Aux vents des mers australes / Les aventurières du ciel - Katell Faria
Parmi les deux livres que je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) souhaite chroniquer aujourd'hui, seul le premier a toute sa place dans le challenge Book trip en mer de Fanja. Ils sont tous deux dûs à une écrivaine trentenaire, elle-même jeune "aventurière" sur laquelle on ne trouve guère d'autres renseignements sur internet que ce qui figure sur les sites des éditeurs ou ce qu'elle glisse dans ses livres. "Katell Faria" (oui, comme le prisonnier du château d'If, celui du trésor caché!) ne serait-elle qu'un pseudonyme? Pourtant, l'autrice existe, je l'ai même rencontrée... au cours d'une de ses séances de dédicaces!
Aux vents des mers australes, Stock, 2024, 250 pages
Les aventurières du ciel, Points N°P5398, coll. Points Aventure, 2021, 314 pages (inédit)
Je commence par son livre le plus récent, le premier des deux que j'ai lus d'elle. Aux vents des mers australes peut, comme je le disais, figurer dans le challenge Book trip en mer. Dans le prologue (p.11), l'auteure raconte comment Patrice Franceschi, "fameux écrivain aventurier pour qui [elle a] une grande admiration et [qu'elle a] la chance de compter parmi [ses] amis", l'a appelée début novembre 2022 pour lui faire part d'un projet d'aventure pour elle: "Katell, que dirais-tu d'embarquer sur la frégate de surveillance Nivôse afin d'écrire un livre sur sa mission dans les terres australes?". Sitôt dit, sitôt fait ou presque: le 20 janvier 2023, direction La Réunion (près de Madagascar), où l'attend le commandant du navire. Pour elle, retour sur une île qu'elle avait visitée 9 mois auparavant, à l'occasion d'un reportage sur un régiment que le frère aîné de sa grand-mère avait commandé 50 ans plus tôt, dans le cadre d'un ouvrage collectif (Les écrivains sous les drapeaux)... Bref, elle embarque le 22 janvier pour un appareillage prévu le lendemain à 06 h 30 à bord du Nivôse (fiche wikipedia consultée le 22 novembre 2024), en même temps que le directeur adjoint de France Info (mais ce dernier abandonnera prématurément la croisière pour raisons personnelles). Katell, elle, y est restée jusqu'au 1er mars et au retour à La Réunion. Lors de ce périple de plusieurs semaines, l'écrivaine partage le "poste féminin" (9 couchettes) avec 8 autres jeunes femmes (une femme matelot et 7 officiers mariniers). Intégrée à la vie du bord, avec de nombreuses occasions de discuter avec l'équipage et les officiers, elle ne nous laisse pas ignorer que le Nivôse est bien un navire de guerre de la Marine française, alors en mission annuelle de souveraineté dans les TAAF (Terres australes et antarctiques françaises), ce qui l'amène à passer par les archipels Crozet et Kerguelen, ainsi que par les îles Saint-Paul et Amsterdam. En découle un ouvrage très pédagogique: le regard d'une terrienne sur les missions de ces marins, avec son témoignage sur la vie à bord, mais aussi voire surtout, plus largement, les enjeux de la possession française sur ces territoires peu connus du grand public. Le livre fait donc office d'oeuvre de vulgarisation à cet égard (en attendant un polar qui s'y déroulerait?), bien au-delà d'un simple "reportage". Tout le livre constitue un plaidoyer pour mettre en évidence l'étendue de la mission et du territoire couverts (en pointant notamment du doigt la diminution des moyens de la Marine à l'époque de 2008 et de la RGPP). Sont mises en évidence la concurrence d'autres pays et nations sur ces lointaines contrées, leurs ressources halieutiques, une vision géostratégique liée à l'étendue du domaine maritime de la France... Le livre de Katell Faria rappelle que marins et navire sont (des) militaires, et s'entraînent en permanence en anticipant les conflits possibles (elle a même participé à des exercices de tir comme de lutte contre le feu à bord, a aidé en cuisine...). Les informations qu'elle distille tout au long du livre recoupent et synthétisent celles que l'on voit passer épisodiquement dans la presse écrite ou audiovisuelle (le réarmement naval en cours dans le monde et notamment dans la zone Pacifique, la Chine qui construit tous les quatre ans l'équivalent du total de la flotte militaire française [en nombre de navires ou en tonnage?]...). J'ai retenu la phrase "ce qui n'est pas surveillé est visité, ce qui est visité est pillé et ce qui est pillé finit toujours par être contesté". Un témoignage intéressant. Si elle devait ne retenir qu'une seule chose de cet embarquement? "L'humain. C'est toujours l'humain. La relation qu'il noue avec la mer; et celle qu'il entretient avec ses semblables" (p.242). La vie à bord m'a rappelé des témoignages sur la vie de "non-professionnels" à bord de sous-marins que j'avais évoquée ici.
