Maigret et la Grande Perche - Georges Simenon

Le 4 septembre prochain, cela fera 20 ans que Georges Simenon disparaissait. Je profite de l'occasion  pour parler d'une enquête du Commissaire Maigret: Maigret et la Grande Perche (écrit en 1951). Je viens de revoir un téléfilm avec Bruno Crémer dans le rôle de Maigret (c'est l'interprète de Maigret que je préfère). Face à lui, on retrouve Michael Lonsdale et Renée Faure. Comme j'ai trouvé l'histoire passionnante et bien menée, je me suis mise à lire le roman paru en Livre de poche, 190 pages. Ernestine dite La Grande Perche, qui avait été arrêtée pour un vol, 17 ans auparavant, par Maigret (jeune inspecteur à l'époque), vient le trouver Quai des Orfèvres car elle est inquiète: son mari, Alfred-le-triste, braqueur de coffre-fort dont elle n'a pas de nouvelles, l'avait appelée juste avant pour la prévenir que dans un pavillon à Neuilly qu'il s'apprêtait à cambrioler, il a vu le corps d'une femme morte, par terre. C'est l'occasion pour le commissaire de mener son enquête chez un dentiste, Guillaume Serre, de l'interroger ainsi que sa mère, vieille dame peut-être pas aussi digne qu'elle le paraît. Les non-dits, les secrets inavouables, les failles ne tardent pas à émerger, transcendés par l'écriture de Simenon. L'écrivain va à l'essentiel. On ne parle pas d'ADN. Seule la psychologie importe. On sent l'atmosphère pesante, presque la menace. A mon avis, la réputation de grand écrivain de Simenon n'est pas usurpée. Ses dialogues sans fioritures sont écrits pour le cinéma (ou la télé). C'est une lecture agréable, ai-je trouvé.

Comments

[Morganex]

Ce qui me fait apprécier Simenon est simple (et peut-être même un tantinet iconoclaste, pas tapé, pas tapé). Je l'utilise systématiquement en bouche-trou en ces instants incertains où je ne sais pas quoi lire; Simenon m'est dans l'entre-deux lectures, à chaque fois. C'est court, rapide ... mais surtout, à chaque fois, c'est diaboliquement bien écrit, finement disséqué ... et au final, le lecteur que je suis débarque par petites touches (jusqu'à en avoir lu pas mal) dans une œuvre intelligente et passionnante que je ne désespère pas de lire dans son intégralité.



PS: on oublie souvent, qu'en dehors de Maigret, il est l'auteur de romans auto-intitulés "Durs" qui, en nombre, sont plus nombreux. Ils peuvent être le moyen de "croiser" l'univers de l'auteur en échappant à l’écueil Maigret qui gène certains lecteurs potentiels.

[DBasC]

Je crois avoir lu une majorité des romans de Simenon incluant Maigret et vu nombre de ses adaptations cinématographiques et télévisuelles. Son écriture est en effet agréable et ses dialogues propices à des adaptations, ce qui fait qu’il en devient difficile de dissocier les romans (le premier, « Pietr-le-Letton », a été écrit en 1929 et publié en 1931) des versions sur grand ou petit écran (la première, « La nuit du carrefour » de Jean Renoir, date de 1932).

Pour moi, la meilleure incarnation de Maigret est celle d’Harry Baur dans « La tête d’un homme » de Julien Duvivier en 1933, avec sa stature, une certaine nonchalance apparente, de l’empathie et du charisme (il reste pour moi le plus grand acteur français des années 30). Ensuite, au cinéma toujours, Jean Gabin conserve cet aspect massif mais c’est Gabin. Enfin, si Pierre Renoir (le premier Maigret de 1932) puis Michel Simon en 1952 étaient les préférés de Simenon, je n’oublierai pas non plus Albert Préjean, artisan besogneux mais de qualité, qui arrive en 3 films à faire (presque) oublier sa stature de jeune premier, pourtant peu compatible avec le rôle. A noter enfin que Raimu n’a jamais interprété le rôle du commissaire, une confusion possible avec sa prestation dans l’adaptation de « Les inconnus dans la maison », du même Simenon.

Côté télévision, c’est Jean Richard, acteur comique considéré comme un Bourvil de série B, qui est choisi en 1967 pour le rôle au grand dam de l’auteur. Il va finir par s’imposer et le jouer 88 fois jusqu’en 1990 avec la quasi-totalité des romans adaptés (dont trois 2 fois) plus quelques nouvelles, le rendant si proche de lui que c’est sa propre femme Annick Tanguy qui deviendra durant 13 ans Mme Maigret. La particularité de la série est d’avoir transposé dans le temps présent les intrigues, tout en restant très fidèles aux romans. Dans son encyclopédie de 1984 (30 ans de séries et de feuilletons à la télévision) où il est dit que Gabin trouvait Jean Richard plus proche de l’œuvre de Simenon que lui-même, Jean-Jacques Jelot-Blanc pensait même qu’il emporterait le personnage dans sa tombe.

C’est pourtant la gageure tenue de 1991 à 2005 par la série réalisée avec Bruno Cremer où le temps présent est remplacé par un début des années 50 immuable (que le roman date des années 30 ou 60) avec des adaptations plus libres et qu’a réussie Cremer lui-même en redonnant en 54 épisodes cette force tranquille au commissaire et en faisant complètement disparaître Jean Richard de la mémoire collective : maintenant, Maigret, c’est Bruno Cremer. Outre l’introduction à la fin des années 90 de nouveaux personnages absents des romans, je regretterai surtout que la prestation si remarquable d’Anne Bellec dans « L’affaire Saint-Fiacre », éclipsant par moments le personnage principal, ait eu pour conséquence terrible de faire disparaître Mme Maigret de la série.

