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Le blog de Dasola
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14 mai 2021

La voie martienne - Isaac Asimov

                                                                    cli9-3

Cette fois-ci, je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) mets en orbite une seconde contribution au Challenge de la planète Mars, en espérant que ce lancement me permettra bien de rester sur une trajectoire d'un minimum de 13 contributions. Ce billet devrait aussi pouvoir compter pour le 9e Challenge de l'imaginaire proposé par Ma Lecturothèque!

Quatre nouvelles figurent dans ce livre "hors cycles" d'Isaac Asimov, La voie martienne. La nouvelle qui donne son nom au recueil n'est pas la plus longue, avec une cinquantaine de pages seulement contre plus de 90 pour la dernière. Je peux également noter que mon édition (imprimée en novembre 2019) ne présente pas de préface d'Asimov comme d'autres de ses recueils où il évoquait les circonstances de rédaction, et notamment la réception des textes par les rédacteurs en chef des magazines de SF de l'époque. 

P1120338

La voie martienne dont il s'agit ici, c'est la voie étroite et propre (différente de celle de la planète Terre) que sont contraints d'emprunter la planète Mars et les colons qui la peuplent pour conquérir leur indépendance énergétique, en tout premier point par rapport au carburant indispensable aux voyages dans l'espace: H2O, autrement dit... l'eau, lorsque le gouvernement terrien envisage d'en restreindre l'exportation hors de notre "planète bleue". Après le gaspillage, quelques générations auparavant, du pétrole et du charbon, certains démagogues terriens s'appuient sur la peur de manquer d'eau pour demander que la terre cesse d'en exporter vers les colonies installées dans l'espace (Mars, Vénus, la Lune), au motif que les lourds investissement consentis pour ces colonies ne sont rentables ni financièrement ni en terme de retour de "ressources naturelles" (minerai de fer, magnésium, titane, récupération des métaux en quoi sont confectionnés les grands réservoirs jetables indispensables au départ des vaisseaux spatiaux, lesquels semblent propulsé par l'éjection de... vapeur d'eau?). Je n'ai absolument pas vérifié le calcul, mais il est dit qu'un kilomètre cube d'eau pèse 4,5 milliards de tonnes, tandis que 50 000 vols consommeraient moins de deux kilomètres cubes... arguments de politiciens! Les "récupérateurs" martiens sillonnent l'espace entre Mars et la terre ("récupérer fait partie de la condition martienne", p.9). L'installation des ex-terriens sur Mars semble récente, puisque la troisième génération de "martiens" ne consiste encore qu'en quelques centaines de bébés sur 50 000 âmes. En tout cas, lorsque commence la nouvelle, l'économie circulaire n'est pas "bouclée" puisque chaque vol spatial "consomme" 100 000 tonnes d'eau terrienne (alors que sur Mars, elle est sévèrement rationnée: en cas d'invitation à dîner, la politesse veut que l'on amène sa ration d'eau...). Je me suis d'autant plus posé la question de savoir si l'installation sur Mars n'était pas une parabole de la création d'Israël (1948 - et il a aussi été question là-bas de mobiliser de l'eau pour un sol aride!) que le leader démagogue se nomme Hilder. Bref, une fois le blocus sur l'eau instauré, les récupérateurs vont devoir mettre au service de Mars leurs aptitudes professionnelles (passer des mois dans des vaisseaux spéciaux bien plus "spartiates" que ceux utilisés par les Terriens "de souche"). La parution en anglais a eu lieu plus d'une vingtaine d'années avant le premier choc pétrolier (en 1973, les pays producteurs de pétrole ont tâché de restreindre l'accès de l'Occident à cette ressource jusqu'alors bon marché), celle en français après.

Je n'ai pas réussi à percevoir d'unité dans le recueil, mais l'agencement des nouvelles remonte à la première publication du recueil en anglais, en 1955 (publication de la nouvelle dans la revue Galaxy Science Fiction en 1952, première traduction en français chez J'ai Lu en 1978). Pour dire quelques mots des autres nouvelles comprises dans le recueil:

Ah! Jeunesse: deux garnements, en villégiature à la campagne, s'amusent avec de drôles d'animaux qu'ils ont mis en cage. De leur côté, leurs pères s'inquiètent du sort des ambassadeurs attendus d'une autre planète. Hé oui, on a souvent besoin de plus petit que soi!

Les profondeurs: La civilisation américaine des années 1950 peut-elle se montrer suffisamment accueillante pour des "réfugiés planétaires"?

L'attrape-nigaud: si ma propre mémoire est bonne, le thème de l'humain présentant des capacités supérieures à celles d'un ordinateur a aussi été utilisé par Asimov dans une tout autre nouvelle, La sensation du pouvoir (1957) du recueil Le robot qui rêvait (où il est envisagé d'utiliser des "calculateurs humains" sacrifiables pour piloter des missiles habités: "on peut plus facilement sacrifier un homme qu'un ordinateur", comme pérore un général). Ici, dans L'attrape-nigaud, les humains surdoués chez lesquels on a cultivé l'hypermnésie par une éducation intégralement dédiée après sélection jouent essentiellement un rôle d'"association d'idées" en recourant à l'index que constitue leur cerveau saturé d'informations hétéroclites accumulées par plaisir sans savoir si elles serviront un jour. Cependant qu'une société utilitariste ne retient, elle, que ce qui peut lui servir dans l'immédiat - et s'empresse d'oublier ce qui lui semble inutile. Belle démonstration de la différence entre recherche fondamentale et recherche appliquée... Je ne dirai rien de plus du contenu de cette longue nouvelle, si ce n'est qu'elle ne concerne pas Mars.

On peut aussi lire des chroniques sur le recueil chez AnudarCapitaine café (dernier billet en mai 2020) ou Je lis la nuit (en pause depuis septembre 2018). Anna du blog Scifilisons l'évoque aussi.

11 mai 2021

Le cabaret de la dernière chance - Jack London

Challenge jack london 2copie

C'est grave, docteur? Je (ta d loi du cine, squatter chez dasola) n'arrive plus à me détacher du Challenge Jack London proposé de mars 2020 à ... "plus soif, je veux dire plus lire!" par ClaudiaLucia. Pour soigner le mal par le mal, j'ai donc décidé de traiter d'un titre un peu à part dans l'oeuvre de London, dans la mesure où c'est l'histoire de sa vie (envisagée sous un certain angle) que l'écrivain revisite. Jack London y confesse s'adonner à la boisson, mais nie être en proie à une addiction physiologique, et prétend boire uniquement par choix. Il met dans la bouche de son épouse: "tu n'es ni alcoolique ni dipsomane; tu as simplement pris l'habitude de boire" (fin du 1er chapitre, p.29).

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Le Cabaret de la dernière chance est le titre trouvé par Louis Postif lorsqu'il a traduit en 1928 John Barleycorn, rédigé fin 1912 et publié en 1913 (trois ans avant la mort de Jack London). "A La dernière chance", chez Johnny Heinhold, c'est un bar, naturellement (p.80). Cet ouvrage est qualifié de "roman autobiographique" sur Wikipedia [consulté le 08/05/2021] - qui m'apprend aussi que Philippe Jaworski l'a retraduit en 2016 pour une édition dans La Pléiade (Gallimard). On pouvait traduire le titre original par "Jean Grain d'Orge" - cet orge qui permet de fabriquer aussi bien la bière que le whisky. Dans son enfance, Jack London a été emmené au bistrot par le mari de sa mère (même si le bambin n'y dégustait qu'un biscuit apéritif, ou exceptionnellement un soda au sirop [menthe ou grenadine?]), raconte-t-il. A cinq ans, il vide "pour ne pas gâcher" le trop-plein d'un lourd seau de bière qu'il devait porter pour l'amener aux champs. A sept, il a peur de refuser d'avaler les verres de vin qu'un imbécile pose devant lui. Mais c'est à partir de 14 ou 15 ans qu'il a pris conscience que la boisson était un rite social de convivialité, indispensable pour s'intégrer aux groupes humains à la reconnaissance desquels il aspirait. Impossible de refuser un verre offert. Pourtant, notre jeune homme nous affirme ne pas aimer, à cette époque, ni le goût de l'alcool, ni la sensation d'ivresse. "Boire était un des modes de l'existence que je menais, une habitude des hommes avec qui j'étais mêlé". Et le jeune London préférait pour sa part lire en suçant des sucreries! "Des dollars et des dollars gaspillés au comptoir ne pouvaient me procurer la même joie que ces vingt-cinq cents dépensés chez un confiseur". Pour son malheur, il "tenait" bien l'alcool: encore un moyen d'épater les autres! Alors, une fois qu'il a enfin compris que tout verre offert doit être rendu (toute tournée payée par un autre en appelant une suivante), la pompe s'est amorcée... même si London, tout au long du livre, prétend se distinguer des "ivrognes".

Tout est dit dans une longue citation (p.108) - qu'il s'évertue à ne pas prendre à son compte. "Ainsi procèdent les fidèles de John Barleycorn. Quand la fortune leur sourit, ils boivent. Si elle les boude, ils boivent dans l'espoir d'un de ses retours. Est-elle adverse? Ils boivent pour l'oublier. Ils boivent dès qu'ils rencontrent un ami, de même s'ils se querellent avec lui ou perdent son affection. Sont-ils heureux en amour, ils désirent boire pour augmenter leur bonheur. Trahis par leur belle, ils boiront encore pour noyer leur chagrin. Désoeuvrés, ils prennent un verre, persuadés qu'en augmentant suffisamment la dose, les idées se mettront à grouiller dans leur cervelle, et ils ne sauront plus ou donner de la tête. Dégrisés, ils veulent boire; ivres, ils n'en ont jamais assez". 

Marin, chercheur d'or, reporter, auteur à succès, maître à bord sur son yach en croisière: d'après ce témoignage, chaque étape de la vie de Jack London s'est déroulée au contact de l'alcool, d'une manière ou d'une autre. Y compris, sur la fin (p.262), quand boire a fini par devenir un besoin, parce que l'écrivain professionnel n'arrivait plus à rédiger ses mille mots quotidiens s'il n'avait pas sa dose d'alcool. Cette lecture est un peu désespérante de par les choix néfastes qui sont faits (et assumés). La fin du livre dépeint parfaitement la "tolérance", c'est-à-dire le besoin d'augmenter la dose pour obtenir l'effet souhaité... jusqu'à ce que le livre se termine comme il a commencé: par l'annonce d'un vote de London en faveur du suffrage féminin, dans l'espoir que les femmes s'engagent pour la prohibition de l'alcool. Vision pessimiste, p.307: "moi je crie que nos jeunes gens ne doivent plus avoir à se battre contre le poison. Pour qu'il n'y ait plus de guerre, il faut empêcher les batailles. Pour supprimer l'ivrognerie, il faut empêcher de boire. La Chine a mis fin à l'usage général de l'opium en interdisant la culture et l'importation de l'opium. Les philosophes, les prêtres et les docteurs de la Chine auraient pu prêcher jusqu'à extinction de voix, prêcher pendant mille ans, et l'usage de la Drogue aurait continué sans ralentir tant qu'il aurait été possible de s'en procurer. Les hommes sont ainsi faits, voilà tout."

Ma propre édition a été imprimée en août 1981, je l'ai achetée en 1995 (il existe aussi une édition orange que je ne possède pas). Ele est précédée, comme mes autres "10-18", d'une préface de Francis Lacassin. Celui-ci insiste sur la fin de vie de London, qui selon lui s'est conclue par un suicide, thèse que l'historiographie semble depuis avoir remis en doute (?). Bien évidemment, on ne peut s'empêcher de relever les récits où notre héros frôle la noyade, ainsi que la phrase (à propos de la possibilité de passer en 3 ans de l'état d'ouvrier à celui d'écrivain reconnu): "Martin Eden, c'est moi" (p.229).

Voir les billets de Shangols  et de Ruedeprovence. Pour l'anecdote, j'ai découvert lors de mes recherches l'existence d'une chanson d'Yves Montand portant le même titre que le livre (?), mais sans la trouver chantée par lui en ligne. 

