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Le blog de Dasola
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litterature francophone
17 octobre 2009

Cadence - Stéphane Velut

Le roman Cadence (Editions Christian Bourgois, il fait partie de la rentrée littéraire 2009) pourrait être sous-titré "L'antre de la folie" (en référence au film de John Carpenter). L'histoire se passe entre février et septembre 1933, à Munich. Le Führer vient d'accéder au pouvoir. Le Narrateur (dont on ne connaîtra pas le nom) est chargé pour la gloire du Führer de peindre une représentation picturale d'une icône à la gloire de la Nouvelle Allemagne. Ce qui l'intéresse, ce n'est pas ce qu'il va dessiner, mais le modèle qui va lui servir, en la personne d'une enfant qu'on lui amène un jour. Pendant tout le roman, il ne la désignera que par les vocables "petite", "pensionnaire", "chose", "mante", "poupée". D'ailleurs, quand la petite arrive chez lui, c'est "un dépôt" pour lequel il signe un reçu. En sept mois jour pour jour exactement, il doit avoir terminé son oeuvre. En attendant, il est logé et nourri (ainsi que sa pensionnaire). Il sera payé s'il rend l'œuvre à temps. Avec la complicité de sa logeuse, et surtout d'un ami, Werner Troost (spécialiste dans l'appareillage des handicapés), la "petite" devient une "poupée" grâce à un appareillage ingénieux qui lui enserre les membres supérieurs et inférieurs. Même ses cils sont maintenus. La petite, d’humaine, devient une poupée qui s’abîme. Les appareils lui provoquent des blessures et des lésions sur tout le corps. Un système de poulie la maintient souvent contre le mur comme un insecte. Quant au Narrateur, il n’explique pas ses raisons. Il se fait plaisir. Il est heureux loin de la tempête qui s’annonce. Il n’y a aucune connotation sexuelle dans les relations entre le narrateur et la petite. Tout est décrit de façon clinique sans état d’âme. Il ne veut pas de compassion. Il ne regrette pas ce qu’il fait. J’ai été frappée par la description très distanciée des souffrances endurées par la petite comme si de rien n’était. D’ailleurs la petite ne se plaint jamais. Le roman se termine en cauchemar éveillé avec, en fond historique, la peste brune s’abattant sur Munich et l’Allemagne. Pour un premier roman, Cadence (ce titre est un mystère) est une réussite. C'est une histoire que l'on n'oublie pas.

NB (en réponse aux trois premiers commentaires [Toinette80, Rosa et Thaïs] sur le billet) : Je suis désolée que celui-ci ne donne pas envie de lire ce roman car j'ai beaucoup aimé ce conte cruel qui est une parabole sur la montée du nazisme et des cruautés qui s'ensuivirent. Felice, la logeuse du Narrateur, symbolise bien ce qu'a été le comportement de certaines personnes envers d'autres, elles étaient payées et donc exécutaient les ordres sans discuter. Sous son air de bonhomie, c'est elle, le monstre. Elle aurait pu dénoncer le narrateur. Elle ne fait que s'enfuir. J'ai apprécié l'écriture et le rythme du roman. Et cela sort vraiment de l'ordinaire.

NB2: Nanne en parle très bien.

7 septembre 2009

2 romans de Thierry Jonquet

Pour rendre hommage à Thierry Jonquet qui vient de disparaître cet été à l'âge de 55 ans (voir le blog de Stephie), j'ai tenu à lire deux romans à la suite. C'est un grand écrivain français qui vient de disparaître. Personnellement, j'avais découvert l'oeuvre de Jonquet il y a quelques années avec Moloch, Les Orpailleurs, Ad Vitam Aerternam, Mon vieux, Mygale (cf. mon billet du 17/03/2008).
Je viens donc de lire coup sur coup Le manoir des immortelles et Comedia parus dans la collection Folio Policier. Ils ont été écrits tous les deux dans les
années 80.
Le premier m'a beaucoup fait penser à Mygale dans le ton. C'est une histoire à la limite du fantastique. A Paris, entre les Buttes-Chaumont et le 14ème arrondissement, Hadès (Dieu des morts dans la mythologie grecque - c'est un pseudo ici) se met en tête de supprimer des hommes en leur tranchant la tête avec une faux. Ces hommes à qui il attribue des numéros avaient répondu à une annonce "coquine" les menant à une certaine adresse dans le 14ème. C'est là qu'ils sont pris en filature par Hadès qui décide, selon une raison que je vous laisse découvrir, s'il les tue ou non. Hadès vit en grande banlieue avec une femme, Lola, dans un manoir en décrépitude. Qui est Lola et que fait-elle? Le manoir des immortelles est un roman de 165 pages très noir qui se lit en 1H30 (j'ai testé pour vous).

Le deuxième est assez différent. L'histoire se passe entre Etretat, Paris (les Buttes-Chaumont) et Berlin Est. Nous sommes au début des années 80 avant la Chute du mur. Comedia est le pseudonyme d'un vieil homme qui en traque deux autres surnommés Géronte et Pantalone car il veut savoir pourquoi un certain Scapin (toujours un pseudo) ne fut pas arrêté dans les années 50 en RDA (aujourd'hui ex-Allemagne de l'Est) et ce qu'il est devenu. Dès le début du roman, dans la région parisienne, Géronte (un vieil acteur impliqué peut-être dans un trafic international d'armes) est tué par Comedia qui s'est adjoint des collaborateurs: l'équipe statique Arlequin avec 5 personnes, et l'équipe mobile Sganarelle avec aussi 5 personnes. Par la suite, ces deux équipes sont chargées de surveiller Matamore, un jeune cinéaste qui était un ami de Géronte. Matamore est en train d'écrire (peut-être un scénario) sur Géronte qui a été un figurant de films célèbres dans les années 30 comme par exemple La grande illusion et la Marseillaise de Jean Renoir ou La belle équipe de Julien Duvivier. S'ensuit une évocation en accéléré d'une remontée dans le temps des années 30, de la seconde guerre mondiale, des années 50 et 60 en Allemagne et France. Tout cela finit très mal malgré le côté Comedia dell'Arte et Moliéresque des noms des personnage. C'est un roman qui se lit bien et qui montre encore une fois que Thierry Jonquet avait le talent de créer une fiction à partir de faits divers de la petite ou grande histoire.

PS [09/09/2009]: Stephie (qui avait donc lancé dès le 12 août l'idée d'un hommage de la blogosphère à Thierry Jonquet par la lecture et la chronique de ses oeuvres) centralise les billets ici.

