Le présage - Peter Farris / Le chant du prophète - Paul Lynch
Le Présage et Le chant du prophète sont deux romans pas rigolos du tout, surtout le second que j'avais hâte de terminer.
Je commence donc par Le présage de Peter Farris (Editions Gallmeister, 479 pages), qui se passe alternativement de nos jours et dans le passé en Georgie. Toxey Bivins, un vieux monsieur afro-américain atteint de démence, est pensionnaire dans une maison de retraite. Sa fille Cynthia qui est médecin vient lui rendre visite régulièrement. Pendant ce temps-là, des élections nationales sont en préparation. Le candidat favori est un certain Elder Reese, un homme d'extrême-droite qui va jouer un rôle important dans l'histoire. Toxey, dans ses moments de lucidité, décide de raconter une histoire du passé à Cynthia. Dans sa jeunesse, Toxey s'est pris de passion pour la photo. Grâce à un appareil prêté par l'épicier du coin, il se révèle un photographe de talent. Sans s'en douter, il va prendre un cliché d'une jeune femme dans une fête foraine. Cette jeune fille sera retrouvée morte dans une réserve naturelle qui appartient à la famille d'Elder Reese. Elle était enceinte et le bébé a disparu. Le roman est très bien construit et il nous permet de faire la connaissance de personnages intéressants comme Frida, une vétérinaire spécialiste de la faune sauvage avec des notions de pathologie. Et justement, elle remarque que les cerfs aux alentours semblent malades. Elle va prendre Toxey sous son aile. Quand je dis que le roman n'est pas gai, c'est que j'ai trouvé la fin abrupte. Je ne m'y attendais pas forcément. Car après la pluie, vient souvent la pluie. Lire les billets de Baz-art et Clete.
Je passe au roman Le chant du prophète de Paul Lynch (Editions Albin Michel, 293 pages). C'est une dystopie qui se passe en Irlande dans un futur très proche (enfin, j'espère, pas trop). Ce roman, c'est d'abord, une écriture, un style ramassé, sans respiration. Il faut applaudir la traductrice Marina Boraso. Voici les premières lignes : "La nuit est tombée et elle n'a pas entendu les coups à la porte, elle regardait le jardin par la fenêtre. L'obscurité qui enveloppe les cerisiers sans un bruit. Elle achève de recouvrir leur feuillage et le feuillage ne lui résiste pas, il accueille l'obscurité dans un murmure. La fatigue, la journée tirant à sa fin et tout ce qui lui reste à faire avant d'aller dormir, les enfants réunis au salon, ce sentiment de paix qu'elle éprouve fugacement devant la vitre... (...) S'il n'y avait pas ces coups à la porte. Elle les entend se loger dans sa conscience, la brusquerie, l'insistance qu'il y a dans ces coups, chacun semble si rempli de la présence de celui qui frappe qu'elle fronce les sourcils. Maintenant c'est Bailey qui cogne sur la porte vitrée de la cuisine, maman appelle-t-il, pointe un doigt vers l'entrée sans détacher les yeux de l'écran. La voilà qui déplace son corps dans cette direction, le bébé dans les bras, Eilish s'avance pour ouvrir et il y a deux hommes derrière la vitre de la véranda, dans le noir et ils n'ont pas vraiment de visage." (p.11). Les 293 pages sont toutes de la même écriture et l'histoire n'est vraiment pas gaie. Eilish Stack vient d'avoir un quatrième enfant. Nous sommes en Irlande et une nouvelle police secrète a été créée. Larry Stack, le mari d'Eilish, est un syndicaliste. Il est convoqué par cette nouvelle police et disparaît sans laisser de trace. Eilish est désemparée avec ses quatre enfants: Mark, Bailey, Molly et Ben, le nourrisson. Au fur et mesure que l'histoire se déroule, Eilish perd son travail, les denrées de première nécessité viennent à manquer. L'état de siège est partout entre les rebelles et les forces de l'ordre. La violence est permanente. C'est le chaos général. Je ne vous dirais rien de plus de l'histoire si ce n'est la dernière phrase : "Elle cherche le regard de Molly, incapable de trouver les mots justes, aucun mot ne peut rendre compte de ce qu'elle voudrait dire, elle ne voit dans le ciel qu'obscurité, elle la connaît bien, cette obscurité, elle ne fait qu'un avec elle, si elle ne part pas elle ne lui échappera jamais alors même que c'est à la vie qu'elle aspire, elle touche la tête de son fils et serre les mains de Molly comme pour leur promettre qu'elle ne renoncera jamais, la mer dit-elle, il faut prendre la mer, la mer, c'est la vie." (p.292-293). L'histoire est suffocante. Je n'a pas vu d'espoir. Lire les billets d'Alex-mot-à-mots, Eva, Nicole Grundlinger.