Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Dasola
Le blog de Dasola
Derniers commentaires
Archives
Challenges terminés

Pour les challenges de l'année en cours, 
voir colonne de droite

3 novembre 2011

L'Exercice de l'Etat - Pierre Schoeller (billet complémentaire)

C'est seulement après avoir lu sur ce même film le billet de Dasola (la "maîtresse de blog" d'ici), et avoir insisté pour qu'elle me le raconte (fin comprise - j'ai insisté, je vous dis) que j'ai moi aussi (ta d loi du cine, squatter) eu envie de voir l'Exercice du pouvoir - pardon, l'Exercice de l'Etat, ce que j'ai fait le week-end dernier. Et du coup, j'en ai rédigé un billet (le 16ème que je signe, si je compte bien).

Pour commencer par évacuer rapidement les personnages qu'on voit le moins, je dirais que le Premier ministre, le Président de la République, sont très bien, très crédibles - peut-être d'autant plus qu'on ne reconnaît pas tel ou tel véritable policitien. Dans le générique, au début, j'ai été frappé par la grande présence de la Belgique (notamment de la Wallonie). Peut-on supposer que c'est parce que l'acteur principal de ce film français est belge, ou bien y voir un message subliminal, la Belgique ayant récemment passé plus d'un an sans gouvernement de plein exercice (est-ce que réellement ça a changé quelque chose?)?

J'ai trouvé que l'Exercice de l'Etat portait une certaine vision de la manière dont peuvent se prendre des décisions au plus haut niveau de l'Etat, vision très éclairante et désabusée (et pour moi, c'est bien un compliment). Dans le dossier de presse du film (distribué par Diaphana), que m'a montré Dasola, Olivier Gourmet (le ministre Saint-Jean) dit que Pierre Schoeller lui a conseillé de lire la bande dessinée Quai d'Orsay (1). Effectivement, j'ai retrouvé dans le film des tics, des situations, y figurant... Un vocabulaire flamboyant, un langage outré parfois dans la grandiloquence imagée. Je me demande s'ils peignent cependant la réalité, ou un univers imaginaire. En même temps, le film donne à voir la densité de la parole (similaire à celle des "décideurs" que j'ai pu cotoyer - ou même regarder à la télé). Transparaissent le jugement sûr, après l'analyse définitive en quelques mots, l'instinct (l'expérience?) qui permet, à partir de très peu d'éléments (même non verbaux), de reconstituer une situation, des rapports de force... Ce n'est pas de la divination, mais de la logique. S'ensuivent quelques ordres brefs, pour exécution immédiate, du ministre à l'équipe à son service. Pour ne parler que de ses deux plus proches bras droits (Directeur de cabinet et Chargée de communication), ce sont des cerveaux supplémentaires disponibles. Une séquence le met magnifiquement en relief: lors d'une vive conversation téléphonique avec un autre ministre, l'une, à ses côtés, et l'autre, au téléphone (à son autre oreille) lui donnent, en temps réel, de brefs "éléments de langage", qu'il ressert à son collègue. Ils influencent, ici, la parole du ministre. A noter que si la professionnelle l'aide pour sa communication et l'organisation de sa vie conjugale, elle veille à ne lui fournir, elle-même, aucune information sur sa propre vie privée (une absence de réponse qui passe avec un beau sourire).

Les éléments de langage servent à la communication. On assiste à plusieurs remue-méninges pour trouver un lieu, une image-choc, inédite, une formule que retiendront les média et qui rendront l'action politique, par essence peu visible et complexe, audible pour les citoyens. Parole, justement: alors que notre ministre a engagé publiquement la sienne, à la radio, sur un domaine de son champ de compétence, on voit comment l'intérêt supérieur de l'Etat, froidement analysé, peut amener un homme politique (quel que soit son poste) à manger son chapeau - quoi qu'il en ait (et, accessoirement, on lui a clairement fait comprendre que c'était aussi le sien - d'intérêt). Il n'a plus qu'à se soumettre - ou se démettre, c'est le seul choix qui reste lui appartenir. Ainsi, on voit, en filigrane, la puissance des "grands groupes" (Vinci, clairement cité) du CAC40, qui attirent désormais vers eux ceux qu'on pouvait appeler "les meilleurs de nos énarques" (qui devenaient il y a quelques décennies les "grands commis de l'Etat", avec le sens de l'intérêt général, du service public et de l'Etat - classés dans un autre ordre si vous préférez!). Une scène (morceau de bravoure) le met clairement en évidence: le dîner entre deux anciens camarades de promo, dont l'un qui part pantoufler, amer, dans le privé, avec comme argument (je cite approximativement!): "on a du pouvoir, mais on n'a plus de moyens d'action...". A côté des éléments humains (les péripéties quotidiennes qu'affrontent le ministre et son entourage), les contraintes budgétaires dans lesquelles se débat la France aujourd'hui sont bien évoquées, je trouve. Des investissements nécessitent quelques milliards: où les trouver, pour financer les réformes nécessaires? En vendant, encore, des "bijoux de famille" (avec un impact social à la clé bien évidemment). Et notre ministre va même devoir mettre lui-même en musique une réforme à laquelle il était initialement opposé.

