Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Dasola
Le blog de Dasola
Archives
Derniers commentaires
Challenges terminés

Pour les challenges de l'année en cours, 
voir colonne de droite

16 mai 2024

Capitaines courageux - Rudyard Kipling / Au large de l'Eden - Roger Vercel

J'ai (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) pris plaisir à sortir de mes rayonnages, pour relecture dans le cadre de plusieurs challenges en cours, deux livres au format poche que je possède depuis un certain nombre de décennies. 

Ils ont un point commun (doris!), que je développerai ci-après. Le plus anciennement en ma possession m'a été offert pour Noël 1973, je n'étais pas encore au collège, il doit faire partie des dix premiers livres au format de poche que j'aie possédés (il était neuf à l'époque). L'autre est plus "vénérable" puisqu'imprimé fin 1965, mais je ne l'avais acquis qu'en 1981 (je n'étais pas encore bachelier). 

Rudyard Kipling, Capitaines courageux, Folio N°354, impr. mars 1973 
(publié en anglais en 1897, trad. par Louis Fabulet et Charles Fountaine-Walker
publiée chez Hachette en 1903)


Capitaines courageux: si je n'ai pas relu ce livre 10 fois, alors je l'ai relu 15 (et pas forcément dans cette édition, d'ailleurs, mais parfois en vieilles éditions "pour la jeunesse" au hasard de mes séjours ici ou là...). 

Harvey, le héros "principal", est un gamin américain qui n'a pas seize ans, qui va avec sa mère en Europe (en paquebot) "achever son éducation". On apprend par les jugements d'adultes dans les toutes premières pages que celle-ci (son éducation) n'est pas vraiment commencée: Harvey n'est qu'un "fils à maman" odieux, unique rejeton d'une mère qui lui passe tous ses caprices et d'un papa occupé par ses affaires (il est multimillionnaire). Vouloir frimer avec un cigare amène notre gamin à passer par-dessus bord en pleine mer, évanoui... Il refait surface dans un doris, étendu sur un monceau de poissons. Un "doris" est une embarcation en bois à fond plat, de 5 à 6 m de long, manié à l'aviron, utilisé pour la pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve. Celui-ci fait partie de la drome du Sommes-Ici, une goélette de soixante-dix tonneaux, port d'attache Gloucester (Massachusetts), qui vient de commencer sa campagne. Notre héros commence par exiger du capitaine Disko Troop qu'on le ramène à New-York, de manière un peu trop insistante. Mais il est hors de question de perdre la saison de pêche de tout l'équipage (ils ont 30 tonnes de sel à utiliser pour saler le poisson frais) pour un gamin tombé à l'eau et bien incapable de prouver ses "200 dollars mensuels d'argent de poche". Contre-proposition (accompagnée d'une petite correction): rester à bord et participer à la campagne, payé 10 dollars et demi par mois. Harvey va rapidement "copiner" avec Dan, fils de Disko et mousse à bord, qui a son âge mais est pêcheur depuis l'enfance (il rame depuis ses 8 ans). Notre fils de milliardaire découvre le bateau, voit sa cale sombre et vide, et s'exclame: "- Mais où est le poisson? - Dans la mer, dit-on; dans les bateaux, souhaite-t-on, répliqua Dan, citant un vieux proverbe de pêcheur." Le Sommes-Ici navigue jour après jour sur les Bancs de Terre-Neuve, à la recherche des bancs de morue. Le gros de la pêche se fait à bord des doris, montés en général par l'un des cinq marins-pêcheurs (dont chacun a droit à une "part" sur le résultat final de la campagne), tandis que les mousses iront à l'occasion pêcher à deux dans le doris de Dan. Outre Disko, le navire compte encore un cuisinier (capable aussi de manier l'aviron). Les morues sont pêchées une par une au "trawl" (ligne de fond garnie d'hameçons eux-mêmes garnis de "boëtte" [appât]) - une journée de labeur peut en ramener 231 pour l'un, 41 pour un autre plus maladroit. Mais tel qui vaut peu à la pêche sera plus efficace pour passer du poisson frais à la morue décapitée, éviscérée, applatie, prête à être entassée et "salée" dans la cale, jour après jour. Bref, par les mains et les yeux d'Harvey, nous avons un magnifique apprentissage du travail et de la vie rude des "Terre-neuvas" durant les trois mois d'une campagne de pêche (se lever, pêcher, préparer le poisson, manger, dormir, être de quart, apprendre à naviguer entretemps...) en compagnie de toute une flottille de goëlettes, de ses joies, de ses drames aussi. Disko étant le meilleur capitaine ("quand Disko pensait morue, il pensait en morue; et grâce à un mélange d'instinct et d'expérience depuis longtemps éprouvés, promenait le Sommes-Ici de mouillage en mouillage, toujours avec le poisson, comme un joueur d'échecs aux yeux bandés joue sur l'échiquier qu'il ne voit pas", p.110), le Sommes-Ici est le premier à regagner Gloucester, cales pleines (p.180): sa cargaison entière (865 quintaux de morue) vaut 3 676,25 dollars (soit 138 000 dollars de 2024, si je me fie à un calculateur d'inflation?). 

