Katyn - Andrzej Wajda
Wajda (aujourd'hui octogénaire) reste un des grands réalisateurs polonais. Katyn qui est sorti cette semaine dans quelques salles "Art et Essai" à Paris et aussi, j'espère, en province, retrace un épisode sanglant de la deuxième guerre mondiale. En 1939, la Pologne est prise en tenailles entre les Allemands qui l'envahissent par l'ouest et les Russes par l'est. Nous sommes en plein dans la période du pacte germano-soviétique. La première séquence illustre bien ce qui arrive. Elle se passe sur un pont: des civils polonais avancent dans un sens et dans l'autre sur ce pont, ils fuient, mais là, ils sont piégés. L'armée polonaise est en déroute. Les simples soldats sont laissés libres mais les officiers sont faits prisonniers. Pour la plupart, ce ne sont pas des militaires de carrière mais des intellectuels, des artisans, etc. Le réalisateur s'attache plus particulièrement à une femme qui est à la recherche de son mari, officier prisonnier. Elle a une petite fille qui espère bien revoir son papa. Toutes les deux le verront vivant avant qu'il ne parte dans un camp de prisonniers. Les universitaires sont arrêtés et envoyés en camp de concentration. La Pologne est partagée, elle n'existe plus vraiment: une séquence symbolique montre des soldats russes déchirer le drapeau polonais en deux dans le sens de la longueur (ce drapeau se compose d'une bande blanche et d'une rouge). La bande rouge sert de drapeau "communiste" et la bande blanche sert à capitonner leurs godillots. Les années passent, et on se retrouve en 1945, dans Cracovie où se déroule l'essentiel du film, avec un haut-parleur qui égrène les noms des morts dont on a retrouvé les corps dans les charniers de Katyn (découverts par les Allemands en 1941 - pour une partie - et surtout en 1943), en Russie près de Smolensk. Plus de 12000 officiers polonais ont été exécutés d'une balle dans la nuque en avril 1940. En 1945, la Pologne est occupée par les Russes. Wajda dit bien que ce sont les Russes (et plus précisément le NKVD, la police soviétiques), et non les Allemands, qui sont coupables de ce forfait. Les officiers exécutés étaient anti-communistes ou anti-nazis pour certains (Wajda n'en parle pas). Sur le plan narratif, le cinéaste montre l'avant et l'après de ce massacre (la fillette reçoit le carnet où son père prenait des notes, qui s'arrêtent juste avant), et c'est seulement pendant les quinze dernières minutes du film qu'on en voit toute l'horreur. En revanche, il montre bien qu'on ne pouvait pas dire qui étaient les vrais coupables (les Russes) sous peine de lourdes sanctions. Le film se finit sur un écran noir avec la musique de Penderecki en fond sonore qui accompagne tout le film. Le père du réalisateur a été une des victimes de Katyn. Je suis contente de voir qu'il sait encore faire un film de grande qualité: avec une narration, la mise en scène très sobre. On ne tombe pas dans le larmoyant ou le démonstratif. On voit que ce n'est pas un film "américain" (par exemple, je ne le mets pas sur le même plan que Walkyrie [mon billet du 11/02/09], il n'y a pas de "suspense"). J'ai vu le film dans une salle pleine de spectateurs très attentifs.