Dans la main du Diable - Anne-Marie Garat
Grâce à Rosa (je la remercie) qui m'a fait parvenir Dans la main du Diable d'Anne-Marie Garat, je viens de passer quelques jours, dont le dernier week-end, immergée dans ce gros pavé de 1287 pages édité aux éditions de poche Babel / Actes Sud. A Paris, Gabrielle Demachy et sa tante Agota Kertész (d'origine hongroise toute les deux) viennent d'apprendre par le Ministère de la Guerre, en ce mois de septembre 1913, qu'Endre Luckàcz, cousin de l'une et fils de l'autre, est décédé en Birmanie. Une malle avec les affaires du jeune homme va leur être restituée. Chimiste de formation, Endre était parti en 1908 et n'avait jamais donné de nouvelles depuis. Comme Gabrielle veut en savoir plus sur la mort de ce cousin qu'elle aimait, et grâce à une information donnée par un certain Michel Terrier qui travaille au ministère, elle va devenir la gouvernante d'une petite Camille (Millie) de Galay, dont le père Pierre, spécialiste en maladies infectieuses, est celui qui a assisté à la mort d'Endre, et a pu récupérer un cahier d'une vingtaine de pages rédigées par Endre en hongrois, porteur d'un terrible secret. Gabrielle est une jeune femme déterminée d'une vingtaine d'années, jolie, intelligente et qui a appris à jouer du piano grâce à une amie polonaise, Dora Gombrowicz. Cette dernière est un personnage important du roman qui se déroule jusqu'en août 1914, au moment de la mobilisation générale. En effet, Dora se trouve avoir en sa possession deux ampoules dont le contenu peut anéantir une partie de la population parisienne. Quand Gabrielle commence son service, la famille de Galay nous est présentée: Mathilde née Bertin, la mère, dirige d'une main de fer à Paris la fabrique de biscuits Bertin-Galay, héritée de son père. Elle sait même s'adapter (grâce à un adjoint efficace) aux revendications de ses employées qui décide la grève. Le mari de Mathilde, Henri, est pratiquement toujours parti de par le monde en quête d'objets exotiques. Mathilde a quatre enfants dont elle ne s'est pas beaucoup occupée: Pierre (que j'ai déjà mentionné); Daniel, réalisateur de films muets qui partira aux Etats-Unis; Blanche, femme au foyer et mère possessive d'un garçon nommé Didier; et enfin Sophie, la petite dernière, enfant non désirée, et déjà mère, elle-même, de 3 enfants (elle en attend un 4ème) et dont le mari, Charles, notaire de son état, la trompe outrageusement tout en profitant de sa dot. Elle saura se venger à sa manière. Cette grande famille bourgeoise a une nombreuse domesticité dans la demeure du Mesnil à 20 km à l'ouest de Paris. De plus, Mathilde possède un grand appartement à la Chaussée d'Antin. Au fil de ce long roman qui prend son temps mais où je ne me suis pas ennuyée une seconde (il y a suffisamment de rebondissements pour que j'ai eu envie de continuer), Gabrielle croise le chemin d'un anarchiste Marcus, de Clarisse Zepwiller et de son frère Jean (compagnon de route d'Endre), d'un commissaire à la belle moustache, dénommé Louvain. On n'entend pas trop les rumeurs de la guerre prochaine, mais on a une évocation fouillée de cette période d'insouciance avant cette terrible guerre, dont l'Affaire Caillaux, les recherches à l'Institut Pasteur, la valse des ministères, Jaurès. On suit au jour le jour la vie de ces quelques personnes dont j'ai presque pensé qu'elles avaient véritablement existé. A part une incursion à Venise où Gabrielle va mettre sa vie en danger, tout le roman se passe à Paris et dans sa banlieue. Un journaliste nommé Max Jamais, du journal "Le Temps", portera à la connaissance du grand public le secret d'Endre. Le style de Garat est uni et fluide. C'est un très bon roman bien structuré. Elle ne perd jamais le fil, il n'y a pas de digression. Il ne faut surtout pas se décourager devant autant de pages écrites serrées. Cela en vaut vraiment la peine. Une suite qui se passe 20 ans après vient de paraître avec Camille (Millie) Galay comme personnage principal. Je le lirai certainement mais il faut que je me remette de celui-ci.
PS: pour celle ou celui qui serait intéressé(e) que je lui envoie ce livre (afin qu'elle ou il le lise), comme Rosa l'a fait pour moi, j'en serais ravie. Il suffit de me le faire savoir.