Pourtant, j'ai quand même ressenti une certaine sympathie pour ce personnage qui n'est malgré tout pas cynique. Face à la mort (ministre des transports, il incarne la compassion de l'Etat), il fait preuve d'un recueillement qu'on sent sincère. Et à côté de cela, s'il est capable de se comporter par ailleurs comme un tueur en politique, avec les sourires de façade et l'exécution froide en coulisse, une autre facette montre sa solitude en tant que personne (des centaines de contacts dans son téléphone portable - et pas (ou plus?) un seul ami à appeler pour prendre un pot à l'improviste). C'est l'occasion de faire ressortir le côté humain du personnage: lorsque, bourré comme un coing, il entreprend d'aider son chauffeur à construire son pavillon de banlieue. Effort dérisoire: c'est celui-ci qui devra ramener son ministre (sur son dos) dans son appartement familial des beaux quartiers. Autre côté où l'humble l'emporte sur le puissant: après un accident de la route, la famille de la victime qui accepte (tolère?) la présence des hautes autorités de l'Etat à des funérailles - mais en interdisant toute prise de parole (leur souhait est respecté). Ce qui n'empêche pas notre ministre de se psalmodier, pour lui seul, le discours préparé. Scène que je mettrais en parallèle avec une autre qui nous montre l'image frappante (muette) de l'orateur qui prononce un discours (on ne l'entend pas), alors qu'il doit être en train de penser à tout autre chose que ce qu'entend son public suspendu à ses lèvres.

Pour moi, ça se regarde comme un polar: je veux dire que c'est un film qu'il faut revoir une deuxième fois, avec attention, quand on en connaît les péripéties, afin d'être à même de prendre en compte les moindres "éléments annonciateurs". Pour cela, il m'évoquerait un peu le film Le Candidat. Mais cette oeuvre contemporaine m'a également fait penser à un film que j'apprécie depuis longtemps - et que j'ai parfois vu moqué comme kitch, ou cabotin: Le Président, avec Jean Gabin en tête d'affiche. Pour dire quelques mots à ce sujet, il s'agit là d'un film de 1961 (début de la Vème République - il y a plus d'un demi-siècle, je n'étais pas né), mais le "président" qui en est le centre était, à l'époque où il se déroule (la IIIème République), celui "du Conseil" (responsable devant la Chambre des députés), et non celui de la République. Puisse, en 2012, l'Exercice de l'Etat susciter réflexion. Personnellement, quand j'entends dire "dans la situation actuelle, personne ne pourrait faire mieux que lui", j'entends "beaucoup d'autres pourraient faire aussi bien, essayons, donc!". Je rêverais que passe une émission de télé-réalité où des décisions "politiques" (fût-ce pour une "cité" de fiction) seraient à prendre par différents "acteurs" ou "candidats" (ces termes sont signifiants!), avec leurs conséquences enchevêtrées mises en évidence le plus clairement possible, et "votes" du public (j'allais écrire "des citoyens"!)... Cela me redonnerait peut-être envie de racheter une télé! 

(1) Quai d'Orsay, de Christophe Blain et Abel Lanzac, t.1. paru en 2010 chez Dargaud, t.2 à paraître (prépublié cet été en N&B dans Le Monde).

PS du 09/03/2012: pour une liste de plus de 180 blogs ou sites ayant consacré un article à ce film, c'est par là.
PS du 23/05/2012: désormais, le billet concerné recense plus de 300 liens.