Sitôt prévenus (par un télégramme), Harvey Cheyne père et son épouse "accourent" de San Diego (Californie) jusqu'à Albany (capitale de l'Etat de New York), en passant par Chicago (Illinois), soit peut-être 4000 km en train (?), en 87 h 35 minutes. Cette traversée jusqu'aux retrouvailles (p.195) est un grand moment du livre. Magnat (entre autres) du chemin de fer, Cheyne est un homme richissime avec 30 millions de dollars (ce qui correspondrait à 1,129 milliard de dollars ou plus d'un milliard d'euros aujourd'hui). Mais il sait que lui avoir permis de renouer avec un (jeune) homme, en lieu et place d'un garnement, est inestimable. Dan et Harvey (junior) se retrouveront quelques années plus tard, en conclusion du livre, toujours pour chérir la mer.

Du grand Kipling - ou de la grande traduction. C'est vrai que, lisant et relisant la même depuis un demi-siècle, j'aurais sans doute du mal avec une autre, et je suis incapable de lire le texte original... Ce qui soulève (ou laisse pendante) la question de la traduction. Mais ceci est une autre histoire. 

Voir (entre autres) les billets de Shangols, Nath (blog page à page, dernier billet en 2022). Sélénie parle du film de 1937, que je n'ai encore jamais vu.

*

*          *

Pour retrouver la morue dans le deuxième roman que je vous présente dans ce billet, nous sautons par-dessus quelques décennies et une guerre mondiale (même si Kipling était toujours vivant lors de sa publication). Roger Vercel a publié Au large de l'Eden en 1932, c'était son troisième livre. 

Roger Vercel, Au large de l'Eden, le livre de poche N°290, impr. 4e trim. 1965, 244 p.

 

Nous sommes toujours dans une "campagne" en haute mer qui dure plusieurs mois, mais cette fois-ci le "navire-support" est nettement plus gros. L'histoire se passe dans les années 1930 (largement après la guerre de 14-18 en tout cas). Deux armateurs de Boulogne ont transformé deux cargos pour la grande pêche, afin de les envoyer chercher la morue au Groënland, au mois de juin (le retour est prévu à la fin de l'été...). "On croyait, en effet, que la morue, écoeurée par les eaux tièdes de Terre-Neuve, s'était enfuie vers le pôle et qu'on la rencontrerait abondante dans le détroit de Davis" (p.5). Ils ont cassé leur tirelire: l'armement de chaque navire représente un investissement de 3 millions de francs de l'époque (tout compris). Je vous laisse calculer ce que cela représente en euros de 2024... Il va falloir en ramener, du poisson!

Pourquoi "au large de l'Eden"? Parce que le Danemark contrôle le Groenland et en interdit absolument, depuis 50 ans à ce moment-là, non seulement l'accostage, mais aussi la pêche dans les eaux territoriales [3 milles des côtes, à l'époque], officiellement pour le bien des Inuits (des "Esquimaux", comme on disait alors). A y pêcher, on risquait une amende de 20 000 couronnes danoises, la saisie du bâtiment, et la confiscation de la cargaison (p.114). Mais déjà, il faut s'y rendre. Ici, on ne parle plus de voiliers, mais de "vapeurs" marchant au charbon. L'un, le plus grand (le Tenax peut contenir 16 000 quintaux de poisson), est commandé par l'expérimenté capitaine Rochard (héros du livre). L'autre, le Borea (12 000 quintaux), l'est par un ancien second de celui-ci, le désormais (depuis 6 ans) capitaine Ferrier. Une fois arrivé sur son lieu de pêche (après s'être approvisionné en "boëte"[du hareng frais, et non du "bulot" pourri!] et charbon à 7 jours de navigation depuis la France, en Norvège, et en ayant évité les glaces!), chaque vapeur met à l'eau 25 doris, montés chacun par deux hommes (équipage de 80 hommes, avec les machinistes....). Certains des meilleurs pêcheurs, à Terre Neuve, rapportaient 20 000 francs d'une campagne précédemment.

