Voyage dans les Alpes - Alexandre Dumas
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Cette fois-ci, mon billet porte sur un livre que j'avais (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) versé en début d'année dans une des bibliothèques partagées de hall d'immeuble que je fréquente, où je l'ai récupéré récemment, quelques mois après. J'avais en ce moment "besoin" d'un livre parlant des Alpes, et celui-ci m'a paru adéquat!
Alexandre Dumas, Voyage dans les Alpes, Editions d'antan, collection jeunesse N°13, 1982, 185 pages
D'un point de vue matériel, ce "vieux livre" (1982), imprimé en Roumanie, ne contient pas beaucoup d'éléments permettant d'identifier l'éditeur (peu connu): une "collection jeunesse" qui parait contenir de nombreux livres du domaine public (20 titres en 4e de couverture, dont je crois avoir lu la plupart, même si les auteurs ne sont pas indiqués...). À se demander s'il ne s'agissait pas de mettre des "livres de prix" à bas coût à disposition des mairies pour leurs écoles... J'affabule (à partir de signaux faibles), bien sûr, faute d'informations crédibles - c'est l'époque qui veut ça!
Plus sérieusement, voyons ce que nous raconte ici Alexandre Dumas. Les six chapitres et l'épilogue (constituent-ils des extraits ou du texte intégral? Je l'ignore) semblent provenir des Impressions de voyage [en Suisse] qu'il a publiés en 1833-34 et 1837. La page de titre est bien différente de la couverture. Le texte commence abruptement: "J'arrivai à l'Hôtel de la poste, à Martigny, vers les quatre heures du soir". Il y est déjà question de Chamouny [Chamonix]. Le lecteur sait (à l'époque) que la Savoie dépend alors du royaume de Sardaigne, cependant que Martigny est une ville du canton suisse du Valais. Notons qu'un repas dans une auberge suisse coûte quatre francs (ce que Dumas considère comme cher). L'aubergiste lui propose de l'ours: occasion d'un premier récit, sur la mort dudit ours (en tirant les dialogues à la ligne, ô feuilletoniste!). À la fin du repas arrive le guide qui doit le conduire à "Chamouny": accord est donné (p.25) pour partir le lendemain matin, à 5 heures.
Dumas décrit somptueusement le paysage (il passe par l'endroit même où un Anglais avait fait une chute vertigineuse et mortelle en 1831), mais n'est pas tendre pour le vin du Valais (fendant ou dôle, sauf anachronisme de ma part?) pris à l'étape: "On nous donna, au prix du bordeaux, une bouteille de vin du cru, avec lequel un Parisien n'aurait pas voulu assaisonner une salade, et que mon Valaisan vida voluptueusement jusqu'à la dernière goutte". Ils arriveront à destination à la nuit noire (la nuit tombant à 18 h 30?), après avoir fait "neuf lieues de pays, qui, sans exagération, en valent bien douze ou quatorze en France: c'était une bonne journée" (marche en montagne contre marche en plaine, je suppose). Avant cela, il avait noté "nous montions toujours, et déjà nous étions arrivés à sept mille à peu près [sic!], au-dessus du niveau de la mer". Je pense pouvoir restituer "sept mille pieds". Rappelons que la lieue vaut 4 kilomètres (et qu'un mètre vaut à peu près trois pieds). Le chapitre se termine après l'envoi d'une invitation à dîner envoyée à un certain Jacques Balmat, dit Mont-Blanc.
Le troisième chapitre débute par une journée d'excursion à la Croix de Flegère (occasion de dire que les "guides", à Chamouny, sont organisés en "syndicat qui règle leurs tours de service" [premier de ce genre au monde, depuis 1821, ai-je vérifié]). Puis après quelques considérations géologiques fort datées (Dumas ignorait la tectonique des plaques...), le récit (pp.55-85) donne la parole au "Christophe Colomb de Chamouny", premier homme à avoir gravi le Mont-blanc aux temps historiques, de sorte que le roi de Sardaigne l'a autorisé à s'appeler Balmat du Mont Blanc. Attiré comme bien d'autres par la prime offerte par le Genevois Horace Bénédict de Saussure au premier qui trouverait le chemin du sommet du Mont-Blanc, c'est le 8 août 1786, après plusieurs tentatives tant individuelles que collectives, que Jacques Balmat entame avec son "témoin", le docteur Paccard, l'ascension décisive (et ce, sans les équipements de l'alpinisme du XXe siècle).
Au chapitre suivant (titré "La mer de glace"), nous retrouvons le guide du départ, dont nous avons appris le nom (Pierre Payot) au chapitre précédent. À lui la parole pour raconter, cette fois-ci, l'histoire de la première femme à être montée au sommet. Dumas la nomme Marie Paradis et l'histoire (expédiée en 7 pages) est placée en 1811. Il est ensuite question d'un malaise (que Dumas, qui en est victime, qualifie de "mal de mer") et d'accidents de montagne (suit un petit chapitre évoquant trois morts tombés dans une crevasse à la suite d'une avalanche en 1820). Il est à noter que d'autres sources attribuent la première escalade féminine à Marie Paradis et la datent du 14 juillet 1808. Un autre court chapitre titré "retour à Martigny" clôt ce séjour de Dumas dans les Alpes (non sans avoir prouvé à son guide qu'il est doué en saut en longueur pour franchir un cours d'eau sans pont!).
L'épilogue (pp.139-185) débute selon Dumas fin 1833 (alors qu'il s'occupait de "faire" [la pièce] Angèle), à Paris. Il s'amuse à inventer une étymologie fantaisiste pour la rue Bleu[e] où il s'apprête à emménager (à la suite d'un pari?). En tout cas, il reçoit dans son ancien logement un certain "Gabriel Payot de Chamouny", cousin de Pierre (p.144). Ce dernier lui conte son voyage à Londres, où il s'était mis en tête de livrer un couple de jeunes chamois, parce qu'un lord anglais de passage dans les Alpes avait exprimé le désir d'en payer "mille franc la pièce, rendus à [s]on parc", et avait "topé" pour ça (contrat oral scellé par une poignée de main). Au départ, notre Savoyard n'avait pas compris que l'Angleterre est une île... mais il en revenait royalement traité (avec un habit neuf et cent guinées en poche - 2700 francs au lieu de 2000 - "frais de voyage!"), et tout content d'avoir eu la permission d'appeler la femme de son hôte "Mylady" tout court, au lieu de Madame Milady comme il le faisait d'abord...). Il apporte aussi à Dumas une lettre de Jacques Balmat, qui accuse bonne réception du premier volume des Impressions de voyage. L'après-midi, Dumas s'amuse à éberluer notre Savoyard grâce au "Diorama" et à ses images de Chamonix (dispositif qu'exploitait à Paris depuis 1822 Louis Daguerre, avec des images animées à base de toiles translucides peintes).
Sans transition, "il y a quelques jours" et séjournant alors à Syracuse, Dumas en triant sa (volumineuse) correspondance tombe sur deux lettres, l'une (de Balmat) lui apprenant la mort de Gabriel Payot, puis l'autre, du fils de Jacques Balmat, l'informant que ce dernier avait disparu en cherchant le filon d'or qui l'avait obnubilé toute sa vie (septembre 1834 - il semble que son corps n'ait pas été retrouvé).
Avec ce petit bouquin "de jeunesse" d'Alexandre Dumas qui ne paye pas de mine mais aux pages fort bien troussées, je participe au challenge de Cléanthe, Escapades en Europe - voyages dans les littératures européennes (thème de juillet: "La grande traversée des Alpes"), aussi qu'au challenge 2025 sera classique aussi organisé par Nathalie.