Commentaires
L
je suis contente que ce film continue sa carrière car c'est vraiment une très bonne réflexion sur le pouvoir<br /> <br /> Luocine
Répondre
O
Oui, effectivement, le psg joué par Olivier Gourmet est véritablement fascinant, très ambigu. tout comme vous le dites, il est à la fois implacable dans ses décisions, furax et tyrannique dans son cabinet, mais s'intéresse de très près à la vie modeste de son chauffeur, et n'est pas dénué d'émotions. l'écriture des dialogues et des psychologies est très fine, et la géniale interprétation d'O.Gourmet, selon moi, l'un des meilleurs acteurs actuels dans le cinéma français, contribue à redonner de cette ambiguité. Le psg d'O.Gourmet est à la fois ému sur certaines scènes (l'ouverture sur l'accident, comme vous l'avez remarqué), et bourru, comme un monstre d'indifférence, sur d'autres, et le physique très particulier de Gourmet en impose.<br /> <br /> Sinon, cette critique m'apprend qqch, puisque je ne savais pas que Pierre Schoeller s'était inspiré de Quai d'Orsay, BD vraiment très drôle mais aussi grinçante, aux limites de l'absurde. <br /> <br /> Belle soirée !
Répondre
U
D'accord avec vous sur la construction du discours et les nécessités qui s'y rapportent : la scène qui suit l'accident révèle assez bien la nécessité de produire un message clair et lisible presque en direct. Mais la construction de « Quai d'Orsay » (que j'ai adoré également) n'est vraiment pas la même, elle tourne explicitement autour du personnage de De Villepin et de son excentricité langagière. Chez Schoeller on est pas dans la négociation internationale mais dans l'enjeu immédiat de communication sur le terrain, la réaction à chaud.
Répondre
P
Bonjour,<br /> <br /> Je trouve cet article très intéressant et bien mené. Même si je n'ai pas accroché totalement au réalisme du film, je ne nie pas les qualités que tu cites.
Répondre
Y
Tu as raison, c'est un film qui s'apprécie après plusieurs visionnages. Difficile de comprendre et saisir tous les enjeux qui se cachent derrière chaque action et chaque personnage...
Répondre
M
Belle chronique pour un super bon film, dont j'ai particulièrement aimé les échanges verbaux, le verbiage et l'énrme prestation de Michel Blanc! Car il n'y a pas que Gourmet....loin sans faut. Banc est exceptionnel. Un film conseilé à tous ceux qui aiment le bon cinéma simple, franc direct, sans effets spéciaux, juste ue histoire, des acteurs au sommet et une direction bien menée. Voilà. Merci d'être passé me voir....
Répondre
C
J'ai répondu pour le commentaire sur mon blog!<br /> Merci!
Répondre
A
Il semblerait qu'on ait vu le même le film !
Répondre
P
réflexions intéressantes... merci de ton passage sur mon blog, par ailleurs. je ne savais pas qu'il y avait un squatter sur le blog de dasola... ;)
Répondre
K
Voilà, c'est vu et chroniqué ;)
Répondre
R
C'est un film que j'avais envie de voir, d'autant que j'avais aimé Le Candidat
Répondre
K
Séance prévue ce samedi 5/11 après-midi, à suivre !
Répondre
D
j'ai beaucoup aimé ce film, Gourmet est vraiment excellent <br /> j'espère allé voir Clooney ce week end le temps annoncé pousse vers les cinémas
Répondre
W
Merci pour ton commentaire. Gattaca n'est pas un très bon film, c'est un grand film ^^<br /> Quant à celui-ci que tu recommandes, je ferai donc un effort :)
Répondre
W
Guère intéressé par le sujet.
Répondre
F
Pour reprendre la réflexion de Lystig, il est assez amusant de voir les deux films la même journée. Car s'ils parlent tous deux d'ambition et de compromission, la politique est abordée d'un tout autre angle. Et si l'on se permet en France de rigoler doucement des désirs sexuels des ministres en activité, il est toujours interdit à un candidat US de tromper son épouse :)
Répondre
P
Le film est riche en effet, et se laisse parcourir sans ennui par la densité de son contenu. C'est film sombre et déprimé aussi, même si, je suis d'accord, il n'a nullement l'intention d'épingler qui ou quoi que soit. En plus de sa mise en scène audacieuse, c'est ce qui fait d'ailleurs sa valeur
Répondre
Y
Je suis contente d'avoir ton avis sur ce film ! ET effectivement, je comprends qu'on ai conseillé au comédien de lire Quay d'Orsay, c'est une BD superbe qui nous plonge dans les méandres des hautes sphères dirigistes !
Répondre
O
Pour info, "Quai d'Orsay" est inspiré du passage de Dominique de Villepin au ministère des Affaires Etrangères d'où le style 'flamboyant' et 'grandiloquant'.
Répondre
A
Je suis bien d'accord, il faut le revoir une deuxième fois, il est tellement dense par moment qu'une deuxième vision s'impose, j'y pense sérieusement. Au final, il est très addict le personnage d'Olivier Gourmet, prêt à marcher sur tout et tout le monde pour garder le pouvoir, comme les autres, c'est en cela qu'il fini par être décevant. Mais si ce n'était pas un prédateur, il ne serait pas arrivé jusque là .. Michel Blanc parlait bien de son rôle, dimanche matin sur France Inter (Eclectik).
Répondre
L
à Paris, j'ai remarqué que souvent les affiches des films "l'exercice du pouvoir" et "les marches du pouvoir" étaient à côté sur le colonnes morris
Répondre
Le blog de Dasola
  • CINEMA, LIVRES, DVD, SPECTACLES, TV - BILLETS DE BONNE ET (parfois) MAUVAISE HUMEUR. Critiques et opinions sur films, livres et spectacles. [Secrétaire de rédaction et statistiques: "ta d loi du cine" (241 commentaires, du 17/01/07 au 16/05/25)].
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Newsletter
83 abonnés
Liens (en cours de mise à jour)

