Traité sur l'intolérance - Richard Malka
Lorsque j'avais (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) rédigé mon billet sur Le droit d'emmerder Dieu de Richard Malka (billet paru il y a plus d'un an), j'avais prévu de publier à la suite de la première chronique le présent Traité sur l'intolérance, du même auteur. On avait renâclé. Depuis, une nouvelle guerre a éclaté au Moyen Orient... et on reparle antisémitisme en France. Voici donc ma chronique. Ce second livre est paru en janvier 2023, et je l'ai acquis début février 2023. Il reprend sa plaidoirie pour le procès en appel concernant les condamnations prononcées à l'issue de celui en première instance sur les attentats de janvier 2015, procès en appel qui s'est déroulé du 12 au 20 octobre 2022 (deux des 14 condamnés ayant fait appel).
Traité sur l'intolérance, Richard Malka, 96 pages, 2023
Bien sûr, comme les titres de ces livres, les extraits que j'ai choisi d'en citer sont provocateurs. Mais avant d'enfourcher de grands chevaux de bataille, lisez vous-même ces deux ouvrages.
Le second titre compte pratiquement le même nombre de pages que le premier, mais il est imprimé plus gros. La plaidoirie qui en représente la plus grande partie a été prononcée le 17 octobre 2022 au nom de Charlie Hebdo. Le texte rentre tout de suite dans le vif du sujet, en réagissant sur le fait que le procès en appel se déroule dans la salle Voltaire de la Cour d'assises au Palais de justice de Paris (sur l'île de la Cité). "Voltaire... Le pourfendeur des religions, l'esprit libre, révolutionnaire (...). Celui qui n'hésitait pas à affirmer, en un temps où cela entraînait la mort, l'enfermement ou l'exil, plus certainement qu'aujourd'hui, que le christianisme était la religion "la plus ridicule, la plus absurde et la plus sanguinaire qui ait jamais infecté le monde", ou encore "la superstition la plus infâme qui ait jamais abruti les hommes et désolé la terre".
Ainsi osait-on parler des religions au XVIIIe siècle. Il est de ceux auxquels nous devons de vivre libres. Mais nous ne le savons plus, nous l'avons oublié."
Richard Malka ne souhaitait pas plaider "contre" les accusés, mais plutôt s'attaquer à l'essentiel: les causes des tueries perpétrées.
p.13: "l'action de ces terroristes est motivée par l'islam - ils le disent - et plus précisément, par une vision de l'islam.
Je parle d'une croyance, pas des croyants. Je parle d'une vision de l'islam, pas des musulmans (...).
Bien sûr, il y en a d'autres, que partagent des centaines de millions de musulmans à travers le monde, qui aimeraient bien vivre tranquillement leur religion sans qu'on les renvoie toujours à la vision des Kouachi et surtout, sans les privations de liberté qu'elle induit.
Mais ce n'est pas une vision marginale. C'est la plus militante, la plus organisée, la plus conquérante, la plus communicante, la plus opulente aussi grâce à ses bailleurs de fonds (...) (p.15).
(...) Il faut combattre cette vision car il en va de l'intérêt de tous et parce que, pour citer une dernière fois Voltaire, "il est honteux que les fanatiques aient du zèle et que les sages n'en aient pas" (p.16).
Richard Malka balaie ensuite longuement l'histoire de l'islam, expliquant les débats qui l'ont traversé aors qu'il avait à peine quelques siècles d'existence, entre l'école de pensée des mutazilites, qui considéraient la raison comme le premier fondement de l'islam, et les hanbalites, qui considéraient le Coran comme incréé, c'est-à-dire directement issu de Dieu.
Du coup, sur plus de 50 pages, l'avocat nous fait un magistral cours d'histoire de la religion musulmane, entrecoupée d'exemples d'excès liés à la vision de l'islam "littéral", tout en remettant dans leur contexte historique et sociologique tant le contenu des sourates que les "hadiths, c'est-à-dire des paroles ou des actes attribués au Prophète et rapportés par des chaînes de transmetteurs sur plusieurs siècles" (p.40). "Certains de ces hadiths légitiment effectivement la violence et sont largement invoqués par les fanatiques" (p.41). Mais il en existe 500 ou 600 000... "Chaque courant de l'islam a les siens et rejette ceux des autres" (p.42). Et surtout, le blasphème n'a pas toujours été puni de mort. Dans le livre, il est aussi question des rapports entre Mahomet et les Juifs. Ainsi que de la manière dont les siècles ont adouci tant le christianisme que le judaïsme. "Quant au judaïsme, il n'a heureusement plus grand-chose à voir avec celui des origines parce que la Torah est un texte bien plus guerrier encore que le Coran et souvent beaucoup plus clair et expéditif sur les châtiments, ce qui est normal puisqu'elle a été écrite mille ans plus tôt" (p.51). "Heureusement, ces textes ont été interprétés mille fois, en particulier dans le Talmud qui est une réécriture de la Torah.
L'interprétation, la critique et même l'humour grinçant de Charlie Hebdo, sont une nécessité vitale pour les religions elles-mêmes et surtout pour les hommes" (p.52-53).
La partie finale du Traité sur l'intolérance, titrée "Pour aller plus loin", consiste en quatre pages, qui précèdent la chronologie des événements et une bibliographie citant les ouvrages utilisés par Richard Malka. A mon avis, ces quatre pages auraient pu figurer en début d'ouvrage: elles expliquent pourquoi ce plaidoyer-là, dont la religion est le sujet, a été prononcé à cette occasion-ci (2022), et ni lors du procès des caricatures en 2007, ni lors du procès de 2020.
Les blogs La bibliothécaire, Voyages au fil des pages, Notre jardin des livres et Sin City en ont parlé, ainsi que Matatoune. Le blog Je lis donc je suis aussi (mais celui-ci n'accepte pas les commentaires).
*** Je suis Charlie ***