Cycle "John Carter" - Edgar R. Burroughs
J'ai poursuivi mon Challenge de la planète Mars (lancé par moi-même, ta d loi du cine, "squatter" chez dasola), en relisant cinq volumes que j'avais achetés dans les années 1980. Il s'agit des cinq tomes du cycle John Carter, d'Edgar Rice Burroughs, publié par Edition spéciale, sous la responsabilité de Jean-Claude Lattès, au tout début des années 1970. Nettement moins que connu du grand public que Tarzan, l'un des autres héros créés par Burroughs, John Carter a pourtant fait rêver plusieurs générations d'adolescents depuis plus d'un siècle. Il a donc aussi toute sa place dans le Challenge "2022 en classiques".
Le premier épisode du cycle, Les conquérants de Mars (dans cette édition!), pose les postulats. Notre héros, John Carter, est sorti du néant. Le livre utilise le vieux ressort d'un manuscrit récupéré de "l'oncle Jack", qui fréquentait, paraît-il, avant la guerre de Sécession, la maison familiale de celui qui le publie. Il est parti participer à cette guerre avant de revenir inopinément une bonne quinzaine d'années plus tard, riche d'argent. Le portait du "splendide échantillon d'humanité" est brossé: plus d'un mètre 90, large d'épaules et étroit de hanches, cheveux noirs et drus, yeux d'un gris métallique. Il semble mourir en mars 1886, en laissant des instructions pour que son corps soit déposé dans un cercueil ouvert, dans un caveau qu'il a fait construire et dont la serrure ne peut s'ouvrir que de l'intérieur (ciel, un vampire? NDLR). Quant au fameux manuscrit, il devait rester cacheté pendant 10 ans, et n'être divulgué que 20 ans après la date de la mort (ce qui nous amenait vers 1906 ou 1907?). Nous y voilà, le fameux manuscrit est un récit à la première personne. Mars est vivable, et habitée. Mais foin d'un humanisme pacifique, les créatures martiennes les plus proches des hommes "terriens" ne sont pas les moins belliqueuses. Et si les armes sont plus avancées que celles utilisées pendant la guerre de Sécession, c'est qu'elles sont le fruit d'une science qui remonte à des millions d'années... Et vu la compatibilité génétique qui semble conclure l'ouvrage, on peut se demander (même si ce n'est jamais explicité) si, par hasard, nos lointains ancêtres sur terre ne découleraient pas d'une expédition martienne. Je dirai juste que le terrien (?) John Carter a plus que bien mené sa barque (ou son aéroplane) durant ses aventures martiennes alors qu'il séjournait sur la planète rouge, sans trop savoir comment il y était arrivé ni comment il en est revenu (mystères...).
L'épisode suivant avait également été traduit et publié en 1937. Pour Les dieux de Mars (qui reprend l'histoire de John Carter exactement là où la fin du 1er volume de la saga l'avait laissé), notre auteur adopte des solutions sacrément culotté. Bien entendu, notre héros n'est pas revenu sur la planète rouge à l'endroit d'où il en avait disparu pour rejoindre la terre, ce serait trop simple. Ayant besoin, dans le fil du récit, d'arriver presque à la fin d'un délai d'un an avant les pires supplices pour l'épouse de son héros, Mister Burroughs met celui-ci en prison chez ses ennemis... Et un paragraphe de six lignes (p.212) le laisse se morfondre pendant des mois à essayer en vain d'user ses chaînes ou de trouver une idée pour s'en sortir, avant que l'action accélère de nouveau et que, quelques pages plus loin, il se soit libéré et ait réuni une armée d'un ou deux millions de guerriers (je m'y perds...)! Dans les grandes scènes de bataille, dans ce volume comme dans d'autres, on peut trouver des réminiscences homériques (L'Iliade), avec d'un côté des héros nommément cités pour lesquels on suit les détails haletants du moindre duel, et de l'autre la piétaille qui se massacre joyeusement, par milliers de guerriers, dans l'anonymat le plus complet. Et ce volume (rédigé en feuilleton au 1er semestre 1913) se clôt encore dans un suspense insoutenable (mais comment ont-ils pu le supporter, les lecteurs français de 1937?).
Le troisième tome a été publié en français en 1971 seulement. Le feuilleton américain s'était, lui, étiré sur 1913-1914. Dans Le guerrier de Mars, John Carter poursuit son exploration des arcanes cachées de Mars (il n'a manifestement pas réussi à faire tomber toutes les superstitions qui avaient cours sur la planète rouge avant son arrivée, si grande soit la place qu'il y a prise!). Il continue aussi à chercher son épouse, toujours aussi enlevée que précédemment. Il ne faut pas chercher trop d'épaisseur psychologique ou de sens de la nuance aux caractères des différents personnages, alliés ou ennemis. Les héros ne meurent jamais. A la fin, notre terrien (?) est nommé, en quelque sorte, généralissime de toute la planète Mars. On se demande bien comment rebondir encore après cela (... et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants?).
