Les portes de l'aventure - Jean Hougron / Excalibur, l'épée dans la pierre - T. H. White
Je (ta d loi du cine, squatter" chez dasola) vous présente deux vieux livres chinés à prix cassé (le livre, ça ne vaut plus rien...). En tout cas, quand dasola commence à regimber avec ses livres neufs à 20 euros ("c'est plus possible!"), je lui mets sous le nez mes vieux "poche" achetés à 20... centimes d'euros. En voici deux!
Jean Hougron, Les Portes de l'Aventure, Le livre de Poche N°1257, 1966, 253 pages
T. H. White, Excalibur, l'épée dans la pierre, Le livre de Poche N°14655, 2012 (1ère éd. 1999; 1997 pour cette trad. française, EO anglaise 1938)
Ces deux titres peuvent donc participer au challenge "2023 sera classique" co-organisé par Nathalie et Blandine. Je fréquente depuis plusieurs décennies les deux auteurs dont j'ai donc acquis récemment ces deux ouvrages. De Jean Hougron, je relisais régulièrement Soleil au ventre, qui se trouvait dans la chambrette que j'ai occupé à partir de l'âge de douze ans dans la "maison de campagne" de mes grands parents, pendant la plupart des vacances scolaires. Il cotoyait, sur un petit rayonnage au-dessus de mon lit, Les nus et les morts de Norman Mailer, Le commandant Watrin d'Armand Lanoux, deux ou trois recueils de nouvelles et saynettes de Courteline, ou même La P... respectueuse de Jean-Paul Sartre auquel je n'ai jamais réussi à m'intéresser (et quelques autres que j'ai oubliés): livres achetés, je suppose, par la génération parentale, à l'occasion de voyages en train (en gare, à leur sortie en "poche"). J'avais à cette époque tendance à vouloir continuer à lire après mon "couvre-feu" officiel, et comme la porte de ma chambrette était vitrée, j'ai dû user un certain nombre de piles électriques pour lampe de poche en lisant sous les couvertures (parfois même tête-bêche!). Mais je n'avais, depuis cette lointaine époque, jamais eu la curiosité de lire d'autres titres de Jean Hougron, né il y a 100 ans cette année (1923-2001), alors qu'il a publié encore quelques romans bien après l'époque où j'y rêvais sur le moyen d'escroquer un casino...
Bref, Les portes de l'aventure fait partie de cette même série La nuit indochinoise (comportant au total 7 volumes) dont Soleil au ventre est le troisième volume et Les portes... le cinquième. Ce bref ouvrage (253 pages) est constitué de trois nouvelles indépendantes. L'aventure y est plus ou moins intense. Je vais dire quelques mots sur chacune, en tâchant de ne pas trop en dévoiler.
* Poulo-Condor est le nom d'une île (mais il n'est pas question dans la nouvelle du bagne qui y a fonctionné dans la réalité). Si je dis "Monte-Cristo", je suppose que ce sera cependant un indice de ce qui s'y déroule? Disons que, dans cette nouvelle de 88 pages comme dans les deux autres, il est question de pelle et de pioche. Le narrateur (celui qui dit "je" au départ) n'est pas le protagoniste le plus important, mais bien celui qui écoute l'histoire que lui racontent d'autres personnages. Il en tire ses conclusions...
* L"homme du kilomètre 53 m'a fait songer au Kipling des bâtisseurs de ponts et d'autres nouvelles décrivant des "administrateurs" anglais aux prises avec les éléments et les "subalternes locaux" dans leur colonie indienne. Ici, il est question des ponts-et-chaussées, de la construction d'une route dans la jungle avec divers aléas: la boue, le gravier adéquat qui manque... et les animaux sauvages. Une belle tranche de vie quotidienne exotique sur une quarantaine de pages.
* Le retour est le récit amer (de nouveau à la première personne) d'une courte tentative de reprendre la vie ancienne après le retour, sept ans plus tard, d'un homme parti à 19 ans faire forture "aux colonies". Il y a perdu la candeur et les illusions qu'il pouvait avoir à son départ: on ne se baigne jamais deux fois dans la même eau. Et que d'autres aient attendu son retour ne le touche pas: lui sent avoir trop profondément changé, quand d'autres ont seulement été marqués par le temps passé... Le fantasme de reprise d'une petite vie provinciale finira tragiquement.