Jack London est mort sans avoir connu le XVIIIe amendement de la Constitution des Etats-Unis (instaurant la Prohibition). Les Alcooliques Anonymes, popularisés par Joseph Kessel dont la troisième épouse avait une addiction à l'alcool (il a écrit Avec les alcooliques anonymes en 1960), sont apparus en 1935. Faire une liste des oeuvres littéraires ayant évoqué l'alcoolisme serait fastidieux (je me rappelle Polyphème enivré par Ulysse aux mille ruses dans l'Odyssée). L'alcoolisme est reconnu comme une maladie par l'OMS depuis 1978. 

9 mai 2021

Adultère - Yves Ravey

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Après le "pavé" de 634 pages de Laurent Mauvignier chroniqué le 3 mai, j'ai continué avec les éditions de Minuit en lisant un roman nettement plus court (140 pages), le dernier en date d'Yves Ravey. Adultère est le cinquième roman que je lis de cet écrivain au style bien à lui [cf., dans la col. de droite, l'Index des livres], avec toujours un narrateur qui est le "méchant" de l'histoire. Le narrateur, Jean Seghers gère une station-service qui vient d'être déclarée en faillite. Il a eu affaire avec Walden, le président du tribunal de commerce qui est en charge du dossier de la faillite. Seghers soupçonne sa femme Remedios (quel prénom étrange) d'avoir une liaison avec Walden et avec Ousmane (lui-même marié à Amina et père de deux enfants), le veilleur de nuit de la station-service. Ce même Ousmane attend de Seghers qu'il lui verse ses indemnités de licenciement. Comme il n'a pas l'argent nécessaire, Seghers donne à Ousmane, en gage de bonne volonté une gourmette en or, que sa femme Remedios lui avait offerte lors d'un voyage à Venise. En parallèle, Seghers lui signe une reconnaissance de dettes. Mais Seghers se sent floué et trahi et il commet un homicide, d'une manière que je vous laisse découvrir. C'est là qu'intervient Brigitte Hunter, une experte en assurances qui va mener à bien son enquête. Un roman qui se lit vite: peu de pages et des phrases relativement courtes. La trame de l'histoire ressemble assez aux romans précédents de Ravey. Il narre plus ou moins la même chose mais dans un contexte différent. 

7 mai 2021

Mai 68 - Wolinski, Cabu, Gébé, Siné, ...

Ce mois-ci, dans la série de mes hommages aux dessinateurs assassinés à Charlie Hebdo en 2015, je [ta d loi du cine, "squatter" chez dasola] vais présenter un livre plus ou moins anniversaire: Mai 68, vu par l'équipe de Hara Kiri. Je l'avais acheté (à prix bradé) en septembre 2020 sur une aire d'autoroute (je sais, c'est pas bien - c'était à l'époque où l'on pouvait voyager sans restrictions, ce qui n'excusait pas de prendre la bagnole).  

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Nous sommes aujourd'hui cinquante-trois ans après les faits (lors desquels les vétérans fondateurs de Charlie Hebdo deux ans plus tard étaient déjà dans la force de l'âge, tandis que certains des participants à la seconde série étaient encore enfants [Tignous collégien et Charb sans doute porteur de couches!]), mais aussi 13 ans après l'édition originale, et 3 ans après la réédition que j'ai entre les mains. Voici le texte intégral de la présentation signée par l'éditeur (Michel Lafon): "En 2008, j'ai eu l'immense plaisir de publier ce Mai 68 d'anthologie, réunissant les extraordinaires dessins, mais aussi les textes de Cabu, Gébé, Reiser, Siné, Wolinski... Avec leurs mines acérées, ils ont observé, dépeint, critiqué, raillé, été les témoins de cette époque, sur laquelle un vent de révolution et de liberté a soufflé.
Aujourd'hui ils ne sont plus là pour nous croquer les cinquante ans de Mai 68, et depuis ce maudit 7 janvier 2015, leur liberté d'expression a été meurtrie. Cabu et Wolinski sont partis, les autres copains les ont précédés ou suivis... Mai 68 s'éloigne, mais le trait de ces dessinateurs de génie et la verve des irremplaçables Professeur Choron et Cavanna sont là pour nous empêcher d'oublier.
Alors nous avons décidé de rééditer ce Mai 68 sans changer un dessin, sans modifier un mot de ce que Cabu, Wolinski, Cavanna et les autres ont écrit. Pour leur rendre hommage à tous."

En le feuilletant, on y remarque beaucoup de Siné et de Wolinski avec un tout petit peu de Reiser (non mentionné sur la couverture). Une fois de plus, il s'agit d'un recueil de dessins ne comportant pas de numéros de pages! Cela ne m'a pas empêché de m'attacher à compter les dessins respectifs. En me fiant aux têtières des pages et au style de chaque dessinateur, voici les chiffres auxquels je suis arrivé (sachant que certaines "dessins" s'étalent sur plusieurs pages (jusqu'à six pour Wolinski) à raison d'une "case" par page. Pour Siné, j'ai compté 43 pages avec un seul dessin, 5 dessins sur deux pages et une série courant sur 4 pages (total 49 oeuvres en 57 pages). Avec Cabu, j'arrive à 11 dessins monopages, 5 sur deux pages, et une série sur 5 pages (total 17 oeuvres en 26 pages). Concernant Wolinski, j'ai trouvé seulement 6 dessins monopages (les autres courent de 2 à 6 pages - dont quelques bandes "Monsieur..."), mais un total de 20 oeuvres couvrant 67 pages. Figurent encore dans l'ouvrage deux oeuvres signées Gébé (4 et 1 pages), deux dessins signés Topor, 4 apparitions de Reiser (dont une sur 4 pages), un dessin avec la Marianne de Jean Effel (?), un de Sempé (sur deux pages), et une couv' d'Hara Kiri (octobre 68). Mais aussi (mais encore) 55 pages d'affiches (?) non signées (ou dont la signature est pour moi illisible, dans au moins deux cas!). Je ne sais pas si un certain nombre ne sont pas dues à Gébé, mais je suppose qu'il en aurait été crédité dans ce cas! On en a donc pour son argent puisque j'arrive à quelque 250 pages: 171 pages de dessins, plus une quinzaine de pages de témoignages écrits des quatre dessinateurs signataires (Cabu, Siné, Gébé, Wolinski), mais aussi de Cavanna, chacun sur 2 ou 3 pages, précédés d'un dessin de Cabu... et avec, par raccroc le Professeur Choron... sur une petite page et précédé d'un dessin de Reiser. 

Après ces quelques phrases un peu (ch...) austères, place à ce qui est le plus attendu par mes lecteurs je suppose: ma petite sélection subjective de dessins...

P1120297 Horrible, ou comble de l'erreur ?...

P1120301 Siné fait écho à Cabu... à moins que ce soit l'inverse! P1120299 

P1120304 Ce dessin de Reiser évoque pour moi deux échos particuliers, datant de l'occupation de la Sorbonne en... décembre 1986, avec des textes identiques ("il y a 18 ans, papa occupait la Sorbonne"). Premier écho (un père, visage sévère et lunettes aveugles): "Petit con!". Second écho (un CRS anonyme): "Papa aussi!". 

P1120298 Bravo pour l'image Siné... graphique. 

P1120307  P1120308 Wolinski: une, deux, une, deux... 

P1120302 Siné, encore (rien à voir, mais en 1968, Albert Dubout était toujours vivant...) 

P1120306  P1120310 Wolinski et Siné. Ah, ce dégaulisme primaire, qu'est-ce que ça apparaît daté en 2021...

P1120313 Reiser et le mot de la fin

P1120300  P1120303  P1120305  P1120309  P1120311  P1120312 Je termine par les auteurs de Hara Kiri / Charlie. Dans l'ordre: Cavanna, Wolinski, Siné, Géné et Cabu (croqués par ce dernier), et même le Professeur Choron croqué par Reiser. 

Comme ce n'est pas une année-anniversaire en "zéro" ou en "cinq", il y a peu de chances qu'on s'intéresse beaucoup à "mai 68" cette année...

*** Je suis Charlie ***

3 mai 2021

Histoires de la nuit - Laurent Mauvignier

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Je viens de terminer les 634 pages d'Histoires de la nuit de Laurent Mauvignier (Editions de Minuit). Quel formidable roman superbement écrit! Je n'avais encore rien lu de cet écrivain français. J'ai été éblouie par son style, des phrases parfois longues avec une ponctuation atypique. L'histoire en elle-même peut se résumer en peu de phrases. Dans un hameau appelé La Bassée quelque part en France, il y a trois maisons: celle de Patrice Bergogne, son épouse Marion et leur fille Ida âgée de 10 ans, une maison vide à louer et une troisième où vit Christine, une peintre sexagénaire aux cheveux rouges qui vit avec un berger allemand appelé Radjah. Depuis quelque temps, Christine reçoit des lettres anonymes dont on ne connaîtra pas la teneur. Patrice est éleveur et possède plusieurs vaches. Il est marié depuis quelques années avec Marion dont on va découvrir le passé agité. On devine que le couple formé par Patrice et Marion n'est pas très harmonieux, mais Ida est le ciment de leur relation. L'histoire se passe sur environ une demi-journée. On va fêter les 40 ans de Marion. Patrice, Christine et Ida s'occupent des préparatifs de la soirée qui s'annonce bien. Mais des éléments perturbateurs surgissent, en les personnes de Denis, Christophe et Le Bègue, trois frères qui ont des comptes à regler et vont apporter la violence. Le chien est rapidement éliminé. Par petites touches, Mauvignier nous dévoile pourquoi les trois frères sont là. Ils ont préparé leur venue depuis un certain temps. 634 pages pour raconter cette histoire peut paraître long? Et bien, pas du tout, en ce qui me concerne. L'écrivain prend son temps mais je n'ai pas trouvé de longueurs, une vraie gageure! Pour information, "Histoires de la nuit" est un livre de contes que Marion lit à Ida.

Lire les billets de Krol, Choup, Keisha, Pierre D, Une comète, Christw, dominique, Sandrion et Shangols

30 avril 2021

Double étoile - Robert Heinlein

                                                                    cli9-3

Voici ma première contribution pour le Challenge de la planète Mars (en tant que ta d loi du cine, "squatter" chez dasola). J'espère arriver à la treizième dans maintenant moins d'un an (le challenge court jusqu'à fin mars 2022, rappelons-le!)... Mais ce billet devrait aussi pouvoir compter pour le 9e Challenge de l'imaginaire proposé par Ma Lecturothèque!

Kagemusha. Le prisonnier de Zenda. Aventure à Manhattan (la BD, pas le film!). Le sceptre d'Ottokar. Les cinéphiles bédévores (ou l'inverse!) auront peut-être compris l'intrigue de Double étoile par ces seules allusions. Ici aussi, un sosie est amené à remplacer un dirigeant dans une période cruciale. Mais là où Heinlein innove, c'est que le remplaçant est un acteur professionnel (même s'il n'a jamais obtenu le succès qu'il estime mériter), et dispose de tout un fichier pour lui faciliter son rôle... Quel rapport avec la planète Mars, me direz-vous? L'homme d'Etat disparu mettait la dernière main à une négociation pour faire admettre les Martiens à l'équivalent du Parlement planétaire des terriens. Or les Martiens sont une "race" belliqueuse et aussi susceptibles que ... [je ne citerai pas d'insulaires métropolitains, pour ne vexer personne]. Si la négociation capote, comme le souhaitent les factions conservatrices, d'un bord ou de l'autre, qui s'activent en sous-main, c'est le conflit dévastateur assuré! Nous suivons donc la progression de la performance du "remplaçant de fortune" pour tenir sa place, avec des hauts et des bas, et toutes les péripéties que cela comporte, jusqu'au rebondissement final.

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Ce court roman (220 pages, publié en anglais sous le titre Double Star en 1956 et traduit en français en 1958) s'inscrivait dans un futur qui a peu de chances d'arriver en l'état actuel de nos connaissances sur la planète Mars. D'autres auteurs ont eu une approche différente (et j'aurai l'occasion d'en reparler dans d'autres billets dans le cadre de ce challenge), en évoquant plutôt les relations souvent tendues entre des colons terriens sur Mars, et leur planète d'origine. 