Deux autres romans de Thierry Jonquet, lus ultérieurement, ici  >>>

15 août 2009

Le coeur cousu - Carole Martinez

Deuxième très bon conseil de lecture de la part d’Aifelle, Le cœur cousu de Carole Martinez a déjà été beaucoup chroniqué sur les blogs. Lauréat de 9 prix littéraires, il vient de paraître en édition de poche Folio Gallimard. Personnellement, le titre de ce roman ne m’attirait pas et pourtant cela aurait été dommage que je ne découvre pas ce premier roman de Carole Martinez. Il est divisé en trois parties: la première partie," Une rive", qui fait pratiquement la moitié du roman, est une réussite narrative incontestable qui m’a enthousiasmée. Elle vous emporte. Les deux autres parties, "La Traversée" et "L’Autre Rive", m’ont un peu moins touchée voire intéressée, et pourtant on ne perd pas de vue le personnage de Frasquita. L'histoire commence en Espagne dans un village isolé et se termine en Afrique du Nord. La narratrice, dont le prénom est Soledad (Solitude), résume ce que sera sa vie. Acceptant de ne pas se marier, elle sera la dernière de la lignée à endurer, pour le meilleur et pour le pire, les sortilèges qui touchent les femmes de sa famille. Pendant tout le roman, Soledad raconte principalement l’histoire de sa mère Frasquita Carasco, analphabète mais couturière aux doigts de fées (par la magie d’une boîte), capable de coudre un cœur sur une vierge de paille et de métal d’une procession sainte (il semble battre), de recoudre un coq de combat plutôt mal en point ou bien le visage d’un homme, de concevoir des robes de mariée adaptées à toutes les situations: pour une bossue ou une femme enceinte. Mariée elle-même très jeune à un charron, José Carasco, Frasquita va donner naissance à 5 filles et 1 garçon: Anita, la mutique, Angela à qui pousse des plumes d'oiseaux, Martirio, capable de donner la mort par un baiser, Clara qui s'endort dès que le soleil se couche et qui luit dans la nuit, et Soledad, la petite dernière. Le garçon, Pedro, aux cheveux rouge, dessinateur de talent et lutteur de foire, commettra l'irréparable, mais je n'en dis pas plus. J'ai trouvé le style ample, et l'écriture travaillée. C'est du bel ouvrage. Je n'ai jamais lu de roman d'Isabel Allende, il paraît que cela y fait penser.

7 août 2009

Les tribulations d'une caissière - Anna Sam

J'ai acheté récemment et lu en 2 heures ce court récit (ce n'est pas vraiment un roman). J'ai trouvé que Les tribulations d'une caissière (Le Livre de poche) était trop anecdotique. En courts chapitres, nous avons une suite de situations mettant en scène des clients resquilleurs, menteurs, pas polis, colériques, pressés, etc. Je m'attendais au moins à sourire au vu du titre, et bien pas du tout. Cela manque d'humour et c'est répétitif. Anna Sam n'explique pas pourquoi elle est restée caissière 8 ans (malgré ses diplômes supérieurs). Je veux bien croire que les temps sont durs, mais quand même! Et puis à la fin, pourquoi démissionne-t-elle? Je pense qu'il y avait une vraie étude sociologique à faire sur ce sujet à l'heure où, petit à petit, les grandes surfaces remplacent les caissières (pardon les hôtesses de caisse) par des machines. A emprunter (éventuellement) à la bibliothèque (attention aux horaires de vacances), mais pas plus.

1 août 2009

La patience de Mauricette - Lucien Suel

Le roman La patience de Mauricette de Lucien Suel (La Table ronde) va sortir courant septembre 2009. Grâce à Babelio (que je remercie) et son opération Masse critique, je l’ai lu en avant-première. L’histoire se passe de nos jours avec des retours en arrière à partir de 1938 dans la région d’Armentières et Comines en Flandres près de Lille. En août 2008, Mauricette Beaussart, 75 ans, est admise pour cause de troubles mentaux à la «Clinique» faisant partie d’un EPSM (Etablissement publique de santé mentale). Trois semaines plus tard, elle s’enfuit. En apprenant cela, Christophe Moreel, la soixantaine, un ami qui s’occupe d’elle, espère que rien de grave n’est arrivé et qu’on va la retrouver. Christophe est traducteur de romans (ou «âneries romantiques», dixit Mauricette) des éditions Charles-Quint (suivez mon regard). Mauricette et Christophe se sont rencontrés 20 ans auparavant, en prenant des cours d’informatique. Et bien que cela fasse des années que Mauricette souffre de crises de mélancolie profonde, cette femme passionnée de poésie a quand même pu exercer le métier de professeur de français. La narration alterne des chapitres courts écrits en italique, transcrivant le discours décousu de Mauricette (peut-être tiré d’un journal à moins que cela ne soit un monologue intérieur) où elle joue avec les mots: «Je broute mes médicaments», «Je suis ta soignée», avec des chapitres de narration pure qui racontent, entre autre, l’histoire de Mauricette (expliquant peut-être son état) jalonnée de quelques grands malheurs familiaux (touchant sa mère, son père, son petit frère Emile). Ce roman est l’occasion, pour l’auteur, de faire état des traitements dans le domaine psychiatrique à l’heure actuelle. D’ailleurs, Lucien Suel (originaire des Flandres artésiennes où il est né en 1948) a écrit son roman dans les lieux où se déroule l’histoire. Un petit clin d’œil «bloguesque» en passant: avec l’aide de Christophe, Mauricette a créé un blog, "etoilepointetoile.blogspot.com", où elle postait (avant ses derniers troubles) des extraits d’«Une anthologie du veau dans la littérature». Autant les chapitres de narration sont très faciles à lire, autant les chapitres en italique méritent toute notre attention, j’ai dû les lire et relire plusieurs fois: des bribes de la vie de Mauricette sont dévoilées d’une autre façon. Quant à la partie du titre «La patience», elle peut se comprendre de plusieurs façons, dont celle du jeu de patience ou réussite. A priori, c’est le deuxième roman que publie Lucien Suel après Mort d’un jardinier (La Table ronde) en 2008. J’espère que La patience de Mauricette va rencontrer son public, il le mérite.

PS: Suite au commentaire de l'auteur, voici son adresse de blog: http://academie23.blogspot.com.

17 juillet 2009

Dans l'or du temps - Claudie Gallay

Dans l’or du temps (Editions de poche Babel) m'a été recommandé par Aifelle lors de notre rencontre au Salon du livre à Rouen. Je l’en remercie.