Nonobstant cette diversité, il s'agit bien de ce qu'on appelle des "récits d'aventures". N'ayant pas lu les autres titres de la série, je présume que, à défaut de personnages reparaissants comme dans La comédie humaine, la principale unité est celle de lieu: l'Indochine française (avant 1954). Jusqu'à preuve du contraire, mon intuition est que Hougron a dû nourrir son oeuvre comme London, en mêlant ce qu'il a personnellement vécu sur place durant ses cinq ans en Indochine, à ce qu'il a dû y glaner comme récits d'aventures vécues ou rêvées par d'autres! La dernière réédition, en deux tomes de la collection Bouquins, remonte à 2004-2006.
Le second bouquin n'a rien à voir avec le précédent, mais je vais aussi comnencer par vous raconter mon propre rapport avec lui. Ce livre de T. H. White (à l'origine, je l'avais découvert en "bibliothèque verte", et sous un autre titre: L'épée dans le roc), je crois qu'il appartenait à mon grand frère. Je l'ai lu plusieurs fois étant gamin. Je l'ai ré-aperçu il y a quelques semaines, lors d'un bref passage dans une maison de campagne de mes parents (dont je n'hériterai pas), il tombe en morceaux (nous sommes quatre frères à l'avoir lu, peut-être mes neveux, cousins ou autres enfants de passage aussi...). Je ne l'ai pas sous la main, mais je préfère sa couverture à celle du "Poche"... [ci-dessous l'image correspondante, trouvée sur internet].
Dans Excalibur, l'épée dans la pierre, le récit commence abruptement avec le descriptif d'une semaine d'écoliers. Vu le nom des matières étudiées (écriture courtoise, astrologie...), un jeune lecteur contemporain et cultivé pourra se demander s'il s'agit d'un univers à la Harry Potter ou quoi. Mais un peu plus loin, il est question d'escrime, de tir à l'arc et de fauconnerie. Ces vraies matières viriles indiquent davantage la voie médiévale. Nous sommes dans un Moyen Âge de fantaisie, entre chevalier errant (oui, un seul!) et foins du domaine à rentrer. Merlin l'enchanteur apparaît p.60, pour devenir précepteur des deux garçonnets du château. Mais sa pédagogie s'avèrera "active": pour s'acquérir des mérites ou des qualités, rien de tel qu'une série d'incarnations provisoires dans des corps animaux. Ou, sans transformation, la rencontre de quelques héros légendaires pour vivre ensemble des aventures palpitantes et aussi merveilleuses que celles d'Alice. Et le héros principal finira par prendre dans sa main l'épée dans la pierre du titre.
Quoique je n'aie pas été en mesure de confronter mot à mot les deux versions, il me semble que la traduction du Livre de Poche doit être différente de celle lue quand j'étais gamin. En tout cas, je n'y ai pas retrouvé Kay et Moustique (popularisés par le dessin animé de Disney Merlin l'enchanteur sorti en 1963, du vivant de White [1906-1964 - grande année!]), mais Keu et ...La Verrue. La verrue s'appelait ainsi parce que cela finissait en "u" comme Arthur, enfin presque (p.29): pas très convaincant... Le cycle de romans écrit par T. H. White à partir de 1938 comprend cinq titres, dont le dernier est paru posthume. Je n'ai jamais lu les quatre autres.
Finalement, ne devrais-je pas m'inquiéter de "retomber en enfance" et de prendre presque davantage de plaisir à radoter sur mes souvenirs qu'à rédiger de simples billets chroniquant des ouvrages de lectures récentes...? En tout cas, je n'ai pas l'impression d'avoir souvent croisé ces deux auteurs sur les blogs... Mais enfin - bon sang mais c'est bien sûr! - Excalibur... peut tout à fait participer au 11e Challenge de l'imaginaire!