Je vais conclure par la citation de quelques-unes des dernières phrases du livre:

"J'ai été au pouvoir et dans l'opposition trois fois de suite, maintenant. Et c'est peut-être ma dernière législature. La première fois, je suis tombé quand nous avons finalement ouvert la Grande Assemblée aux T.E. (1). Mais les non-humains sont toujours à la Chambre, et je suis revenu au pouvoir. On accepte une certaine dose de réforme, puis on a besoin d'un peu de repos.
Les réformes subsistent.
Mais, en réalité, personne ne désire vraiment que quoi que ce soit change, aucun changement du tout.
Et la xénophobie est un sentiment profondément enraciné.
Mais le Progrès ne s'en réalise pas moins."

(1) Territoires Extérieurs [note p.221]

Robert Heinlein (1907-1988 - mon édition du bouquin date d'avant sa mort, mais je l'avais acquis après!) a écrit de nombreux ouvrages de SF ou "d'anticipation", et on peut croiser la planète Mars dans d'autres de ses oeuvres. Peut-être y reviendrai-je au cours des 11 mois qu'il reste pour ce Challenge!

Lire aussi la chronique d'Erwelyn.

26 avril 2021

Trois recueils de nouvelles sur le Klondike - Jack London

Challenge jack london 2copie

Dans le cadre du Challenge Jack London proposé de mars 2020 à ... "plus soif, je veux dire plus lire!" par ClaudiaLucia, je (ta d loi du cine, squatter chez dasola) poursuis mes relectures. J'ai un peu de retard puisque mon billet précédent est paru il y a plus de deux semaines... Je me suis replongé cette fois-ci dans les trois recueils de nouvelles parlant du Klondike que je possède (de longue date) dans ma pochothèque parisienne.

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Le fils du loup est le premier livre publié par Jack London, en avril 1900, alors qu'il avait 24 ans. Ce recueil reprenait 8 nouvelles publiées entre janvier et décembre 1899 dans le mensuel culturel Tho Overland Monthly à San Francisco, et une neuvième nouvelle publiée en janvier 1900 dans The Atlantic Monthly de Boston. Ces nouvelles ont lancé la carrière littéraire de Jack London. Elles lui ont été payées de 5 dollars à 7,50 dollars de l'époque. Louis Postif, Paul Gruyer ou "S. Joubert" ont traduit en français telle ou telle des nouvelles, selon la préface et la bibliographie de l'édition de Francis Lacassin en 10-18, qui a aussi repris l'introduction de Pierre Mac Orlan a la première édition française de 1920. Bref. London avait quitté Dawson en juin 1898, lesté de toutes les conversations qu'il avait eues dans les bars avec des pionniers de la ruée vers l'or pour laquelle il était arrivé trop tard, en même temps que des milliers de nouveaux venus dans le pays. Il exploitera ce matériau, ainsi que ses propres expériences de la vie dans le grand nord (piste, marche, conduite d'un traineau, bivouac, froid, faim, maladie...) pour en tirer une grande partie de son oeuvre écrite.

Dans ce recueil, par un procédé que London réutilisera, on retrouve dans la plupart des nouvelles Malemute Kid, acteur, deus ex machina, ou seulement cité. Il s'agit d'"un des premiers pionniers du Klondike (...). C'était un véritable colosse, aussi bon et doux qu'il était fort. Son aménité native, et la cordiale bienveillance qu'exhalait tout son être, étaient aussi propres à lui gagner la confiance d'un chien-loup qu'à lui attirer, sans qu'il les cherchât d'ailleurs, les confidences de l'homme le plus rude". Il peut être amené à agir "en équité" plutôt qu'à s'appuyer sur la légalité des autorités. Je noterais que le chien de traîneau "malamute de l'Alaska" ne supporte pas la solitude, et a besoin d'être en meute pour se sentir bien dans ses pattes (jolie formule trouvée sur le site wamiz). On voit aussi ici ou là agir Sitka Charley, le guide indien, ou le prospecteur Bettles, le jeune ingénieur des mines Stanley Prince, ou encore le Père Roubeau, à qui son état de prêtre interdit de mentir... 

Je m'étais offert en 1988 ce livre imprimé en 1975. Lu et relu, il tombe aujourd'hui en morceaux... L'ordre des nouvelles dans le recueil n'est pas celui de publication. J'ignore si c'est celui de The Son of the Wolf (en anglais). Tâchons de dire deux mots de chacune. 

P1120224Dans Le grand silence blanc (à ne pas confondre avec le livre de Louis-Frédéric Rouquette qui a repris ce titre en 1920), un couple et Malemute Kid affrontent les dangers de la piste en pays inconnu, alors que les vivres et les forces s'épuisent dans le désert glacé. Le fils du loup dépeint le mariage d'un "bushman", vivant depuis 25 ans dans l'ombre du cercle polaire arctique, avec la "squaw" qu'il vient chercher au sein de sa tribu. "Fils du loup" désigne ici le blanc, par opposition au "fils du corbeau" qu'est l'indien. Le blanc a tendance à prendre tout ce dont il a envie... Dans Ceux de Forthy-Mile (première ville créée au Yukon, aujourd'hui "ville fantôme"), Malemute Kid dissuade deux prospecteurs de se battre en duel pour un motif futile. En pays lointain (titre d'un des recueils que je lisais en bibliothèque verte) parle du naufrage de deux paresseux laissés pour compte dans une cabane isolée par l'expédition d'"argonautes" (un groupe de chercheurs d'or citadins) dont ils faisaient partie. A l'homme sur la piste étant ma nouvelle préférée, je la garde pour la bonne bouche. La prérogative du prêtre, c'est un peu Bérénice au Klondike, avec le père Roudeau contraint de conseiller une mauvaise solution. Sitka Charley est le justicier fataliste de La loi de la pisteBal masqué correspond à une des possibilités ouvertes par le Fils du loup, sous la responsabilité de Malemute Kid. Pour Une odyssée au Klondike, je ne trouve pas le titre si juste que cela au premier abord. Disons seulement que Malemute Kid est capable de prêter 1,7 kg de poudre d'or à un inconnu, un peu comme le journaliste de L'homme qui voulut être roi de Kipling accueille les deux aventuriers. Et puis, c'est vrai, ça parle d'une longue attente de l'être aimé, et de grands voyages... Pour en revenir à l'homme sur la piste, l'histoire se déroule comme un conte de Noël, et a été la première publiée, en janvier 1899. Elle dépeint magnifiquement les fatigues des voyages en traîneau dans la nuit polaire. J'ai toujours trouvé magnifique le rude toast: "A la santé de l'homme qui, cette nuit, avance sur la piste! Puissent ses chiens garder leur vigueur, sa nourriture lui suffire et ses allumettes toujours prendre! Que Dieu lui soit propice! Quel le bonheur l'accompagne!". Et que le diable emporte la police montée. 

Pas loin du quart du volume (pp.341-441) est constitué d'extraits des mémoires, titrés "Dawson tel qu'il fut", d'un certain Jeremiah Lynch, un aventurier (ancien sénateur, tout de même) qui n'a pas croisé London puisqu'il est arrivé à Dawson quelques semaines après le départ de ce dernier, mais qui a écrit Tree Years in the Klondike ("Trois années au Klondike") sur sa propre expérience là-bas entre 1898 et 1901.  

Pour en revenir à Jack London, L'amour de la vie est le deuxième "bouquin à couverture orange" (imprimé en 1974 et acheté par moi 17 ans plus tard) de ce billet. On connaît l'anecdote: Lénine grabataire demandant de la lecture, deux jours avant sa mort, sa femme lui a lu la nouvelle qui donne son nom au recueil.  

P1120223Nous avons ici huit nouvelles publiées entre 1904 et 1907, rassemblées dans le recueil titré Love of Life & Others Stories en septembre 1907 (l'avant-dernier recueil consacré par London au Grand Nord). L'amour de la vie retrace la longue piste sur laquelle se traînent deux hommes affamés, puis un seul, et le loup famélique qui le guette. Suit la nouvelle Le logement d'un jour: un professeur d'université donne une coûteuse leçon de savoir-vivre à un médecin et à sa patiente. La manière des blancs met en évidence l'incompatibilité de deux cultures: celle de l'indien, qui agit toujours de la même manière, année après année, tandis que le blanc traitera le meurtre de deux manières différentes... selon que le crime a été commis avant ou après l'organisation administrative de l'Alaska en district. L'histoire de Keesh a pu se dérouler à de nombreuses reprises au cours des millénaires: un jeune homme intelligent développe une nouvelle technique de chasse... L'Imprévu met plutôt en évidence la capacité, variable selon les êtres humains, à réagir et à s'adapter à une situation nouvelle lorsque les circonstances l'imposent. Jusqu'à aller devoir rendre la justice, toute la justice et rien que la justice. Dans Loup brun, en Californie, un chien du Klondike découvre le libre arbitre, alors que trois humains ont promis de ne pas tricher. La piste des soleils dépeint (c'est le mot) le récit par Sitka Charley d'une poursuite à mort d'un inconnu par un couple, on ne saura jamais pourquoi. C'est hallucinant à lire, on réalise seulement à la fin le but de la course folle qui nous est décrite. On ne peut qu'imaginer que le pourchassé a commis un acte inexpiable. Cette nouvelle est très habile, et attise la curiosité, je trouve, avec l'indien qui ne sait ni lire ni écrire, mais cherche à illustrer la différence entre l'image figée d'une gravure et les histoires de "vraie vie" qui doivent avoir un début, un milieu et une fin connus. Enfin, Negore le lâche montre le courage nécessaire pour accomplir une ruse de guerre et finir, peut-être, quasiment en épectase (oui je sais, j'ai parfois l'esprit mal tourné). 

Dans ce volume, le "document" est constitué d'un article racontant une histoire vraie qui a inspiré London pour au moins l'une de ses nouvelles: un homme affamé perdu dans le Grand Nord - et qui réussit à survivre. ll s'agit de Perdu dans le pays du soleil de minuit, par Augustus Bride et J. K. Mac Donald, publié en décembre 1901.

Je finis mon billet avec le recueil titré L'Appel de la forêt. Il faut lire la très belle présentation par Francis Lacassin de ce volume (une trentaine de pages) imprimé en 1974 et que j'ai acquis en 1992. J'ignore si nos éditions du XXIe siècle la reprennent. L'ouvrage contient quatorze nouvelles publiées entre 1901 et 1926 (Jack London étant mort en 1916), suivies par les 90 pages de L'appel de la forêt proprement dit, le tout dernier texte étant une réponse assez polémique au naturaliste John Burroughs, qui semble avoir critiqué les écrits de London mettant en scène des animaux.  