C’était le premier livre que je lisais de Claudie Gallay (qui d'ailleurs m'a fait une dédicace). Quand j’ai commencé à lire ce roman, j’ai tout de suite été sensible au style: des phrases courtes avec ou sans verbes conjugués ou à l’infinitif. C’est peut-être pourquoi je l'ai lu très vite. Au tout début, je m’attendais à lire une chronique vacancière du narrateur (dont on ne connaîtra pas le prénom) avec sa famille (sa femme, Anna et ses deux filles jumelles) faisant un séjour dans leur maison près de Dieppe. Et puis, à l’occasion d’une rencontre du narrateur avec une vieille dame nommée Alice habitant une maison voisine, le récit nous fait remonter le passé. Nous nous retrouvons 60 ans en arrière grâce aux souvenirs d’Alice. Elle possède sur une armoire des statues que le narrateur devine être des kachinas, qui incarnent des esprits pour les Indiens hopi. C’est là que Claudie Gallay nous évoque André Breton et son voyage en Amérique, à New York et chez les Indiens hopi en Arizona, de 1941 à 1946. En effet, à cette époque, Alice, jeune adolescente, s’est exilée avec son père, sa mère et sa sœur aux Etats-Unis. Ils ont pris le même bateau que Breton et sa femme. Le père d’Alice était photographe et était l’ami d’André Breton à l’époque. Alice et son père ont suivi André jusqu’en Arizona. On apprend quelques-uns des us et coutumes, dont la danse du Serpent, de ces Indiens qui n’aimaient pas qu’on les prenne en photo ou qu’on les dessine. Le roman alterne ce récit dans le passé et ce que ces souvenirs provoquent pour le narrateur. Il remet sa vie en question sans s’en rendre compte. Avant la fin de leur séjour, sa femme Anna le quitte en emmenant les jumelles. C’est peut-être le point faible du roman comme l’a souligné Dominique. Je n’ai pas compris le lien entre les souvenirs d’Alice et ce qui arrive au narrateur. Ceci mis à part, c’est un roman qui donne envie de mieux connaître la culture amérindienne et de se plonger dans les ouvrages qui ont servi à écrire ce roman et qui sont indiqués dans la bibliographie à la fin de l’ouvrage. Quant au titre un peu mystérieux du roman, il s’agit d’une partie de l’épitaphe inscrite sur la tombe d’André Breton, au cimetière des Batignolles: «Je cherche l’or du temps».

11 juillet 2009

Les deux visages de Janus - André et Michèle Bonnery

Grâce à Blog-o-book, j'ai eu la chance de me plonger dans la période de l'Antiquité tardive avec ce roman historique, Les deux visages de Janus (Actes Sud), écrit à quatre mains. C'est une époque dont j'ignore tout. Après avoir terminé le roman, je ne suis pas sûre d'être plus érudite mais j'aurai entendu parler du monothélisme, du fait qu'il y avait un empereur à Constantinople qui gouvernait Rome de loin, que, l'Empire romain n'existant plus, les Arabes ont conquis beaucoup de territoires du pourtour méditerranéen jusqu'en Espagne où vivent les Wisigoths (même si les Sarrazins ne sont pas loin). L'histoire se passe essentiellement à Rome entre mars et septembre 680. La ville qui fut la plus puissante agglomération de la terre est devenue une modeste cité où demeurent essentiellement des Latins, des Juifs et des Orientaux ayant fui les invasions arabes. Les palais et autres monuments, bien que pillés ou démantelés, arrivent, pour quelques-uns, à être restaurés grâce aux riches notables issus de la vieille noblesse. Ces derniers vivent sur le Palatin dans de vastes maisons établies dans d'anciens palais impériaux. Il  y a aussi des groupes de pélerins venus de partout pour se prosterner devant des reliques ou des représentations saintes. C'est pourquoi Rome, qui s'enrichit grâce à l'afflux de ces pélerins, est devenue la capitale du monde chrétien. Le 79ème pape élu au trône de Saint Pierre depuis 678 se nomme Agathon. Evêque de Rome, il est l'un des personnages principaux du roman. Parmi les autres personnages, nous trouvons le Dux Romae, Etychès, chef de l'armée et de police; ses auxiliaires: Abdon, Paul et Pretextat; et un moine appelé Eucher, ami de longue date du pape, qui arrivera à trouver le coupable de plusieurs crimes. En effet, des mosaïstes de talent venus pratiquer leur art dans les églises romaines disparaissent ou meurent "accidentellement". Les Juifs font partie des premiers suspects. Au fur et à mesure que l'on avance dans le récit, on comprend le mobile de l'assassin (l'iconoclaste) qui trouve sacrilège la représentation des images saintes: la Vierge, Jésus et les Saints. Cette idôlatrie arrive à corrompre l'humanité. L'assassin a des raisons personnelles qui viennent de l'enfance pour perpétrer ces crimes. Spécialiste en histoire de l'Antiquité tardive, André Bonnery (1) nous livre un roman passionnant de 440 pages qui se lit facilement sur une période de l'histoire méconnue. En revanche, un petit préambule descriptif de l'époque n'aurait pas été superfétatoire à moins que (comme moi) vous ne vous plongiez dans un dictionnaire encyclopédique. Quant au titre, je crois comprendre que l'on parle d'un homme aux deux visages (ange et démon à la fois). Merci encore Blog-o-book.

(1) J'avais interverti avec Michèle, merci Madame Charlotte (cf. commentaire ci-dessous)

25 juin 2009

Mort aux cons - Carl Aderhold

Comme il est dit page 291, on est toujours le con de quelqu'un. Le premier roman, Mort aux cons, édité au Livre de poche (400 pages) de Carl Aderhold, écrivain dont je n'avais jamais entendu parler, est réjouissant et immoral. Le narrateur, à la fin de son récit, est parvenu à supprimer, de façon très naturelle, 140 cons. Le déclic s'est fait quand il a commencé par descendre une chatte nommée Zara (de Zarathoustra). Elle appartenait à une voisine d'immeuble et avait la fâcheuse habitude de griffer le narrateur. D'autres animaux de compagnie ont suivi. De là, il s'attaque aux humains qu'il considère comme nuisibles, bêtes, inquisiteurs, enquiquineurs (pour rester poli) envers les autres, en général, et envers lui, en particulier. Et page 153, il a une illumination: "Le con", s'écrie-t-il, "voilà l'ennemi". C'est là que le massacre de masse commence avec les représentant(e)s de l'Administration (avec un grand A) dont un inspecteur des impôts, un employé des Assedic, un de l'ANPE (le narrateur est intérimaire), une autre de la sécu, puis d'autres comme un assureur, une concierge, un car entier de petits vieux, un chauffard, des DRH successifs d'une maison d'édition, un producteur de film porno, un fils indigne (d'une mourante), et même la propre épouse du narrateur, Christine, etc. Ils se retrouvent tous à passer de vie à trépas par la seule volonté du narrateur qui commet des crimes parfaits (ou presque). Il se sert en particulier d'un révolver qui venait de son grand-père. En revanche, il ne tue aucun militaire. Cet anti-héro a une bonne conscience à tout épreuve. La façon qu'il a de présenter les choses font que ses actes criminels monstrueux deviennent évidents. Il consulte quand même un psy qui se trouve destabilisé à force d'écouter ce que lui dit le narrateur. Et bien que très seul, ce dernier trouve une oreille bienveillante (tout au moins au début) en la personne d'un inspecteur de police, François Marie, à qui on dit souvent: "je vous salue, Marie". La fin du roman est très ouverte. L'une des grandes qualités de Mort aux cons, à part sa drôlerie, c'est son écriture et son style, on le lit très vite.