Le "métier", lui, n'a guère changé: les marins sortent pêcher durant des heures (sous le soleil de minuit le cas échéant), en ramenant le doris vers le navire quand il est plein (150 morues...) avant de repartir une fois le poisson amoncelé dans la coursive. Puis le soir, travail des prises. "Le pont avant disparaissait sous des milliers de dos gris, de ventres blancs, une blancheur souple de bras gantés" (p.98): fendre le poisson, l'éviscérer, sortir le foie, faire sauter la tête, enlever l'arrête centrale (la "raquette"), gratter le sang à l'eau tiède, puis le jeter dans la cale, au saleur ("aujourd'hui, [pris] 6000 morues, 45 quintaux au mille", p.99). Si le travail de la pêche est peu ou prou le même qu'à Terre-Neuve, les hommes sont par contre mieux nourris et mieux logés, la vie à bord est moins différente, avec davantage de temps d'inaction. Tous ne supportent pas ces conditions: on verra au fil des pages un boulanger malade du mal de mer, un suicidaire, un parfait salaud qui "pourrit" l'équipage... Au capitaine tous les soucis: ceux du gros temps qui interdit la pêche, des jours qui passent, de la morue absente... au large, de l'équipage envers lequel il faut marquer son autorité (vous ne sortez pas pêcher? Vous vous contentez du biscuit et de l'eau! "tandis que la cambuse s'ouvrait pour l'équipe du bord, chauffaudiers, novices, saleur qui emportaient la nation habituelle", p.224). Le Groënland étant terre interdite, c'est un navire ravitailleur qui, à mi-campagne, amène de France le ravitaillement en charbon et même en eau douce, et du courrier. Bien évidemment, entre problèmes humains et aléas, tout ne se passera pas comme prévu. Le navire devait quitter les lieux début septembre, mais le 12 octobre, il reste encore à bord du Tenax 20 tonnes de sel, de quoi saler 500 quintaux pour finir de remplir la cale (p.228)...

Parmi les sept ou huit ouvrages de Roger Vercel que je possède, j'ai relu moins souvent celui-ci que Capitaine Conan ou la trilogie de La fosse aux vents (Ceux de la Galatée, La peau du diable, Atalante). Concernant cette trilogie, qui parle de la fin de la marine à voile et des "cap-horniers", j'en tirerai peut-être encore un billet avant la fin de l'année.

Ces deux livres peuvent s'inscrire à trois challenges: "Book Trip en mer" chez Fanja, "Monde ouvrier et monde du travail" chez Ingannmic, et "2024 sera classique aussi" organisé par Nathalie

Je tiens à préciser que c'est contre l'avis de dasola que j'ai décidé de rédiger un seul long billet au lieu de deux plus courts. 

14 mai 2024

Un homme en fuite - Baptiste Debraux / Quelque chose en plus - Artus

Le même après-midi, j'ai vu deux films dont un (Quelque chose en plus) a déjà réuni plus d'un million de spectateurs (j'avoue que je suis un peu perplexe). 

 

Je commencerai donc par Un homme en fuite, un film franco-belge de Baptiste Debraux qui se passe dans les Ardennes à Rochebrune (ville fictive). Paul Ligre (Bastien Bouillon vu dans La nuit du 12 de Dominique Möll) revient après 15 ans d'absence. C'est un écrivain à succès qui s'est beaucoup inspiré de sa vie et de quelques proches. Rochebrune est proche du chaos à cause d'une grève à la scierie de la ville qui emploie 300 personnes. L'usine est menacée de fermeture. Dans le même temps, un certain Johnny, ami d'enfance de Paul, vient de braquer un fourgon qui contenait presque 4 millions d'euros. Un homme est mort et un autre est blessé, et Johnny demeure introuvable. C'est presque un héros dans cette ville car il a souvent aidé les ouvriers dans leur lutte. Dans quelques flash-back qui se déroulent vingt ans plus tôt, on voit Paul et Johnny très copains malgré la différence de leur milieu social et on les suit dans une île connue seulement d'eux où Paul lit des passages de L'île au trésor de Robert Louis Stevenson. Ils se baptisent Jim et Billy comme les héros du roman. C'est une histoire d'amitié et de trahison dans un décor très triste. Paul est rongé par le remords de ne pas avoir fait ce qu'il fallait 15 ans plus tôt. C'est un film qui prend son temps et qui est très bien interprété aussi par Pierre Lottin (vu également dans La nuit du 12) et par Léa Drucker (très bien en gendarmette). Lire le billet de Henri Golant (pas convaincu), Pascale dans son commentaire sur ce film a trouvé que le film était raté.