P1120222Trop d'or, ou tel est pris qui croyait prendre (c'est l'histoire d'une déveine qui se partage entre deux vieux durs à cuire et un nouvel arrivant, de la vente d'une mine d'or, et du respect de la parole donnée). La nouvelle titrée La Toison d'or est tirée, à peine embellie, de l'expérience personnelle de London en route pour arriver à Dawson, si j'ai bien compris (Liverpool-London: j'ai mis un certain temps à saisir la blague...). On y retrouve, ainsi que dans la nouvelle Les mille douzaines d'oeufs (qui auraient pu valoir 5000 $ si...), certains éléments que London a réutilisés plus tard dans Belliou la fumée, traités sur le mode comique ici, ou plus tragique là. La foi des hommes délivre un message ambigu sur le respect de la parole engagée en même temps que sur la capacité à croire en celle d'autrui. A mes yeux, elle est contrebalancée par celle titrée L'histoire de Jees-Uck (tiens, je n'avais pas songé jusqu'à maintenant à la manière dont ce "nom" pouvait sonner en terme de religiosité...). Bâtard, qui intervient avant dans le recueil, se range cependant dans la catégorie des histoires de chiens, le héros canin étant ici à la fois victime et bourreau. Le mariage de Lit-Lit traite, en gros et en détail, de l'émancipation féminine (vis-à-vis de la puissance paternelle) chez les indiens. On trouve aussi dans le recueil quelques histoires de chasse pas piquées des vers (quand il ne s'agit pas de chasse au dahu). Dans Un survivant de la préhistoire, c'est un malheureux mammouth qui sera la victime. Son cruel chasseur est aussi le héros d'Un breuvage hyperboréen, ou comment se rendre maître d'une tribu soiffarde grâce à un alambic bricolé, ainsi qu'à quelques pincées de bicarbonate de soude pour éliminer la concurrence. Gueule chauve est mis dans la bouche d'un Tartarin local, qui raconte comment il est arrivé à faire se battre à mort deux grizzlis (il sufit de courrir entre les deux!). Dans Le val tout en or, le filon dont rêvait tout mineur est déniché à force de peine. Mais la nouvelle peut aussi faire penser aux mots de Clint Eastwood dans Le bon, la brute et le truand, quelque chose comme: "dans la vie, il y a ceux qui ont un flingue et ceux qui creusent". La fin de l'histoire est de la même veine que L'histoire de Jess-Uck ou que la nouvelle Le logement d'un jour cité plus haut pour un autre recueil: adultère et pardon... L'enfant de la nuit, aventure de rêve, date de 1910. A la lecture de la description du héros masculin, vieilli prématurément par l'alcool 12 ans après son retour du Grand Nord, on ne peut qu'espérer que ce n'est pas trop autobiographique! Miracle dans le Grand Nord enfin, c'est l'histoire de quatre hommes à court de vivre, dont l'un (John Thornton) est accusé du vol de lard commis par un autre (Bertram Cornell, "un mauvais homme et un raté") - qui finira par faire le sacrifice de sa vie pour se racheter (la nouvelle semble dater d'entre 1900 à 1905, mais n'avoir été publiée qu'en 1926, à titre posthume?). Et puis, l'on arrive au plat de résistance: L'appel de la forêt. Il faudrait un billet entier pour parler de cette oeuvre très connue (court roman publié en 1903 en anglais et traduit en français dès 1906), divisée en six chapitres. Le chien Buck passe de main en main, depuis la Californie où il est né (dans un domaine qui rappelle celui où Croc-blanc - postérieur - finit ses aventures), et vit de longues aventures comme chien de traineau, jusqu'au retour à la vie sauvage après la mort violente de son dernier maître, John Thornton (le même, peut-être, qui avait été sauvé de justesse dans le Miracle... précédent). Notons qu'au fil des traductions successives, The Call of the Wild a aussi été titré L'appel du grand nord, L'appel sauvage, et enfin L'appel du monde sauvage (pour l'édition "Pléidade" en 2016).

Poour conclure ce billet, je voudrais au moins mentionner une nouvelle que je n'ai pas sous la main (le bouquin se trouve dans une "résidence secondaire" à bien plus de 10 kilomètres de Paris et que je ne peux donc pas fréquenter pour le moment), mais qui m'a toujours bien plu lorsque je l'ai lue et relue en "Bibliothèque verte" dans le recueil Les enfants du froid. Jack London y évoque de manière littéraire, dans la fiction, un combat désespéré. Pour The League of the Old Men, la traduction de Louis Postif donnait "La ligue des vieux" (dans les années 1930). Je ne connais pas les deux traductions suivantes, celle de Simone Chambon, "La ligue des vieillards" (1989), ni celle de Marc Chenetier, "La conjuration des anciens" (1989). Qu'en pensez-vous? Pour ma part, ayant essayé de "caractériser" toutes ces histoires de chiens ou d'êtres humains, blancs ou indiens, sans les raconter ni même les résumer, j'espère vous avoir donné envie de les lire vous-même...

Je remarquerais encore qu'aujourd'hui, les prospecteurs (autres que les grandes sociétés) s'acharnent et meurent, pour de l'or ou d'autres minéraux, en Amazonie, en Afrique... Mais on attend encore l'écrivain qui nous fera rêver en contant leurs aventures humaines. Nous sommes surtout sensibles aux rivières empoisonnées au cyanure et à l'environnement "naturel" détruit à jamais.

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Un zeste de bande dessinée encore. Pour qui aime bien les "histoires de canard" (Duck), je voudrais juste signaler que Picsou (Uncle Scrooge) a commencé sa fortune au Klondike, selon les histoires racontées par le dessinateur Don Rosa après Carl Barks. Dans son Intégrale publiée chez Glénat à partir de 2012, on peut dénicher quelques pépites. On y croise même Jack London en mémorialiste... affublé d'une truffe de chien! 

P1120325  P1120327  P1120328 (Don Rosa conclut chaque "aventure" d'un texte explicatif sur ses sources d'inspiration - ici p.146 du tome II)

17 avril 2021

Les enfants sont rois - Delphine de Vigan

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Avec Les enfants sont rois de Delphine de Vigan (Editions Gallimard, 347 pages), vous allez faire la connaissance de Mélanie Claux (il s'agit d'une fiction). En juillet 2001, avec ses parents et sa soeur et onze (!) millions de téléspectateurs, l'héroïne avait suivi la finale de "Loft story". Quelques années plus tard, elle s'était présentée pour participer à ce genre d'émission. Sa candidature avait été retenue mais elle avait été éliminée dès le premier jour. On retrouve Mélanie en 2019, mariée avec Bruno Diore qu'elle a rencontré grâce à un site de rencontre sur Internet. Désormais mère de deux enfants, Sammy (8 ans) et Kimmy (6 ans), Mélanie va créer une chaîne vidéo sur YouTube, "Happy récré", où ses enfants sont filmés par elle plusieurs heures par jour. Les vidéos de ses enfants devenus "influenceurs" sont suivies par plusieurs milliers de gens qui mettent des "like". Car vu le succès de cette chaîne, des marques ont contacté Mélanie, et désormais cette mère et ses enfants promeuvent et placent des produits divers et variés comme des vêtements, des chaussures ou de la "junk food". Tout semble aller bien pour cette famille qui est devenue très riche, jusqu'au jour où Kimmy disparaît. Elle a été enlevée. A partir de là, Mélanie a l'occasion de rencontrer Clara Roussel, jeune femme petite par la taille mais avec une capacité de travail phénoménale, qui travaille à la brigade criminelle comme procédurière. Cette dernière avait elle-même regardé à l'époque le "Loft" en même temps que Mélanie. Elle se met à visionner des dizaines d'heures de vidéos avec les enfants pour essayer de comprendre le phénomène et elle s'aperçoit, par exemple, que Kimmy rechignait et n'était pas plus enthousiaste que cela d'être filmée de cette manière. C'est le premier roman que je lisais de Delphine de Vigan car j'ai été attirée par le sujet. Je l'ai trouvé très intéressant sur cette époque où l'on vit parfois pour être vu. Je trouve cela terrifiant. Lire les billets d'Eva et Les yeux dans les livres, Gambadou, Anne.

8 avril 2021

Maudit printemps / Un homme seul - Antonio Manzini

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Neuf mois après son arrivée au Val d'Aoste, on retrouve dans Maudit printemps (Folio policier, 346 pages) le sous-préfet Rocco Schiavone qui va être confronté à une enquête difficile. En effet, Chiara Berguet, une jeune fille de 19 ans issue d'une famille d'industriels locaux, a été enlevée. Son enlèvement n'est pas signalé tout de suite à la police car les parents ont peur des conséquences. En parallèle, deux hommes perdent la vie dans un accident de voiture dans la région d'Aoste. L'un d'eux était un employé de chez Berguet. On apprendra que ce sont eux, les ravisseurs de Chiara. La société de Berguet a connu momentanément des problèmes pour payer ses factures aux fournisseurs ou pour payer les salaires. Même si tout semble être rentré dans l'ordre grâce à une banque de la région qui a fait un prêt, il n'empêche que l'entreprise de Berguet est convoitée, et Chiara est en danger de mort puisque personne ne sait où elle est séquestrée, ses ravisseurs ne pouvant plus rien dire. Heureusement que Rocco Schiavone, aidé par ses collègues, n'aura de cesse de retrouver Chiara. Quand arrive la conclusion de l'histoire, un drame survient. Schiavone était en ligne de mire d'un tueur. C'est malheureusement une femme de sa connaissance venant de Rome qui sera tuée par erreur de plusieurs balles d'un pistolet 6,35. C'est pourquoi l'on retrouve Schiavone, quatre jours après, dans Un homme seul (Folio policier, 417 pages). Il mène plusieurs enquêtes en même temps: qui a voulu le tuer? Qui a tué en prison, et sur l'ordre de qui, Mimmo Contrera (membre de la N'drangheta - la mafia calabraise) et organisateur de l'enlèvement de Chiara Berguet? Schiavone est toujours bien épaulé par ses collègues et désormais, il a une chienne, Lupa, qu'il a recueillie et qui lui tient compagnie. Elle n'a pas de race définie. Il déclare qu'elle appartient à la race des "saint-rhemy-en-Ardennes" (appellation totalement inventée). Quand le roman se termine, le tueur au 6,35 n'a toujours pas été arrêté. L'enquête devrait se continuer dans 07-07-2007 chez Denoël (et pas encore paru en poche), et quatre autres romans avec Schiavone sont encore inédits en français. Pour résumer, j'aime beaucoup le personnage d'Antonio Manzini, ce Schiavone aux méthodes peu orthodoxes mais efficaces, et qui aime se fumer un joint le matin dans son bureau pour se mettre en train pour le travail. 

7 avril 2021

Coco: nature, culture et poil à gratter - Virginia Ennor

Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) surfe sur l'actualité pour rendre aujourd'hui hommage à une dessinatrice de Charlie Hebdo, Corinne Rey dite Coco. Depuis le 1er avril 2021, elle a pris la suite de Willem (autre dessinateur de l'équipe de Charlie, qui a eu... 80 ans le 2 avril!) dans Libération. J'avais déjà eu l'occasion de citer quelques-uns des dessins de Coco à l'occasion d'un article sur le recueil collectif Tout est pardonné (2015).

Coco: nature, culture et poil à gratter, l'opuscule que j'ai choisi aujourd'hui comme "point d'encrage" de ma chronique, remonte à 2016 (Critère édition, coll. Les Iconovores, 95 p.).

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Les Iconovores, collection sur les dessinateurs de presse, "réaffirme que dans un monde bousculé, la liberté d'expression est une nécessité" (extrait de la présentation en 2e de couv'). L'ouvrage, le premier de la collection, contient 88 dessins de Coco. J'ai noté avec intérêt que l'ouvrage mentionne en p.96 les références des publications pour chacun des dessins (y compris, parfois, "proposé non publié"...). J'en citerai ci-dessous moins de 10%, ceux que j'ai le plus appréciés (au regard des années 2020-2021...). Selon le texte (signé Virginia Ennor) figurant en p.5, "dessinatrice de presse, [Coco] aime penser qu'un jour les cons cesseront de pourrir la planète, de maltraiter les animaux, de tuer et de torturer des innocents, de détruire vie et nature pour de l'argent (...)".

P1120275 p.86 (qui? [en 2015, pas en 2020])

P1120277 p.37 (et, en 2016, on ne parlait même pas encore du télétravail-covid-19!). P1120276 p.35 (c'est moi qui inverse l'ordre des deux dessins)

P1120278 p.40 (je me rappelle aussi que Coco a fait, il y a quelque temps, toute une série de dessins hebdomadaires dans Charlie autour de l'Origine du monde...).

P1120279 p.51 (le 22 septembre 2014, Patrick Bruel chantait au Royal Albert Hall de Londres la chanson de David Bowie Life on mars)

P1120280 p.61 (oui! "De n'importe quel pays, de n'importe quelle couleur / (...) un cri qui vient de l'intérieur!"[comme chantait à peu près Bernard Lavilliers])

P1120282 p.80 P1120281 p.71 (tout est dans le titre du dessin?)

Je finis par la préface du livre. Elisabeth Quin y évoque à bras-le-corps la journée du 7 janvier 2015 et l'irruption des deux assassins à Kalachnikov dans la rédaction de Charlie, et surtout l'anecdote navrante d'un malotru (un lourdaud) qui interpelle Coco un an plus tard en sa présence. Je suppose qu'on a dû être des milliers et des milliers à se demander ce qu'on aurait fait, soi-même, sous la menace des armes des tueurs à la porte de Charlie. Réponse impossible. Et Coco, dans cette situation, a eu la présence d'esprit de commencer par tâcher de les balader vers une fausse destination (respect!). On peut lire un entretien publié par Marianne en deux parties, les 10 mars et 11 mars 2021, où elle explique comment elle s'est reconstruite, six ans après le massacre. 