5 juin 2009

Monestarium - Andrea H. Japp

Grâce à BlogOBook, j'ai reçu Monestarium d'Andrea H. Japp, il y a plus d'un mois. J'ai mis du temps à y rentrer car j'avais d'autres préoccupations et d'autres romans à lire. Mais ça y est, le week-end de la Pentecôte m'a permis de me replonger dans le Moyen-Age déjà évoqué par l'auteure dans La Dame sans terre. Après vérification, l'essentiel de l'histoire se passe juste après que celle de La Dame sans terre soit terminée (avec un léger chevauchement), c'est-à-dire de septembre 1306 à janvier 1307, en plein règne de Philippe IV le Bel. On retrouve aussi le même décor de l'Abbaye de femmes des Clairets situé dans le Perche, composée de deux cloîtres. Mais, par la magie du roman, dans Monestarium, il n'y a aucun rapport (pas même une allusion), avec l'intrigue et les personnages fictifs de la Dame sans terre. Pour Monestarium, tout commence dix-huit ans auparavant en 1288, quand un négociant arménien, Firuz, récupère d'un Ethiopien agonisant une besace qui contient des os et des triangles de pierre taillée. Deux ans plus tard, en 1290, ce même marchand est assassiné à Saint Jean d'Acre. La besace arrive en France dans l'Abbaye des Clairets. Entretemps, on fait connaissance de quelques personnages dont les Soeurs principales de l'abbaye qui sont citées dès le début du roman. La mère abbesse, Plaisance de Champlois, a 15 ans, mais elle est dotée d'une grande maturité. Sa nomination par celle qui l'a précédée provoque des jalousies, dont la grande prieure d'un des deux cloîtres. Cette dernière est la soeur d'un évêque dont la perfidie nous est vite révélée. Quelques soeurs et moniales vont mourir assassinées. Une moniale en particulier, Angelique, est étranglée. Ce n'était pas elle qui était visée mais une autre, qui s'est réfugiée dans l'Abbaye depuis quelque temps pour fuir des tueurs car elle possède un diptyque qui excite les convoitises. Un fléau est aussi très présent dans le roman: la lèpre. Et les ossements me direz-vous? Pour le savoir, je vous conseille de lire ce roman de 360 pages qui se lit d'une traite. La résolution quoique un peu rapide est plausible. J'avais beaucoup aimé les trois premiers volumes de la Dame sans terre (le 4ème est en trop, je n'ai pas fait de billet dessus, voir celui de Pom'). Là, dans Monestarium, l'histoire est ramassée en un seul volume et c'est vraiment bien. Comme dans la Dame sans terre, l'addendum se compose d'une brève annexe historique et d'un glossaire sur les offices liturgiques, les monnaies, les mesures de longueur ainsi qu'une bibliographie.

31 mai 2009

Les Falsificateurs (suivi de) Les Eclaireurs - Antoine Bello

Je chronique ces deux romans en même temps car le deuxième, Les Eclaireurs, est la suite et fin des Falsificateurs. J’ai découvert Antoine Bello il y a plus de 10 ans pour son roman (que l’on m’avait offert), L’éloge de la pièce manquante (1998), paru en Gallimard Noire; et puis plus rien (ou presque), jusqu’à ce que paraissent Les Falsificateurs en 2007 (Folio poche, 588 pages), et la suite, Les Eclaireurs (Gallimard, 470 pages), roman qui vient de recevoir le prix Télérama – France Culture 2009. J’ai lu les deux romans à la suite, d'une seule traite, tant c'est passionnant. Le narrateur et héros du roman, Sliv Dartunghuver, est islandais. Géographe de formation, il est engagé comme chef de projet, à 23 ans, dans un cabinet environnemental. Ce cabinet abrite aussi une organisation secrète, le CFR (Consortium de Falsification du Réel). Eriksson, son hiérarque, recrute Sliv comme agent du CFR. Cette organisation a des agents disséminés dans le monde entier qui produisent des scénarios qu’ils s’efforcent de mêler au réel. Pour ce faire, ils créent des fausses sources ou bien altèrent les documents existants. Vous découvrirez si vous lisez ces romans quel animal célèbre, par exemple, n’a en réalité jamais existé. Le CFR est très bien structuré et hiérarchisé avec trois corps d’élite: le Plan, l’Inspection générale et les Opérations spéciales. Sliv, de 1991 à 2003, période pendant laquelle se passent les romans, va gravir les échelons de simple agent débutant, de classe 1 à celui de classe 3. C’est lui qui propose de passer de la falsification physique à la falsification électronique. Remarqué par le Comex, instance suprême du CFR, Sliv (et quelques autres) voudrai(en)t découvrir la finalité de cette organisation. Pendant ces années-là, il se liera d’amitié avec des agents du CFR venus d’horizons différents, de pays différents. Il n’y a pas de discrimination raciale, ni religieuse. Parmi les amis proches de Sliv, nous trouvons Youssef, un Soudanais, et sa femme, Maga, indonésienne, tous les deux musulmans. D’autres personnages, dont un Français, côtoient Sliv. Un bon scénario demande une falsification sans faille. C’est là qu’intervient Lena Thorsen (falsificatrice hors pair), une Danoise engagée au CFR, trois ans avant Sliv, qui devient une rivale professionnelle pour Sliv qui commet à un moment donné une grossière erreur en tant que falsificateur. La jalousie de Lena va provoquer des événements graves. Je ne dévoilerai pas toute l’histoire sinon pour dire que le CFR (dont l’acronyme signifiait Compagnie Française des Rentes au moment de sa création pendant la Révolution Française) se trouvera menacé dans son existence au moment du 11 septembre 2001 (le CFR n’est pas malheureusement pas étranger à ce qui est arrivé). Mais les agents souhaitent que le CFR perdure car la réalité en a besoin. Le roman se termine juste avant les hostilités entre l’Irak et les Etats-Unis. Je disais donc que les deux romans se lisent agréablement. Comme, au début des Eclaireurs, on trouve un bon résumé de 3 pages des Falsificateurs, on nous avertit bien qu’on peut les lire indépendamment. On peut retirer de ces romans l’impression que des choses, des événements, des personnages du passé et du présent ne sont pas tels qu’ils paraissent ou auraient dû être. Du coup, je me demande: et nous, sommes-nous réels? Antoine Bello est-il bien un écrivain français né à New York et qui vit à Boston?