 

Je passe au phénomène (dans tous les sens du terme) Un petit truc en plus d'Artus, qui fait un carton depuis deux semaines que le film est sorti. Il a réuni plus d'un million de spectateurs. Je trouve que les personnages en situation de handicap que l'on voit dans le film auraient mérité mieux comme dialogues que ceux auxquels on assiste, qui tournent autour de "pipi, caca, zizi". Personnellement, cela ne me fait pas spécialement rire. Le film est une suite de saynètes dans lesquelles Clovis Cornillac fait ce qu'il peut. Tout commence par un braquage d'une bijouterie, une voiture mal garée (et enlevée par la fourrière) sur une place pour personne handicapée. Pour éviter d'être arrêtés, La Fraise (Clovis Cornillac) et son fils Paulo (Artus) se font passer pour un éducateur et son patient et montent dans un car qui emmène plusieurs personnes en situation de handicap dans un gite pour une semaine de vacances. J'ai trouvé l'ensemble très lourd et pas très drôle. Seule la fin remonte le niveau. Lire le billet de Selenie

12 mai 2024

La femme du deuxième étage - Jurica Pavičić

Après L'eau rouge, j'ai emprunté La femme du deuxième étage (Editions Aguilo, 224 pages) de l'écrivain croate Jurica Pavičić. Ce n'est pas vraiment un roman policier mais plutôt un drame psychologique que j'ai trouvé passionnant, avec comme personnage principal Bruna, une jeune femme qui va être condamnée à 11 ans de prison pour avoir empoisonné à la mort-aux-rats sa belle-mère Anka. Tout commence à Salit par une rencontre lors d'un anniversaire où Bruna va rencontrer un beau jeune homme appelé Frane. Ce dernier est un marin au long cours qui est sous la coupe de sa mère Anka. Frane et Bruna (qui travaille dans un service comptable) se marient assez rapidement et emménagent au deuxième étage d'une grande maison construite par le père (décédé jeune dans un accident) de Frane. Frane a une soeur Mirela. Cette dernière va être beaucoup à l'origine de ce qui arrive à Bruna. Même si l'acte commis par Bruna est impardonnable, je n'ai pas réussi à la détester quand on lit la succession des événements qui a abouti à cet assassinat. Je suis contente que Bruna ait tout de même une deuxième chance. Il faut noter qu'on parle beaucoup de préparation culinaire, car que ce soit pendant son incarcération, avant et après, Bruna fait la cuisine. Elle sait faire les sauces et les assaisonnements. Lire les billets d'Aifelle (moins enthousiaste que moi), Titine, Eva (déçue), Et si on bouquinait un peu, Claudialucia

11 mai 2024

Aélita - Alexéi Tolstoï

Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) remercie Purplevelvet pour m'avoir amené à découvrir un roman épique dont la majeure partie se déroule sur une autre planète, un roman de "science-fiction"écrit par un Russe il y a plus d'un siècle: Aélita, d'Alexéi Tolstoï (cousin de l'autre, le plus connu, Léon Tolstoi). 

Alexéi Tolstoï, Aélita, 1ère éd. (en russe) 1923, trad. Véra Gopner pour cette édition,
2009, éd. L'âge d'homme, 224 p., 12 euros 
[d'autres éditions et traductions en français ont suivi ou précédé celle-ci].

Il s'agit d'un livre qui me permet de participer à (au moins) trois challenges: mon propre "challenge marsien", mais aussi le "12e challenge de l'imaginaire" repris par Tornade, 

et bien entendu le challenge "2024 sera classique aussi" de Nathalie.

En cherchant à me procurer ce livre, j'ai eu l'occasion de me rendre dans une des bibliothèques municipales parisiennes, où je me suis souvenu que, la seule fois où je m'étais rendu dans celle-là (Paris en compte près d'une cinquantaine...), ce n'avait pas été pour lire ou emprunter un livre, mais pour assister à une "projection-débat" dans leur bel auditorium. Bref, il m'a tout de même fallu davantage de temps pour lire ce livre que le trajet aller et retour généré par mon emprunt (ouf!).

