Mes seize ans dans la Marine - Eric Bréchon
Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) vais une fois de plus vous présenter un récit "bateau". Cette fois-ci, il ne s'agit pas d'un roman, mais d'un témoignage, un véritable "récit de vie".
Eric Bréchon, Mes seize ans dans la Marine, Une Odyssée au XXe siècle,
Vérone éditions, collection Authentique, 2025, 573 pages
La Marine dont il est question, ici, c'est notre Marine nationale, la marine militaire, la marine de guerre. Mais contrairement à ce qu'il se passait dans le roman que j'avais présenté ici, le "héros" n'en a pas été un officier, mais un "officier marinier" (équivalent dans la Marine des "sous-officiers" des autres armes).
Pour faire éditer ses souvenirs de jeunesse (il est né en novembre 1956), l'auteur s'est donc tourné vers les éditions Vérone. En regardant sur leur site, j'ai eu un peu de mal à voir si cette Maison pratique (ou non) ce qui s'apparenterait à ce que l'on désignait jadis sous le vocable quelque peu péjoratif des "éditions à compte d'auteur" (où vous payez pour obtenir un mètre cube de "votre" livre qu'il ne vous reste plus qu'à stocker, diffuser, distribuer et/ou vendre). Ils demandent en fait une "participation aux frais de maquettage", mais le site n'en précise pas le montant, ni le tirage des ouvrages. J'ai en tout cas cru comprendre (information trouvée en quelques clics sur la Toile) que l'activité était fort profitable à la Maison et à ses actionnaires (chiffre d'affaires oscillant entre 1,5 et 2 millions d'euros, bénéfice annuel de plusieurs centaines d'euros pour une entreprise comportant plusieurs salarié(e)s, dividende de plusieurs dizaines de milliers d'euros distribué chaque année au prorata des 500 actions représentant le capital social de l'entreprise). J'aimerais bien en connaître le "modèle économique" exact! Ce sujet mériterait certainement un article à soi tout seul. Mais bref, revenons à notre à Odyssée.
Les origines familiales et l'enfance de l'auteur occupent le début de l'ouvrage jusqu'à la page 50, lorsqu'il découvre l'existence de "l'école des Mousses" à laquelle il postule dès qu'il peut (c'est possible à partir de l'âge de 15 ans) en vue de la rentrée 1972. Après une première année de cours à Brest (Finistère [29]), il choisit la spécialité de "transfiliste" (enseignée à "l'école des transmissions") pour laquelle il va donc rejoindre Saint-Mandrier (Var [83]), p.73. Après ses quatre mois de cours, il obtient sa première affectation en tant que Quartier-maître à la base aéronavale d'Aspretto (Corse). Il n'a pas 18 ans. À partir de là, c'est toute une carrière "marine" et la vie à côté (escales, permissions, vie en-dehors du service) qui se déroule devant nos yeux (avec de loin en loin quelques informations sur sa famille). Il entame sa reconversion professionnelle en 1988, à près de 32 ans, alors qu'il est encore affecté à bord du porte-avions Foch (à l'époque en travaux à Toulon). Il quitte le navire fin mai 1988, en congé jusqu'au 1er octobre (date à laquelle sont ouverts ses droits à pension militaire). Nous sommes p.571, il évoque à peine sa seconde carrière (dans le secteur social, comme "moniteur éducateur") en quelques lignes. En attendant un prochain volume de ses mémoires?
