 septembre 2018. [Billets à venir]
Je continue avec celui qui ne m'a pas déplu mais qui aurait dû s'intituler "Vodka" plutôt que Voyou, d'un jeune écrivain israélien Itamar Orlev (Editions du Seuil, paru le 16 août). J'ai renoncé à compter combien de fois le mot "vodka" est écrit, au moins deux ou trois fois par page. Cette boisson est bue en grande quantité par le père du narrateur du roman. J'ai par ailleurs trouvé le style du roman un peu lourd. [Billet à venir]
Et je n'oublie pas les deux derniers qui se lisent vite mais dont les histoires ne m'ont pas intéressée.
L'évangile selon Youri de Tobie Nathan (Editions Stock, parution demain 22 août) et Reviens de Samuel Benchetrit, un roman "gentillet" (Editions Grasset, paru le 16 août) sont donc quant à eux, très dispensables.
Douleur - Zeruya Shalev / Cabine téléphonique-Bibliothèque
Après Ce qui reste de nos vies que j'avais beaucoup aimé, j'ai été contente de découvir Douleur de Zeruya Shalev qui est paru début 2017 (Editions Gallimard, 400 pages). Il est à mon avis plus accessible que le précédent, l'écriture est plus aérée. Iris (le double de l'écrivain elle-même victime d'un attentat en 2004?) a été grièvement blessée dans un attentat dix ans auparavant. Elle en garde des séquelles depuis lors. Iris est mariée à Micky et a deux enfants presque adultes, Alma et Omer. Agée de 45 ans, Iris dirige une école privée à Tel Aviv. A l'occasion d'une visite de contrôle à l'hôpital, elle reconnait Ethan, un médecin qui fut son premier amour. Renouant avec lui, elle ne sait pas où cela va la mener. Ethan l'avait quittée assez brusquement 28 ans auparavant. Elle sent qu'elle a une décision importante à prendre. En parallèle, sa fille Alma, qui est en train de s'émanciper, a accepté de travailler dans une cafétéria à Jérusalem dont le patron est une sorte de gourou. Alma est complètement sous la "coupe" de cet homme. Quand elle découvre cet état de fait, Iris s'inquiète pour Alma qui est en conflit avec elle. Comme dans Ce qui reste de nos vies, Zeruya Shalev reprend ses thèmes sur la famille et les relations pas toujours faciles entre les êtres, sur le pardon. Ainsi, "Douleur" est un avatar qui apparaît dans son téléphone portable. Sous ce pseudo, elle a enregistré le numéro de téléphone d'Ethan... Au final, un beau roman. Lire le billet de Kathel.
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Le week-end du 15 août, j'étais à Dol-de-Bretagne (il faisait beau et bon). Sur une place, j'ai découvert une cabine téléphonique publique (il n'y en a pratiquement plus en France) qui a été détournée de son usage initial. C'est devenu une mini bibliothèque où l'on peut emprunter, rendre ou donner des livres. C'est libre d'accès. Mon ami et moi trouvons le concept très sympathique. Je souhaitais le partager avec vous.
Judas - Amos Oz
Je continue mes chroniques "livres" avec mes choix de la rentrée littéraire de 2016. Judas (Editions Gallimard, 347 pages) d'Amos Oz m'a permis de découvrir avec plaisir cet écrivain. En 1959, l'Etat d'Israël a 12 ans. A Jérusalem, Schmuel Asch, 25 ans, vient d'arrêter ses études universitaires et en particulier son mémoire sur "Jésus dans la tradition juive". Son amie l'a quitté pour se marier avec un hydrologue. Se sentant mal aimé depuis tout petit, il ne donne plus de nouvelles à sa famille: soeur et parents (le père est ruiné). "Corpulent, barbu, timide, émotif, socialiste, asthmatique, cyclothymique" (sic), Schmuel répond à une annonce originale: tenir compagnie de 17h à 23h à un homme très handicapé, Gershom Wald. Schmuel s'installe dans la demeure de Gershom qui vit là avec sa bru Atalia Abravanel. Dans cette maison, il y a aussi la présence très forte de deux personnes décédées. D'abord Micha, fils de Gershom et époux d'Atalia, tué à 37 ans sur la route de Jérusalem lors de combats. Et puis, il y a le père d'Atalia, Shealtiel Abravanel (personnage fictif), un opposant à Ben Gourion et à la création d'un Etat juif. Comme Judas Iscariote auquel il est aussi fait beaucoup référence dans le roman, Shealtiel Abravanel fut considéré comme un traître. Et pourtant, sans Judas qui fut l'ami le plus proche de Jésus, il n'y aurait pas eu de crucifixion et donc pas de christianisme. Schmuel et Gershom ont des discussions sur le bien-fondé de l'Etat hébreu, sur la position des Arabes, etc. En parallèle, Schmuel ne reste pas insensible à la personnalité d'Atalia âgée de 45 ans, avec qui il aura une petite liaison. J'ai trouvé que le roman, composé de courts chapitres, se lisait relativement vite. Je l'ai aussi trouvé très intéressant. Je le recommande.
Lire les billets d'Eeguab, de Sylire, de Miriam et de Dominique.