PS: Voir le billet de Keisha paru postérieurement (le 15/06/09) sur Les Falsificateurs.

23 mai 2009

Dix de derche - Pascal Jahouel

Avant tout, je vais ressortir des oubliettes le "Tag de la page 123" qui tournait sur les blogs littéraires il y a quelques mois. L'extrait pour Dix de derche donnerait:
"La jouvencelle suçotte une paille barbotant dans un coca light. Je la mate sans gêne, le nez dans une délicate Kilkenny. Je table sur sa curiosité, par excellence toute féminine, pour entamer le commérage. Bingo, elle l'amorce, fort courtoise:
- L'enquête sur le décès de Papa avance-t-elle?
Afin de l'indisposer, à mitan entre blasé et détaché, j'élude:
- Si on veut!
Elle se montre alors bigrement curieuse.
- Vous suivez une piste, au moins?
- Pour être franc, je patauge!
"

De ce troisième roman de l'auteur (qui m'a gracieusement envoyé un exemplaire), je suis un peu en peine de parler car j'ai été désarçonnée et même crispée par le style aux phrases interminables, le vocabulaire et les expressions employées que l'on avait déjà dans les deux premiers. Dans celui-ci, on a atteint le point limite, et il y en a comme ça pendant 252 pages. Au bout d'un moment, j'ai saturé. J'ai vraiment eu du mal (souvent) à comprendre Dix de derche (Editions Krakoen). Pascal Jahouel a privilégié la forme sur le fond. C'est d'autant plus dommage que comme c'est un "polar", cela gâche le plaisir d'avancer dans l'histoire. Et plus grave, l'humour est totalement absent. Cela se passe, comme les deux précédents, Archi Mortel et la Gigue des Cailleras [mes billets des 17/10/2007 et 12/07/2007], dans la région de Rouen (où vit l'auteur). Bertrand-Hilaire Lejeune (BHL pour les dames), inspecteur de police, est chargé d'enquêter sur la noyade "accidentelle" d'un ponte de la région. Je ne peux pas vraiment vous en dire plus à part que les suspects sont très proches de la victime. J'ai trouvé que "BHL" se regardait dans ce volume un peu trop le nombril en faisant du style à la première personne, et que ça étouffait complètement l'intrigue. J'espère que Pascal Jahouel ne m'en voudra pas pour cette critique négative mais ma déception a été à la hauteur de mon attente. Vivement un quatrième plus lisible. Car j'aime lire par plaisir et là ce n'en fut pas un. Ah, au fait, il a fallu que j'aille chercher la définition de "derche". Et vous?

19 mai 2009

Les chevelues - Benoît Séverac

Les chevelues de Benoît Séverac (2007) aux éditions TME est un roman policier (280 pages) qui m'a été offert par mon ami pour mon anniversaire (il l'avait repéré sur le blog de Claude Le Nocher). Le format du livre est rectangulaire (cela m'a fait penser aux Editions Actes Sud) et l'impression se fait sur un papier recyclé de bonne qualité. L'histoire se passe sous le règne de l'Empereur Auguste. Toute la Gaule est occupée (oui, oui, toute). C'est l'époque de la Pax Romana. En Aquitaine, à Lugdunum Converanum (aujourd'hui Saint-Bertrand-de-Comminges), les Romains et les Gaulois cohabitent pacifiquement. Un jeune Romain, Cracius, après une nuit d'orgie en compagnie d'une Gauloise (une Chevelue), se fait assassiner en pleine campagne sur le chemin du retour vers chez lui. Il devait épouser une Romaine, fille d'Hadrianus Trevius, premier magistrat de la civitas (ville). Ce même Hadrianus, membre du "quattuorvirat" (sic, 3 Romains et 1 Gaulois) qui gère la ville, veut d'abord faire croire à un suicide pour éviter le désordre dans la ville. Peine perdue. Quelques jours après, un autre jeune Romain, Balbius, ami de Cracius, est tué lui aussi, piqué par un serpent mortel. Il venait d'avoir une relation intime avec une autre jeune Gauloise. Valerius Falco, un centurion un peu désabusé, enquête. Il découvre que vingt jeunes Gauloises ont été déflorées par Cracius, Balbius et par trois autres jeunes romains (qui meurent eux aussi de mort violente). Tous les cinq sont fils de notables romains de Lugdunum Converanum. Entretemps, un terrible propréteur, Rufus Riego dépêché de Tolosa (Toulouse), qui hait les Gaulois, déclare que le coupable est Gaulois. Ce n'est pas l'avis de Valerius Falco. Ce roman est très agréable à lire car on se sent proche des personnages grâce à la description de certains us et coutumes tant romains que gaulois. Je regrette cependant que l'auteur qui emploie de nombreux termes latins pour désigner des objets ou des personnes n'ait pas fait un glossaire à la fin du livre. Mise à part cette mini-critique, je vous conseille de vous procurer ce roman. Je pense qu'il faut le commander chez votre libraire favori.