Tout au long donc de ces centaines de pages, Eric Bréchon nous livre un récit très détaillé pour lequel on peut supposer qu'il s'est bien appuyé sur son EGS (état général des services). D'affectation en affectation dans des postes successifs, on le voit avancer dans sa carrière, être affecté outremer, naviguer plus ou moins longtemps sur un navire puis sur un autre (Charente, Isère, Tartu, Henry, Foch), occuper un poste à terre dans telle ou telle base navale, sous les ordres de tel ou tel officier et commandant, faire escale dans tel ou tel port ou pays (et y faire du tourisme sans se contenter des "bars à matelots" locaux)... Parfois jour par jour ou mois par mois, il ne nous fait grâce de rien, même pas des motos ou autos dont il a été propriétaire ou copropriétaire, et en tout cas pas des jeunes filles ou femmes qu'il a pu connaître durant ces fameux 16 ans. Nous avons ainsi droit ici ou là dans l'ouvrage à la présentation de ses copines successives lors de ses affectations, de la première à (?) la dernière, des très provisoires aux engagements plus durables. On suit les évolutions des techniques de transmissions. On peut se demander s'il s'est fait aider ou non pour la rédaction de son texte. Il nous y parle même de ses anniversaires, dont celui de ses "16 ans", qu'a suivi la signature de son engagement dans la Marine pour 5 ans (signature émancipatrice, à une époque où la Majorité était encore à 21 ans) [est-ce volontairement, ou non, que le titre de l'ouvrage possède ce double sens de durée et d'événement?]. En tout cas, si celui-ci ne brille pas par le style, il fourmille d'anecdotes, que celles-ci lui soient arrivées personnellement, qu'il en ait été témoin ou qu'il en ait entendu parler. On trouve quelques photos (en N&B) pp.374-293, celles-ci ont pu également servir de support pour retracer certains événements.
C'est un livre certainement susceptible d'intéresser d'anciens marins qui ont pu suivre le même cursus, exercer la même spécialité, naviguer sur les mêmes navires, servir sous les mêmes officiers... et à qui, peut-être, cela évoquera leurs propres souvenirs. Entre les cours, les affectations, les marins de carrière avaient diverses occasions de se croiser ou d'entendre parler les uns des autres. Il est sûr que, dans les années 1970-1980, avant que le "tourisme de masse "devienne la norme, choisir ce métier, pour un jeune homme d'origine modeste, pouvait permettre de "voir du pays" et d'épater d'anciens copains d'enfance plus casaniers. Si certains ont pu jadis être plus ou moins obligés d'entrer à l'école des mousses suite à quelques grosses bêtises, dans le but que la vie collective et la discipline militaire les (re)mettent sur le droit chemin, je crois qu'il a existé aussi à l'autre bout du spectre des cas où un jeune "volontaire" allait jusqu'à imiter la signature paternelle sur la paperasse nécessaire... et papa n'avait plus qu'à assumer quand arrivait la lettre d'admission à l'école (tout de même fier du choix de fiston). Et aujourd'hui?
Engagez-vous, qu'ils disent... La Marine a aujourd'hui des objectifs annuels de recrutement, dans une logique de "réarmement" et de remise à niveau après des décennies de désinvestissement où l'on pensait récolter les "dividendes de la paix" (après la chute de l'URSS), époque où le nombre de postes d'officiers mariniers, notamment, a bien diminué. Et elle continue bien évidemment à cibler des jeunes qu'elle formera dès le départ.
Ceux-ci (et aussi celles-ci) peuvent découvrir la Marine nationale par le canal des "PMM (Préparation militaire marine)", proposées chaque année dans plus de 90 centres, qui offrent un total d'environ 3500 places. Les chiffres montrent paraît-il que sur ceux qui sont ainsi formés, environ 800 s'engageront ensuite dans la "réserve" ou feront carrière dans la Marine.
L'Ecole des Mousses, qui avait fermé en juillet 1988, renaît en septembre 2009 à Brest, pour former aujourd'hui environ 250 jeunes matelots par an. L'Ecole de maistrance, à Brest, qui n'a jamais cessé ses activités, a connu l'ouverture d'une antenne à Saint-Mandrier (Var) en 2018. Elle forme environ 1200 jeunes officiers mariniers par an.
Même s'il est probable que beaucoup de jeunes candidats ont, par tradition familiale, déjà un lien, sinon avec la marine, du moins avec les métiers militaires, il est tout à fait possible à tout jeune homme ou toute jeune femme de viser une carrière dans la Marine.
Cet ouvrage participe, naturellement, au challenge Book trip en mer (saison 2) chez Fanja.
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