Ce qui reste de nos vies - Zeruya Shalev (Présélection du prix FNAC 2014 [3/5])
Je ne connaissais pas du tout Zeruya Shalev (née en 1959), qui est une cousine de l'écrivain Meir Shalev. Ce qui reste de nos vies (Gallimard, collection Du monde entier, parution le 04 septembre 2014) a été mon vrai coup de coeur parmi les cinq romans lus. Ce roman qui fait plus de 400 pages est ample et écrit dans un style que j'ai trouvé magnifique. Rien n'est laissé au hasard. Il n'y a pas une ligne en trop. De nos jours, en Israël, l'auteur nous met en présence d'une famille dont la mère, Hemda, octogénaire et grabataire, qui est pratiquement au seuil de la mort. Veuve, elle a deux enfants, Dina, dont elle n'est pas proche, et Avner, son fils, qu'elle préfère de beaucoup. Le roman nous narre quelques semaines dans la vie de ces personnages. Hemda se remémore son passé de petite fille dans un kibboutz et l'adoration qu'elle avait pour son père décédé le jour où elle accouché de sa fille. Sa fille Dina quant à elle, professeur dans un collège et ayant atteint la quarantaine, a un désir d'enfant que son mari qui est photographe, lui refuse. Ils ont déjà ensemble une grande fille qui est en train de s'émanciper. Avner, le fils d'Hemda, marié et père de famille, s'interroge sur sa vie de couple après avoir croisé une femme lors d'une de ses visites à sa mère soignée dans un hôpital de Jérusalem. C'est un très beau roman qui évoque les liens familiaux avec ses joies et ses peines, la jalousie, la colère, l'envie, et que je vous recommande. Si vous le lisez, j'espère qu'il vous plaira autant qu'à moi. Gallimard a publié les trois précédents romans de Zeruya Shalev traduits en français.
Un feu amical - Avraham B. Yehoshua
C'est le troisième roman que je lis de cet écrivain israélien né en 1936, Avraham B. Yehoshua (voir mon billet sur Le Directeur des ressources humaines). Je l'avais découvert avec La mariée libérée. Ce fut de nouveau un grand plaisir de lecture. L'histoire se passe alternativement avec une parfaite régularité entre Israël (Tel Aviv et Jérusalem) d'une part et la Tanzanie en Afrique Orientale d'autre part. Nous sommes pendant la période de la fête d'Hannoukka avec le rituel de l'allumage des bougies. Plus précisément, le roman se passe sur une semaine entre la deuxième et la huitième bougie. Mariée depuis 37 ans à Yaari, Daniella, 57 ans (mère et grand-mère), s'est décidée à partir en Afrique pendant sept jours pour terminer le deuil de sa soeur Shouli, décédée un an plus tôt. Elle va loger chez son beau-frère, Jérémie, en pleine brousse. Yaari, mari aimant et surprotecteur, a hésité à la laisser partir seule. Mais son travail de concepteur d'ascenseur le retient en Israël. Il doit résoudre un problème de vent qui souffle dans un ascenseur d'une tour récemment construite. Dans la famille, on est ascensoriste de père en fils. Le "feu amical" du titre se réfère à l'allumage des bougies, au feu dans la brousse, mais aussi au "tir ami" qui tua Eyal, le fils de Jérémie et neveu de Yaari et Daniella. Il fut tué par un autre Israélien lors de son service militaire. Beaucoup de choses se passent cette famille pendant les sept jours (je vous laisse les découvrir). L'alternance des récits rend le roman agréable à lire sans perdre le fil. On se sent très proche des protagonistes. J'en redemande. Lisez-le (Livre de poche, 2010, 476 pages).
Le responsable des ressources humaines - Avraham B. Yehoshua
Suite au billet positif d'eeguab du 21/07/2009 à propos de ce roman, je me suis procuré Le responsable des ressources humaines (sous titré: Passion en trois actes) d'Avraham B. Yehoshua (2005) aux Editions Calmann-Levy, que j'ai lu en 2 jours. Merci eeguab. J'avais déjà lu La mariée libérée (que je recommande) du même auteur israélien. Les deux romans sont parus en Livre de poche. Dans ce roman en trois parties: "Le responsable", "La mission" et "Le voyage", il faut noter que tous les personnages ne sont définis que par la fonction qu'ils occupent. Tous? Pas tout à fait; en effet, la seule personne nommément désignée est morte victime d'un attentat à Jérusalem. Elle s'appelait Julia Ragaiev, ingénieure. C'est par un papier en sa possession qu'elle est identifiée: une feuille de salaire anonyme mais à l'en-tête d'une usine qui fabrique et livre du pain industriel. Cette usine est mise en cause pour son manque d'humanité (elle ne s'était pas inquiété de l'absence de son employée) par un article de journal à paraître. Et, bien que Julia Ragaïev ne travaillât plus depuis quelques semaines dans l'entreprise, elle n'était pas encore rayée des effectifs. A partir de là, le Responsable des Ressources Humaines (autrefois appelé Directeur du personnel) est celui à qui incombe de mener la mission de rapatrier le corps de cette ex-salariée dans le pays lointain d'où elle était originaire (un des états de l'ex-Union Soviétique?) pour y être enterrée. D'ailleurs le fils de cette femme y vit. Le responsable des ressources humaines (dont la propre vie privée part à la dérive: sa femme veut divorcer) s'embarque dans un long périple (aux diverses péripéties) avec un consul et sa femme ainsi que deux journalistes. Ce roman est, pour moi, une fable sur la condition humaine, tout simplement. Le DRH va s'humaniser au fur et à mesure du roman. Lui qui avait recruté Julia Ragaïev, mais ne se souvenait plus d'elle, mettra un point d'honneur à ce qu'elle soit enterrée comme elle l'aurait souhaité, quitte à la ramener à Jérusalem, là où elle avait choisi de vivre. J'espère que ce billet incitera les lectrices(teurs) à découvrir M. Avraham B. Yehoshua, auteur peu connu, né à Jerusalem en 1936.
PS du 29/12/2010: un film en a été tiré: Le voyage du directeur des ressources humaines.