Le grand pavois - Roger Vercel & Jean Raynaud
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Voici encore un bouquin que j'ai chiné il y a quelques jours en me disant (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) que sa lecture pourrait sans doute aboutir sans trop de peine à un nouveau billet pour deux challenges...
Roger Vercel & Jean Raynaud, Le Grand Pavois, Presse Pocket N°252, DL 1965 (copyright 1953, éditions France Empire), 185 pages
En fait, dans l'avant-propos, il est question du scénario d'un film homonyme, Le Grand Pavois (que je n'ai jamais vu), sorti en 1954. Les deux auteurs ont retravaillé leur scénario, pour en tirer ce qu'on appelle aujourd'hui une "novelisation", avec la possibilité d'approfondir leur récit avec des éléments qui n'avaient pu être intégrés lors du tournage. L'ambition du film, comme du livre, est d'évoquer la vie de quelques élèves de l'Ecole Navale (futurs ingénieurs / officiers de marine) lors de leur "croisière de promotion" à bord du croiseur-école qui doit les préparer à leur future carrière (dans ces années 1950). Et d'évoquer aussi, par le canal de la vie de tels ou tels de leurs "instructeurs", ledit métier d'officier de marine.
L'auteur de l'illustration de couverture de ce "Presse Pocket" n'est pas crédité. Son style me fait songer à Antonio Parras, illustrateur et bédéiste... mais à l'époque de cette édition du livre (1965), celui-ci travaillait pour la concurrence (beaucoup de couverture de la collection "J'ai Lu / leur aventure" lui sont dues...). En tout cas, cette illustration (une jolie femme en belle robe qui regarde d'un oeil enamouré un beau galonné protecteur) paraît un brin surannée quand on la regarde aujourd'hui.
Début de l'histoire: une mère de famille doit laisser le grand logement qu'elle loue à l'année en bord de mer pour aller vivre ailleurs en "pension de famille" durant les trois mois d'été: elle n'a pas les moyens de payer le prix en "location saisonnière", puisqu'elle est mère au foyer et que le ménage repose sur le seul salaire du mari, officier de marine (un beau métier qu'il aime, mais un sacerdoce qui implique des contraintes à accepter par l'épouse!). Une de ses amies a, elle, convaincu son propre mari (qui était également officier de marine) d'accepter un poste bien mieux payé, à terre, dans l'industrie en plein essor de ces années des "Trente Glorieuses". Tentation...
Le mari marin passe, en coup de vent, annoncer tout content qu'il a obtenu un beau poste: il va devenir "instructeur" lors de la croisière annuelle du croiseur Jeanne d'Arc (1931-1964) où embarque tour à tour chaque promotion de futurs officiers de marine, pour une croisière de longue durée (sept mois). Il est tout content. Son épouse comprend surtout qu'il sera absent durant sept mois. Un jeune homme de leur connaissance va, lui, embarquer comme "midship" (élève) à bord. Il est fiancé, pour sa part (mais il rêve donc d'épouser ce fameux métier). Le film, comme le livre, racontent la croisière, ses péripéties (vue par le "poste" où vivent ce midship et une dizaine de ses condisciples, parmi les 100 à 150 élèves à bord, et les officiers qui les instruisent tout en assurant la bonne navigation du navire (dont la mission est aussi de représenter la France lors de ses escales à l'étranger). Des choix devront être faits par chacun des personnages...
J'ai trouvé que ce livre était vraiment "anglé" sur le métier des "officiers", quitte à laisser dans l'ombre le rôle pourtant essentiel de leurs subordonnés, "officiers mariniers" (correspondant aux "sous-officiers" dans les autres armées, de terre comme de l'air) et matelots, pourtant indispensables, eux aussi, à la Marine, et dont chacun a ses motivations pour accepter "d'entrer dans la carrière" tout en fondant une famille à côté. À l'époque (années 1950), il n'était pas question non plus que des femmes embarquent à bord des navires de guerre (même si les premières "marinettes" ou "personnels féminins de la marine" ont servi durant la guerre de 1940 - à terre, et de préférence dans des services administratifs non combattants). Les premiers embarquements ont eu lieu dans les années 1970. Aujourd'hui, il n'y a théoriquement plus de différence entre militaires masculins et féminins (accès aux grades, aux postes, etc.). Le dernier "bastion", celui des sous-marins nucléaires, a récemment accueilli ou va prochainement accueillir ses premières sous-marinières. Pour sa part, l'écrivain Roger Vercel (1894-1957) dont j'ai déjà évoqué d'autres livres maritimes n'a jamais été marin, ni a fortiori marin de la marine nationale. Je n'ai guère trouvé d'informations sur le co-auteur Jean Raynaud (1910-1996), si ce n'est qu'il était capitaine de frégate honoraire et directeur des collections Marine aux éditions France-Empire (selon le catalogue de la BnF).
Quand le croiseur Jeanne d'Arc cité dans le livre a été désarmé (en 1964, après une ultime grande croisière en 1963), la suite (croisière de dernière année pour les élèves de "Navale" et quelques élèves d'autres Grandes Ecoles) a été prise par le "porte-hélicoptère école" Jeanne d'Arc (il a aussi repris le nom "de tradition"), resté en service sur cette mission, lui, de 1964 à 2009. De nos jours, depuis 2010, les "missions" Groupe École d'application des officiers de marine (GEAOM), appelées par tradition "Missions Jeanne d'Arc", sont assurées alternativement par l'un des trois PHA (porte-hélicoptère amphibie) français (Mistral, Tonnerre, Dixmude) [voir Wikipedia consulté le 24/06/2025]. La mission 2025 est en cours, selon la communication du Ministère des armées.
Dans Le Grand Pavois, il est aussi question des perspectives prometteuses de renouvellement des vieux navires de guerre hérités de la Seconde Guerre Mondiale (ça se déroule avant la défaite de la France en Indochine, a fortiori avant le vrai début des "événements" en Algérie), que nos héroïques officiers pourront espérer commander. En ce qui concerne les "contemporains" en activité dans la Marine à l'époque de l'oeuvre (début de carrière ou quelques années de plus), ils sont désormais en retraite voire déjà décédés je suppose, et ce ne sont même plus leurs enfants mais peut-être leurs petits-enfants voire leurs arrières-petits-enfants qui sont susceptibles de naviguer aujourd'hui!
À quand un nouveau livre, sur des thèmes un peu moins datés que les "problèmes de couples" où l'homme vit pour son métier pendant que l'épouse-mère élève les enfants à terre, pour raconter une "mission Jeanne d'Arc" contemporaine, en sous-entendant "engagez-vous, rengagez-vous" dans la Marine?
Le Grand Pavois, vieux bouquin instructif à lire sur la France d'il y a 70 ans, peut en tout cas participer au challenge Book trip en mer (saison 2) de Fanja ainsi qu'au challenge "2025 sera classique aussi" organisé par Nathalie.