15 mai 2009

Maigret et la Grande Perche - Georges Simenon

Le 4 septembre prochain, cela fera 20 ans que Georges Simenon disparaissait. Je profite de l'occasion  pour parler d'une enquête du Commissaire Maigret: Maigret et la Grande Perche (écrit en 1951). Je viens de revoir un téléfilm avec Bruno Crémer dans le rôle de Maigret (c'est l'interprète de Maigret que je préfère). Face à lui, on retrouve Michael Lonsdale et Renée Faure. Comme j'ai trouvé l'histoire passionnante et bien menée, je me suis mise à lire le roman paru en Livre de poche, 190 pages. Ernestine dite La Grande Perche, qui avait été arrêtée pour un vol, 17 ans auparavant, par Maigret (jeune inspecteur à l'époque), vient le trouver Quai des Orfèvres car elle est inquiète: son mari, Alfred-le-triste, braqueur de coffre-fort dont elle n'a pas de nouvelles, l'avait appelée juste avant pour la prévenir que dans un pavillon à Neuilly qu'il s'apprêtait à cambrioler, il a vu le corps d'une femme morte, par terre. C'est l'occasion pour le commissaire de mener son enquête chez un dentiste, Guillaume Serre, de l'interroger ainsi que sa mère, vieille dame peut-être pas aussi digne qu'elle le paraît. Les non-dits, les secrets inavouables, les failles ne tardent pas à émerger, transcendés par l'écriture de Simenon. L'écrivain va à l'essentiel. On ne parle pas d'ADN. Seule la psychologie importe. On sent l'atmosphère pesante, presque la menace. A mon avis, la réputation de grand écrivain de Simenon n'est pas usurpée. Ses dialogues sans fioritures sont écrits pour le cinéma (ou la télé). C'est une lecture agréable, ai-je trouvé.

27 avril 2009

L'avant-dernière chance - Caroline Vermalle

J'ai eu le plaisir d'être "e-mailée" par Caroline Vermalle qui a gentiment proposé de m'envoyer son roman, L'avant-dernière chance, qui vient d'être récemment publié aux Editions Calmann-Lévy et a reçu le prix Nouveau Talent 2009 d'une Fondation créée par une compagnie de téléphonie mobile et un journal gratuit. Pour un premier roman, c'est plutôt réussi. Ce livre est joliment tourné avec une histoire dans l'air du temps. En effet, la Fondation et l'éditeur Calmann Levy récompensent depuis peu un roman en langue française qui intègre le langage SMS et les messageries instantanées à la trame du récit. Tous les genres (romans d'amour, comédies...) sont acceptés, mais il ne faut pas avoir été publié auparavant.
Dans les Deux-Sèvres, Georges Nicoleau (presque 76 ans et veuf) et son voisin Charles Lepensier (83 ans, marié) partent faire le Tour de France (itinéraire 2008, 21 étapes, départ de Brest) dans une belle voiture toute pimpante achetée par Georges. Ils ont eu l'idée de le faire en profitant de l'absence prolongée de Françoise (la fille de Georges, qui couve ce dernier et ne le laisse rien faire, à ce qu'on dit). Elle est partie deux mois au Pérou, faire du trekking. Charles, lui, est heureux avec son épouse Thérèse et ses petits-enfants. Alors que Georges croit pouvoir partir tranquille, juste à ce moment-là, sa petite-fille Adèle, qui ne l'a pas vu depuis 10 ans, l'appelle de Londres (où elle est stagiaire sur un tournage de film) pour avoir de ses nouvelles. Elle tient à en avoir quotidiennement. C'est là que le téléphone portable et les SMS entrent en jeu. Sans en dévoiler plus, je vous dirai que les deux papys arriveront à peine à faire 5 étapes qui seront entrecoupées de bons gueuletons et de rencontres bien sympathiques. Le dialogue "SMSien" avec son grand-père va changer Adèle. Elle ne sera plus la même après. Il y a même une touche d'ésotérisme. Bref, je vous conseille L'avant-dernière chance. Caroline Vermalle a un blog sur lequel elle parle de son roman et du suivant (qui est la suite du premier), dont elle publie le premier épisode. Je la remercie encore pour ce petit plaisir de lecture.

1 mars 2009

Deux polars "Série noire" - François Barcelo

Comme annoncé dans mon billet du 21/01/2009, j'ai terminé récemment Chiens sales et Moi, les parapluies (tous les deux dans la Série Noire Gallimard) de cet auteur québécois (François Barcelo) que j'ai découvert il y a quelques mois.

Dans Moi, les parapluies, le premier paru dans la série, j'ai moins ressenti l'exagération des situations, un peu systématique dans les 3 autres (des assistés sociaux chroniques qui peuvent être victimes ou bourreaux). Un garçon (Normand Bazinet) est accusé d'avoir tué sa grand-mère (qui était à l'article de la mort dans une chambre d'hôpital) avec un parapluie qui lui a enfoncé dans la gorge. Ses parents acceptent qu'il soit condamné (à leur place?) à sept ans en maison de correction chez les religieux. Une fois sorti, il n'aura de cesse de savoir qui a tué sa grand-mère et pourquoi? Le roman s'étale sur presque 25 ans. A la fin, il y aura eu pas mal de morts violentes accidentelles (dans sa famille). Se lit très agréablement.

Dans Chiens sales, (le mot chien désignant le flic au Québec), le personnage central est pour une fois une femme, Carmen Paradis. C'est la narratrice qui, de fil en aiguille, se retrouve impliquée dans un meurtre d'un ministre alors qu'elle était prête à mener une vie tranquille, retirée de tout, pour apprendre à jouer de la guitare. Elle croit rencontrer l'homme de sa vie en la personne d'un certain Roméo, on lui dit qu'elle a un cancer, elle a un grave accident. Sa mère lui casse les pieds (précédemment, elle a eu une aventure avec son ex-beau père). Et les chiens (flics) essayent de l'éliminer car elle pourrait être un témoin génant d'une de leur bavure. Tout finit très mal mais une fois encore j'ai passé un excellent moment à lire ce roman une page après l'autre.

Ces deux romans confirment que François Barcelo éprouve une certaine tendresse pour ses personnages marginaux, héros pitoyables et fatalistes.