Je voulais encore rappeler que la dessinatrice, entrée à Charlie en 2008, avait été primée aux 29e et 34e Salon de la caricature et du dessin de presse de Saint-Just-le-Martel en octobre 2010 puis 2015 ("Grand prix de l'humour vache"). 

Je n'ai pas trouvé beaucoup de mentions de ce livre sur internet aujourd'hui. A l'époque, le blog de Sophie Dauphin l'avait chroniqué. On peut encore apprécier la version de Coco d'une "Colombe de la paix" qui lui avait été demandée en 2017 par le Mouvement [du même nom].

P1120273 ci-contre, ce qu'elle disait en novembre 2019 au sujet du premier dessin satirique qui l'avait marquée.

Et si vous voulez découvrir régulièrement de nouveaux dessins de Coco, achetez Libé et Charlie.

Coco_Libe_01-04-2021_p23 Libération du 1er avril 2021, p.23

Surtout, Coco, continuez à nous produire des dessins mordants! 

PS : j'ai découvert dans le métro, alors que j'allais "boucler" mon billet, la campagne d'affichage pour le récent livre de Coco Dessiner encore (éd. des Arènes) dont elle parle dans l'entretien cité ci-dessus. Voici quelques photos cintrées des deux affiches. J'aurai certainement l'occasion de chroniquer ce livre un mois ou l'autre... [chroniqué le 07/03/2022].

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*** Je suis Charlie ***

5 avril 2021

La Corée en feu - Jack London / Corto Maltese, la jeunesse 1904-1905 - Hugo Pratt

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Dans le cadre du Challenge Jack London proposé de mars 2020 jusqu'après mars 2021 par ClaudiaLucia, je (ta d loi du cine, squatter chez dasola) chronique encore un "10/18", que j'avais acheté en 1996. Et je fais ainsi d'une pierre deux coups avec le Challenge coréen proposé par Cristie (jusqu'au 21/04/2021 - il était temps!). Et même - hop! - trois coups avec le Challenge "Des histoires et des bulles" commencé le 1er avril 2021 chez Noctenbulle.

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La Corée en feu, c'est le titre sous lequel ont été regroupés et publiés en anglais en 1970, dans le volume Jack London Reports, 24 articles rédigés par notre auteur dans le cadre d'un reportage comme "correspondant de guerre" durant la guerre russo-japonaise de 1904-1905. Le volume français comprend également une trentaine de lettres à Charmian Kittredge, secrétaire et future épouse de London (après son divorce d'avec sa première épouse et mère de ses filles). Le copyright indique "Union Générale d'édition, 1982" (le traducteur, Jean-Louis Postif [fils de Louis], adresse ses vifs remerciements à M. Michael Aaron, qui a bien voulu l'aider à résoudre certaines difficultés de traduction). Dans cet ouvrage, les articles écrits "sur le terrain" sont chapitrés de I (1) à XXII [22]. Ils ont été rédigés pour le quotidien de San Francisco The Examiner (appartenant à William Randolph Hearst). Oui, le même Hearst qui aurait dit quelques années plus tôt à son illustrateur Frederic Remington, à propos de la guerre hispano-américaine de 1898 à Cuba: "vous fournissez les images et moi je vous fournirai la guerre". Plusieurs journaux dont celui de Hearst avaient proposé à London, quelques semaines avant que la guerre, prévisible, n'éclate entre la Russie et le Japon, de partir la couvrir sur place. Dans ce livre, nous pouvons donc découvrir une autre facette de l'auteur Jack London, outre les oeuvres militantes, les fictions inspirées par ses propres aventures, les récits de croisières... Ici, ce sont la vie et les mésaventures d'un correspondant de guerre "embedded" par l'armée japonaise qui "montait", en Corée, à la rencontre des Russes, qui nous sont surtout racontées. 

Ouvrons une parenthèse que les blogueurs-euses qui ne s'intéressent pas à l'Histoire peuvent ne pas lire. Pour dire deux mots de l'arrière-plan historico-politique (l'actualité de l'époque, que tout le monde connaissait il y a 117 ans, et qu'il était donc inutile de rappeler aux lecteurs contemporains des faits): le Japon s'était révélé au monde comme puissance montante lors d'une guerre contre la Chine en 1894-95 pour le contrôle de la Corée. Mais il avait l'impression de s'être fait dépouiller de sa victoire sous les pressions de puissances européennes ("triple intervention" de la Russie, la France et l'Allemagne). La Russie y avait obtenu de la Chine la concession de Port-Arthur (à l'extrême sud de la péninsule du Liaodong) pour 25 ans. Moins de neuf ans plus tard, au début de 1904, le Japon cherche à se faire reconnaître comme puissance régionale à part entière face aux impérialismes européens, cependant que la Russie poursuit sa politique ancestrale d'accès aux "mers chaudes". La Corée, disputée entre les deux pays, était dirigée par Kojong (né en 1852, roi depuis 1864, empereur depuis 1897, il abdiquera en 1907 et mourra en 1919). Les raisons immédiates du conflit qui finit par éclater en 1904 sont le contrôle de la Corée et surtout de la Mandchourie (ultimatum du Japon à la Russie au sujet de la Mandchourie le 13 janvier 1904). Fin de la parenthèse historique, revenons à London.

Notre journaliste a quitté San Francisco le 7 janvier 1904 à destination de Yokohama avec "de belles idées sur ce que devait être le travail d'un correspondant de guerre. (...) En bref, je suis venu à la guerre dans l'attente d'émotions. Mes seules émotions ont été l'indignation et l'irritation" (article du 2 juin 1904). Ses articles ont été rédigés entre le 3 février 1904 et le 1er juillet 1904, mais publiés parfois plus de trois semaines après leur rédaction (ou même jamais publiés, pour le N°XIII du 13/03/1904). La guerre a officiellement débuté le 8 février 1904. Le premier article de London, écrit quelques jours avant au Japon, dans le port de Shimonoseki, a été publié à San Francisco seulement le 27 février. Il retrace ses mésaventures pour quelques photos prises au Japon (interrogatoire, appareil confisqué, jugement...). Le suivant date du 26 février: London est enfin parvenu en Corée, ayant débarqué à Chemulpo (aujourd'hui Incheon). Les différents épisodes du reportage sont d'abord traité sur le mode comique (la montée "au front" s'avérant... plus que difficile pour les correspondants de guerre!): London raconte essentiellement ses problèmes de la vie quotidienne, les différences de langue, de culture... Il faut se rappeler que la transmission de ses articles était soumise au bon vouloir des Japonais et de leur censure. Dans certains articles, il mentionne les deux collègues les plus proches de lui (Jones / Dunn, et McLeod / Mackensie), seuls à avoir pu passer du Japon en Corée - cependant que leurs confrères restés au Japon s'arrangeront pour les faire "ramener vers l'arrière" au nom de l'égalité de traitement. Les officiels japonais exigent des autorisations pour tout voyage, qualifient toute information de "secrète", ... et empêchent ainsi nos reporters de "faire leur travail" sur les opérations des belligérants, London "meuble" donc avec le récit de son propre quotidien.

La vraie guerre (avec des morts et des prisonniers - des "blancs aux yeux bleus" dont London se sent plus proche que des soldats Japonais qu'il accompagne) arrive au chapitre XVII (alors que le précédent, 10 ans avant la guerre de 14, annonçait avec optimisme "quand les machines de guerre deviendront pratiquement parfaites, il n'y aura plus du tout de massacres". Le tournant terrestre de cette guerre "en" Corée est la bataille du fleuve Yalou: London n'en a pas vu grand-chose (pas plus que Fabrice del Dongo à Waterloo - mais le héros de Stendhal n'était pas "correspondant de guerre"!). Pour ma part, c'est l'article on ne peut plus clair de Wikipedia "Bataille du fleuve Yalou (1904)", consulté le 28/03/2021, qui m'a permis de comprendre comment les combats s'étaient déroulés. London sera rentré en Amérique bien avant la capitulation de Port-Arthur en janvier 1905: son dernier article, dicté à San Francisco le 1er juillet 1904, est titré "Comment le Japon rend inutile la mission des correspondants de guerre". Il fait état d'observations que l'on peut aujourd'hui juger oiseuses sur les différences de mentalités entre Japonais et "blancs". L'ambiance locale en Corée contient parfois des considérations dignes des premiers Tintin d'Hergé (avant sa prise de conscience pour Le Lotus bleu). Concernant la présence à éclipse des villageois coréens dans les articles, on peut supposer que ceux-ci se rappelaient sans doute les ravages et exactions de la guerre sino-japonaise moins d'une décennie auparavant. Après les "Lettres de Corée à Chamian Kittredge", parfois redondantes avec les articles, le volume se termine par deux articles rédigés ultérieurement: "Le péril jaune", septembre 1904 (encore pour The Examiner), et "Si le Japon réveille la Chine..." (publié en 1910 dans le Sunset Magazine). Ce dernier n'est pas sans lien avec la nouvelle d'anticipation "L'invasion sans pareille" dont j'ai déjà parlé (1910 aussi). 

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Mais ce reportage de London sur la guerre russo-japonaise a aussi donné lieu, des décennies plus tard, à une oeuvre fictionnelle, dont je vais dire quelques mots. 

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Pour mémoire, l'album de BD d'Hugo Pratt Corto Maltese, la jeunesse 1904-1905 (Casterman 1983, réédité plus tard sous le titre La jeunesse de Corto) évoque la rencontre (fictive, bien sûr) de Jack London avec le héros prattien Corto Maltese. Dans cet album que j'avais acquis il y a plus de 20 ans auprès d'une collègue qui liquidait la BDthèque de son ex après leur séparation, le personnage de Jack London apparaît dès la 6ème planche (p.17), cependant qu'on ne découvre Corto Maltese, en pricipe le héros, qu'à la 17ème planche. Ensuite, il n'y a plus que quatre planches où l'on ne voit pas au moins une fois London. Corto, lui, figure au total dans à peine deux douzaines de vignettes (si, je vous jure, j'ai compté!), contre plus de 180 pour Jack London.

Dans cette fiction, notre reporter risque à plusieurs reprises sa vie dans des aventures qu'il n'a certes pas écrites. Pratt lui fait dire: "moi, j'écris des romans d'aventure, donc je dois vivre l'aventure" ou encore "j'ai souvent dû faire face à des situations difficiles. Avec les pêcheurs grecs, italiens, chinois. Avec les contrebandiers d'huîtres à San Francisco... On y mourrait facilement, dans ce port... En Alaska aussi, il était facile de mourir pendant la ruée vers l'or, ou bien de désespoir après un mariage raté...". 

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Selon ce que j'ai trouvé sur internet, cette aventure de Corto Maltese, publié en 1981-82 dans Le Matin de Paris, aurait dû avoir une suite, couvrant les années 1905-06, mais un désaccord avec le quotidien a empêché leur parution. Il semble que des éditions plus récentes que la mienne en contiennent les 27 premières pages? Je ne sais pas si London y apparaissait, sans doute que non, il devait suffire à Pratt de l'avoir "inséré" sur le front de Moukden, en Mandchourie, bien des mois après son retour réel en Amérique...

***************

Enfin, pour ceux et celles qui chercheraient chez les bouquinistes de vieilles éditions de London en français, je signale qu'on peut trouver pas mal d'informations sur une page web déjà ancienne.

Je sais, cet article est bien trop long. Si j'écoutais dasola, je devrais tout jeter, et recommencer en 20 lignes maximum!

(1) Je suppose que, si on les rééditait aujourd'hui, ils seraient numérotés en chiffres arabes et non en chiffres romains... alors que j'ai lu dans la presse l'abandon par le musée Carnavalet de cette "numérotation savante", suivant l'exemple (?) du Louvre. Quelle bêtise... 