Cette lecture m'a rappelé les romans du début du XXe siècle dont je me délectais lorsque j'étais gamin, en les lisant dans de vieilles éditions en Poche: Les premiers hommes dans la lune (H. G. Wells, 1901), les aventures de John Carter sur Mars (Edgar Rice Burroughs, 5 romans de la série déjà parus entre 1912 et 1922), L'Atlantide de Pierre Benoit, 1919).

Comme le dit une des premières pages, "on était le 17 août 192..." quand le récit commence. Un savant neurasthénique (Mtislav Serguéévitch Loss), inventeur d'un engin intersidéral, et l'acolyte qu'il a recruté par petite annonce (Alexei Ivanovitch Goussov), arrivent sur Mars quelques "jours" (?) plus tard (p.44). L'atmosphère est respirable (comme sur la lune de Wells...), mais le paysage désolé (beaucoup de descriptions)... jusqu'à leur rencontre avec un aviateur indigène, qui leur envoie un "comité d'accueil" (armé). 

Au bout de quelque temps (et après encore beaucoup de "descriptions"), il apparaît qu'ils ont "amarsi" sur cette planète "jumelle" de notre terre dans une période agitée, et leur venue s'avère sans doute, même si ce n'est pas explicité, le "levain dans la pâte" nécessaire et suffisant pour déclencher une agitation révolutionnaire. Car sur Mars, les "masses" sont maintenues sous la coupe d'une oligarchie grâce à un "opium du peuple" (mais au sens propre) qui leur permet de rêver pour supporter le présent, avec une "loterie nationale" comme unique espoir pour l'avenir (p.112). 

Aélita (l'héroïne éponyme) occupe sur Mars un peu la même position que la grande-prêtresse La dans l'antique Opar que découvre en Afrique Tarzan (Le retour de Tarzan, Edgar Rice Burroughs, 1913). Si elle fascine le savant au coeur brisé (qui n'est guère un homme d'action), Goussov, lui, soudard sans beaucoup d'état d'âme, "révolutionnaire professionnel" et meneur d'hommes efficace qui s'ennuyait sur terre après la fin de la Révolution russe, va se jeter corps et âme dans l'agitation insurrectionnelle. Comme dans John Carter, les Terriens voient leur force multipliée, lors des affrontements physiques face aux Martiens, par la faible gravité martienne... mais cela suffira-t-il? Les nombreuses batailles insurrectionnelles inégales m'ont encore fait songer à Pierre Benoit: Pour don Carlos (1920), La chaussée des géants (1922)... Scènes bien évidemment sublimées par leur localisation sur une autre planète. Le livre se termine abruptement (là où Burroughs prenait toujours bien soin de laisser la possibilité à "un livre de plus" dans les nombreux "cycles" qu'il avait ouverts: Tarzan, Mars, Pellucidar...). Pour ma part, j'ai vraiment bien apprécié la lecture de ce roman, qui m'a rappelé les émerveillements de ma jeunesse (au premier degré et sans prise de tête!). 

Concernant Alexéi Tolstoï (tiens, le même prénom que l'un de ses héros?), j'aurais bien aimé en apprendre davantage sur cet auteur (notamment sur son séjour "à l'Ouest", comme on ne disait pas encore, et bien évidemment sur ses lectures avant de rédiger Aélita...) que ce que l'on trouve sur wikipedia en français. Mais je ne vais pas effectuer de recherches sur l'internet en russe: ce n'est plus dans l'air du temps, la parenthèse ouverte par la chute du mur est en train de se refermer... Cela m'a rappelé cette saison du Bureau des légendes, où, sauf erreur de ma part, un contre-espion russe échange avec un collègue: "- Mais la guerre froide est finie? - Mon cul, elle est finie!"...: les Russes ne sont plus nos amis, et cela durera sans doute quelques années voire décennies encore, avant qu'on puisse s'intéresser sans suspicion à leur littérature, leur cinéma... 

Plusieurs blogueurs encore ont pu avoir une "lecture" plus affinée que la mienne. Lekarr76 (blog SFetmoi) avait chroniqué une autre édition il y a quelques années. Erwelyn avait parlé ici de l'une des adaptations audiovisuelles (celle de 1980, à la télévision hongroise). Une page sur le site Gotomars donne un long extrait à lire et quelques éléments de comparaison sur les deux traductions en français disponibles (datant toutes deux des années 1950?). Mais je ne sais pas si j'aurai jamais l'occasion de comparer moi-même, beaucoup de nouvelles lectures m'attendent déjà... 