9 février 2009

Un Juif pour l'exemple - Jacques Chessex

Ce livre court (93 pages) publié aux éditions Grasset est sous-titré "roman" par son l'auteur, Jacques Chessex (âgé de 8 ans à l'époque où les faits se déroulent). Il raconte ce qui s'est passé le 16 avril 1942 dans la petite ville de Payerne, dans le canton de Vaud, en Suisse. Avec ce récit romancé, on découvre que, dans ce pays que l'on croit neutre et pacifique, un Juif, au moins, a servi de victime expiatoire. En effet, dès le début de la seconde guerre mondiale, Payerne se trouve confrontée au marasme économique qui dure depuis les années 30. En 1939, après plusieurs faillites d'usines, plus de 10% de la population est au chômage. On impute la faute aux nantis, c'est-à-dire aux Juifs et aux francs-maçons. L'antisémitisme est vivace dans certains cantons et il est exacerbé par quelques personnes dont un pasteur (cité par Chessex). Hitler et le nazisme ont de chauds partisans. Fernand Ischi, garagiste à Payerne mais ouvrier non-qualifié, gagne-petit, un raté mais un Don Juan auprès des dames, fait partie du Mouvement National Suisse (Extrême-droite). Il devient membre actif du parti nazi et apprenti Gauleiter. Influencé par le pasteur Lugrin cité plus haut, Ischi va organiser une expédition punitive pour faire peur aux Juifs parasites. M. Arthur Bloch, marchand de bestiaux cossu (et qui faisait des envieux) a le malheur d'être choisi pour servir de bouc émissaire. Cela aurait dû être le début d'une série. Arthur Bloch, Juif bernois pratiquant, se rend régulièrement dans des foires (dont celle de Payerne) pour acheter des bovins. Il est attiré dans un guet-apens dans une étable et abattu par Ischi et 4 autres hommes à sa solde. Pour faire disparaître le corps, ils le coupent en morceaux, dispersés dans 4 récipients et jetés dans le lac voisin. Les morceaux de cadavre seront retrouvés 8 jours plus tard. Les coupables sont arrêtés, jugés et condamnés à de lourdes peines. Car Jacques Chessex, témoin indirect, a romancé un fait divers réel. A l'époque, il avait comme camarades de classe la fille aînée d'Ischi, ainsi que le fils du gendarme qui a arrêté celui-ci et le fils du juge qui l'a condamné. 20 ans plus tard, Jacques Chessex va croiser le pasteur Lugrin qui ne montre aucun remords. Chassex se sent sali de l'avoir rencontré. La femme d'Arthur Bloch (qui mourra 5 ans après son mari d'absolu désespoir) a fait graver une phrase sur la tombe de son mari: "Gott weiss warum" (Dieu sait pourquoi). Chessex retrace avec talent et sobriété ce triste fait divers. Même si c'est de l'histoire ancienne, ce crime est impardonnable.

21 janvier 2009

Polars québécois

Je vais évoquer quatre polars québécois, dont trois que j'ai achetés à la librairie du Québec située à Paris. Ceci fait suite à mon voyage au Canada effectué au mois de septembre 2008. Dans les quelques librairies où j'avais fureté (surtout dans la ville de Québec), j'avais découvert la grande richesse de la littérature québécoise au point de vue romans (policiers ou non).

La mue du serpent de terre de Benoît Bouthillette, Editions de la Bagnole, collection Parking (cela ne s'invente pas). Cette expression "Le serpent de terre" désigne, dans le roman, le métro montréalais. Benjamin Sioui, un policier amérindien, enquête sur "le suicide" d'une grand-mère "écrapoutie" (réduite en bouillie) qui se serait jetée sous une rame. L'intrigue est simple, mais c'est la langue qui ne l'est pas, avec les expressions québécoises, les tournures de phrases qui sont longues. Quand on l'a lu une fois (122 pages), cela vaut la peine de le reparcourir. Le roman est une "novella policière", selon ce qui est écrit sur la couverture.

Rouge idéal de Jacques Côté (Editions Alire) est en format de poche avec une jolie couverture "gothique". Le roman fait 430 pages. Jacques Côté situe son histoire dans la "vieille capitale", Québec. Daniel Duval, inspecteur de la Sûreté, mène l'enquête. D'après la 4ème de couverture, ce n'est pas la première enquête de cet inspecteur. Il a un coéquipier cloué dans un fauteuil roulant depuis une précédente aventure. Ce polar est d'une lecture agréable avec quelques incursions en salle d'autopsie dignes de Patricia Cornwell. Une oeuvre comme les Fleurs du mal de Baudelaire a une importance. Depuis que j'ai visité la ville de Québec, les noms de lieux évoqués comme le carré d'Yiouville me disent quelque chose. C'est d'une lecture plus classique que La mue... évoqué au-dessus.

Je finis avec L'ennui est une femme à barbe et Cadavres de François Barcelo (Gallimard Série Noire). Les deux romans se passent dans la province de Québec. L'ennui est une femme à barbe débute ainsi: "Ca commence mal: je me marie dans une demi-heure. Cela ne me tente pas tellement. Et si je peux vous parler franchement, cela ne me tente pas du tout. De me marier pour commencer. Avec Eliane, pour continuer. Mais je pense que cela serait pareil avec n'importe qui ou presque." Pour Cadavres: "Savez-vous quand j'ai commencé à regretter la mort de ma mère? C'est quand les premières gouttes de pluie se sont mises à dégouliner par le trou de balle dans le toit de la Pony [marque d'une voiture]". Dans les deux romans, le narrateur est le héros de l'histoire. Dans L'ennui..., il s'appelle Jocelyn Quévillon. Dans Cadavres, il se nomme Raymond Marchildon et il est narrateur jusque dans l'au-delà, après avoir été tué et enterré par sa soeur Angèle dans la cave d'un pavillon où cinq autres cadavres sont en train de pourrir. Cadavres est aussi le titre d'une émission télé dans lequel Angèle a plus brillé par son physique que par son talent. Les deux héros, Jocelyn et Raymond, sont des vrais "loosers", chômeurs mais qui prennent la vie comme elle vient. Ils sont attachants et pourtant... En revanche, les femmes n'ont pas vraiment le beau rôle: un peu castratrices. J'ai encore deux autres romans de François Barcelo à lire: Chiens sales ("chiens" pour nos "poulets" [flics]), et Moi, les parapluies... toujours dans la Série Noire Gallimard. Je vais m'y employer sous peu. (chroniqués le 01/03/2009)

