La zone d'intérêt - Jonathan Glazer
Quand la projection de La zone d'intérêt du britannique Jonathan Glazer démarre, l'écran est noir et on nous fait entendre une musique plutôt oppressante. Quelques minutes après, une image bucolique apparaît, un groupe d'hommes, de femmes et d'enfants finissent de pique-niquer au bord d'une rivière. Ils repartent en voiture et on se retrouve dans une maison agrémentée d'un grand jardin (avec piscine et verger) entourés d'un mur. Derrière ce mur, c'est l'enfer sur terre. Nous sommes à Auschwitz en 1942 et Rudof Höss et sa femme Hedwig vivent dans cette maison mitoyenne du camp avec leur cinq enfants dont un bébé, servis par de jeunes polonaises corvéables à merci qui ne disent pas un mot. Rudolf Höss règne sur le camp et Hedwig règne sur la maison d'une main de fer. Le film se passe essentiellement dans la maison et le grand jardin qui ressemble à l'Eden. Mais néanmoins, on entend des sons dont les fours crématoires qui fonctionnent à plein régime jour et nuit. Même quand il fait beau, les fenêtres restent fermées car en en plus de l'odeur nauséabonde, cela permet d'atténuer le bruit des fours, des détonations, des cris, des pleurs, des aboiements de chiens et des vociférations. Il faut saluer le travail de l'ingénieur du son. Il y a relativement peu de dialogues dans ce film, sauf quand Höss se fait expliquer sur un plan comment raccourcir les délais pour exterminer le plus de gens possible. Ou quand Höss quitte le camps quelques semaines pour se rendre à Orianenburg pour une réunion que je vous laisse découvrir. A la fin du film, une séquence marquante nous permet d'entrer dans le camp de nos jours, avec des femmes de ménage qui passent l'aspirateur devant des vitrines remplies de chaussures, valises et autres béquilles ou qui balaient dans une chambre à gaz et autour de deux fours crématoires délabrés. Les acteurs sont filmés plutôt de profil et de loin. Le personnage d'Hedwig m'a paru aussi épouvantable que le mari. Elle n'a aucune empathie pour personne. Elle ne comprend même pas que sa mère venue lui rendre visite quelques jours reparte sans rien dire. Les enfants du couple n'ont pas grand-chose à faire. Le réalisateur arrive à désincarner ces personnages. C'est effrayant. Le film est une expérience sensorielle qui met mal à l'aise car si on ne voit rien de ce qui se passe derrière le mur, on entend tout. Pendant la projection, un jeune couple assis à côté de moi mangeait du popcorn: ils se sont arrêtés de le faire. En ce qui me concerne, j'ai recommencé à respirer normalement en sortant de la séance. Cela n'empêche pas que je conseille ce film.
Lire les billets de Pascale (pas convaincue), Princecranoir et Selenie. Sinon, même si certains critiques (comme Xavier Leherpeur au cours de l'émission du Masque et la Plume qui a traité le film de "dégu... asse") sont durs avec ce film, La zone d'intérêt a déjà été vu par plus de 200 000 spectacteurs depuis sa sortie le 31 janvier 2024.