Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) vous présente aujourd'hui quatre ouvrages différents (mais tous bleus!) autour d'un même thème.
Comme tout le monde, j'avais entendu parler de Tromelin il y a déjà quelques années, lorsqu'ont été médiatisés les résultats des fouilles archéologiques sur le campement des esclaves qui y ont survévu abandonnés durant plusieurs années. En croisant de temps en temps sur des blogs les chroniques de tel ou tel livre sur le sujet, j'ai fini par avoir envie de les lire! Grâce aux différentes bibliothèques de la Ville de Paris, c'est chose faite.
On connaît l'histoire: le 31 juillet 1761, de nuit, le vaisseau L'Utile (flûte!) fait naufrage sur les récifs d'un ilôt localisé trop approximativement sur les différentes cartes de l'époque. Il transporte quelque 142 marins et officiers, et quelque 160 esclaves embarqués clandestinement à Madagascar à destination de l'Ile Maurice (alors nommée Ile de France). Sous la conduite du lieutenant Barthelemy Castellan du Vernet, les survivants construiront un nouveau navire à partir des bois de L'Utile. Mais il ne peut les transporter tous. Devinez qui sera, le 27 septembre (au bout de deux mois d'efforts communs), abandonné sur l'île, avec promesse solennelle de revenir les chercher? Les derniers des esclaves vont réussir à subsister 15 ans. Quand le quatrième des vaisseaux envoyés parvient à les évacuer par pirogue vers le navire, le 29 novembre 1776, seules survivent sur l'ilôt sept femmes et un bébé.
J'ai donc lu trois oeuvres de fiction et un rapport archéologique. Les trois font preuve d'imagination à partir des mêmes éléments connus.
Les Robinsons de l'île Tromelin. L'histoire vraie de Tsimiavo - Alexandrine Civard-Racinais, illustrations d'Aline Bureau (Belin jeunesse, 2016).
Alexandrine Civard-Racinais est journaliste, auteure, vulgarisatrice de contenus scientifiques, Aline Bureau s'est spécialisée en illustration jeunesse. Ce livre de fiction se présente comme un témoignage, écrit à la première personne au jour le jour, celui de la maman du bébé (dont la mère figurait également parmi les rescapées). Très "identificatoire", cet ouvrage paraît destiné à un public jeunesse. Il compte une trentaine d'illustrations, en couleur ou en noir et blanc, au format allant du cul-de-lampe à l'illustration couleur pleine page sans texte. Détail: j'ai cru voir qu'il respecte la réalité historique avec certains esclaves aux cheveux crépus et d'autres aux cheveux lisses, témoignant du brassage réalisé par les trafiquants de "bois d'ébène". La fin du livre comporte quelques vignettes explicatives très pédagogiques.
p.64-65
p.36-37 p.38-39
Le blog de la dessinatrice Aline Bureau n'est plus alimenté depuis mars 2018. Le site internet de l'autrice Alexandrine Civard-Racinais annonce ses dates de conférences.
Le pays des mots (4 billets!) l'avait chroniqué en 2017.
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Les naufragés de l'île Tromelin - Irène Frain (Michel Lafon, 2009 / J'ai lu n°9221, 2010).
Ce livre est classé comme un roman. Irène Frain a eu accès à la documentation rassemblée par l'archéologue Max Guérout et a elle-même séjourné sur l'île. Pour ma part, je lui reconnais surtout le mérite d'avoir fortement médiatisé cette histoire peu connue auparavant. Les naufragés de l'Île Tromelin est écrit "de l'extérieur" par une narratrice omnisciente (qui sait aussi ce que pensent les personnages), au présent de narration ou au passé composé, avec des phrases courtes et simples.
Toutes proportions gardées, son livre me fait songer à certains de ceux que j'ai pu lire jadis sur l'histoire du Bounty (par exemple celui de Sir John Barrow, classique paru en 1831, qui expose à la fois l'histoire de la mutinerie, puis tant la navigation du capitaine Blight que le sort ultérieur des mutins).
Je n'ai pas l'impression que le "site officiel" "www.lesnaufragesdeliletromelin" indiqué en fin d'ouvrage soit toujours actif (si aucun ayant-droit n'a pris la peine de renouveler le nom de domaine, il a dû être racheté...)? Par contre, le site personnel d'Irène Frain est accessible et donne notamment des dates de rencontres avec les lecteurs.
Les blogs suivants (liste non exhaustive!) ont chroniqué le livre (parfois au moment de sa sortie, en 2009... à partir d'envois en service de presse ou en "partenariat"?): Grominou, Zofia, Fumet de lectures, BettyBook22, l'ancien blog d'Antigone, l'ancien blog de Lucie, Gangoueus, Keisha (qui recense plusieurs autres liens), Laël, Leiloona, Lou, Stephie, Hérisson (sur le blog délivrer des livres), Alicia, Géraldine (qui avait aussi publié un entretien avec Irène Frain). Cathulu n'a pas aimé, Gambadou non plus...
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Les esclaves oubliés de Tromelin - Sylvain Savoia (Dupuis, coll. Aire libre, 2015).
Cette BD entrelace les passages d'époque, en présentation classique, avec des dialogues forcément fictifs, et les pages d'une sorte de "making off" de l'histoire du projet, dont j'ai trouvé la lecture nettement plus exigeante (pas de cases, beaucoup de texte à la première personne...).
Lorsque je suis rentré dedans dans un second temps, j'ai personnellement été captivé par "l'histoire de l'histoire" (ou plutôt la description de la vie de l'équipe d'archéologues là-bas, dans des conditions précaires). Il faut tout amener sur place, matériel et vivres, tout bien prévoir car les liaisons avion sont rares (il est bien sûr possible d'effectuer une évacuation médicale si indispensable)... et les équipements sont à la peine (éolienne qui ne marche plus, ordinateur qui tombe en panne, groupe électrogène principal aussi, tracteur...). Peut-on excuser l'erreur classique (p.47 et ailleurs): en archéologie, on ne met pas "à jour" des vestiges, on les met "au jour"? Les archéologues adorent le mot "perturber" (lorsque des vestiges en place ont été détruits par des constructions postérieures - ici p.82). Par contre, j'ai guetté en vain un "sol rubéfié" (témoignage d'incendie), ici remplacé par les "sols sablonneux" résultant d'épisodes cycloniques!
p.20-21, le jour du naufrage. p.82-83, les vestiges des cases de pierre mis au jour
Blog qui en ont parlé: Moka, JeanJacques, Krol.
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Tromelin. L'île aux esclaves oubliés - Max Guérout & Thomas Romon (CNRS éditions / INRAP, 2010)
Max Guérout, ancien officier de la Marine nationale, a mené quatre expéditions qui s'étalent entre 2006 et 2013 (cette dernière non couverte, donc, par le présent livre, mais bien par la BD précédente). Il consacre de nombreuses pages (fruit de sa recherche documentaire dans les archives) à resituer le contexte historique, maritime, commercial, en métropole comme dans l'Océan Indien, de l'époque du naufrage. Ce livre apparaît comme extrèmement complet, et s'appuie sur des faits documentés.
Je n'ai pas trouvé de chronique le concernant, mais Docbird cite un autre ouvrage de Max Guérout, Esclaves et négriers, qui contient un DVD Les esclaves oubliés de Tromelin.
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Au final, j'ai classé dans cet article les quatre ouvrages dans l'ordre croissant de mon intérêt personnel: ce que j'ai le plus apprécié est bien ce qui raconte la démarche historique et archéologique basée sur des faits. Je pense que les différents profils de lectrices ou lecteurs peuvent être plus ou moins attirés par l'un ou l'autre...