31 mars 2021

Un voisin trop discret - Iain Levison

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Je ne sais pas si c'est un vaccin contre la morosité (comme l'affirmait le bandeau qui entourait le roman), mais j'ai bien apprécié la lecture d'Un voisin trop discret (Editions Liana Levi, 218 pages) dont l'histoire se passe de nos jours entre le Texas, Seattle et la côte Est des Etats-Unis avec une incursion en Afghanistan et à Dubaï. Jim, la soixantaine, est chauffeur Uber depuis quelques années sur la côte Est des Etats-Unis. Il vit seul. Un jour, il voit arriver une jeune femme, Corina, et son fils Dylan, qui deviennent ses voisins de palier. Ancienne strip-teaseuse, elle s'est mariée avec Robert Grolsch, un sniper appartenant au "159ème" (Opérations spéciales) qui exerce ses "talents" dans les montagnes d'Afghanistan. C'est un homme peu sympathique qui trompe sa femme et vide le compte commun du couple pour mener la belle vie avec Leann Sullivan, sa supérieure hiérarchique à Dubaï. Pendant ce temps-là, à Bennett au Texas, Kyle Boggs annonce à Madison, une amie d'enfance, qu'il est gay. Il lui propose néanmoins de se marier avec elle juste avant de partir en Afghanistan au 159ème (Opérations spéciales). Cela lui permettra, il l'espère, de faire carrière plus tard dans la politique après avoir été transféré au Département d'Etat. Les célibataires n'ont pas cette possibilité. Kyle vante à Madison tous les avantages qu'elle peut trouver dans cette union. En particulier, elle pourra faire soigner son petit garçon Davis qui a une maladie de l'estomac. La vie de Jim, qui aime avoir la paix, va être mêler à un drame familial dont il est l'acteur principal. Et on va découvrir que non seulement il sait crocheter les portes, mais aussi qu'il sait se servir d'une queue de billard. Il faut dire qu'il a un petit magot caché dans une armoire. Je ne vous dirai rien de plus sauf qu'il faut lire le roman jusqu'à la dernière page. Lire le billet d'Encore du noir.

26 mars 2021

Silver Spoon - Hiromu Arakawa

Le quinzième tome qui clôt le manga Silver Spoon est sorti en France le 11 février 2021. Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) l'attendais avec impatience (le T.1 était paru chez nous en février 2013). 

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Dessin & scénario: HIROMU ARAKAWA. Editeur: KUROKAWA. Shonen manga.
Publiée en volumes au Japon de juillet 2011 à février 2020 (série terminée).

Sur l'image ci-dessus, on notera que le héros principal, Yugo, est représenté dans 9 couvertures sur 15, et a trois fois l'honneur d'y figurer seul (si l'on ne compte pas les animaux - cinq chevaux!). Ses aventures se déroulent dans un univers lycéen original: celui d'un lycée agricole. Au long des huit ans qu'aura duré la publication française de cette chronique de classe, nous aurons pu découvrir la vie d'élèves de ce genre d'établissement. Dans ce manga, pas de lutte contre démons et zombies, pas d'alchimistes ou de super-transformations. Mais, au quotidien, la vie de jeunes comme vous et moi, qui ont choisi de se lever aux aurores pour changer la litière des chevaux, donner à manger aux cochons, ramasser les oeufs au cul des poules, aider aux vêlages et bien sûr jouer les chasse-neige en hiver.

Et, bien entendu, le dimanche comme les autres jours, il faut aussi s'occuper des animaux, traire les vaches, aller chercher les oeufs... C'est cette vie très "physique" qu'a découvert Yugo à sa rentrée en "Seconde" au lycée (agricole) Ohezu, en provenance d'un collège citadin. Nous le voyons, sur les 15 volumes, découvrir cet univers paysan souvent méconnu, au contact de ses condisciples tous issus du milieu agricole. Ici, l'enseignement est concret et pratique.

Deuxième partout, premier nulle part, Yugo Hachiken a certes la meilleure note moyenne de sa classe, mais... Mais il n'arrive à avoir un "sans faute" dans aucune matière, contrairement à ses "fils de paysans" de condisciples. Eux ont tous, depuis l'enfance, la pratique concrète d'au moins une de ce qui, pour lui, n'est que matières scolaires (sciences de l'agriculture, agro-alimentaire, mécanique, bio-technologies...). Yugo, pour sa part, découvre l'élevage des animaux et la vie paysanne. Son regard extérieur au milieu paysan remet en question beaucoup de routines. Il fait aussi l'expérience de l'équitation et de ses compétitions. Et que se passe-t-il ensuite, une fois finies les cavalcades entre veaux, vaches, cochons et chevaux? Outre les relations humaines, celles avec les animaux destinés à la consommation humaine ne sont pas simples. Elles s'enrichissent mutuellement. Jusqu'à amener notre lycéen à créer son entreprise avec des condisciples! Réussiront-ils à commercialiser les saucisses, le fromage, les pizzas (etc.) qu'ils ont appris à réaliser?

La "cuillère d'argent" du titre représente (entre autres) le symbole de la transmission d'un métier, au sein de ce lycée agricole. Nous avons suivi notre classe de l'adolescence à l'entrée dans l'âge adulte. Nous avions vu leur présentation dans les premières pages du T.1 à leur arrivée en lycée (kookoo!), venant de différents collèges. Nous les avons vu évoluer, trouvant - ou non - leur voie durant trois ans d'études lycéennes, plus ou moins développées par la mangaka Hiromu Arakawa. Elle aura tenu en haleine ses lecteurs français depuis février 2013 - soit plus longtemps que la période durant laquelle la scolarité de nos héros est censée se dérouler.

Nous avons vu, jour après jour, trimestre après trimestre, année après année, les relations entre Yugo, Aki, Ichiro, Tamako, Keiji, Mayumi, et les autres, sans oublier l'équipe enseignante, se construire, chacun peaufinant son orientation professionnelle. Nous les laissons à l'étape de l'Université ou de la vie active. Hiromu Arakawa voudra-t-elle bien un jour nous raconter ce qui s'est passé ensuite? L'auteur a dû beaucoup s'amuser à "réinventer" son propre parcours de fille de paysan à l'intense capacité de travail. A la ferme, lorsqu'on a fini ses premières 35 heures (dès mercredi soir...), on enchaîne jeudi à l'aube sur les 35 suivantes! La mangaka qui se représente sous forme d'une génisse évoque sa propre jeunesse dans une autre série, Nobles paysans, dont 5 volumes sont déjà parus, et dont j'espère qu'elle ne l'abandonnera pas.

Il semble que les inscriptions en lycée agricole aient connu au Japon une augmentation, grâce aussi, sans doute, aux deux saisons de série TV diffusées en 2013-2014. Et en France? Le 14ème tome nous montrait le couple de nos héros principaux affronter le concours d'entrée à l'Université. Dans le 15e volume, on constate la disparition d'un des personnages les plus anciens. 

Je ne vais pas mettre de pages complètes du manga (il doit être possible d'en découvrir sur la Toile), mais deux extraits du tome 15. Dans la plupart des volume, on trouve des "bonus" où l'auteur raconte à ses lecteurs les "dessous" de la création de l'oeuvre, ou ses à-côtés. Ici, j'ai appris que je n'étais pas seul à regretter que cela s'arrête...   

P1120235   P1120234  ... On se dit "rendez-vous dans dix ans"? 

22 mars 2021

Fils du soleil - Fabien Nury & Eric Henninot (d'après Jack London)

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Dans le cadre du Challenge Jack London proposé de mars 2020 à mars 2021 par ClaudiaLucia, je (ta d loi du cine, squatter chez dasola) viens de relire une BD achetée il y a déjà quelque temps... et sur laquelle j'ai eu du mal à remettre la main!

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Si cet album porte le même titre que le livre dont il est adapté, Fils du soleil, il ne s'agit pas d'une simple "mise en image "de celui-ci, mais bien d'une création originale "d'après Jack London". La page de garde, encore plus explicite, dit "Librement adapté des nouvelles de Jack London". Je parlerai plus bas du recueil de nouvelles en question, qui narre les aventures de David Grief aux Îles Salomon. Ce personnage, jeune homme déjà riche à son arrivée, aussi bon marin qu'homme d'affaires, administrateur ou négociant, est venu dans les Mers du Sud par goût du romanesque (un London idéalisé?). Ses moyens, son intelligence et son dynamisme lui ont permis de développer un véritable empire basé sur le commerce et la mise en valeur, à son profit, des ressources des îles (dans une logique de type colonialiste, bien évidemment).

Dans la bande dessinée parue en 2014, le scénariste (Fabien Nury) a pris les personnages (parfois en leur donnant le nom d'un autre), le cadre, et telle ou telle des anecdotes (cure de désintoxication pour ivrogne, naufrage provoqué, pantalon obligatoire dans un endroit perdu...) qui sont chacune au centre de l'une ou l'autre nouvelle, pour les évoquer d'une phrase ou en tirer quelques pages, et resserrer les péripéties d'une tragédie que l'on pressent dès les deux pages de prologue. Dans celui-ci, un capitaine reçoit mission de convoquer vers une île mystérieuse les plus hardis négociants des Îles Salomon - à l'exception de David Grief. L'action se concentre sur quelques jours, l'intrigue a été recentrée autour d'un fil conducteur tiré de la nouvelle qui clôt le recueil, avec quelques "morceaux de bravoure" pêchées par-ci-par-là. L'album est divisé en deux parties: Livre I, la dette (29 planches), et Livre II, les perles de Parlay (39 planches). L'Epilogue n'en comporte que trois. La vignette finale fait écho à celle qui concluait le prologue.

Venu exiger le remboursement d'une dette par un capitaine mauvais payeur (qui se nomme Jacobson - un autre personnage chez London), David Grief s'en tire, dans un premier temps, avec une blessure qui le plonge dans le délire: occasion de se remémorer ses débuts dans les îles, et d'entrevoir une mystérieuse silhouette féminine. Une fois Grief debout, la traque de la vengeance commence. On apprend le nom de son navire: le Wonder, commandé par le capitaine Ward. Parmi les personnages qui joueront un rôle jusqu'à la fin de l'album: le subrécargue (chargé de cargaison, mais sans rôle dans la navigation), Pankburn, et un indigène, Mapouhi. C'est à Goboto (d'où vient de repartir deux jours avant le Willi Waw de Jacobson) que David Grief arrache une information capitale, au terme d'une partie de cartes épique dont ce secret était l'enjeu: "le vieux Parlay vend ses perles". Ce qui le remet aussi sur la piste de son escroc. Il va le précéder et faire échouer le Willi Waw par ruse. Après avoir réglé cette affaire, direction l'île de Parlay. 

Le livre II commence par six pages de flash-back qui évoquent le triste destin d'Armande, fille chérie de Parlay, et femme aimée par David avant sa mort tragique. Une fois arrivés à Hirihoko, tous les candidats au rachat des perles se retrouvent dans le palais décrépit de Parlay, à admirer ces perles fabuleuses arrachées au lagon, au prix de nombreuses vies. Mais la tempête menace. Elle servira de détonateur pour exacerber la cupidité de la plupart des protagonistes. Le vieillard, à moitié fou, dénouera le drame tel un véritable maître du temps.

Outre les qualités du dessin et du scénario, on saluera aussi les couleurs dues à Marie-Paule Alluard (par ailleurs coloriste pour Les Maîtres de l'Orge ou pour certains volumes de Largo Winch, séries toutes deux scénarisées par Jean Van Hamme). Le style de dessin de Hennicot me fait penser à ceux de Christophe Bec ou de Christian Rossi. Le capitaine Ward (barbu brun) a un peu la même tête que le Joe du Chariot de Thespis dessiné par Rossi. Quelques vignettes évoquant les préludes d'un duel au couteau m'ont amené à visionner celui entre Feyd Rautha et Paul Muad'Dib dans le film Dune de David Lynch (1984): à l'occasion, jugez-en par vous-même... Enfin, j'ai déniché après quelques recherches sur internet une photo de Jack London, renversé dans un fauteil dans son bureau, tête nue et cheveux bouclés, où j'ai trouvé que son visage allongé rappelait celui du dessin de couverture (en plus souriant). Mais la photo semble ne pas être libre de droits (Getty...!), je ne la mets donc pas ici.

Sur la blogosphère, des chroniques datant de la sortie de l'album en 2014 sont toujours en ligne (même si certains blogs ne sont plus en activité en 2021). Par exemple, Le Merydien (janvier 2015) [dernier billet en avril 2018], Sin City (2014) ou Litoulalu (dernier billet en juin 2020). On trouve encore sur le blog Sine linea un entretien avec le dessinateur Eric Henninot dont quelques paragraphes donnent un bon éclairage sur le travail "d'extraction" d'une BD à partir de l'oeuvre originale. 

