Les doigts coupés - Hannelore Cayre

J'ai été convaincue de lire Les doigts coupés d'Hannelore Cayre (Edition Métailié noir, 191 pages) après avoir lu quelques billets dont celui de Simone. Le récit alterne entre de nos jours et 35000 ans avant le présent au temps de l'Aurignacien, en Dordogne, à l'époque où quelques groupes de Sapiens ont rencontré des Néandertaliens. J'avoue que j'ai appris que les Sapiens avaient la peau foncée. Pour en revenir à l'histoire, en Dordogne, près de la Vézère, une de nos contemporaines veut creuser une piscine dans son jardin et elle est aidée par des ouvriers polonais. Pendant qu'ils creusent, ces ouvriers découvrent deux squelettes qui semblent être très vieux. Et en effet, à partir de là, Hannelore Cayre nous raconte l'histoire des ces personnes qui ont vécu il y a très longtemps. L'un des deux squelettes, un homme, a connu une mort violente. Le deuxième squelette, une femme qui semble avoir vécu plus de 60 ans, est entouré d'objets hétéroclites. Et à partir de là, on fait la connaissance d'Oli, une jeune Sapiens qui est l'héroïne de l'histoire. N'ayant pas 20 ans, c'est la seule femme du groupe qui n'a pas encore enfanté. Elle ne rêve que de chasse et de vivre sa vie sans que les hommes de son clan (quelle plaie!) se mêlent de la manière dont elle le fait. Sa soeur Wilma qui meurt en couches a le temps de lui apprendre à chasser avec une sorte de javelot alors que la chasse jusqu'alors se pratiquait au plus près des animaux. C'est une histoire où les femmes s'émancipent, où elles essayent de se libérer de la domination masculine. Car déjà, à cette époque, il existe la division sexuée du travail: les hommes chassent et les femmes font tout le reste et se nourrissent de ce que les hommes veulent bien leur laisser. "La ligne, c'est l'homme. La femme, c'est le cercle". C'est pourquoi, pour maintenir l'ordre, les hommes mutilent les femmes en leur coupant des doigts dès qu'elles ne se soumettent pas. Grâce à Oli, les femmes de son clan apprennent que de faire l'amour avec un homme aboutit immanquablement à tomber enceinte sans forcément en avoir envie. C'est un roman sur le féminisme au paléolithique. L'histoire n'est pas amusante mais c'est passionnant à lire et vous apprendrez qui est l'homme mort et comment il est décédé. Hannelore Cayre s'est beaucoup inspirée du travail d'une paléontologue italienne, Paola Tabet et en particulier l'un de ses ouvrages "Les doigts coupés, une anthropologie féministe". Lire les billets de Zazy, Actu Du Noir, Cathulu, Je lis, Je blogue et La chèvre grise.

Comments

[tadloiducine]