Dans le cinquième tome paru dans cette collection, Echecs sur Mars, John Carter n'est plus non plus le "héros principal". La planète rouge n'a pas fini de dissimuler des surprises. Ainsi, cette fois, c'est... la fille de John Carter et de Dejah Thoris que nous découvrons comme nouvelle héroïne, via un prologue de trois pages qui se passe sur terre (John Carter a résolu le problème des voyages Mars-Terre, et peut désormais venir se présenter au narrateur, non pas tout nu, mais avec son harnachement "guerrier de Mars" complet: épée et pistolet). Mais quand donc cette Tara est-elle sortie de l'oeuf ("la terre rouge de Tara", moi, ça me fait songer à Autant en emporte le vent)? Comment se fait-il que l'on n'ait jamais entendu parler d'elle dans les volumes précédents, si elle est juste "un peu plus jeune que Carthoris"? Mystères des feuilletons (cette histoire-là a été publiée en 1922). En tout cas, durant les moult aventures qu'elle va connaître, elle aura tôt fait de se trouver un chevalier servant, voire même plus d'un... La locution "la tête et les jambes" trouve une illustration plus ou moins hideuse dans ce roman. Dans les deux dernières pages, "son histoire terminée, John Carter se leva du siège placé en face de moi" avant de repartir, non sans avoir expliqué en quelques mots au narrateur les points du récit qui avaent pu rester obscurs dans le fil de la narration... (astuce à retenir!).
On peut encore noter que ce cinquième tome contient beaucoup plus de "matière" que les précédents. Je ne peux évidemment pas compter le nombre de mots ou de caractères "sur le papier" (et je n'ai pas regardé ce qu'il en serait dans des versions électroniques), alors j'ai pris des photos (ci-dessous). Je ne sais pas si le résultat en est très lisible/visible, mais je voulais mettre en évidence la différence de corps de police de caractères ainsi que le nombre de lignes à la page entre le tome 4 (30 lignes, p.10) et le tome 5 (38 lignes, p.20)...
Je viens aussi de faire quelques vérifications sur le catalogue en ligne de la BnF (Bibliothèque nationale de France). John Carter a ensuite, plus récemment (et plus complètement), été publié aux Editions Lefrancq. En 1994, le premier tome de son "Cycle de Mars" (1269 p.) correspondait à ces cinq premiers titres. Le tome 2 paru en 1995 (1175 p.) donnait à lire les six dernières aventures participant de ce cycle. Et c'est tout! S'il a aussi écrit d'autres cycles (de la lune, de Vénus...), s'il a emmené Tarzan à Pellucidar, Burroughs n'a jamais (d)écrit les aventures de Tarzan sur Mars ou (de) John Carter dans la jungle. Peut-être ses "successeurs" l'ont-ils fait (je n'ai pas vérifié)?
Si j'ai relu pour le présent billet les 5 tomes que je possédais déjà, je n'ai pas cherché à me procurer les 6 opus suivants. Je ne m'interdisais pas de les emprunter en bibliothèque pour un éventuel second billet sur John Carter... en espérant qu'il y aurait eu suffisamment de manifestations d'intérêt sur ce billet-ci pour me motiver, mais je pense que le temps va désormais me manquer d'ici la fin du mois de mars 2022. La dernière actualité autour de ce héros de roman remontant à 2012 (avec la sortie du film John Carter d'Andrew Stanton - que je n'ai jamais vu), je risque de ne pas avoir beaucoup de commentaires sur ce billet...
Pour ceux qui voudraient en savoir davantage sur ce "Cycle de Mars", ils peuvent consulter le blog Crimes à la belle époque. Il est aussi décortiqué avec pas mal d'ironie par Nébal. On trouve encore une longue chronique par Infocomète (plus de MAJ de ce blog depuis 2017).
En terme de postérité, quelques décennies séparent Edgar R. Burroughs de Jack Vance et son cycle de Tshaï, mais je pense que le héros vancien, Adam Reith, n'aurait jamais existé sans John Carter. Comme lui, humain fort et intelligent perdu sur une planète hostile, il finit après moult aventures par changer celle-ci et le sort de ses habitants. Mais comme ce n'est pas Mars, je n'en dirai pas davantage ici!