9 mai 2024

Civil War - Alex Garland

Pour une fois, je ne conseille pas forcément ce film très violent sur une guerre civile fictive (?) sur le territoire des Etats-Unis. Cela commence à New-York où une explosion dans une rue fait plusieurs victimes. Les cadavres ensanglantés jonchent le sol. Lee Smith (Kirsten Dunst), une photographe de guerre, sauve in extremis une jeune apprentie reporter photographe nommée Jessie. Les deux femmes vont s'embarquer avec deux autres journalistes (dont le vieux Sammy qui m'a beaucoup touchée) dans un SUV et parcourir plus de 1300 km pour atteindre Washington, pour essayer de rencontrer le président des Etats-Unis qui commence un troisième mandat. Je n'ai pas compris quel est l'itinéraire du véhicule sauf qu'il va atteindre à un moment donné Charlottesville en Virginie, et les passagers vont croiser l'horreur de la violence et de la mort. J'ai trouvé cela insoutenable et parfois complaisant. Je ne sais pas ce que le réalisateur britannique a voulu nous raconter : peut-être décrire la difficulté du métier de journaliste reporter dans un pays en guerre. Toujours est-il que j'ai été contente quand le film s'est terminé. Et j'ai remarqué que dans la salle pleine où j'ai vu le film, les spectateurs étaient des trentenaires donc nettement plus jeunes que moi. Lire les billets de PrincecranoirHenri Golant, et Pascale.

7 mai 2024

Bestiaire - Alexandre Vialatte (dessins d'Honoré)

Je (ta d loi du cine, "squatter" chez dasola) ne connaissais le nom de Vialatte que très vaguement, sans savoir ce qu'il avait pu écrire. Et voilà que je découvre qu'Honoré l'a illustré! C'est dasola qui m'avait procuré (le jour même, au prix d'un léger détour vers une bibliothèque sur son chemin de retour du boulot) un exemplaire de ce livre qu'elle avait repéré chez Keisha

Alexandre Vialatte, Bestiaire, dessins d'Honoré, éd. Arléa, 2002, 120 p.

Comme je le disais en introduction, je n'avais jamais rien lu d'Alexandre Vialatte (1901-1971). J'ai choisi de parler de ce livre à cause d'Honoré. Mon dernier billet sur ce dessinateur assassiné en même temps que ses quatre confrères dessinateurs de Charlie Hebdo et injustement méconnu remonte à 2017. Il est vrai que ses ouvrages publiés à son seul nom sont beaucoup moins nombreux que ceux de ses collègues de la rédaction assassinés le même jour. Je peux seulement le citer, de temps en temps, dans des recueils collectifs...

Cette fois-ci, c'est un "vieux livre" qui me permet de le mettre à l'honneur. Les 63 chroniques qui mêlent humour, sens de l'absurde et ironie ont été choisies par Michaël Lainé. Certains animaux sont évoqués plusieurs fois, comme l'Homme avec trois articles là où la Femme n'en a qu'un - je pressens que ça va encore râler dans les chaumières... ("d'autant plus" qu'y est évoquée l'existence... d'un homme de sexe féminin), ou le Cheval avec deux articles, classés dans la Table (p.119) de A comme Albatros à V comme Vialatte, Alexandre (les chroniques, elles, apparaissent "dans le désordre"). Je ne sais pas comment a travaillé Honoré (délais, textes fournis...). En tout cas, avec ses trois douzaines d'illustrations, Honoré nous offre davantage de subtilités qu'un simple illustrateur: dans ses compositions composites, on s'amuse à chercher le détail inattendu et son sous-entendu. 

Il partait d'une bonne "matière première", tant les textes de Vialatte foisonnent de précisions incongrues. On peut regretter que tous n'aient malheureusement pas été illustrés, tel celui sur le Russe qui élève des colombes de la Paix pour les manger (dommage!). En tout cas, P**t*n* ne viendra pas buter les auteurs..., ils sont déjà morts. 

Dans mes quelques autres citations ci-dessous, j'ai surtout choisi des animaux "de labeur" ou du moins domestiques (y compris un "animal à longues oreilles" qui n'est pas dans son milieu naturel!). 

Le boeuf qui se dirige vers la gauche a l'air plus civilisé que le taureau (?) qui se rend à droite (sans vouloir faire de la peine à Luce Lapin...). 

Dans l'une des chroniques, j'ai même déniché le mot "Martien" (p.49), mais cela ne justifie malheureusement pas que je l'inscrive dans mon challenge marsien en cours: il n'y a même pas d'entrées entre "Marabout" et "Mouton" dans la table! Mais on trouve p.101 un perroquet qui peut faire songer à Martiens, go home! de par sa sincérité débridée...

