Cargo pour l’enfer – Bernard Clavel
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Bernard Clavel (1923-2010)? Je (ta d loi du cine, squatter » chez dasola) pensais connaître son genre de livres, parce que j’ai lu (et relu) L’Hercule sur la place et Le tonnerre de Dieu : du social, des héros bourrus, pour tout dire de l’amour dans un monde de brutes, avec un couple et un bébé en fin de compte… Alors quand j’ai vu chez Gibert, dans le bac à 50 centimes, un volume avec sa signature sur Cargo pour l’enfer, je me suis dit « je prends, ça doit se lire vite, et je verrai si c’est bien un bouquin « tripes de mer » (si ça peut aller chez Fanja) ». Et ben merde. Une vraie claque. Un bad trip.
Bernard Clavel, Cargo pour l'enfer, Pocket N°11591, 2002 (1ère éd. 1993), 300 pages
Le livre compte 60 chapitres regroupés en 5 parties. Après un premier chapitre qui forme une courte introduction du type (rétrospectivement) de celles dont était capable Michael Crichton, on voit (au chapitre 2) arriver le cargo Gabbiano et son équipage à Puerto Cabello (Venezuela), pour récupérer leur cargaison : 12 880 fûts… théoriquement plombés. Le pilote qui les fait entrer au port leur apprend que certains ont éclaté, que des enfants sont à l’hôpital, et que l’un est même mort. Tout cela ne sent pas très bon. D’ailleurs, lors du travail de chargement, il faut porter des masques chirurgicaux, et les yeux larmoyent. Direction l’Afrique. Mais dans la cale, les fûts fuient… et les informations sur leur cargaison les précèdent. Leurs destinations successives seront les côtes d'Afrique, la Méditerranée, le grand large, et pour finir l'Irlande (Connemara), du nom de chacune des parties de cette sorte de "livre de bord". Au fil des chapitres, nous voyons agir jour après jour le capitaine, son "bosco" (ils naviguent ensemble depuis des décennies), l'équipage spécialement recruté pour ce voyage. Second, Radio, Mécanicien, matelots (de diverses nationalités européennes), mousse... Ils savaient qu’ils s’engageaient dans quelque chose d’un peu illégal (moins d’hommes, double salaire), mais pas aussi dégueulasse que cela s'avère. Pourtant, au fil de leurs conversations ou de leurs rencontres dans les ports, diverses combines sont évoquées (baraterie, pots-de-vins, faux certificats de débarquement suivi de passage de la cargaison par-dessus bord, autorités parfois peu regardantes...). Mais le capitaine reste fidèle à son éthique de marin: on ne salope pas la mer avec une cargaison qui s'avère de plus en plus dangereuse (dioxines? déchets hospitaliers contagieux? produits corrosifs, stockés par des irresponsables mis uniquement par l'appât d'un gain financier facile), et s'accroche aux promesses des armateurs successifs (les déchets seront traités...). Alors, le navire errant devient un mistigri que se renvoient les ports et les pays (autorités, presse et activistes écolo unis dans le "NIMBY"), la cargaison se dégrade dans les cales, la santé de l’équipage (touché par les émanations de ce cocktail infernal) aussi, les morts s'accumulent et le cargo se déglingue... Jusqu'au terme, j'ai espéré un dénouement positif. Mais la fin du voyage n'est pas celle de la pollution pour autant.
Un livre très fort. Il semble avoir été rédigé entre 1987 et 1992. En guise de postface inédite à cette édition, nous avons un texte que Clavel a écrit en 1997 pour L’Humanité Dimanche après le naufrage du Torrey Canyon.
Il m'a rappelé - ou donné envie de parler de - plusieurs bandes dessinées: une histoire titrée Le Daphnis a sombré parue dans Pif Gadget il y a quelques décennies (un des scénarii originaux de Victor Mora dessinés par Marcello d’après les personnages Lord Brett Sinclair et Danny Wilde d’Amicalement vôtre, ouf!). La série (en trois tomes) Mérite maritime (scénario Riondet, dessin Stéphane Dubois). La série Tramp (créée en 1993 par Jusseaume et Kraehn, 13 albums à ce jour, dont je dois avoir un ou deux dans ma BDthèque).
J'ai réussi à dénicher quelques traces sur internet concernant Cargo pour l'enfer: chez CJB du site Bernard Clavel en 2014, cependant qu'il n’avait pas fait grande impression sur Isabelle (dernier billet en 2018).
Je pense que ce livre peut aussi compter pour le challenge Monde ouvrier & mondes du travail chez Ingannmic: l'équipage assume son métier jusqu'au bout. Mesdames les lectrices potentielles, ne venez pas me casser les pieds parce que je dis, en parlant des personnages composant l’équipage de ce cargo maudit qui se battent jusqu'à la limite du possible: «c’étaient des hommes!».
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Et j'ai encore quelques idées pour des billets "Book trip en mer". Il ne me reste plus qu'à lire ou relire les bouquins correspondants... (dont un certain nombre d'un même auteur), puis à rédiger... Patience!