De son côté dasola s'est procurée le recueil de nouvelles Fils du soleil, l'oeuvre originale de Jack London (merci!). Je peux donc en dire quelques mots après l'avoir relu.

P1120228 (traduction Louis Postif, revue par Frédéric Klein)

Dans les huit nouvelles (publiées à l'origine dans The Saturday Evening Post, de mai à décembre 1911), David Grief navigue d'île en île, presque à chaque fois sur un navire différent (tous lui appartiennent, bien sûr). Ce sont tous des goëlettes (schooner en anglais: navires à deux mâts dont le mat arrière est plus grand que le mât avant...). Voici les titres de ces nouvelles, avec le navire concerné. Pratiquement tous les noms de lieux cités semblent fictifs.

  • Fils du soleil: le Wonder (sous les ordres du capitaine Ward) navigue du côté de Guadalcanal... Cette nouvelle introduit le personnage de David Grief et de ses règles d'existence: dur, mais juste, capable d'être aussi implacable qu'il l'estime nécessaire, et tout autant généreux que bon lui semble.
  • L'amour-propre d'Aloysius Pankburn: sur le Kittiwake, David Grief va mener en parallèle la cure de désintoxication d'un alcoolique, "à la dure", et la recherche d'un trésor que ce dernier affirme avoir été enfoui sur l'île Francis, ou Barbour, dont je ne suis pas certain qu'elle existe! On y évoque en passant un croiseur allemand venu canonner la jungle insulaire...
  • Les diables de Fuatino: le Rattler (le capitaine Glass y est victime de la crise de malaria attribuée dans la BD au capitaine Ward). Il faut bien chercher pour trouver dans la BD le nom de Fuatino, et l'intrigue de cette nouvelle (des pirates se sont emparés d'une île, provoquant de nombreuses morts) n'y figure pas.
  • Les plaisantins de New Gibbon: on y revoit le Wonder (qui a un subrécargue nommé Denby). Morale de l'histoire? "Abstenez-vous sérieusement de plaisanter avec les noirs. C'est un divertissement qui attire toujours des ennuis et qui revient très cher". 
  • Un petit règlement de compte avec Swithin Hall: David Grief commande en personne l'Oncle Toby (avec comme second un certain Snow). Ce dernier a fait faillite suite à une mauvaise spéculation sur une épave (il s'est fait "doubler" par un champion de billard). Les perles dont il est ici question ne sont pas celles de Parlay.
  • Une nuit à Goboto: le Gunga (capitaine Donovan). David Grief arrive à bord du navire, qui repartira probablement sans lui. Peter Gee apparaît dans cette nouvelle. On y suit une partie de cartes haletante avec pour enjeu quelques années de la vie d'un jeune prétentieux. Mon épisode préféré.
  • Plumes-du-soleil: le Cantani (capitaine Boig, et second Willie Smee). Ou comment un escroc commence par vous faire perdre votre chemise avant d'y perdre son fromage. 
  • Les perles de Parlay: le Malahini (capitaine Warfield). On y retrouve Peter Gee. Le gros de l'intrigue de la bande dessinée provient de cette dernière nouvelle. Le moteur de la goëlette y jouera son rôle.

Jack London a lui-même possédé successivement plusieurs voiliers, du sloop Rattle-Dazzle, qu'il a acheté à l'âge de quinze ans et dont il commandait l'équipage, au ketch le Snark, qu'il a fait construire en 1906 et avec lequel il navigue dans le Pacifique jusqu'aux Îles Salomon de 1908 à 1909. Côté navigation, encore une fois, il savait de quoi il parlait. Enfin, dans plusieurs de ces nouvelles (et comme dans Jerry chien des Îles), il est fait allusion à la "politique de la canonnière" lorsque telle ou telle des puissances occidentales qui se partageaient la souveraineté sur ces milliers d'ilots envoyait un croiseur tirer quelques obus sur un village, pour venger le massacre d'un gérant de plantation, d'un bateau de trafiquant ou de missionnaires... en opposant les "indigènes de l'eau salée" aux "indigènes du fond de la brousse". On y retrouve encore, presque mot pour mot, l'observation ethnologique des objets divers que les indigènes mettent dans les lobes de leurs oreilles percés de trous (douilles d'armes à feu, pipes en terre, ...).

19 mars 2021

Les enquêtes de Nicolas Le Floch - 3. Le fantôme de la rue Royale - Parot - Corbeyran - Chaiko

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Je n'ai toujours pas lu les romans de Jean-François Parot mais je suis fan des adaptations télévisées, et maintenant je découvre les BD adaptés des romans. Trois tomes sont déjà parus. Je n'ai pu emprunter que le troisième tome en bibliothèque, même si les deux premiers avaient été rendus. Car vous devez être au courant que, quand les livres sont rendus, ils sont mis en quarantaine pendant 4 jours (enfin, c'est ce qui se passe à Paris). Ils sont mis de côté plus ou moins en vrac en attendant que les virus ou microbes disparaissent. Pauvres livres! Qu'est-ce que l'on ne leur fait pas subir... Pour en revenir à la troisième enquête de Nicolas Le Floch, Le Fantôme de la rue Royale (Hachette livre - Robinson, 64 pages), l'histoire commence le 31 mai 1770, le lendemain de la fête nocturne qui permettait aux Parisiens de célébaer le mariage du dauphin, futur Louis XVI, et de Marie-Antoinette. Le Floch, qui est dans le bureau de de Sartine, est très en colère à propos de ce qui s'est passé. Il en veut à un certain Bignon qui n'a pas été à la hauteur de l'événement: une fusée de feu d'artifice a provoqué un incendie dans un bâtiment. Il y a eu une panique générale qui a entraîné de nombreux morts et blessés. Un peu plus tard, le commissaire Le Floch et son adjoint Bourdeau remarquent, parmi les corps sans vie, une jeune fille qui a des marques autour du cou et une pierre d'obsidienne dans la main. Transportée à la basse-geôle, elle va être autopsiée par deux fidèles connaissances de Le Floch, Sanson et Semacgus. On procède à son ouverture. Elle a bien été étranglée et ils découvrent qu'elle venait d'accoucher tout récemment. Après une courte enquête, Le Floch apprend son nom, Elodie Galaine: elle habitait avec sa famille qui a priori ignorait qu'Elodie était enceinte. Et on ignore ce qu'est devenu le bébé. Dans cette BD tout public, on ne voit pas Nicolas faire des galipettes. Les auteurs se sont concentrés sur l'enquête. On notera que, comme dans les romans de J.-F Parot, on peut lire en 2ème page des albums la liste des personnages figurant dans chaque aventure. J'ai beaucoup aimé cet album. J'espère pouvoir lire les deux premiers tomes quand ils ne seront plus confinés.

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14 mars 2021

Piste noire / Froid comme la mort - Antonio Manzini

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Cela fait un moment que je voulais chroniquer Piste noire d'Antonio Manzini (Folio policier, 290 pages), lu il y a 4 ans. Et puis je me suis procuré les trois tomes suivant. C'est pourquoi je me décide à écrire un billet sur les deux premières enquêtes du sous-préfet (et non commissaire) Rocco Schiavone, un flic romain qui a été muté à l'insu de son plein gré dans la vallée d'Aoste depuis trois mois. On apprend vers la fin de Piste noire qu'il a molesté un jeune homme violeur de petites filles. Le problème est que le violeur est le fils d'un homme politique, membre du gouvernement italien, qui s'est chargé de trouvé à Schiavone un poste très éloigné de Rome. Bien évidemment, Aoste n'est pas Rome, et Rocco, qui porte aux pieds des Clarks pas du tout adaptées à la montagne, n'est pas à l'aise pour vivre dans cette région où les températures sont fraîches et la neige abondante. Il n'aime ni le froid, ni la neige et Rome lui manque tous les jours. On comprend assez vite qu'il est veuf, et il aime s'adresser à sa femme défunte quand il est seul chez lui. Même s'il ne se remet de sa disparition, il a entamé malgré tout une liaison avec Nora, la propriétaire d'un magasin d'Aoste. Pour en revenir aux intrigues proprement dites, dans Piste noire, à Champoluc (sur les hauteurs de la vallée d'Aoste), un homme est retrouvé écrasé par une dameuse. La piste de l'accident est envisagée mais Schiavone soupçonne qu'il s'agit d'un meurtre. Avec des collègues qu'il apprécie, Italo Pierron et Caterina Rispoli, il va mener l'enquête. Je ne vous dirai rien de l'histoire annexe que l'on suit avec intérérêt et qui montre une autre facette de Schiavone. Malgré son mauvais caractère, son langage de charretier et le fait qu'il fume un joint le matin quand il arrive à son bureau, Rocco devient très vite attachant.

J'ai été très contente de le retrouver dans Froid comme la mort (Folio policier, 292 pages) lors d'une enquête qui se passe trois mois plus tard. Un matin, une jeune femme, Ester Baudo est retrouvée chez elle, pendue, par sa femme de ménage. L'époux était en train de faire du vélo. Ester faisait partie d'un club de lecture et d'écriture et s'était liée à Adalgisa Verrati, une employée dans une librairie. Cette dernière joue un rôle central dans l'histoire. Dès le début, Schiavone croit que c'est un meurtre mais je vous laisse découvrir le retournement final.

Je viens de commencer Maudit Printemps (Folio policier, 346 pages) avant de lire Un homme seul (Folio Policier, 417 pages).

Lire les billets sur Piste noire de Sharon, Eimelle, Jean-Marc Laherrère

Lire les billets sur Froid comme la mort de Blacknovel, Clarabel et à nouveau Sharon.

11 mars 2021

Le jardin - Hye-Young Pyun

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Dans Le jardin (Editions Rivages/Noir, 232 pages angoissantes), la romancière (Hye-Young Pyun) nous raconte une étrange histoire dont on devine assez vite qu'elle va mal se terminer au moins pour un des deux protagonistes. Un jour, Ogui, un professeur d'université, se réveille complètement paralysé dans un hôpital. Il a eu un accident de voiture dans lequel a péri son épouse. Il ne peut plus parler et arrive péniblement à communiquer avec les autres en clignant de l'oeil. Au bout de plusieurs mois, il est transporté chez lui afin de continuer sa convalescence sous la férule de sa belle-mère. Cette femme, dont on ne saura jamais ce qu'elle pense, a un comportement bizarre. Elle n'a eu qu'un amour dans sa vie, sa fille, la femme défunte d'Ogui. Il faut noter qu'Ogui est le seul personnage qui porte un prénom. Les autres sont désignés par le lien de parenté avec lui. Dans la maison entourée d'un jardin, Ogui est de plus en plus coupé du monde, Personne ou presque ne vient le voir. Et pendant ce temps, sa belle-mère creuse un trou dans le jardin. En effet, le jardinage était devenu la passion de sa fille. Petit à petit, la belle-mère se désintéresse du sort de son gendre. Le roman se termine d'une manière abrupte qui m'a plu. Il y a une certaine distanciation qui fait que le récit reste soutenable. Un roman qui se lit vite et que je conseille. 

Lire les billets d'Ingannmic et Alex-mot-à-mots qui ont aimé. Lewerentz et Jean-Marc Laherrère sont beaucoup plus mitigés.

8 mars 2021

Belliou la fumée - Jack London

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Dans le cadre du Challenge Jack London proposé de mars 2020 à mars 2021 par ClaudiaLucia, je (ta d loi du cine, squatter chez dasola) poursuis mes relectures. Après tout, un billet toutes les deux semaines, c'est un rythme soutenable, non?

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L'édition en "10-18" ci-dessus, titrée Belliou la fumée (1982, 342 pages), regroupe les 12 nouvelles publiées en recueil en VO sous le titre "Smoke Bellew" en 1912. Elles étaient/avaient paru(es) initialement dans Cosmopolitan (mensuel) de juin 2011 à mai 2012. Pour ma part, cela fait encore partie des London que j'avais découvert dans de vieilles éditions "Bibliothèque Verte" - collection familiale que j'ai progressivement enrichie en courant les bouquinistes en mes jeunes années. Dans la Bibliothèque Verte, le second tome qui contient les nouvelles 7 à 12 (sauf erreur de ma part) est titré La fièvre de l'or.