En littérature, mon choix porte en premier sur « La femme rousse », un des quatre proto-Maigret écrits par Simenon avant « Pietr-le-Letton » où le personnage encore esquissé reste encore très secondaire : dans une histoire un peu sordide, ses rares apparitions se traduisent par une force et une bonhommie rassurantes. Difficile ensuite de faire des choix dans les « vrais » romans mais « La tête d’un homme » (1931) n’est pas loin du sommet même si Maigret n’y est pas non plus le personnage principal : c’est en fait Radek, un étudiant désœuvré, magnifiquement porté à l'écran par Valéry Inkijinoff (qui existe face à Baur en 33), l’acteur de théâtre Gérard Desarthe (bien plus en avant que Richard en 1983) ou encore Emmanuel Salinger (qui fait jeu égal avec Cremer en 1996).

Dans des registres moins connus, je conseillerai « Maigret et les vieillards » (1960) où Simenon bafoue avec talent deux des règles de base du roman policier (devenu « Maigret et l’ambassadeur » avec Richard et « Maigret et la princesse » avec Cremer et Colette Renard, les deux téléfilms étant de très bonne facture) et « Maigret chez le coroner » (1949), où Maigret se contente de suivre un procès dans une langue qu’il ne comprend pas (devenu « Maigret en Arizona » avec Richard et Jess Hahn, avec un résultat mitigé car ce roman est un des rares à n’être pas facile à adapter) et dont il est dit à l’avant-dernière page qu’il ne connut jamais le verdict (contrairement à la vérité, ouf).

[Papa Fredo]

Des Maigret, j'en ai lu un paquet il y a une quinzaine d'années, ceux que je trouvais sur les étals des bouquinistes. Je m'en souviens d'un que j'avais dévoré dans le train : "Maigret chez les Flamands", un grand cru.

[Soie]

J'aime énormément les Maigret tournés avec Bruno Cremer. Mais j'aimais bien Jean Richard aussi qui est le premier que j'ai vu dans ce rôle et qui m'a fait aimer cette alors que j'étais toute jeune.
Je n'ai pas encore lu les livres par contre, en fait j'aime tellement l'ambiance des séries que j'avais un peu peur je crois de ne pas la retrouver dans les livres.
Je vais essayer d'en lire un pour le 4 septembre alors. Cette année c'est aussi le bicentenaire de la naissance d'Edgar Poe et le 23 juin les 50 ans de la disparition de Boris Vian. Mon blog va finir par ressembler à une rubrique nécrologique ...rire !

[RobbyMovies]

Ah tiens, Maigret.

Si j'avoue humblement n'avoir jamais lu un roman du maître, je suis un inconditionnel de la série avec Bruno Kremer. Et cet épisode en particulier fut l'un des premiers que j'ai découvert (bien tardivement il faut bien l'admettre)grâce à la présence de l'immense Michael Lonsdale.
Les films tirés de Simenon sont généralement excellents, on compte même quelques chef d'oeuvres dont évidemment Le Chat. Il faudrait peut-être que je me mette à la lecture de l'auteur...

Robby

[Maître Po]

Des interprètes du célèbre commissaire, je n'en connais pas tant que ça. J'hésitais entre Harry Baur et Raimu pour le plus ancien dont je me souvienne (au vu d'un commentaire précédent, j'opterai pour HB) mais qui ne m'a pas laissé de souvenir impérissable. Sinon, Richard et Crémer, comme tout le monde...

Et je suis de ton avis, Cremer est plus crédible, parce que Jean Richard, c'est une horreur. Mais bon, il n'a pas réussi à gâcher totalement l'oeuvre de Simenon, c'est déjà un bel exploit ;-Þ

[dominique]

J'en ai vu plusieurs des Simenon! Il a été beaucoup adapté au cinéma ( avec des fortunes diverses).
Gabin est bon dans " le Chat" mais aussi bien Simone Signoret.
Harry Baur est inquiétant, excessif pour Maigret.
La Veuve Couderc ( avec Signoret et Delon) c'est aussi adapté de Simenon? Je n'en suis pas sûre.Je l'ai vu, adolescente; j'ai pleuré!

Dernièrement j'ai vu à la télé "la Fuite de monsieur Monde" de Claude Goretta; ce film traite de la fugue d'un homme qui cherche à rompre avec une vie familiale décevante et ce break lui fait trouver la force de s'y affronter d'une façon plus positive.
Pour ce qui est de l'inspecteur Maigret, Crémer est en effet le meilleur interprète.

[eeguab]

Je crois que plus personne ne conteste le statut de grand écrivain de Simenon.Quant aux interprètes on peut gloser à l'infini:Cremer est pas mal du tout et Gabin dans Saint-Fiacre réussit à faire oublier Gabin.Harry Baur aussi était génial mais ce film est très ancien(La tête d'un homme).

[toinette80]

Je n'ai jamais lu Simenon mais j'ai beaucoup regardé Maigret avec Jean Richard, qui pour moi restera le seul Maigret car Bruno Crémer m'est pas aussi bien.
Bonne journée

[Aifelle]

J'ai lu énormément de Simenon dans ma jeunesse et j'aimais bien, il faudrait que j'en relise un pour voir ce que j'en pense aujourd'hui.