Un assassin à New York - Jirô Taniguchi & Jinpachi Môri
Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) suis loin de connaître l'intégralité de l'oeuvre de Jirô Taniguchi (1947-2017), "le plus européen des Mangaka", dit-on. C'est chez Belette2911 que j'ai repéré Un assassin à New York, manga que je n'avais jamais lu.
Jirô Taniguchi (dessin) & Jinpachi Môri (scénario), Un Assassin à New York, Pika Graphic,
218 pages, 2021 pour l'édition française (1996 au Japon).
Dans la postface de ce volume, le scénariste Jinpachi Môri (1958-2015) dit que c'est la Guerre du Golfe qui l'a amené à écrire cette oeuvre: "dans la réalité, des centaines d'hommes mouraient chaque jour sous le feu des missiles, alors, dans une fiction, un homme seul, aussi violent fût-il, pouvait bien en tuer quelques autres sans que ça ne choquât personne." Je connais aussi une autre petite série scénarisée par lui que j'ai appréciée jadis (Les fils de la Terre) même si elle n'a aucun rapport.
Le titre est ici assez explicite: sous la forme d'histoires reliées par un même personnage central, Benkei (le titre original était Benkei in New York) va être directement responsable de la mort de 10 personnes, la plupart tuées de ses mains. L'ouvrage est constitué de sept histoires courtes, avec des titres en anglais qui ne le sont pas moins. Mais les morts violentes auxquelles le personnage central assiste ou qui concernent ses proches ne sont pas moins nombreuses. La première histoire (titrée Hagis) commence par trois planches muettes avant d'entrer dans le vif du sujet. Trois pages avant la fin de cette première histoire, notre héros se désigne lui-même (p.30) en tant qu'entremetteur de vengeance (en japonais, "ada'uchi"). Mais ici, on ne l'a pas vu tuer.
Le scénariste entremêle subtilement différents fils (narratifs) dès la première nouvelle, où sont insérées trois planches (p.13-16), inutiles dans cette histoire-là. Dans la deuxième histoire (titrée Hook) apparaît un personnage de gogo danseuse, qui dévoilera un aspect masochiste de notre héros (on dirait qu'il apprécie de se prendre gifles sur gifles) et le suivra au long de ses aventures.
Il s'y montre capable de se battre aussi bien à mains nues qu'à l'arme blanche: il refuse à plusieurs reprises d'utiliser une arme à feu. Enfin, il ne tue pas toujours (cela semble être à sa discrétion). Il semble plutôt imperturbable dessiné sans lèvres, sa bouche mince est souvent capable de sourire (mais jamais de rire).
Benkei a plusieurs cordes à son arc: c'est un peintre capable de copier tout tableau de maître avec une minutie et un talent certains. Enfin, il n'agit pas seulement en franc-tireur, il a aussi des connaissances dans la mafia tant new-yorkaise que sicilienne (les fameuses trois planches dans la première nouvelle...). Ce talent jouera un rôle aussi bien à New York qu'en Sicile (sa réputation de peintre, comme de tueur, a franchi les frontières).
J'extrais les trois planches ci-dessous du troisième chapitre Throw Back. Celui-ci nous montre une sorte de duel, dont (sauf erreur d'inattention de ma part) on ignorera toujours la raison, entre Benkei et un Américain. Benkei agit-il pour son propre compte ou pour celui d'un tiers?
p.73, je trouve un faux air de Zorro à notre héros (avec cape et chapeau mais sans loup)
Ce duel pratiquement sans dialogue, commencé en karaté (?), se termine à l'épée dans un musée. Il m'a donné envie de revoir Highlander...
Je ne vais pas raconter l'intégralité de l'album. Le mot "fin" est écrit p. 218, même si ça se finit un peu en queue de poisson, et l'on regrette qu'il n'y ait pas eu de suite à ces histoires. Je dirai juste, par rapport à l'avant-dernière histoire dont je ne donnerai pas le titre: mesdames, si un inconnu vous sort sous le nez un collier de perles, méfiez-vous (surtout si vous n'avez pas la conscience totalement tranquille).
Le dessin de Taniguchi alterne des dessins statiques et des planches d'action avec du mouvement. Il utilise souvent différentes trames, mais aussi des techniques de "noir et blanc" avec des lignes, du clair-obscur, toute la gamme des maîtres (américains?) du genre.
J'ai bien aimé cet album, alors que je trouve souvent les ouvrages de Taniguchi "dernière manière" un peu trop contemplatifs pour mon goût (cela peut aussi être dû à ses scénaristes, bien sûr).
L'apprenti Otaku en avait parlé à la sortie de l'album, Pativore en 2022. Je l'ai aussi trouvé sur L'étagère imaginaire. Caro (dernier billet en 2023) l'avait également chroniqué, ainsi que Clodjee.
Merci Belette2911... et voici donc une nouvelle participation de ma part au challenge An American Year 2025 sur son blog The Cannibal Lecteur.
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