En conclusion, il s'agit d'un livre "intemporel", toujours plaisant à découvrir. La "note de l'éditeur" explique que les éditions Arléa ont rêvé de ce livre durant 15 ans avant qu'il voie le jour, et remercient Pierre Vialatte (fils de...) pour ses encouragements et sa constance.

Mon côté "gestionnaire de bases de données me conduit une fois de plus à émettre un petit reproche: à mon avis, les "références bibliographiques" des textes cités (p.111-114) sont incomplètes. Elles citent uniquement les recueils (sous copyright) où ils sont "actuellement" accessibles, sans donner la date de la publication initiale dans un périodique... 

Calmeblog (dernier billet en 2018) avait publié en 2012 un billet qui parlait surtout des textes de Vialatte. Une exposition avec les dessins d'Honoré avait eu lieu à Clermont-Ferrand en 2018.

*** Je suis Charlie ***

6 mai 2024

Petites mains - Nessim Chikhaoui

Avec Petites mains de Nessim Chikhaoui, j’ai passé un bon moment en compagnie de quelques femmes de chambre très sympathiques travaillant dans un palace à Paris. On ne voit aucun client mais les femmes de chambre sont bien là, travaillant à des cadences infernales pour des clopinettes. Elles doivent nettoyer et préparer une chambre en moins de trois quarts d’heure. Quand je dis chambre, il s'agit plutôt de suites immenses qui coûtent pour une nuit l’équivalent de presque un an de salaire d’une de ces femmes courageuses. Certaines sont en CDI et d’autres des externes employées par des sous-traitants. Ces « externalisées » souhaiteraient être « internalisées » pour vivre moins dans la précarité ou pour obtenir des papiers en règle. Il faut noter que ces femmes sont pour la plupart africaines ou antillaises. On remarque que ces «invisibles», ces «petites mains» ont leurs quartiers au sous-sol du palace. Quand Eva, une jeune femme blonde, trouve un emploi dans l’établissement (elle doit passer par la porte de service), c’est pour remplacer une femme de chambre en grève. En effet, la colère gronde. Plusieurs femmes de chambre manifestent devant l’hôtel mais cela n’a pas beaucoup d’effet. Elles réclament de meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires. Quant à Simone (Corinne Masiero, vraiment très bien), elle va être reconnue inapte au travail à cause de son dos en compote. C’est elle qui forme Eva quand cette dernière est embauchée. J’ai trouvé le film sympathique avec un moment savoureux quand les femmes de chambre défilent devant l’hôtel dans de belles tenues au moment de la « fashion week ». Si vous avez un moment, allez voir ce film. 

Dameskarlette en a parlé. Lire un entretien avec le réalisateur sur le "webzine" Baz'Art. Pour le blog "Où va la CGT?", au terme d'une longue critique, c'est "un film à voir".

************************************

Ceci n’ayant rien à voir avec cela, je viens d’apprendre la disparition de Bernard Pivot (1935-2024) le lendemain de ses 89 ans. C’était un homme qui en animant l’émission « Apostrophe » entre 1975 et 1990 a fait connaître la littérature au plus grand nombre. C’était au temps où la télévision ne prenait pas les téléspectateurs pour des idiots. 

3 mai 2024

L'eau rouge - Jurica Pavičić

Je ne sais pas pourquoi, mais je pensais que l'écrivain croate était une femme, car, de mon point de vue, Jurica me parait être un prénom féminin: et bien pas du tout. Je viens donc de terminer L'eau rouge (Editions Points Seuil, 403 pages), le premier roman traduit en français de Jurica Pavičić, romancier, scénariste et journaliste croate né à Split en 1956. C'est après avoir lu de nombreux billets élogieux que je me suis décidée à le lire. Et je ne le regrette pas. L'histoire se déroule sur une période de 28 ans entre 1989 (avant la fin du communisme) et 2017 à Misto (village fictif (?) sur la côte dalmate) et à Split dans l'actuelle Croatie. Le 23 septembre 1989, à Misto Silva, une jeune femme de 17 ans ne rentre pas d'une soirée et disparaît sans laisser de traces. Vesna et Jakov, ses parents ainsi que Mate, son frère jumeau, n'auront de cesse de la trouver. Ce sont surtout Mate et Vesna qui n'abandonneront jamais les recherches et ne perdront pas espoir. Et pendant ce temps là, les années passent, le régime de Tito s'effondre, c'est le chaos dans le pays avant que la démocratie ne reprenne ses droits. Dès le début, un policier appelé Gorki Sain va aussi tout faire essayer de trouver Silva en fouillant partout sans succès. Cette disparition va provoquer la séparation des parents de Silva. Et Mate, tout à sa tâche pour retrouver sa soeur, entre dans l'âge adulte, il se marie et a une fille. 100 pages avant la fin, on retrouve Silva en 2015. J'ai trouvé ce roman passionnant à lire avec l'arrière-plan historique. J'ai aussi trouvé intéressant la description de la personnalité de Silva qui n'est pas tout à fait celle que l'on croit quand ce roman très bien construit débute. Il faudrait désormais que je lise le roman suivant de l'écrivain : La femme du deuxième étage

