Algues vertes, l'histoire interdite (BD) - Inès Léraud / Pierre Van Hove
Après avoir vu cet été avec la maîtresse du blog le film Les algues vertes, j'avais (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) souhaité lire la bande dessinée qui avait été publiée préalablement sur le même sujet.
Algues vertes - L'histoire interdite, Inès Léraud et Pierre Van Hove, La revue dessinée / Delcourt, 2019, 168 pages (dont 24 pages d'annexes, repères, et documents)
La couverture donne le ton de l'ouvrage: des couleurs froides, beaucoup de vert (dans chaque page, sauf erreur de ma part), du blafard (il y a aussi des couleurs chaudes, mais je crois qu'elles sont bien minoritaires en terme de surface des aplats). Les premières planches de la séquence introductive ne perdent pas de temps pour expliquer ce que tout le monde sait, n'est-ce pas (en Bretagne, les algues vertes, en se décomposant, produisent de l'hydrogène sulfuré [H2S])... et nous montrent, en parallèle, un cavalier qui a mis pied à terre et qui finit par s'effondrer à côté de son cheval. C'est efficace. La dernière planche de cette séquence (p.6) nous donne la date: 28 juillet 2009. A partir de là, on tire le fil d'une histoire qui commence au moins 20 ans plus tôt... avec des positions vraiment antagonistes par rapport au fléau voire aux dangers parfois mortels constitués par les fameuses "algues vertes", et surtout aux causes et origines de leur prolifération (le lisier des élevages intensifs de porcs en Bretagne, mais chut, faut surtout pas le dire - il y a trop d'intérêts derrière).
Rédigée sur un ton très neutre, toute la bande dessinée se veut factuelle et dépouillée. La 3e de couverture porte l'avertissement suivant: "Ce récit est la reconstitution et la synthèse d'une enquête de terrain de plusieurs années, faite de multiples témoignages et de documents scientifiques, journalistiques, judiciaires - dont vous trouverez une sélection en annexe - et utilisant parfois l'ironie, inhérente au genre littéraire de la caricature, comme instrument de critique sociale et politique."
Il s'agit d'une bande dessinée plutôt didactique (elle a commencé à être publiée dans La revue dessinée). Et, si elle rend compte avec précision des entretiens qu'a obtenus la journaliste, la bande dessinée n'aborde pas la vie personnelle de celle-ci durant l'enquête (contrairement au film). Mais page après page, les différents dossiers, les affaires, les anecdotes, les entretiens s'enchaînent. Certaines planches explicitent la décision de diminuer le nombre de paysans en France, sous la Cinquième république, afin de fournir de la main-d'oeuvre à l'industrie. D'autres exposent le système d'agriculture productiviste, basé sur les intrants, la mécanisation, les prêts indispensables pour chaque paysan qui rentre dans le système et doit financer son agrandissement, sa "mise aux normes"... Celles-ci sont parfois détournées. Si l'on retraite les effluents d'un élevage de porc pour réduire de 30% ses rejets azotés... sans en limiter le volume total, ni le nombre de porcs par élevage, l'objectif de diminution de pollution aboutira en fait à l'augmentation de 30% du nombre de porcs pour une pollution stable (c'est expliqué p.81 par exemple).
Ci-dessous quelques "citations en image".
p.66: avec le remembrement était planifié la destruction de la petite et moyenne paysannerie...
Comme le remarqueront ceux qui ont vu le film, la journaliste est absente à l'image, tout au plus sa présence est-elle évoquée via des "bulles", avec la question qu'elle pose à l'interlocuteur que l'on voit de face, en "vision subjective", ou une relance voire une réaction). Les "annexes" consistent notamment en fac-simile de documents évoqués dans le fil de la narration (courriers, articles...). Je précise enfin que j'ai pu lire cette BD en l'empruntant au "système de prêts de livres de l'AMAP dont je fais partie.
Parmi les blogs qui ont évoqué cette BD, j'ai retrouvé, dans l'urgence (liste non exhaustive): Sandrine, Gambadou (je complèterai si je trouve d'autres liens). Matatoune.
J'ai même découvert chez Yv l'existence d'un polar breton titré De si jolies petites plages.
A vous d'y aller voir et lire...