Bon, j’ai mis un peu de temps à lire ce livre parce que j’ai commencé par un blocage : au bout de quelques pages, la réaction de la propriétaire qui veut sa piscine m’a énervé et je n’ai pas voulu aller plus loin. Et ce n’est qu’après avoir lu une dizaine d’autres livres et que dasola m’ait répété presque autant de fois qu’on ne la revoyait plus, par la suite, la propriétaire, que je m’y suis remis. Et ça se lit très vite.
Avec le langage, disons, « familier », qu’elle attribue à Oli et à sa petite tribu, l’auteure m’a fait sourire. « Le premier roman noir préhistorique », comme le proclame le bandeau ? Humour noir, oui. Oli est une Sapiens noire (tandis que les Néanderthaliens sont blancs), soit. Le livre d’Hannelore Cayre m’a fait penser à Pourquoi j’ai mangé mon père de Roy Lewis, ou au Premier amour de Marcel Pagnol, deux livres sans prétention scientifique, mais réjouissants à lire, grâce aux anachronismes et fausses naïvetés qu’ils contiennent.
J’ai bien apprécié le « contrepoint » qu’apporte la conférencière (oui, celle qui a fait jouer toutes ses relations pour se voir attribuer l’étude de la grotte) quand elle s’efforce, brillamment, de reconstituer pour son auditoire « la vie quotidienne » à l’époque de la préhistoire. Tout ce qui est montré dans le déroulé de l'action est plausible. Mais de nombreuses autres hypothèses, contradictoires avec celles émises dans le fil du roman, le seraient tout autant, bien entendu. Je n’oublie pas ce que disent les « vrais » savants : on ne pourra jamais savoir ce que « pensaient » nos ancêtres au temps de la préhistoire (avant l’invention de l’écriture) : chamanisme, croyances, religion, art ( ?) sacré ou profane, mentalité, organisation sociale, rapports à la nature… L’observation ethnologique des « peuples premiers » contemporains peut fournir des hypothèses en aucun cas des certitudes : comme le précise la conférencière (j’ai bien apprécié la formulation, p.163), « [comme] il nous est impossible de nous projeter dans un passé aussi lointain sans tomber dans l’anachronisme psychologique (…) ». La variété des « tribus » rencontrées par Oli (y en a pas 12, quand même !) dans son « univers » le prouve bien : elles laisseront sans doute malgré tout les mêmes silex comme seule trace « matérielle »…
Cette amusante pochade m’a rappelé une vieille BD qui montrait la visite d’un musée, plusieurs siècles voire millénaires dans le futur, avec un guide qui donnait des indications, disons fantaisistes, sur nos « objets du quotidien ».
J’espère de tout mon cœur que les jeunes lecteurs (et lectrices) seront capables de faire la part de la fiction et de l’humour (La Daronne était tout autant fictionnelle…), sans prendre Les doigts coupés trop au sérieux, que ce soit pour l’adorer ou pour vouloir le brûler !
Ah, et j’ai bien apprécié les trois dernières lignes des « remerciements » finaux : c’est sûr que ce livre est plus court que la saga Les enfants de la terre de Jean M. Auel, à laquelle il m’a irrésistiblement fait songer.
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

[PHILIPPE D]

C'est une auteure que je n'ai pas encore lue et ce livre me semble intéressant. Il pourrait me plaire.

[Géraldine Busson]

Déjà repéré, pour mes prochaines vacances en dordogne en septembre, pour être dans l'ambiance du surplace !

[Fanja]

Ça a l'air bien différent de la Daronne. En tout cas, un roman sur le féminisme au paléolithique, c'est une belle accroche.:)

[luocine]

encore un avis positif sur ce roman ... il faut que je me fasse mon avis.

[miriam]

il me fait bien envie, je l'ai déjà noté

[La chèvre grise]

Un ton résolument moderne pour une histoire d'un autre temps mais qui transcende les époques. J'ai beaucoup aimé !

[Sacha]

Il me tentait déjà et ton avis confirme qu'il vaut le coup.

[manou]

Je l'ai noté bien entendu, encore faut-il que je le trouve en médiathèque sinon l'attente sera longue...

[zazy]

Une petite perle que ce roman écrit avec l'intelligence et la pétillance Hannnelore Cayre

[Doc Bird]

Je sens que ce polar préhistorique et féministe pourrait me plaire. Je note le titre grâce à toi. Merci du partage !

[keisha]

Ha tu penses bien qu'il est repéré!!!

[Aifelle]

Je l'ai terminé, je n'ai plus qu'à faire un billet. J'ai un petit bémol, mais j'aime toujours autant l'autrice. Bonne journée.

[je lis je blogue]

J'ai découvert Hannelore Cayre à travers ce roman et je n'ai pas été déçue. C'est à la fois captivant et distrayant. J'ai trouvé plutôt intelligent d' alterner des chapitres où la narration est assurée par la paléontologue. Cela permet d'évoquer les hypothèses scientifiques sans alourdir le récit.
NB: merci pour le lien. J'en ai ajouté un aussi vers ton blog à la fin de mon billet