Ce recueil dont Christopher "Kit" Belliou (Bellew en VO) et son copain Le courtaud (Shorty) sont les fils conducteurs comprend des nouvelles de différents genres, parfois picaresques et pleines d'humour, d'autre fois plus sombres... La Fumée représente ici le héros idéal: intelligent, fort, jeune, plein d'entrain et de grandeur d'âme... et assez chanceux, aussi! London tel qu'il se rêvait? Un jeune citadin cultivé qui part, un peu par hasard, participer à la ruée vers l'or de 1897 au Kondike y trouvera la gloire, la richesse et l'amour. Il s'agit pratiquement du dernier ouvrage de Jack London consacré au Klondike, qui a nourri son oeuvre durant 13 ans (comme le remarque Francis Lacassin dans l'introduction du volume en 10-18). Si London a ramené de l'or de ces mois passés dans le froid, c'est essentiellement celui que doit transmuter l'écrivain, "l'homme à la cervelle d'or" tel que le métaphorisait Alphonse Daudet. Pour ce qui est de l'or physique, il en a tout juste ramené l'équivalent de 4,50 dollars en poudre d'or, ayant semble-t-il passé davantage de temps dans les bars à faire parler les mineurs qu'à prospecter sur le terrain, même s'il a arpenté celui-ci suffisamment pour savoir de quoi il parlerait. 

L'oeuvre romanesque se nourrit donc de ce qu'a pu capter London lors de son propre séjour au Klondike, de l'automne 1897 au printemps 1898: des hommes rudes cherchant chacun la fortune, ce qui n'exclut pas une certaine solidarité entre pairs, ni ce qui apparaît au premier abord comme de l'altruisme désintéressé pour sauver des Amérindiens victimes de la famine (épisode à rapprocher cependant de la chasse à l'élan par laquelle nos héros avaient gagné leurs premiers sous, quelques nouvelles plus tot - concurrence pour les "ressources naturelles" locales!). L'organisation en nouvelles fait que chacune doit avoir un thème et une "chute". On a en arrière-plan la faim, le froid, la fatigue (manquent juste les fluides, et on a tout ce qui fait pleurer les bébés - encore que, tomber dans de l'eau glaciale sous une mince couche de glace...?), l'avidité, la maladie (nouvelle titrée "un rebut de l'humanité")... C'est après la mort de London que l'acide ascorbutique (ou vitamine C) a été identifié dans des fruits et légumes frais. Ma nouvelle préférée reste, je pense "la course pour le numéro trois", située au milieu du recueil, pour son côté épique et son final inattendu. On termine en tout cas le volume en se demandant ce qui pourrait arriver ensuite, sur place ou ailleurs, au héros et à la charmante fille de mineur - il y a aussi une héroïne, mesdames! - qu'il a conquise (enfin, ...il se sont conquis mutuellement). 

Je possède encore quelques "10-18" regroupant des nouvelles du Klondike, je tâcherai de publier quelque chose à leur sujet (puisque ClaudiaLucia a confirmé que le Challenge Jack London continue sans limitation de durée pour le moment). Aucun(e) autre participant(e) au Challenge n'a chroniqué à ce jour Belliou la fumée, mais Chinouk en parlait il y a 5 ans.

Je dois dire, pour finir, que j'ai été très déçu en regardant ce qui est disponible en "occasions" dans la pochothèque d'une grande librairie du Quartier Latin à Paris (celle qui ne va pas fermer...), alors que je souhaitais cette fois compléter ma collection pour découvrir enfin de nouveaux titres (je possède seulement un tiers des 43 -au moins- volumes parus naguère en 10-18!): ce ne sont plus les éditions que j'y voyais et achetais il y a vingt ans (celles imprimées quelques décennies avant) qu'on y trouve, mais seulement celles parues essentiellement au XXIe siècle... comme si on ne pouvait plus trouver couramment, en "occasion", que ce qui est également disponible en "neuf" (offre purement tarifaire, donc, et non "élargissement de choix" avec une politique de fonds). Non seulement le choix est moins large, mais j'ai surtout l'impression que "c'était mieux avant", c'est-à-dire quand j'étais moi-même plus jeune! Si je veux compléter ma série 10-18 "vintage", il va falloir que je recommence carrément à courir les bouquinistes, c'est essentiel (mais sans violer le couvre-feu pour autant: pas si facile quand on travaille en horaire de bureaux). Ou alors, les bibliothèques municipales...

7 mars 2021

Cavanna, paléontologue! - Pascal Tassy

Pour mon billet mensuel autour de Charlie Hebdo, je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) vais évoquer un livre récemment publié et que j'ai découvert parce que tant le Canard Enchaîné que Charlie Hebdo en ont parlé à sa sortie. Cavanna, Paléontologue!, de Pascal Tassy, c'est l'histoire d'une amitié débutée entre un jeune lecteur de Hara Kiri et son "grand homme", Cavanna (fondateur dudit titre de presse qui a précédé Charlie Hebdo première série). Cavanna a aussi fait partie de l'équipe qui a relancé en 1992 Charlie Hebdo (série actuelle), jusqu'à sa mort intervenue fin janvier 2014 (moins d'un an avant le massacre de tant de ses amis).  

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Je trouve que le mammouth ci-dessus a une bonne tête anthropomorphe: il pourrait faire penser au "Manny" de L'Âge de glace. Ce dessin de couverture est dû à Julien Norwood, illustrateur naturaliste, dont je suppose qu'il fait partie des connaissances professionnelles de Pascal Tassy. Né vers 1949 (25 ans en 1974...), l'auteur de l'ouvrage est aujourd'hui professeur émérite au Muséum national d'Histoire naturelle (Paris). Pascal Tassy a écrit plusieurs autres livres, que je n'ai pas lus, sur l'histoire de sa science, la paléontologie, qui s'est construite en deux cents ans (en gros) pour faire triompher le concept de l'évolution des espèces à partir de l'étude de leurs fossiles, contre les théories basées sur le fixisme, le finalisme, et bien sûr les forces conservatrices de la théologie... qui sont loin d'avoir toutes désarmé à ce jour. 

Les 171 pages du livre sont divisées entre préface et introduction, 7 chapitres et une annexe (j'y reviendrai). Assez vite, on apprend que Pascal Tassy avait commencé lycéen à lire Hara Kiri puis Hara Kiri Hebdo devenu Charlie Hebdo en 1970. Il y dévorait entre autres les écrits de Cavanna, et a eu le culot de l'inviter à sa soutenance de thèse (qui concernait un squelette de mastodonte de 17 millions d'années découvert dans la Beauce), au motif d'un rapprochement hasardé en novembre 1973 par Cavanna sur mastodonte, mammouth et éléphant. Car Cavanna n'a pas seulement rédigé (ou romancé) ses souvenirs, à commencer par les Ritals, les Ruskoffs et autres titres - qu'il faudra que je lise ou relise un jour pour en tirer quelques billets (auteur prolifique, sa blbliographie complète comprend près d'une soixantaine de titres au total!). Il rédigeait notamment dans Charlie une chronique, "L'aurore de l'humanité", qui deviendra une série de trois livres parus de 1972 à 1977. Ou des billets sur des sujets variés, dont je donnerai une seule citation (page 27): "grâce à l'humour, l'homme supporte avec le sourire le malheur des autres". Bref, cette soutenance de thèse a marqué le début de quatre décennies d'amitié et de retrouvailles, pour un resto, pour bavarder... Car "l'évolution biologique passionnait Cavanna. Autant les avancées de la recherche que les attitudes anti-évolutionnistes." (p.47). P. Tassy n'hésite pas à dire que Cavanna était particulièrement fier de la chronique scientifique assurée tour à tour par plusieurs "signatures" dans Charlie seconde époque. 

Au moment de la fin de Charlie première époque en décembre 1981, Pascal Tassy était sur le terrain (de fouille), au Kenya. Il n'a donc vécu qu'à distance la fin de l'hebdomadaire dont il était un acheteur assidu et bien connu. Il nous brosse quelques pages (chapitrées "Interlude") pour rappeler que, comme le disait Cavanna, si l'hebdo a pu vivre grâce à Choron, il est mort aussi grâce à Choron... Le livre contient nombre d'indications bibliographiques en notes de bas de page sur l'histoire de Charlie.

Le nom de Cavanna revient pratiquement à chaque page. Mais ce livre est aussi le prétexte pour l'auteur de parler de son activité, de l'évolution de son métier, de sa propre carrière... On peut (malheureusement?) le croire quand il dit (p.49): "aujourd'hui, un bon chercheur c'est, avant tout, quelqu'un qui sait obtenir des crédits". L'auteur nous parle aussi de sa discipline, qu'il vulgarise avec précision. C'est évidemment l'occasion de parler de changements climatiques, changement de biotopes, extinction des espèces trop spécialisées et qui n'ont pas le temps de s'adapter ("stress écologique"), mais aussi extermination d'espèces, indéniablement, par l'homme (dodo, rhytine, entre autres). Bien sûr, en fait de paléontologie, ce qu'à mon avis l'auteur fait le plus ressortir, volontairement ou non (j'ose supposer que c'est volontairement), c'est le côté "humaniste" de Cavanna. Leurs discussions à bâtons rompus pouvaient porter sur bien des sujets ou questions quasiment philosophiques: citons, incidemment, la nécessité de faire en sorte d'empêcher (y compris en France) la dissociation de la médecine en médecine pour riches et médecine pour pauvres.

Ils avaient un projet de livre à écrire ensemble. La maladie n'a pas laissé à Cavanna le temps de le faire... En annexe, la retranscription d'une interview de Tassy par Cavanna, prévue pour les pages "sciences" de Charlie et restée inédite (il aurait fallu en couper les 9/10e!) occupe 55 pages (près du tiers de l'ouvrage). Ah, et il arrivait à Cavanna de dessiner, aussi. Je ne citerai qu'un des quatre dessins de lui que comporte ce livre (p.113).

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Pour résumer, il est question ici d'histoire des sciences, de rapports de l'homme avec la nature, de philosophie et de liberté de conscience, au fil de deux carrières entrecroisées... Je recommande ce livre.

*** Je suis Charlie ***

2 mars 2021

La pierre du remords - Arnaldur Indridason

P1120225

La pierre du remords (Edition Métailié noir, 345 pages), le nouveau roman d'Arnaldur Indridason, m'a énormément plu. J'ai eu du plaisir de retrouver Konrad, le policier à la retraite qui continue son enquête sur la mort de son père, un triste sire qui avait fait du mal autour de lui en escroquant les gens. Il avait comme complice Engilbert, un médium un peu charlatan qui avait une fille, Eyglo, laquelle aide souvent Konrad dans ses recherches. Quand le roman commence, Valborg, une vieille dame de 70 ans, vient d'être assassinée dans son appartement. Apparemment un crime crapuleux par quelqu'un qui l'a étouffée avec un sac plastique. Konrad n'avait pas prévu de participer à cette enquête mais il avait vu Valborg quelques jours auparavant. Elle lui avait demandé un grand service; l'aider à retrouver son enfant qu'elle avait abandonné presque cinquante ans auparavant. Sur le moment, Konrad n'a pas voulu le faire et il s'en veut. Maintenant, il n'a de cesse de savoir ce qu'est devenu l'enfant. Il interroge plusieurs personnes, dont des voisins et la nièce de Valborg. Même s'il est retraité de la police, il a gardé des contacts avec des policiers à la retraite ou en exercice, dont Martha, déjà rencontrée dans des romans précédents. Son enquête le mène à une ancienne discothèque où avait travaillé Valborg. Une fois de plus, Indridason montre son talent de conteur. Chapitre après chapitre, on fait des sauts dans le temps. L'histoire est très bien menée et Konrad montre qu'il est très bon détective. Pour votre info, une sage-femme en islandais se dit "ljósmóðir" (littéralement mère de lumière). C'est beau. La pierre du remords est un très bon cru même si l'histoire est vraiment très triste. Je le conseille tout comme Aifelle, Eva et Sharon.

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