13 janvier 2009

Duel en enfer - Bob Garcia

Premier livre lu parce que je suis identifiée en tant que blogueuse. Après les attachées de presse qui m'invitent à des avant-premières de films, les attachées de presse qui me proposent l'envoi de livres! Evidemment, la règle du jeu est d'en faire un billet. Je précise que je me considère comme tout à fait libre de dire ce que je pense réellement du livre, après l'avoir lu (lecture à laquelle je ne me serai sans doute pas astreinte autrement). Et si cela doit risquer d'entraîner l'arrêt de ce genre de proposition, tant pis... En ce qui concerne ce livre, Duel en enfer, il est paru aux Editions du Rocher. La bande rouge sur la couverture annonce: "Sherlock Holmes contre Jack l'Eventreur". Bien que ce roman se lise vite parce que le sujet est passionnant, il faut noter que l'ensemble manque de distinction dans le style imagé et souvent cru et dans certaines situations où les personnages se trouvent confrontés au sordide et au graveleux. On est loin du côté implicite et "bien élevé" des romans de Conan Doyle écrits à la fin du 19ème siècle. Tout est explicite. Bob Garcia en rajoute peut-être pour faire "moderne", cela fait "trash" comme on dit aujourd'hui. La limite de ce genre d'exercice, c'est de faire intervenir un personnage de fiction dans un fait divers réel. On n'est pas loin du pastiche. Au début de l'histoire, Holmes est mort depuis un moment et Watson a créé une fondation. Il se laisse convaincre, moyennant finance, de confier une partie de son journal inédit dans lequel est narrée l'enquête qu'ils (Holmes et Watson) ont menée d'août à novembre 1888 pour trouver qui était Jack l'Eventreur. Ce "journal" fait la part belle à la libido et aux cauchemars du pauvre docteur. Toujours est-il que quand je suis arrivée à la fin du roman qui nous délivre une thèse sur l'éventreur moyennement satisfaisante (en ce qui me concerne), je me suis dit que j'allais me replonger dans les aventures de Sherlock Holmes, ce dernier ayant été créé sous la plume de Conan Doyle en 1887 (un an avant l'affaire "Jack l'Eventreur"), mais aussi relire des ouvrages sur les thèses concernant Jack l'éventreur, et également regarder à nouveau les aventures de Sherlock Holmes filmées pour la télé avec l'acteur Jeremy Brett (dans le rôle du détective), à qui Bob Garcia dédie son ouvrage. J'ai en tout cas découvert après une petite recherche suite à la lecture de ce roman qu'il y avait eu un film (que je n'ai pas vu), Sherlock Holmes contre Jack l'Eventreur, de James Hill (1965); et qu'allait sortir au mois de mars 2009 avec ce même titre un jeu vidéo (je n'y joue pas).

5 janvier 2009

L'étage de Dieu - Georges Flipo

Suite à mes vaines recherches pour acheter dans une librairie L'Etage de Dieu aux éditions Jordan (2006), l'auteur m'a gentiment proposé de me l'envoyer. J'ai reçu l'ouvrage accompagnée d'une jolie dédicace. Merci Georges. J'avais décidé de le lire au vu du titre, et du sous-titre "Douze nouvelles à la gloire de la libre entreprise". J'ai vraiment beaucoup aimé le recueil dans son ensemble. Les nouvelles varient entre 7 et 15 pages. L'étage de Dieu est le titre de la première nouvelle. L'étage en question est le dernier d'un immeuble tout entier occupé par une société. Au septième se trouve le bureau du président, Achille Theodos (incarnation de Dieu), et plus loin se situe LA salle fermée à double tour où se dissimule peut-être un lourd secret. Tanguy, un jeune loup qui a gravi tous les échelons et les étages dans la hiérarchie, veut connaître le secret derrière la porte de LA salle: mal lui en prendra de le faire. Avec cette nouvelle, j'en retiens trois autres assez jubilatoires dont deux dans lesquelles les femmes sont les personnages déterminants. La première des trois s'appelle Dans la chaleur de la doc. Ce titre a une connotation un peu licencieuse pas du tout usurpée. Sophie, la responsable de la documentation, déploie des trésors d'imagination littéraire pour empêcher que son service ne disparaisse pour raison budgétaire. Pour Ad nutum (d'un signe de tête), Stéphanie Bouchard, directrice de marketing d'une compagnie (d'assurances?) rachetée par les Américains, deviendra calife à la place du calife, grâce à une lettre qu'elle envoie à un marionnettiste (avec 2 "n"). La troisième nouvelle, Le passage du Sphinx, met en scène Tzoum, diminutif de Hampartzoum (Ascension en arménien) Ter-Hovhannisian qui vient d'être admis à la Division des Produits Laitiers (avec des majuscules svp) de la société Compalim. Il n'est "que" diplômé d'une école de commerce de province alors que ses "gentils" collègues sortent de grandes écoles parisiennes. Tzoum a de bonnes idées mais il est en butte à la condescendance des autres. Le sphinx du titre est le patron omnipotent de la Compalim. C'est une exposition du peintre Vuillard qui permettra de "booster" la carrière de Tzoum, je ne vous dirai pas comment. Les huit autres nouvelles sont aussi réussies avec presque toujours des personnages principaux moins chanceux. La vie de l'entreprise n'est pas une sinécure. Pas de pitié pour les faibles! J'imagine très bien des films tirés de ces histoires. Le style des nouvelles est une fois de plus enlevé, pas un mot de trop. Georges Flipo va à l'essentiel. C'est un véritable plaisir de lecture. Le recueil a reçu un prix littéraire "A la découverte d'un écrivain du Nord-Pas-de-Calais". D'ailleurs l'avant-dernière nouvelle, Van Dupont, se passe à Lille. Messieurs les éditeurs, refaites paraître cet ouvrage! Il le mérite.

3 décembre 2008

Synghé sabour - Atiq Rahimi

Très très beau roman qui ressemble à un poème et que je verrais bien adapté au théâtre. Synghé sabour - pierre de patience est un livre brûlant de la rage d'une femme (dont on ne connaîtra jamais le nom) qui veille son mari. Celui-ci a été atteint d'une balle dans le bas de la nuque. Il n'est pas mort mais dans une sorte de coma. Dans leur maison, la femme le soigne comme elle le peut avec des perfusions d'eau sucrée. Le temps ne se compte pas en minutes ou en heures, mais avec les souffles de l'homme inconscient ou les grains de chapelet qui passent entre les doigts de la femme à mesure qu'elle prie, le Coran à ses pieds. Dehors, il y a des combats, il y a la guerre civile. Une des exergues du récit est une dédicace à une jeune poétesse afghane sauvagement assassinée par son mari. Pendant ce court roman ou récit (selon l'auteur), la femme est vindicative, elle dit ses frustrations. Elle dévoile quelques secrets bien gardés tous plus terribles les uns que les autres car ils pourraient mettre sa vie en danger (étant une femme dans un monde musulman). Elle se sert de ce gisant comme de "synghé sabour" (pierre de patience) c'est-à-dire une pierre magique dans la mythologie perse. On pose la pierre devant soi pour déverser ses malheurs, ses souffrances, ses douleurs, ses misères... La pierre écoute, absorbe comme une éponge tous les mots, tous les secrets jusqu'à ce qu'un beau jour elle éclate... Et ce jour-là, on est délivré. Je recommande vraiment ce magnifique texte qui se lit assez vite, il n'y a que 150 pages. Pour une fois, le prix Goncourt n'est pas usurpé. J'ai choisi de lire ce roman parce que justement il est court; que je suis admirative qu'un auteur d'origine afghane ait choisi d'écrire en français alors que ce n'est pas sa langue maternelle; et qu'Atiq Rahimi a réalisé un film que j'ai vu (et que je recommande), Terre et Cendres (2004). Chiffonnette dit du bien de ce roman.

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