²** INDEX AUTEURS (LITTÉRATURE), FILMS & REALISATEURS (CINÉMA) **

*** CHALLENGES DE L'ANNEE EN COURS ***


** LE SITE DU STATISTICIEN **


*** LIENS ***
(BLOGUEURS COMMENTANT SOUVENT LE MIEN)

  • = Onze blogueuses et blogueurs ayant fait au moins 500 commentaires chez dasola se présentent =
  • On crée un lien lorsqu'un blogueur a commenté au moins cinq billets en venant à (au moins) deux dates différentes sur ce blog. 
  • Une adresse de mail (xxx@yyy.fr ou com...) [non publiée!] est exigée par Canalblog pour enregistrer votre commentaire. 
  • Vous ne voyez pas tout de suite apparaître votre commentaire, car il doit d'abord être validé (cela peut prendre quelques heures)
 
CINÉMA (22 blogs en activité)

DIVERS - CULTURE (54 blogs en activité)

LIVRES (63 blogs en activité)

QUELQUE TRISTESSE

QUELQUES BLOGS DÉSORMAIS EN PAUSE (À MON GRAND REGRET)

QUELQUES INFIDÈLES (NE ME RENDENT PLUS MES COMMENTAIRES...)

QUELQUES INTROUVABLES (BLOGS SUPPRIMÉS OU DISPARUS?)

SANS BLOG (COMMENTATEURS SUR LE MIEN)

STATISTIQUES, INFORMATIONS, RECORDS (DEPUIS LA CRÉATION DU BLOG)

  • * Blog créé le 09/01/2007, transféré sur Canalblog en juin 2007, migré à l'insu de son plein gré sur l'outil Overblog en février 2024 *
  • 2910 billets (au 19/05/25), dont tous ont eu au moins un commentaire
  • 35 300 commentaires (au 20/05/25 [+ 2 [anciennement 203] "égarés" lors de la migration"]) [dont 261 dasola] par au moins 1284 personnes, dont 89 (re)venues en 2025
  • 417 blogueurs [dont 138 actifs en 2025] m'ont fait au moins 5 et jusqu'à 1268 (au 20/05/2025) commentaires (voir ci-dessus)
  • Abonnés (être prévenu à chaque nouveau billet publié sur le blog): 82 au 04/03/2025 (via "Newsletter" ci-dessus)
  • Billet commenté par le plus de personnes: 77 commentaires par autant de commentateurs/trices (billet du 09/01/2014)
  • Billet comptant le plus de commentaires: 123, par 46 commentateurs/trices différent(e)s (billet du 10/06/2023)
  • Record de commentaires en 1 an de date à date par 1 même blogueur-euse: 160 par Manou (du 01/08/23 au 31/07/24)
  • Record de commentaires en un mois: 355 en janvier 2014
  • Record de commentaires en une année civile (même blogueur-euse): 162 par Manou en 2024
  • Record de commentaires en une journée: 44 le 09/04/2009
  • Records de nouveaux commentateurs en un mois: 24 (dont 22 blogueurs) en mai 2008 et mars 2009
Pages