Lire les billets d'Encore du Noir, Athalie, Aifelle, Eva, Violette, Belette2911 (qui est passée à côté), Ingannmic, Mam et BMR, Pierre Faverolle, Shangols, Titine

Le blog de Dasola
  • CINEMA, LIVRES, DVD, SPECTACLES, TV - BILLETS DE BONNE ET (parfois) MAUVAISE HUMEUR. Critiques et opinions sur films, livres et spectacles. [Secrétaire de rédaction et statistiques: "ta d loi du cine" (217 commentaires, du 17/01/07 au 13/05/24)].
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Newsletter
83 abonnés
Liens (en cours de mise à jour)

** INDEX AUTEURS (LITTÉRATURE), FILMS & REALISATEURS (CINÉMA) **

*** CHALLENGES DE L'ANNEE EN COURS ***


** LE SITE DU STATISTICIEN **


*** LIENS ***
(BLOGUEURS COMMENTANT SOUVENT LE MIEN)

  • = Dix blogueuses et blogueurs ayant fait au moins 500 commentaires chez dasola se présentent =
  • On crée un lien lorsqu'un blogueur a commenté au moins cinq billets en venant à (au moins) deux dates différentes sur ce blog. 
  • Une adresse de mail (xxx@yyy.fr ou com...) [non publiée!] est exigée par Canalblog pour enregistrer votre commentaire. 
  • Vous ne voyez pas tout de suite apparaître votre commentaire, car je dois d'abord le valider (cela peut prendre quelques heures)
CINÉMA (22 blogs en activité)

DIVERS - CULTURE (57 blogs en activité)

LIVRES (70 blogs en activité)

QUELQUE TRISTESSE

QUELQUES BLOGS DÉSORMAIS EN PAUSE (À MON GRAND REGRET)

QUELQUES INFIDÈLES (NE ME RENDENT PLUS MES COMMENTAIRES...)

QUELQUES INTROUVABLES (BLOGS SUPPRIMÉS OU DISPARUS?)

SANS BLOG (COMMENTATEURS SUR LE MIEN)

STATISTIQUES, INFORMATIONS, RECORDS (DEPUIS LA CRÉATION DU BLOG)

  • * Blog créé le 09/01/2007, transféré sur Canalblog en juin 2007, migré à l'insu de son plein gré sur l'outil Overblog en février 2024 *
  • 2717 billets (au 16/05/24), dont tous ont eu au moins un commentaire
  • 33 290 commentaires (au 16/05/24 [+ 2 [anciennement 203] "égarés" lors de la migration"]) [dont 261 dasola] par au moins 1275 personnes, dont 109 (re)venues en 2024
  • 407 blogueurs [dont 157 actifs en 2024] m'ont fait au moins 5 et jusqu'à 1213 (au 12/05/2024) commentaires (voir ci-dessus)
  • Abonnés (être prévenu à chaque nouveau billet publié sur le blog): 77 au 07/03/2024 (via "Newsletter" ci-dessus)
  • Billet commenté par le plus de personnes: 77 commentaires par autant de commentateurs/trices (billet du 09/01/2014)
  • Billet comptant le plus de commentaires: 123, par 46 commentateurs/trices différent(e)s (billet du 10/06/2023)
  • Record de commentaires en 1 an de date à date par 1 même blogueur-euse: 146 par DocBird (du 15/07/22 au 14/07/23)
  • Record de commentaires en un mois: 355 en janvier 2014
  • Record de commentaires en une année civile (même blogueur-euse): 143 par Manou en 2023
  • Record de commentaires en une journée: 44 le 09/04/2009
  • Records de nouveaux commentateurs en un mois: 24 (dont 22 blogueurs) en mai 2008 et mars 2009
Pages