Cocon - Machiko Kyô
C'est grâce à Audrey (du blog Light And Smell) que j'ai (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) eu connaissance du challenge "Mars au féminin - édition 2024" créé par l'instagrameuse Floandbox, qui invite à "ne lire que des autrices, sous toutes les formes de livres, roman, essai mais aussi graphiques, manga etc.". Son ancien blog paraît ne plus être alimenté depuis décembre 2023. N'étant pas sur Instagram, je n'ai pu consulter le règlement complet pour 2024. J'espère que cet intéressant challenge de "mise à l'honneur" d'autrices n'est pas exclusif mais bien inclusif (offrant la possibilité que des blogueurs, et pas seulement des blogueuses, participent; et acceptant que des blogs qui rédigent aussi, durant ce mois, des articles sur des auteurs, puissent participer...)! Je me rappelle avoir participé naguère au challenge "Chick Litt for men" organisé par Calepin en 2008-2009: si celui-ci était "réservé aux hommes", il était plaisamment ouvert aux "supportrices officielles"... mais je pense qu'on était moins chatouilleux sur "l'inclusion", à l'époque.
Bref, cela tombe bien: je souhaitais rédiger un petit article sur un manga (et on sait que beaucoup de "mangaka" sont des femmes) que le hasard m'a mis entre les mains. Il s'agit cette fois-ci non pas d'un tome d'une série mais de ce qu'on appelle un "one shot", de parution récente, Cocon.
Cocon (dessin & scénario: Machiko Kyô), Imho, janvier 2024, 210 pages
Vers la fin de la Seconde guerre mondiale, à Okinawa, les élèves de "la meilleure école pour filles" de l'île sont réquisitionnées comme équipières d'un hôpital de campagne. Nous suivons San et ses camarades, dont l'insouciance initiale s'effrite au fur et à mesure de leurs confrontations à la violence. Mayu, aussi ambiguë que ses sentiments pour San, apparaît comme la personnalité la plus forte, en lui suggérant de se construire un "cocon mental" protecteur, tel celui d'où surgira finalement le papillon qu'est devenu la chenille initiale, "après".
Ici, pas de surnaturel, de monstres infernaux ni de meurtriers démoniaques à affronter en d'épiques combats. Juste la guerre qui touche désormais le territoire national du Japon, les bombes et les tirs de l'ennemi que la propagande leur a tellement appris à redouter que le suicide est la solution prévue en dernier recours. Horrible, non? Hé bien, le talent sensible de Machiko Kyô consiste à montrer comment cohabitent moments de douceur (retours dans le passé insouciant) et événements traumatisants. Mais le dessin suggère, plutôt que de montrer ceux-ci. Les jeunes héroïnes sont engagées corps et âmes dans la "protection civile". Les hommes (les soldats des deux camps) sont esquissés en silhouettes fantomatiques. Des pages entières peuvent rester muettes. Le style peut rappeler à certains moments le Myasaki de Nausicaa de la Vallée du Vent, à d'autres certains dessins de mouvement "au trait" tels qu'Hugo Pratt pouvait les pratiquer.
Je vous cite quelques pages, en espérant vous donner envie de découvrir cette oeuvre.
p.6-7 (ci-dessus) & 8 (ci-dessous): le cocon imaginé.
p.46 (ci-dessus) et p.29 (ci-dessous)
Ci-dessous (p.98-99 & 100), une scène terrible, et son explication. Est-ce que cela vous fait aussi songer à Hugo Pratt?
Edit du 10/03/2024: Tampopo24 (du blog "Les blablas de Tachan") en a aussi parlé. Et même une chronique en espagnol (de l'édition parue en cette langue en 2020) sur le blog de Rebecca (mais à part Colo, je ne connais aucun blog bilingue...).