Glissement de temps sur Mars - Philip K. Dick
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Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) change mon fusil d'épaule par rapport au livre que je pensais présenter aujourd'hui dans le cadre de mon challenge marsien: j'ai besoin de lectures complémentaires pour l'autre! Bref, voici donc maintenant une des nombreuses oeuvres de Philip K. Dick (1928-1982, auteur déjà abordé en lien avec Mars ici et là), présentée "à ma sauce".
Philip K. Dick, Glissement de temps sur Mars, J'ai Lu N°3360,
imprimé en 2014 (318 pages), traduction Henry-Luc Planchat pour Robert Laffont en 1981
(VO 1964 sous le titre Martian Time-Slip)
Glissement de temps sur Mars ne fait pas que présenter la vie difficile sur Mars où l'eau est une ressource rare et contingentée par l'ONU, où les produits manufacturés importés de la Terre sont hors de prix (marché noir), alors que la terre en restreint l'export-import afin que ses "colonies" soient le plus autonomes possible si les voyages intersidéraux devaient s'interrompre, où "réparateur" est un métier recherché et plutôt bien payé, à condition d'être professionnellement au niveau requis, c'est-à-dire capable d'à peu près tout réparer. Des ingrédients variés figurent dans la recette (Banana-split?) de l'histoire: plusieurs couches se superposent, entre la présentation d'une Mars déjà colonisée par les humains, un focus sur quelques personnages plus ou moins centraux qui interagissent les uns avec les autres, et une image de monde gangrené par la schizophrénie de quelques-uns.
Nous sommes sans doute une ou deux décennies (1994?) après l'arrivée (en 1970) des archéologues terriens sur Mars qui y ont étudié l'antique civilisation martienne et sa disparition. Désormais, la planète est divisée selon des zones coloniales organisées en communautés nationales, idéologiques, religieuses ou professionnelles, plus ou moins repliées sur elles-mêmes sous la supervision lâche de l'ONU. Nous comprenons qu'il y a des problèmes avec les (rares) enfants martiens, cependant que subsiste une présence résiduelle d'indigènes (oui, des pré-humains) plus ou moins semblables aux aborigènes d'Australie.
Avant tout l'ONU souhaite que les colonies puissent être autonomes si les communications interplanétaires devaient être interrompues, et restreint le commerce interplanétaire. D'où aussi la présence d'un fructueux marché noir. Nous faisons connaissance avec un caïd plein d'égo qui trône sur un système mafieux qu'il a patiemment mis en place sur Mars: syndicat aux ordres, monopoles du marché noir, pressions politiques et lobbies au service de ses intérêts.
Bien d'autres problématiques sont évoquées dans cette fiction (très riche en thématiques variées selon les "grilles de lecture" de chacun), outre le marché noir: respect de la loi ou "débrouillardise" en fonction de rapports de force, politique et lobbies, place des personnes "différentes", autisme et maladies mentales, eugénisme, racisme et relations aux "peuples premiers" (oui, il y avait des indigènes sur Mars avant qu'y arrivent les humains de la terre!)... Cette vision plutôt amère d'un avenir marsien évoque plus généralement l'inadaptation sociale de certains humains à leur milieu de vie.
Pour "éduquer" ses enfants, Mars utilise des "machines éducatives" (genre de robots inspirés d'une personnalité historique, reliés à un "système central"). L'école communale (p.95-97) "n'était pas faite pour informer ni pour éduquer, mais pour modeler les enfants, et d'une manière sévèrement restrictive. Elle était le lien qui les unissait à leur héritage culturel, et elle colportait cette culture tout entière dans la jeunesse. les élèves y étaient soumis, car le but était la perpétuation de la culture, et le moindre trait particulier qui pouvait pousser un enfant dans une autre direction devait être éliminé". L'un des héros juge que cette école, qui "embaume" les valeurs d'une société alors que celles-ci changent continuellement, "était névrosée. Elle désirait un monde exempt de toute nouveauté, de toute surprise."
Je choisis de vous présenter une autre citation, p.213:
"- June, combien as-tu eu de liaisons?
- Six, répondit June Henessy.
- Mon Dieu, s'exclama Silvia. Et moi, pas une seule..
- Certaines femmes ne sont pas faites pour ça.
Silvia ressentit cette déclaration comme une insulte personnelle, pour ne pas dire franchement anatomique.
- "Que veux-tu dire?
- Qu'elles ne sont pas psychologiquement constituées pour cela, expliqua June d'un ton désinvolte. Il faut un certain type de femmes capables de créer une illusion complexe, et de la soutenir, jour après jour. Toi, tu es différente. Ton esprit est simple et direct, tu n'as pas de penchant pour la supercherie. De plus, ton époux est charmant." Elle accentua la force de son jugement par un haussement de sourcils."(1)
J'attends de voir, lectrices, lesquelles parmi vous sauteront le plus haut en lisant mes citations (absence de gravité...).
Sur l'histoire du livre, vous pouvez consulter wikipedia ou ce qu'en disent d'autres blogueurs. Par exemple, Les chroniques du chroniqueur, Erwelyn, le blog d'Argoul (mais les commentaires y sont fermés), les carnets de bord de Cachou (dernier billet en 2020), Sandrine (Tête de lecture)... (liste non exhaustive).
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Ce titre peut aussi s'inscrire dans le 12e challenge de l'Imaginaire chez Tornade, Et il faut que je pense systématiquement à faire prendre en compte pour le challenge An American Year [2025] (15/11/2024-15/11/2025), via Belette et/ou via Chroniques littéraires, tous mes billets concernés, bien entendu. J'allais oublier qu'il peut également participer au challenge 2024 sera classique aussi! organisé par Nathalie!
Ah, et puis pour rigoler encore une fois de la connerie des humains, je voulais rapporter ici une anecdote qui m'a tiré l'oeil l'autre jour. Qu'en pensez-vous?
(1) Suite de l'échange après quelques lignes, à la page suivante: "Si tu limites ton expérience affective à ton mari, déclara June Henessy, tu n'as pas de point de comparaison pour appuyer ton jugement, tu es plus ou moins cantonnée à ce qu'il peut t'offrir, mais si tu couches avec d'autres hommes tu pourras mieux discerner les carences de ton époux, et cela t'aidera beaucoup à le regarder d'une façon objective. Et tu peux insister pour qu'il modifie ce qui doit être changé en lui. De ton côté, tu peux constater quelles sont tes imperfections: en compagnie de ces autres hommes, tu peux apprendre à t'améliorer afin de mieux satisfaire ton mari. je ne vois pas qui est perdant dans tout cela."
Le livre date de 1964, rappelons-le...