La voie martienne - Isaac Asimov
Cette fois-ci, je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) mets en orbite une seconde contribution au Challenge de la planète Mars, en espérant que ce lancement me permettra bien de rester sur une trajectoire d'un minimum de 13 contributions. Ce billet devrait aussi pouvoir compter pour le 9e Challenge de l'imaginaire proposé par Ma Lecturothèque!
Quatre nouvelles figurent dans ce livre "hors cycles" d'Isaac Asimov, La voie martienne. La nouvelle qui donne son nom au recueil n'est pas la plus longue, avec une cinquantaine de pages seulement contre plus de 90 pour la dernière. Je peux également noter que mon édition (imprimée en novembre 2019) ne présente pas de préface d'Asimov comme d'autres de ses recueils où il évoquait les circonstances de rédaction, et notamment la réception des textes par les rédacteurs en chef des magazines de SF de l'époque.
La voie martienne dont il s'agit ici, c'est la voie étroite et propre (différente de celle de la planète Terre) que sont contraints d'emprunter la planète Mars et les colons qui la peuplent pour conquérir leur indépendance énergétique, en tout premier point par rapport au carburant indispensable aux voyages dans l'espace: H2O, autrement dit... l'eau, lorsque le gouvernement terrien envisage d'en restreindre l'exportation hors de notre "planète bleue". Après le gaspillage, quelques générations auparavant, du pétrole et du charbon, certains démagogues terriens s'appuient sur la peur de manquer d'eau pour demander que la terre cesse d'en exporter vers les colonies installées dans l'espace (Mars, Vénus, la Lune), au motif que les lourds investissement consentis pour ces colonies ne sont rentables ni financièrement ni en terme de retour de "ressources naturelles" (minerai de fer, magnésium, titane, récupération des métaux en quoi sont confectionnés les grands réservoirs jetables indispensables au départ des vaisseaux spatiaux, lesquels semblent propulsé par l'éjection de... vapeur d'eau?). Je n'ai absolument pas vérifié le calcul, mais il est dit qu'un kilomètre cube d'eau pèse 4,5 milliards de tonnes, tandis que 50 000 vols consommeraient moins de deux kilomètres cubes... arguments de politiciens! Les "récupérateurs" martiens sillonnent l'espace entre Mars et la terre ("récupérer fait partie de la condition martienne", p.9). L'installation des ex-terriens sur Mars semble récente, puisque la troisième génération de "martiens" ne consiste encore qu'en quelques centaines de bébés sur 50 000 âmes. En tout cas, lorsque commence la nouvelle, l'économie circulaire n'est pas "bouclée" puisque chaque vol spatial "consomme" 100 000 tonnes d'eau terrienne (alors que sur Mars, elle est sévèrement rationnée: en cas d'invitation à dîner, la politesse veut que l'on amène sa ration d'eau...). Je me suis d'autant plus posé la question de savoir si l'installation sur Mars n'était pas une parabole de la création d'Israël (1948 - et il a aussi été question là-bas de mobiliser de l'eau pour un sol aride!) que le leader démagogue se nomme Hilder. Bref, une fois le blocus sur l'eau instauré, les récupérateurs vont devoir mettre au service de Mars leurs aptitudes professionnelles (passer des mois dans des vaisseaux spéciaux bien plus "spartiates" que ceux utilisés par les Terriens "de souche"). La parution en anglais a eu lieu plus d'une vingtaine d'années avant le premier choc pétrolier (en 1973, les pays producteurs de pétrole ont tâché de restreindre l'accès de l'Occident à cette ressource jusqu'alors bon marché), celle en français après.
Je n'ai pas réussi à percevoir d'unité dans le recueil, mais l'agencement des nouvelles remonte à la première publication du recueil en anglais, en 1955 (publication de la nouvelle dans la revue Galaxy Science Fiction en 1952, première traduction en français chez J'ai Lu en 1978). Pour dire quelques mots des autres nouvelles comprises dans le recueil:
Ah! Jeunesse: deux garnements, en villégiature à la campagne, s'amusent avec de drôles d'animaux qu'ils ont mis en cage. De leur côté, leurs pères s'inquiètent du sort des ambassadeurs attendus d'une autre planète. Hé oui, on a souvent besoin de plus petit que soi!
Les profondeurs: La civilisation américaine des années 1950 peut-elle se montrer suffisamment accueillante pour des "réfugiés planétaires"?
L'attrape-nigaud: si ma propre mémoire est bonne, le thème de l'humain présentant des capacités supérieures à celles d'un ordinateur a aussi été utilisé par Asimov dans une tout autre nouvelle, La sensation du pouvoir (1957) du recueil Le robot qui rêvait (où il est envisagé d'utiliser des "calculateurs humains" sacrifiables pour piloter des missiles habités: "on peut plus facilement sacrifier un homme qu'un ordinateur", comme pérore un général). Ici, dans L'attrape-nigaud, les humains surdoués chez lesquels on a cultivé l'hypermnésie par une éducation intégralement dédiée après sélection jouent essentiellement un rôle d'"association d'idées" en recourant à l'index que constitue leur cerveau saturé d'informations hétéroclites accumulées par plaisir sans savoir si elles serviront un jour. Cependant qu'une société utilitariste ne retient, elle, que ce qui peut lui servir dans l'immédiat - et s'empresse d'oublier ce qui lui semble inutile. Belle démonstration de la différence entre recherche fondamentale et recherche appliquée... Je ne dirai rien de plus du contenu de cette longue nouvelle, si ce n'est qu'elle ne concerne pas Mars.
On peut aussi lire des chroniques sur le recueil chez Anudar, Capitaine café (dernier billet en mai 2020) ou Je lis la nuit (en pause depuis septembre 2018). Anna du blog Scifilisons l'évoque aussi.