Blandine en avait parlé, le blog de Ma voix au chapitre aussi.
Par ailleurs, la lecture de ce livre m'a encore plus donné envie de lire la BD Voyage aux îles de la Désolation d'Emmanuel Lepage (chroniqué par plusieurs blogueuses dans le cadre du challenge) pour comparer (mais je n'en ai pas eu le temps...)!
C'est lors d'une séance de dédicaces, il y a quelques mois, que je m'étais offert son second bouquin. Les aventurières du ciel n'a pas de rapport avec le Book trip en mer (même si certaines aviatrices ont été pionnières dans des survols transmaritimes ou transocéaniques). Ici, notre mystérieuse Katell Faria nous présente six aviatrices dont je ne connaissais guère les noms avant lecture: quatre Françaises, une Anglaise, une Américaine, nées entre 1892 et 1908. La préface de Patrice Franceschi précise bien qu'"elles auraient pu être cent dans ce livre". Dans Wikipedia (consulté le 21/11/2024), la catégorie Aviatrice française renvoie à 63 noms, et la catégorie Pionnière de l'aviation (toutes nationalités confondues) en liste 190. Alors, pourquoi ces six-là? Ma dédicace me souhaite une "bonne lecture de ces destins de femmes placées sous le signe du courage et de la liberté". Mais j'aurais vraiment bien souhaité savoir ce qui a présidé précisément au choix des "aventurières" qui suivent...
Nous sont narrées dans ce livre les vies, plus ou moins courtes, de: Adrienne Bolland (1895-1975), p.13; Beryl Markham (1902-1986), p.69; Hélène Boucher (1908-1934), p.121; Maryse Bastié (1898-1952), p.171; Bessie Coleman (1892-1926), p.221; Maryse Hilsz (1901-1946), p.267. D'autres aviatrices (de différentes nationalités) sont à l'occasion citées comme des "rivales" ou des collègues de celles-ci. Elles ont souvent été pionnières dans le domaine de l'aviation (première femme pilote, première Française, première détentrice de tel ou tel record de distance, de durée de vol ou d'altitude, ou sur un trajet donné...). En général, toutes se sont aperçu, après avoir appris à piloter par passion, que non seulement elles auraient du mal à en vivre, financièrement parlant, mais même que cela coûtait cher de voler, d'acheter un avion, de l'entretenir... et nécessitait (déjà à l'époque), sinon, des sponsors, du moins de la notoriété. Leur vie a été plus ou moins longue (plusieurs sont mortes tragiquement), plus ou moins remplie... Pour ma part, je ne connaissais que certains de ces noms, ceux d'aviatrices qui avaient servi à baptiser un lycée proposant de l'enseignement post-bac (Hélène Boucher, Maryse Bastié). J'ai regretté que l'ouvrage ne comporte pas de bibliographie "pour en savoir davantage". Ces six biographies exaltent leur rôle de femmes qui ont été au bout de leur rêve de piloter, de (jeunes) femmes au caractère bien trempé et qui ont dû faire preuve de beaucoup de détermination pour (ob)tenir leur place dans un univers majoritairement masculin. J'avoue qu'une chose m'a frappé dans ce livre: si certaines de ces "aventurières" se sont montrées "croqueuses d'hommes", il n'est fait état d'aucune aventure saphique concernant ne fût-ce que l'une d'entre elles. Hasard? Réalité? Choix de l'autrice? Censure? Je l'ignore. N'ayant pas encore lu ce livre lors de notre rencontre, je n'ai pu questionner l'auteure.
Aujourd'hui, Katia Farell fait partie des Ecrivains de Marine, association présidée par Patrice Franceschi et dont j'espère avoir l'occasion de parler dans un prochain billet.
En tout cas, cela m'a fait songer qu'il y aurait certainement bien des volumes à lire dans le cadre d'un futur "book trip de l'air et de l'espace" (comme le périmètre de l'Armée du même nom)!
Ma lecturothèque avait chroniqué Les aventurières du ciel en son temps, Camille (du blog voyageuse de livres) plus récemment, et encore (ou déjà) Blandine.